Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 19990412

Dossiers: 98-204-UI; 98-29-CPP

ENTRE :

P. & P. DATA SYSTEMS INC.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifs du jugement

Le juge suppléant MacLatchy, C.C.I.

[1] Les présents appels ont été entendus à Toronto (Ontario) le 18 février 1999.

[2] Les appels portent sur la décision du ministre du Revenu national (le « ministre » ) selon laquelle l'appelante aurait dû verser des cotisations au titre de l'assurance-chômage et du Régime de pensions du Canada à l'égard de Timothy Lasebnik (le « travailleur » ).

[3] Une cotisation a été établie à l'égard de l'appelante par suite de son omission de verser les cotisations susmentionnées à l'égard du travailleur.

[4] Les montants des cotisations qui n'ont pas été versées correspondent aux montants indiqués dans chacune des réponses aux avis d'appel, plus particulièrement au paragraphe 5 de chacune des réponses.

[5] M. Albert Pinhas et son épouse Miriam Pinhas possèdent, exploitent et contrôlent l'appelante, une société qui se spécialise dans la recherche et le développement relativement à des logiciels à l'usage des médecins et des centres médicaux et qui offre également un service de vente et d'après-vente pour ces logiciels.

[6] L'appelante a embauché le travailleur pour vendre ses produits en Ontario, conformément aux ententes écrites conclues de temps à autre par les parties.

[7] Le travailleur a exercé ses activités pendant un certain temps sous le nom de TL Medical Consultants Inc. puis, plus récemment, sous son propre nom.

[8] Aux termes des ententes écrites, dont certaines ont été produites en preuve, le travailleur recevait des commissions sur les ventes des produits de l'appelante dans un territoire de vente exclusif qui comprenait Hamilton et Oakville-Burlington et qui s'étendait vers Niagara Falls et Fort Erie jusqu'à Brantford. Pour conserver l'exclusivité de ce territoire, le travailleur devait réussir à tirer chaque année les revenus de vente minimums prévus. Ce dernier pouvait également vendre les produits dans la communauté urbaine de Toronto ainsi qu'à tout autre endroit où l'appelante offrait un service d'après-vente. Chaque mois, le travailleur devait faire rapport de ses activités et fournir un état de ses frais. L'appelante lui remettait une liste de prix des produits, liste qui devait être tenue à jour. Le travailleur pouvait vendre les produits à un prix plus élevé que le prix de vente suggéré, augmentant ainsi ses revenus de commissions; il devait toutefois obtenir l'autorisation de l'appelante s'il voulait vendre les produits à un prix inférieur au prix suggéré. L'appelante lui versait une indemnité de voiture, soit entre 400 $ et 500 $ par mois. L'appelante avait incité le travailleur à ouvrir un bureau dans sa résidence personnelle et avait accepté de payer une ligne téléphonique distincte qui devait servir de ligne d'affaires de l'appelante dans le territoire en question; on devait répondre au téléphone au nom de l'appelante. L'appelante avait également fourni au travailleur un ordinateur, un télécopieur, une imprimante, un téléphone cellulaire, une carte d'appel et un répondeur téléphonique, ainsi que du papier à lettres et des cartes professionnelles au nom de l'entreprise de l'appelante. Le travailleur avait droit aux régimes de soins médicaux et de soins dentaires offerts sans frais par l'appelante.

[9] Selon le témoignage de M. Albert Pinhas, qui était l'agent de liaison de l'appelante auprès du travailleur, la relation existant entre l'appelante et le travailleur n'était de toute évidence pas une relation employeur-employé. Le témoin soutenait que l'appelante n'exerçait aucun contrôle sur le travailleur en ce qui a trait à ses heures de travail ou à la méthode ou au style de vente des produits. Il soutenait qu'une supervision minimale était exercée et que l'appelante ne pouvait efficacement faire respecter l'obligation de faire rapport. Même si le travailleur devait uniquement toucher des commissions sur les ventes, l'appelante lui avait versé pendant un certain nombre de mois un minimum mensuel garanti de 1 500 $, montant qui était porté en diminution de ses commissions. C'est le travailleur qui avait demandé qu'on lui verse un tel montant, pour des raisons qui n'ont en l'espèce pas d'incidence. M. Pinhas croyait fermement que le travailleur était un entrepreneur indépendant.

[10] Le travailleur a affirmé avec la même fermeté qu'il était tout sauf un employé. Il était en communication constante, presque quotidienne, avec l'appelante, par l'intermédiaire de M. Pinhas ou du fils de ce dernier, lesquels étaient tous deux ses superviseurs immédiats. Son superviseur suivait de près son travail, par le biais de listes de médecins et d'hôpitaux que l'appelante avait remises au travailleur pour qu'il les contacte; celui-ci devait en outre faire rapport des résultats des contacts qu'il établissait. Fréquemment, M. Pinhas et son fils Moishe, ou l'un des deux, l'accompagnaient lorsqu'il se rendait auprès des clients. Lorsqu'il a commencé ses activités pour l'appelante, le travailleur faisait parvenir des factures à cette dernière sans charger de T.P.S., et ce n'est qu'après avoir reçu des recommandations de son comptable quant à la méthode de facturation qu'il s'est inscrit aux fins de la T.P.S. et qu'il a ajouté cette taxe sur chaque facture. C'est l'appelante qui avait exigé que les comptes soient établis d'après les factures, ce qui lui permettait d'avoir un document commercial à jour rédigé par le travailleur. Ce dernier était une personne consciencieuse qui avait adopté une stratégie axée sur les ventes et qui se passionnait pour son travail. Il pouvait travailler à toute heure du jour et de la nuit lorsqu'il s'agissait de conclure des ventes pour l'appelante, et ne prenait congé que s'il estimait que ses ventes n'en souffriraient pas. Il jouissait du style de vie que ses excellents revenus de commissions lui permettaient d'avoir.

[11] Les faits établis en preuve doivent maintenant être évalués en fonction du critère à quatre volets proposé par la jurisprudence, notamment l'arrêt Wiebe Door Services Ltd. v. M.N.R., 87 DTC 5025.

Contrôle

[12] M. Albert Pinhas soutient qu'il n'avait réellement aucun contrôle sur les heures de travail que le travailleur consacrait à l'entreprise de l'appelante. Ce dernier a indiqué qu'il était l'objet d'une étroite surveillance, en raison des contacts quotidiens qu'il avait avec l'appelante et de sa méthode de facturation et des contrats qu'il soumettait à l'approbation de cette dernière. Bien qu'elle ait demandé au travailleur de produire des rapports mensuels, l'appelante prétend que ceux-ci n'ont pas été fournis; elle aurait pourtant pu obliger le travailleur à satisfaire à cette exigence, qui était prévue dans l'entente que les deux parties avaient conclue, mais a décidé de ne pas le faire. La preuve démontre clairement que l'appelante exerçait un contrôle sur le travailleur mais que, pour une raison ou pour une autre, elle ne l'exerçait pas pleinement. La Cour croit que l'appelante respectait le travailleur et appréciait sa conscience professionnelle et que la relation existant entre les parties aurait pu être altérée par l'exercice d'un contrôle trop soutenu. L'appelante payait l'indemnité de voiture, tous les coûts reliés à la ligne d'affaires du travailleur ainsi que l'assurance-soins dentaires et l'assurance-soins médicaux de ce dernier. L'appelante fournissait les listes de prix de ses produits et avait exigé que le travailleur signe une entente de non-divulgation. Elle pouvait exiger que le travailleur fasse certains appels, en lui fournissant de longues listes d'interlocuteurs. Les heures de travail régulières du travailleur ne faisaient pas l'objet d'une surveillance, mais ce dernier devait répondre au téléphone installé dans sa résidence au nom de l'appelante tous les jours de la semaine (sauf les week-ends) entre 9 h et 17 h. Le critère du contrôle indique qu'il s'agissait d'une relation employeur-employé.

Instruments de travail

[13] L'appelante avait fortement encouragé le travailleur à utiliser sa résidence comme bureau, qu'elle avait pourvu de tout le matériel nécessaire aux fins de son travail. L'appelante fournissait tous les instruments dont le travailleur avait besoin pour exercer ses activités de représentant de commerce, sauf la voiture; plutôt que de fournir une voiture, l'appelante versait une généreuse indemnité de voiture. La question de la propriété des instruments de travail milite de façon concluante en faveur d'une relation employeur-employé.

Chance de profit et risque de perte

[14] La situation n'est pas aussi claire qu'elle pourrait l'être à cet égard, puisque le travailleur pouvait tirer avantage du volume des ventes pourvu qu'il contrôlât ses dépenses. Dans une certaine mesure, il pouvait tirer un profit ou subir une perte, selon l'énergie qu'il mettait dans son travail.

[15] Le travailleur n'avait au plan financier aucun intérêt dans l'entreprise de l'appelante et ne partageait ni les profits ni les pertes de cette dernière, si ce n'est qu'il travaillait pour une entreprise qui avait du succès et qu'il aurait perdu son emploi si tel n'avait pas été le cas.

Intégration

[16] Il n'y a guère de doute qu'un ensemble de représentants efficaces constituait un élément essentiel de l'entreprise de l'appelante. Pour faire connaître ses produits aux clients éventuels, l'appelante devait compter sur des représentants qui s'y connaissaient. L'appelante a déclaré que la plupart de ses représentants de commerce étaient des employés, et une copie de l'entente qu'elle concluait avec ceux-ci a été produite en preuve. Les modalités figurant dans cette entente étaient plus élaborées que celles figurant dans l'entente conclue avec le travailleur, mais l'appelante avait le droit de procéder ainsi, quelle qu'aient été ses raisons. Le nom du travailleur figurait parmi les représentants de commerce qui recevaient les notes de service de l'appelante, et celle-ci présentait le travailleur à ses clients comme « directeur régional » . Le travailleur a toujours cru qu'il était un employé et qu'on le contraignait à percevoir ses commissions aux moyens d'états de factures et de comptes de frais. C'était la façon de procéder à laquelle le travailleur s'opposait le moins. Le travailleur avait déposé des plaintes, mais celles-ci avaient été déférées à l'appelante pour qu'elle trouve une solution et s'occupe du suivi. Le travailleur vendait les produits mais l'appelante se chargeait de leur installation et de la formation des clients. On s'attendait à ce que le travailleur assiste aux séances de formation portant sur l'utilisation des nouveaux produits ainsi qu'aux présentations et aux foires commerciales où les produits de l'appelante étaient montrés au grand public.

[17] Ce critère indique à la Cour que l'entreprise était celle de l'appelante mais que le travailleur était étroitement lié à l'entreprise et que son travail était intégré à cette entreprise. L'appelante prétendait que le travailleur était un entrepreneur indépendant mais, par ses actions et la relation telles que la preuve l'a établi en l'espèce, elle le traitait comme un employé du service des ventes. Le contrat conclu par les parties était un contrat de louage de services et non un contrat d'entreprise.

[18] Appliquant ces critères, je conclus que la relation entre l'appelante et le travailleur était une relation employeur-employé et que ce dernier exerçait un emploi assurable aux termes de la Loi sur l'assurance-chômage et du Régime de pensions du Canada.

[19] Les appels sont rejetés et les évaluations du ministre sont confirmées.

Signé à Toronto (Ontario), ce 12e jour d'avril 1999.

W. E. MacLatchy

J.S.C.C.I.


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 26e jour de janvier 2000.

Benoît Charron, réviseur

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