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Date: 19980828

Dossier: 96-2868-IT-I

ENTRE :

JOSEPH H. KRONSTAL,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge O'Connor, C.C.I.

[1] Ces appels ont été entendus à Yellowknife (Territoires du Nord-Ouest) le 5 août 1998.

[2] Le seul témoin a été l'appelant lui-même.

Points en litige

[3] Il s'agit de savoir :

a) si l'appelant était en droit de déduire des frais d'intérêt de 1 660,73 $, de 1 456,29 $ et de 1 254,03 $ pour les années d'imposition 1992, 1993 et 1994, respectivement, à l'égard de fonds empruntés sur sa ligne de crédit personnelle et avancés à deux sociétés dont il était actionnaire;

b) si l'appelant était en droit de déclarer des pertes déductibles au titre d'un placement d'entreprise ( « PDTPE » ) de 4 391 $, de 9 300 $ et de 16 548,93 $ pour les années d'imposition 1992, 1993 et 1994, respectivement, à l'égard de fonds avancés à ces deux sociétés.

Faits

[4] Les principaux faits sont les suivants :

1. L'appelant était, avant 1987, conseiller auprès de la Northwest Territories Development Association et avait, à ce titre, fait valoir qu'il serait profitable à la collectivité qu'une exploitation laitière locale puisse être mise sur pied. À cette fin, il avait intéressé 48 investisseurs. Une exploitation comprenant 80 vaches était envisagée. Après un investissement important en temps et en argent, cette première entreprise, exploitée par l'intermédiaire d'une société appelée Agriborealis Ltd. ( « Agriborealis » ), avait échoué et avait été mise sous séquestre en 1987, principalement à cause de difficultés à satisfaire à des règlements en matière d'exploitation laitière se fondant sur des normes utilisées en Alberta. En 1988, la ville de Yellowknife (la « Ville » ) avait acheté au syndic de faillite d'Agriborealis le terrain qui avait été mis de côté pour l'exploitation laitière.

2. À peu près à la même époque, l'appelant avait été embauché par le service financier de la Ville. Il s'intéressait toujours à un projet laitier. Il avait fait en sorte que soient constituées la Tuaro Dairy Corporation Ltd. ( « Tuaro » ) en 1990 et la West Arctic Six Ltd. ( « West » ) en 1991. Les deux sont des sociétés privées sous contrôle canadien et sont admissibles comme sociétés exploitant une petite entreprise. La West avait initialement été conçue comme une entreprise de location de matériel laitier. Elle avait acheté le matériel et l'avait loué à la Tuaro. Un contrat de location avait été signé, et deux paiements locatifs avaient été effectués avant les événements décrits ci-après.

3. L'appelant était un actionnaire important (mais pas majoritaire) de la Tuaro et de la West et n'avait pas de lien de dépendance avec les deux sociétés. Il y avait plusieurs autres investisseurs dans les deux sociétés.

4. Au moins trois tentatives avaient été faites pour obtenir du financement pour l'exploitation laitière. Ces tentatives avaient échoué, et ce n'est qu'en 1995 que la Banque Canadienne Impériale de Commerce ( « CIBC » ) avait accepté d'accorder du financement, sous réserve de certaines conditions, y compris une garantie sur le matériel laitier et l'absence de dette de la Tuaro. Ainsi, le contrat de location de matériel laitier entre la Tuaro et la West avait été résilié, et la West avait cédé le matériel à la Tuaro en échange d'actions de cette dernière. L'entreprise devait être exploitée sur le terrain que la Ville avait loué à Tuaro pour une durée initiale de cinq ans, avec droits de renouvellement et droits d'achat en faveur de la Tuaro.

5. L'exploitation avait été lente à démarrer, à cause de divers problèmes, y compris des retards dans les tests de produits, ainsi que des problèmes relatifs au transbordage des vaches. L'exploitation avait finalement débuté en mai 1996. L'édition du 12 juin 1996 du « Yellowknifer » contenait un article annonçant l'arrivée dans les magasins des premières pintes de lait produites localement depuis des années et confirmait que, environ deux semaines plus tôt, l'usine de la Tuaro avait commencé à produire. Cet article décrivait ensuite l'exploitation, ainsi que le matériel neuf et efficace qui avait été installé.

[5] Avant de décrire les placements faits par l'appelant dans les sociétés, il est à noter que, pour diverses raisons, la Tuaro a été mise sous séquestre en mars 1998.

[6] L'appelant a investi dans les sociétés en acquérant des actions et en consentant des prêts. Dans ces appels, les frais d'intérêt et les PDTPE qui ont été indiqués ne se rapportent qu'aux fonds avancés sous forme de prêts. Tous les détails concernant les frais d'intérêt et les PDTPE qui ont été indiqués figurent aux annexes 1, 2 et 3 de la réponse à l'avis d'appel. En résumé, l'appelant a prêté les sommes suivantes à la Tuaro et à la West : 5 855 $ en 1992 (PDTPE : 5 855 $ x 3/4 = 4 391 $); 12 400 $ en 1993 (PDTPE : 12 400 $ x 3/4 = 9 300 $); 37 065,24 $ en 1994 (PDTPE : 37 065,24 $ x 3/4 = 27 798,93 $). Le ministre n'a pas admis les PDTPE indiquées pour 1992 et 1993 et a, pour 1994, admis 15 000 $ sur les 37 065,24 $ qui avaient été indiqués. Ainsi, concernant l'année 1994, la PDTPE en litige est de 16 548,93 $ (27 798,93 $ - 3/4 de 15 000 $, soit 11 250 $). Les 15 000 $ qui ont été admis se rapportaient à un règlement relatif à Agriborealis qui n'est pas en cause dans cet appel.

[7] L'appelant a déclaré dans son témoignage qu'il ne s'était jamais attendu à ce que les avances lui soient remboursées. Il les avait consenties aux fins du démarrage des sociétés, en s'attendant que les sociétés soient ultérieurement rentables et versent des dividendes.

[8] Au total, les frais d'intérêt indiqués par l'appelant étaient les suivants :

1992 3 276,29 $

1993 2 419,44 $

1994 3 172,74 $

Sur ces montants, le ministre a admis :

1992 1 615,56 $

1993 963,15 $

1994 1 918,71 $

Les montants suivants sont donc en litige :

1992 1 660,73 $

1993 1 456,29 $

1994 1 254,03 $

Dans une lettre accompagnant la nouvelle cotisation, le ministre dit que la raison pour laquelle il n'a pas admis les frais d'intérêt en litige est que « l'objet des fonds avancés par la CIBC sur la ligne de crédit personnelle n'a pas été établi par la documentation justificative présentée » . L'appelant a déclaré que les fonds qui lui avaient été avancés sur sa ligne de crédit personnelle avaient ensuite été avancés aux sociétés au même taux d'intérêt que celui que la CIBC lui demandait.

Arguments de l'appelant

(Toutes les dispositions mentionnées ci-après sont des dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » )).

[9] L'appelant soutient au sujet des intérêts que tous les frais d'intérêt qu'il a déclarés, y compris les montants en litige, se rapportaient à des avances consenties aux sociétés en vue de tirer un revenu d'une entreprise ou d'un bien. Le ministre a admis certains montants déclarés comme frais d'intérêt, mais n'a pas admis les parties de ces frais se rapportant à la « ligne de crédit personnelle » . L'appelant fait valoir que son témoignage établit clairement que, nonobstant la question de la ligne de crédit personnelle, les fonds qu'il a empruntés sur ce compte ont été avancés aux sociétés de la même manière que les autres sommes qui ont été avancées et à l'égard desquelles le ministre a admis les frais d'intérêt. L'appelant renvoie au bulletin d'interprétation de Revenu Canada IT-445, qui, soutient-il, appuie sa demande de déduction des frais d'intérêt. De l'aveu général, l'appelant a emprunté des sommes à la CIBC à un certain taux d'intérêt et a avancé ces sommes aux sociétés au même taux d'intérêt. Selon l'appelant, cela ne change toutefois rien au fait que les sommes ont été avancées en vue de tirer un revenu d'une entreprise ou d'un bien.

[10] Concernant les PDTPE, l'appelant fait référence au bulletin d'interprétation de Revenu Canada IT-484R2 à l'appui de sa demande de déduction. Il renvoie au fait qu'il a déclaré dans son témoignage qu'il s'était rendu compte qu'il ne recouvrerait jamais les sommes avancées. Dans ses déclarations de revenus pour 1992, 1993 et 1994, il avait indiqué ces avances comme créances irrécouvrables et avait déduit les PDTPE y afférentes. De plus, il avait avancé les fonds aux fins du démarrage des entreprises et ne s'attendait pas à en être remboursé, mais, une fois les sociétés exploitées à profit, celles-ci devaient lui rapporter des revenus sous forme de dividendes.

Arguments de l'intimée

[11] En ce qui a trait aux frais d'intérêt, l'intimée soutient que l'appelant n'a pas prouvé qu'il avait acquis une créance en vue de tirer un revenu d'une entreprise ou d'un bien. L'avocat de l'intimée fait remarquer que le taux d'intérêt demandé par l'appelant à l'égard des prêts consentis aux sociétés était le même que celui que l'appelant devait payer à la CIBC; il en conclut que les fonds n'ont pas été prêtés en vue de tirer un revenu d'une entreprise ou d'un bien.

[12] Pour ce qui est des PDTPE, l'avocat de l'intimée soutient que l'appelant n'a pas prouvé qu'il avait subi les pertes au sens de l'alinéa 39(1)c) de la Loi. Plus précisément, il soutient que l'appelant n'a pas subi une perte en capital résultant d'une disposition, à laquelle s'applique le paragraphe 50(1) de la Loi, d'un bien qui est une créance, car l'appelant n'a pas disposé de la créance. Il conclut que l'appelant n'est pas en droit de déduire les PDTPE qu'il a déclarées, car il ne répond pas aux conditions établies au paragraphe 50(1) et aux alinéas 39(1)c) et 40(2)g) de la Loi.

Analyse et décision

[13] Les passages importants des dispositions pertinentes de la Loi sont les suivants :

20 (1) Malgré les alinéas 18(1)a), b) et h), sont déductibles dans le calcul du revenu tiré par un contribuable d'une entreprise ou d'un bien pour une année d'imposition celles des sommes suivantes qui se rapportent entièrement à cette source de revenus ou la partie des sommes suivantes qu'il est raisonnable de considérer comme s'y rapportant :

[...]

c) [...] une somme payée au cours de l'année ou payable pour l'année (suivant la méthode habituellement utilisée par le contribuable dans le calcul de son revenu) [...] en exécution d'une obligation légale de verser des intérêts sur :

(i) de l'argent emprunté et utilisé en vue de tirer un revenu d'une entreprise ou d'un bien [...]

39 (1) Pour l'application de la présente loi :

[...]

c) une perte au titre d'un placement d'entreprise subie par un contribuable, pour une année d'imposition, résultant de la disposition d'un bien quelconque s'entend de l'excédent éventuel de la perte en capital que le contribuable a subie pour l'année résultant d'une disposition, après 1977 :

(i) [...] à laquelle le paragraphe 50(1) s'applique, [...]

d'un bien qui est :

(iii) soit une action du capital-actions d'une société exploitant une petite entreprise,

(iv) soit une créance du contribuable sur une société privée sous contrôle canadien [...] qui est :

(A) une société exploitant une petite entreprise, [...]

sur le total des montants suivants : [...]

40 (2) Malgré le paragraphe (1) :

[...]

g) est nulle la perte subie par un contribuable et résultant de la disposition d'un bien, dans la mesure où elle est :

[...]

(ii) une perte résultant de la disposition d'une créance ou d'un autre droit de recevoir une somme, sauf si la créance ou le droit a été acquis par le contribuable en vue de tirer un revenu (qui n'est pas un revenu exonéré) d'une entreprise ou d'un bien, ou en contrepartie de la disposition d'une immobilisation en faveur d'une personne avec qui le contribuable n'avait aucun lien de dépendance, [...]

50 (1) Pour l'application de la présente sous-section, lorsque, selon le cas :

a) un contribuable établit qu'une créance qui lui est due à la fin d'une année d'imposition [...] s'est révélée être au cours de l'année une créance irrécouvrable;

b) une action [...]

le contribuable est réputé avoir disposé de la créance ou de l'action à la fin de l'année pour un produit nul et l'avoir acquise de nouveau immédiatement après à un coût nul.

[14] Les extraits suivants des bulletins d'interprétation pertinents sont utiles.

IT-445

Observations générales

3. Les frais d'intérêt sur l'argent emprunté pour consentir un prêt à un taux d'intérêt raisonnable ou pour honorer une garantie qui a été donnée moyennant une contrepartie suffisante sont généralement déductibles. Cependant les frais d'intérêt sur l'argent emprunté ne sont généralement pas déductibles, soit en totalité soit en partie, lorsque cet argent:

a) est prêté sans intérêt ou à un taux d'intérêt inférieur à un taux raisonnable; [...]

6. Il ne sera pas considéré qu'un prêt a été consenti à un taux d'intérêt raisonnable si un actionnaire emprunte de l'argent avec intérêt et le prêt[e] à une corporation dont il est actionnaire ou à une corporation filiale contrôlée ( « la filiale » ) à un taux d'intérêt inférieur à celui auquel le prêt lui a été consenti.

Exceptions

7. Nonobstant les observations des numéros 3, 5 et 6 ci-dessus, lorsqu'un contribuable emprunte de l'argent avec intérêt et le prête à une corporation canadienne dont il est actionnaire [...] à un taux d'intérêt inférieur à un taux raisonnable (ou sans intérêt), le Ministère lui permettra en général de déduire la totalité des frais d'intérêt si les conditions suivantes sont respectées:

a) le produit de l'emprunt est utilisé par la corporation dans le cadre de ses propres activités en vue de tirer un revenu d'une entreprise ou d'un bien qui sera assujetti à l'impôt de la Partie I au Canada, ou [...]

b) la corporation a tout fait en son pouvoir pour obtenir les fonds nécessaires par l'intermédiaire des marchés monétaires commerciaux courants, mais ne peut obtenir de financement, sans la garantie consentie par l'actionnaire, à des taux d'intérêt auxquels l'actionnaire peut emprunter, et

c) le prêt de l'actionnaire à la corporation à un taux d'intérêt inférieur à un taux raisonnable (ou sans intérêt) ne confère pas à l'actionnaire ou à la corporation un avantage fiscal indu. [...]

[...]

IT-239R2

5. De même, l'argent prêté à un taux d'intérêt raisonnable constitue une créance acquise en vue de tirer ou de produire un revenu et toute perte en capital subie parce que la créance est devenue irrécouvrable n'est généralement pas réputée être nulle aux fins du sous-alinéa 40(2)g)(ii). Selon le Ministère, l'argent n'a pas été prêté à un taux d'intérêt raisonnable si un contribuable emprunte de l'argent et le prête à une corporation dont il est actionnaire ou à une corporation filiale contrôlée ( « la filiale » ) à un taux d'intérêt inférieur à celui auquel le prêt lui a été consenti.

[...]

IT-484R2

Résumé

Une perte au titre d'un placement d'entreprise est fondamentalement une perte en capital qui résulte de la disposition d'une action ou d'une dette d'une société exploitant une petite entreprise à laquelle s'applique le paragraphe 50(1) ou en faveur d'une personne avec laquelle le contribuable n'avait aucun lien de dépendance. Les trois quarts du montant de cette perte constituent une perte déductible au titre d'un placement d'entreprise.

Contrairement aux pertes en capital déductibles ordinaires, une perte déductible au titre d'un placement d'entreprise pour une année d'imposition donnée peut être déduite de toutes les sources de revenus pour l'année en question. En règle générale, une perte déductible au titre d'un placement d'entreprise qui ne peut pas être déduite durant l'année où elle est subie est considérée comme une perte autre qu'une perte en capital. Celle-ci peut être déduite du revenu imposable des trois années avant et des sept années après l'année où elle est subie. Si cette perte n'est pas déduite à la fin de la période de report de sept ans, nous la considérerons comme une perte en capital nette, pouvant être déduite des gains en capital imposables d'un nombre indéfini d'années après qu'elle a été subie.

Les pertes en capital ordinaires déductibles pour une année d'imposition donnée peuvent être déduites uniquement des gains en capital imposables réalisés dans l'année en question. Si le montant des pertes en capital déductibles est supérieur à celui des gains en capital imposables, la différence constitue une perte en capital nette pouvant être reportée aux trois années avant et à un nombre indéfini d'années après qu'elle a été subie et déduite uniquement des gains en capital imposables.

Les règles applicables à une perte au titre d'un placement d'entreprise visent à encourager les investissements dans les sociétés exploitant une petite entreprise en accordant un traitement fiscal plus généreux dans le cas de ces pertes que dans le cas des pertes en capital ordinaires.

Ce bulletin traite des diverses dispositions de la Loi où l'on détermine ce qui constitue, pour un contribuable, une perte déductible au titre d'un placement d'entreprise pour une année d'imposition donnée ainsi que la déductibilité d'une telle perte.

Discussion et interprétation

1. Conformément à l'alinéa 38c), une « perte déductible au titre d'un placement d'entreprise » est égale aux trois quarts d'une « perte au titre d'un placement d'entreprise » définie à l'alinéa 39(1)c). Pour qu'un montant soit admissible comme perte au titre d'un placement d'entreprise, il doit d'abord constituer une perte en capital. Par conséquent, lorsqu'une transaction ne donne pas lieu à une perte en capital ou lorsqu'une perte en capital est réputée être nulle (notamment en vertu de l'alinéa 40(2)g), il ne peut pas y avoir de perte au titre d'un placement d'entreprise.

Même si une perte au titre d'un placement d'entreprise pour une année donnée doit d'abord être admissible comme perte en capital, un contribuable ne peut pas traiter cette perte comme une perte en capital pour l'année plutôt qu'une perte au titre d'un placement d'entreprise.

[...]

3. Une perte au titre d'un placement d'entreprise d'un contribuable peut résulter de la disposition des éléments suivants:

a) d'une action d'une société exploitant une petite entreprise;

b) d'une dette qu'une société privée sous contrôle canadien doit payer au contribuable (sauf dans les cas indiqués au numéro 5 ci-dessous).

Pour qu'une perte résultant de la disposition d'un tel bien soit admissible comme perte au titre d'un placement d'entreprise, il faut que la disposition ait été effectuée en faveur d'une personne qui n'a aucun lien de dépendance avec le contribuable ou qu'elle soit réputée être survenue dans les circonstances décrites au paragraphe 50(1) (voir le numéro 6 ci-dessous). [...]

[...]

6. Conformément au paragraphe 50(1), un contribuable est réputé avoir disposé d'une dette ou d'une action d'une société à la fin de l'année pour un produit nul et l'avoir acquise de nouveau immédiatement après à un coût nul dans les circonstances suivantes:

dans le cas d'une dette (autre qu'une dette résultant de la vente d'un bien à usage personnel) si elle est payable au contribuable à la fin de l'année d'imposition et que le contribuable détermine, durant l'année, qu'elle est une créance irrécouvrable; [...]

[15] En ce qui a trait aux montants non admis comme frais d'intérêt, le ministre n'a refusé que les parties de ces frais se rapportant à la ligne de crédit personnelle. L'appelant (dont la crédibilité est reconnue sans réserve) a déclaré que, bien que les sommes aient été empruntées à la CIBC sur sa ligne de crédit personnelle, elles sont toutes allées dans les sociétés et ont été avancées en vue de tirer un revenu d'une entreprise ou d'un bien. Je ne crois pas que le fait que ses frais d'intérêt sur l'argent qu'il avait emprunté à la CIBC étaient égaux aux frais d'intérêt qu'il demandait aux sociétés change quoi que ce soit à son intention de gagner un revenu par suite des avances de fonds. On renvoie aux bulletins d'interprétation (les « bulletins » ) précités. Le taux demandé aux sociétés était un taux raisonnable, et les bulletins étayent la thèse de l'appelant. En conclusion, je ne doute nullement du fait que les sommes avancées aux sociétés (bien que correspondant à des fonds avancés par la CIBC sur la ligne de crédit personnelle de l'appelant) ont été avancées aux sociétés en vue de gagner un revenu et étaient bel et bien déductibles.

[16] Concernant les PDTPE qui ont été indiquées, l'appelant n'a pas cédé les créances à un tiers pour une contrepartie nulle ou minime et n'a pas non plus renoncé à la créance ou épuisé tous les recours juridiques pour se faire payer. La cause de l'appelant aurait été plus forte si l'une quelconque de ces mesures avait été prise. Néanmoins, je suis convaincu que l'appelant a, comme l'exige le paragraphe 50(1), établi que les créances s'étaient révélées être au cours des années en question des créances irrécouvrables. À mon avis, l'appelant est réputé avoir disposé des créances, car son témoignage, non contesté, établit que les créances étaient irrécouvrables. L'appelant savait qu'il ne pourrait recouvrer les avances. Il les a considérées comme irrécouvrables et a produit ses déclarations de revenu en conséquence. Il a déclaré qu'il ne s'était jamais attendu à recouvrer l'argent (après l'échec des tentatives initiales pour obtenir du financement). Donc, les créances se sont révélées irrécouvrables. L'appelant avait, comme il l'a expliqué, avancé ces fonds pour assurer la survie des entreprises et s'attendait à des rentrées d'argent sous forme de dividendes. Les sommes qui ont été avancées l'ont été pour payer les frais de démarrage et pour assurer la poursuite des entreprises jusqu'à ce que celles-ci puissent réaliser un bénéfice. Comme le dit le bulletin IT-484R2, les « règles applicables à une perte au titre d'un placement d'entreprise visent à encourager les investissements dans les sociétés exploitant une petite entreprise en accordant un traitement fiscal plus généreux dans le cas de ces pertes que dans le cas des pertes en capital ordinaires » . Si tel en est l'objet, la situation de l'appelant commande l'application des règles.

[17] En outre, je ne crois pas que le sous-alinéa 40(2)g)(ii) s'applique de manière à rendre la perte nulle. À mon avis, l'appelant a prouvé que les avances avaient été consenties en vue de tirer un revenu d'une entreprise ou d'un bien; de plus, aucun élément relatif à l'existence d'un lien de dépendance n'était en cause.

[18] J'estime que les propos suivants tenus par le juge Rip dans l'affaire Business Art Inc. v. M.N.R., 86 DTC 1842, à la page 1848, s'appliquent a fortiori aux appels considérés dans la présente espèce :

Cependant, si aucun intérêt n'a été demandé, je ne crois pas que cela porterait un coup fatal à la deuxième prétention de l'appelante. Le fait qu'aucun intérêt n'ait été demandé sur les créances en cause n'est pas pertinent au fait de savoir si elles ont été acquises en vue de tirer ou de faire produire un revenu. Voir l'affaire La Reine c. Lalande et Watelle, 84 DTC 6159 à la page 6164. Il n'est pas inhabituel qu'un actionnaire prête de l'argent sans intérêt et sans garantie à une société parce qu'il prévoit que les prêts aideront la société à gagner un revenu et à lui verser un revenu sous forme de dividendes; le prêt est fait en vue de tirer un revenu d'un bien. Bien que l'actionnaire soit créancier de la société en lui avançant de l'argent, il ne considère pas cette avance à la société et sa souscription à des actions de la société comme des placements distincts dans deux secteurs complètement étanches; il voit plutôt que son argent est placé dans deux secteurs qui se rejoignent pour n'en former qu'un seul pour les besoins de la société. L'achat d'actions et l'avancement de fonds à une société sont deux façons d'y faire des placements. Cette interprétation est raisonnable.

De même, l'actionnaire d'une entreprise qui a peut-être constitué la société en vue d'acquérir un produit à un prix réduit et donc réduire ses propres frais peut avancer de l'argent sans intérêt à la société afin de lui permettre de fonctionner comme prévu; dans cet exemple, même si l'actionnaire ne consent pas de prêt en vue de faire produire un revenu à son entreprise, par le biais de coûts réduits, le prêt sert à tirer un revenu d'un bien, c'est-à-dire à recevoir des dividendes sur les actions qu'il possède dans la société. Il n'est pas inhabituel pour une personne de faire des placements dans une société en souscrivant à un capital-actions et en prêtant de l'argent sans intérêt; en ce qui le concerne, les actions et ses prêts constituent un seul placement et si par la suite, on lui demande d'avancer d'autres fonds sans intérêt, il ne fait qu'augmenter son placement. Je ne puis souscrire au principe selon lequel dans un exemple de ce genre, les prêts qui ne portent pas intérêt ne sont pas engagés en vue de tirer un revenu d'un bien; si les prêts n'avaient pas été avancés, la société aurait pu faire faillite et les actions auraient perdu toute valeur. Il est clair que les prêts ont été consentis pour tirer un revenu d'un bien, c'est-à-dire placer la société dans une situation où elle ferait des bénéfices et paierait des dividendes.

[19] Il est à noter que l'appelant n'a indiqué aucune perte au titre de sommes investies pour acquérir des actions des sociétés. Il n'a indiqué que des pertes relatives aux créances qui se sont révélées irrécouvrables. On peut en conclure que l'appelant ne considérait pas qu'il avait subi une perte au titre des actions, car il s'attendait que les sociétés soient exploitées et qu'elles génèrent des recettes, mais il considérait qu'il avait subi une perte au titre des créances, sachant qu'il ne pourrait les recouvrer.

[20] Ces appels ne se seraient peut-être pas rendus jusqu'à l'étape du procès si le ministre s'était rendu compte avant le procès que certaines des principales hypothèses de la réponse à l'avis d'appel seraient réfutées. Je renvoie particulièrement aux hypothèses selon lesquelles l'appelant était un actionnaire majoritaire de la Tuaro, qu'il avait un lien de dépendance avec la Tuaro ou la West et que la Tuaro et la West n'avaient pas commencé à exploiter leurs entreprises.

[21] J'ajoute incidemment que, si, comme l'a déclaré l'appelant, la Tuaro a été mise sous séquestre en 1998 et que l'appelant en détenait alors encore des actions, il y aurait vraisemblablement une perte au titre des actions pour 1998. En outre, si j'ai tort de conclure que les pertes relatives aux créances ont été subies en 1992, en 1993 et en 1994, de telles pertes se matérialiseraient vraisemblablement en 1998, ce qui permettrait à l'appelant de les indiquer pour cette année-là et/ou de les reporter rétrospectivement sur trois ans ou prospectivement comme le prévoit l'article 111 de la Loi.

[22] En conclusion, pour tous les motifs énoncés précédemment, les appels sont admis, et la question est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations, compte tenu du fait que l'appelant était en droit de déduire les frais d'intérêt et les PDTPE indiqués pour les années 1992, 1993 et 1994.

Signé à Ottawa, Canada, ce 28e jour d'août 1998.

« T. P. O'Connor »

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 22e jour d’octobre 1999.

Mario Lagacé, réviseur

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