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Date: 19990317

Dossier: 96-4400-GST-G

ENTRE :

SKYLINK VOYAGES INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Archambault, C.C.I.

[1] Durant la période pertinente, soit du 1er septembre 1991 au 31 juillet 1995, Skylink Voyages Inc. (Skylink) exploitait une agence de voyages de gros. Essentiellement, elle agissait comme intermédiaire entre des sociétés aériennes et des agences de voyages de détail (agences de détail). Le ministre du Revenu du Québec, pour le compte du ministre du Revenu national (ministre), a établi en vertu de la Loi sur la taxe d’accise (Loi) un avis de cotisation à l’égard de la période pertinente. Le ministre a déterminé que Skylink aurait dû percevoir la taxe sur les produits et services (TPS) relativement à des frais de recouvrement (frais de recouvrement) de sommes dues par des émetteurs de cartes de crédit (émetteurs) et à des frais d’annulation (frais d'annulation) de réservation de siège d'avion, facturés aux agences de détail.

[2] Dans son avis d’appel, Skylink prétend qu’aucune TPS n’est due à l’égard des frais de recouvrement parce qu’il s’agirait d’un service financier qui n’est pas assujetti à la TPS. Quant aux frais d’annulation, elle prétend qu’il s’agit de services détaxés car ils se rapportent à des voyages dont la destination est à l’extérieur du Canada et des États-Unis. Lors de sa plaidoirie à l'audience, Skylink a laissé tomber ce dernier argument et a plutôt prétendu qu'elle n'avait fourni aucun service et que, par conséquent, elle n'était pas tenue de percevoir la TPS à l'égard des frais d'annulation.

Faits

[3] Skylink est un fournisseur inscrit aux fins de l’application de la Loi. Pour mieux comprendre la nature des services que Skylink a fournis et qui font l’objet du litige, il est utile de décrire le contexte dans lequel elle les a fournis. De façon générale, lorsqu’un client désire faire un voyage par avion à l’extérieur du Canada, il communique avec une agence de détail. Cette agence s’adresse alors à Skylink pour réserver un siège d'avion auprès d’une société aérienne. Pour répondre aux besoins du client en question, Skylink consulte par ordinateur le système de réservation de différentes sociétés aériennes. Une fois qu’elle a trouvé un vol pouvant convenir au client de l'agence de détail, Skylink réserve un siège pour une période de dix jours et en avise l’agence de détail.

[4] Si cette réservation convient au client, l'agence de détail lui demande alors d’acquitter le prix du billet. Ce paiement se fait habituellement par carte de crédit. Parfois, l’agence de détail n'a pas d'entente avec l'émetteur de la carte de crédit utilisée par son client et elle demande alors à Skylink d’agir comme intermédiaire pour réclamer à l'émetteur le prix du billet d’avion. C’est donc Skylink - et non l’agence de détail comme ce serait normalement le cas - qui apparaît comme le marchand sur la facturette, soit le petit reçu attestant le paiement par carte de crédit.

[5] C’est aussi Skylink qui émet le billet d’avion pour le compte de la société aérienne choisie. Sur le billet, on peut lire, en plus des renseignements usuels, la mention suivante : « Skylink Voyages / Agent / Coupon / Agence » . Selon les ententes avec les sociétés aériennes, Skylink reçoit une commission de la société aérienne pour l’émission de ce billet. Cette rémunération apparaît sous la rubrique « commission » sur les copies de billets qui ont été produites comme pièces à l’audience[1].

[6] Skylink transmet par la suite à l’agence de détail le billet de même qu'une facture sur laquelle apparaît de façon distincte le prix du billet ainsi que le montant des taxes et des frais de recouvrement. Dans ce dernier cas, il s’agit d’une somme forfaitaire de 15 $ qui, selon l'estimation de Skylink, ne fait que lui rembourser l'escompte, soit entre 2,2% et 3%, que l'émetteur déduit du montant de la facturette. Selon madame Micheline Sinnett, une employée de Skylink, celle-ci ne tirerait aucun bénéfice de ces frais de recouvrement. Toutefois, madame Sinnett n'a pas fourni de chiffres ni de pièces à l'appui.

[7] Madame Sinnett a confirmé que Skylink, dans certaines circonstances, devait assumer la perte résultant soit du non-paiement du montant de la facturette par un émetteur ou, si le paiement avait été effectué, du remboursement du montant à cet émetteur par Skylink. Cette situation peut se produire si un client a commandé son billet par téléphone, qu'il n'a pas signé la facturette et qu'il refuse de reconnaître avoir utilisé sa carte de crédit pour ce billet d’avion. Dans ces circonstances, les émetteurs donnent le bénéfice du doute au client. Skylink demande alors à l’agence de détail de lui rembourser le montant que l'émetteur refuse de payer ou que Skylink a dû rembourser à l'émetteur. Toutefois, si l’agence de détail a fait faillite ou que, pour quelque autre raison, il devient impossible de se faire rembourser par l’agence de détail, c’est Skylink qui doit assumer la perte.

[8] Si un passager décide d’annuler la réservation d'un siège d’avion peu de temps après la réservation, généralement moins d’une semaine, l’agence de détail doit payer des frais à Skylink. Ces frais apparaissent aussi de façon distincte sur la facture transmise par Skylink à l’agence de détail. Ils peuvent être indiqués comme une pénalité, comme des frais d’annulation ou encore, lorsque le billet annulé est remplacé par un autre, comme des frais de remplacement. Le montant de ces frais est généralement convenu d’avance entre l’agence de détail et Skylink, soit lorsque le billet est commandé par l’agence de détail. Lorsque la réservation d'un siège d'avion est annulée dans de telles circonstances, Skylink ne reçoit aucune commission des sociétés aériennes puisque aucun billet n'a encore été émis. Si l'annulation survient après que le billet d'avion a été émis, les frais d'annulation ne sont dus qu'à la société aérienne. L'agence de détail n'a pas alors à payer de pénalité à Skylink.

Analyse

Frais d'annulation

[9] J'aimerais tout d'abord traiter de la question des frais d'annulation, qui m'apparaît la plus facile. Le procureur de Skylink prétend que les frais d'annulation ne sont assujettis à aucune TPS parce qu'il n'y aurait eu aucune fourniture taxable, dont l'existence constituait la condition essentielle à l'application de la taxe prévue à l'article 165 de la Loi.

[10] Il est parfaitement clair qu'aucune TPS n'est à payer si aucune fourniture taxable n'a été effectuée par Skylink. Par conséquent, il faut déterminer ici si une telle fourniture a été effectuée. À l'article 123 de la Loi, on définit « fourniture taxable » comme une « fourniture effectuée dans le cadre d'une activité commerciale » . Au même article, une « fourniture » est définie de la façon suivante : « Sous réserve des articles 133 et 134, livraison de biens ou prestation de services, notamment par vente, transfert, troc, échange, louage, licence, donation ou aliénation. »

[11] Analysons le cadre juridique dans lequel Skylink offre ses services. L'entreprise de Skylink consiste à agir comme intermédiaire entre les agences de détail et les sociétés aériennes. À la demande des agences de détail, Skylink consulte le système de réservation de différentes sociétés aériennes et réserve un siège pour le client de l'agence de détail. Si la réservation convient à ce client, le billet d'avion est émis par Skylink comme mandataire de la société aérienne et Skylink est rémunérée par celle-ci.

[12] Par contre, si aucun billet d'avion n'est émis par la société aérienne, Skylink n'a droit à aucune commission. Pourtant, Skylink a fourni des services : elle a fait les recherches nécessaires sur le système de réservation des sociétés aériennes et a effectué la réservation. Des services ont été fournis mais elle ne reçoit aucune rémunération d'une société aérienne. Il n'est donc pas surprenant que Skylink ait convenu avec les agences de détail que, dans de telles circonstances, ce serait les agences de détail qui devraient verser une rémunération à Skylink pour ses services. Que cette rémunération soit qualifiée de frais d'annulation, de frais de pénalité ou de frais de remplacement, elle est de par sa nature véritable une rémunération pour des services qu'a fournis Skylink aux agences de détail.

[13] L'avocat de Skylink a tenté d'assimiler ces frais d'annulation à une amende pour une infraction au Code de la sécurité routière. Il s'appuie notamment sur la décision rendue dans 152633 Canada Inc. (Sako Auto Leasing) v. The Queen, [1997] G.S.T.C. 50. Dans cette affaire, ma collègue la juge Lamarre a conclu qu'une amende versée pour une telle infraction ne constitue pas un service visé par la Loi. À mon avis, on ne peut pas assimiler à une amende versée pour une infraction au Code de la sécurité routière la pénalité facturée par Skylink aux agences de détail. Ici, la vraie nature de la pénalité est celle d'honoraires versés pour la prestation de services. La décision Sako Auto Leasing n'est donc pas applicable en l'espèce.

[14] Par conséquent, je crois que les arguments de Skylink sont mal fondés. Il y a eu ici prestation de services par Skylink en faveur des agences de voyage. Il s'agit de services fournis au Canada et ces services ne bénéficient d'aucune exonération fiscale. Skylink aurait dû percevoir la TPS à l'égard des frais d'annulation, de pénalité ou de remplacement.

Frais de recouvrement

[15] Reste la question des frais de recouvrement que Skylink a facturés aux agences de détail. À l'appui de ses prétentions, l'avocat de Skylink invoque trois arguments. Le premier est fondé sur la prémisse selon laquelle les frais de recouvrement sont de la nature d'honoraires pour services plutôt que d'un débours. Ces honoraires auraient été versés pour des services financiers soit au sens des alinéas i) et l) de la définition de « service financier » que l'on retrouve à l'article 123 de la Loi, soit en vertu des alinéas m) et t) de la même définition. Je reproduis ici les parties les plus pertinentes de cette définition :

« service financier »

a) L'échange, le paiement, l'émission, la réception ou le transfert d'argent, réalisé au moyen d'échange de monnaie, d'opération de crédit ou de débit d'un compte ou autrement;

[...]

d) l'émission, l'octroi, l'attribution, l'acceptation, l'endossement, le renouvellement, le traitement, la modification, le transfert de propriété ou le remboursement d'un effet financier;

[...]

f) le paiement ou la réception d'argent à titre de dividendes, sauf les ristournes, d'intérêts, de principal ou d'avantages, ou tout paiement ou réception d'argent semblable, relativement à un effet financier;

[...]

i) un service rendu en conformité avec les modalités d'une convention portant sur le paiement de montants visés par une pièce justificative de carte de crédit ou de paiement;

[...]

l) le fait de consentir à effectuer un service visé à l'un des alinéas a) à i) ou de prendre les mesures en vue de l'effectuer;

m) un service visé par règlement;

La présente définition exclut :

n) le paiement ou la réception d'argent en contrepartie de la fourniture d'un bien autre qu'un effet financier ou d'un service autre qu'un service financier;

[...]

t) les services visés par règlement.

[Je souligne.]

[16] Comme deuxième argument, l'avocat soutient que les frais de recouvrement ont été engagés par Skylink à titre de mandataire pour le compte des agences de détail. Cet argument est fondé sur la prémisse selon laquelle les frais de recouvrement sont de la nature d'un débours effectué lors de la fourniture d'un service, par exemple la réservation d'un siège d'avion. Le dernier argument avancé veut que ces frais n'aient pas été facturés pour des « fournitures » au sens de la Loi.

[17] De façon générale, les services financiers sont des fournitures exonérées qui échappent à la TPS[2]. D'où l'importance de déterminer si le service fourni par Skylink constitue un « service financier » selon la définition de cette expression dans la Loi. Cette définition a aussi son importance pour la compréhension du deuxième volet de l'argumentation de Skylink, à savoir que Skylink agissait comme mandataire des agences de voyages. C'est cette question que j'entends trancher tout d'abord.

[18] Parmi les services qui constituent un « service financier » au sens de l'article 123 de la Loi, on retrouve ceux fournis par un émetteur en vertu d'une entente portant sur le paiement du montant d'une facturette. Il est donc clair qu'aucune TPS n'est exigible à l'égard de l'escompte que déduit l'émetteur en payant à Skylink le montant de la facturette signée par un client. Si ce service de l'émetteur avait été fourni directement à l'agence de détail, le résultat aurait été le même : la fourniture aurait également été exonérée.

[19] Le ministre prétend que, si l'escompte retenu par l'émetteur lors du paiement du montant de la facturette à Skylink est de la nature d'un débours que Skylink récupère des agences de détail, cette récupération est assujettie à la TPS. On peut comprendre que cela puisse troubler Skylink puisqu'en pareil cas il ne lui serait pas permis de faire indirectement ce qu'elle peut faire directement! Toutefois, l'article 178 de la Loi[3] appuie la position du ministre. De façon générale, la somme que le bénéficiaire d'un service rembourse au fournisseur pour des frais engagés lors de la fourniture est réputée faire partie de la contrepartie de la fourniture. Il existe toutefois une exception, soit lorsque le fournisseur a engagé ces frais à titre de mandataire de l'acquéreur.

[20] Ici, Skylink veut se prévaloir de cette exception. Elle prétend en effet que c'est en tant que mandataire de l'agence de détail qu'elle réclamait le paiement du montant de la facturette.

[21] Comme l'a dit la juge Kempo dans Parkland Crane Service Ltd., [1994] GTC 1067, à la fin de son jugement, la charge d'établir qu'il existait une relation de mandat-mandataire revient au contribuable qui l'allègue. Aux termes du Code civil du Québec (C.c.Q.), il est clair qu'une telle relation existe en vertu d'un contrat de mandat. Les articles 2130 et suivants C.c.Q. traitent de ce type de contrat nommé. Le mandat y est défini comme étant « le contrat par lequel une personne, le mandant, donne le pouvoir de la représenter dans l'accomplissement d'un acte juridique avec un tiers, à une autre personne, le mandataire qui, par le fait de son acceptation, s'oblige à l'exercer » .

[22] Ici, aucune preuve n'a été produite pour établir l'existence d'une telle relation contractuelle entre les agences de détail et Skylink. Il n'a pas été établi que Skylink avait convenu avec les agences de détail qu'elle agirait comme leur mandataire en demandant aux émetteurs le paiement. Il n'y a aucune preuve non plus que Skylink a mentionné aux émetteurs qu'elle agissait à titre de mandataire des agences de détail.[4]

[23] De plus, le fait que Skylink n'a pas demandé à l'agence de détail de lui rembourser le montant exact de la dépense qu'elle aurait engagée pour le compte de l'agence de détail soulève un sérieux doute quant à l'existence d'un tel mandat. Les 15 $ facturés pour chaque recouvrement de la somme due à une agence de détail ressemblent davantage à des honoraires pour des services qu'à un débours effectué lors de la fourniture d'un service. Par conséquent, je ne crois pas que cet argument puisse être retenu.

[24] Même si Skylink n'agissait pas comme mandataire, soutient son procureur, elle a fourni un « service financier » aux agences de détail en acceptant d'agir comme intermédiaire pour obtenir le paiement du montant de la facturette. Pour mieux comprendre le cadre juridique dans lequel s'inscrivent les relations entre, d'une part, un client et l'émetteur et, d'autre part, entre l'émetteur et un commerçant, il convient de citer madame Nicole L'Heureux, Droit de la consommation, 4e édition, Les Éditions Yvon Blais Ltée, Cowansville. Voici comment elle décrit, aux pages 141 et 142, ces relations qu'elle qualifie de triangulaires :

La carte de crédit permet au commerçant de toucher le prix des biens ou des services fournis, non entre les mains de l'acheteur, porteur de la carte, mais entre les mains de l'émetteur. Comment expliquer cet engagement de l'émetteur? Le paiement de l'émetteur apparaît comme un paiement anticipé qui résulte d'une avance de fonds consentie au client et qu'il doit récupérer auprès de son client pour le compte du vendeur ou du fournisseur de biens et de services. L'émetteur joue le rôle d'intermédiaire entre le commerçant et le titulaire de la carte. Ce dernier, grâce au contrat passé entre l'émetteur et le commerçant, ne paye pas immédiatement son achat. Il dispose d'un crédit de l'émetteur, mais également du commerçant qui participe à l'opération.

Il s'agit d'un contrat sui generis, qu'on qualifie de contrat de crédit variable, sorte d'entente-cadre permettant à l'émetteur d'avancer du crédit à une personne déterminée et de devenir cessionnaire des créances du vendeur ou du fournisseur de services à l'égard de cette personne.

[Je souligne.]

[25] Dans ce passage, on décrit l'émetteur comme le « cessionnaire des créances du vendeur ou du fournisseur de services » . La facturette représente donc un titre de créance que le fournisseur transfère à l'émetteur en échange du paiement de la somme d'argent qui lui est due.

[26] À cette relation triangulaire s'ajoute ici un intermédiaire, à savoir Skylink. Cette dernière s'interpose entre le commerçant (l'agence de détail), qui effectue la vente à son client, et l'émetteur. Ce n'est pas pour son bénéfice personnel que Skylink demande le paiement du montant de la facturette. C'est pour le bénéfice de l'agence de détail. C'est d'ailleurs à elle qu'elle va faire supporter le coût représenté par l'escompte de l'émetteur.[5]

[27] Lorsque Skylink obtient de l'émetteur le paiement d'une somme due par le client à l'agence de détail pour le prix du billet d'avion, ce service m'apparaît être de la nature d'un service de recouvrement. En contrepartie de ce service, Skylink exige une somme de 15 $ qui représente à peu près l'escompte déduit lors de la présentation de la facturette à l'émetteur. Il me semble que ce service est rendu ici plus pour rendre service à l'agence de détail que pour réaliser un bénéfice. La rémunération de Skylink consiste dans les commissions qu'elle reçoit des sociétés aériennes pour l'émission de billets d'avion.

[28] En agissant ainsi comme intermédiaire pour le recouvrement du montant de la facturette, Skylink fournit-elle un « service financier » au sens de l'article 123 de la Loi? Tout d'abord, je dois constater que le libellé de cette définition est loin d'être clair. Même après plusieurs lectures, il est difficile d'en comprendre toute la portée. Comment alors de simples contribuables peuvent-ils saisir l'étendue de leurs obligations fiscales[6]? Des dispositions fiscales devraient être rédigées pour que le monde ordinaire puisse les comprendre avec facilité, sans que cela nécessite des dépenses excessives de temps ou d'argent.

[29] Ici, je crois que le service fourni par Skylink est celui qui est décrit à l'alinéa l) de la définition de ce « service financier » . En effet, Skylink a pris des mesures en vue d'effectuer l'un des services décrits aux alinéas a) à i) de cette définition. De façon plus précise, on pourrait combiner l'alinéa l) avec les alinéas a), d) ou i) de cette définition. On pourrait ainsi décrire le service fourni par Skylink comme étant celui « d'avoir pris les mesures en vue d'effectuer la réception d'argent [par l'agent de détail], réalisée au moyen d'opération de crédit [de la société bancaire] » (alinéas l) et a)).

[30] On pourrait aussi décrire le service fourni par Skylink comme ayant consisté à prendre « les mesures pour effectuer le transfert de propriété ou le remboursement d'un effet financier » (alinéas l) et d)). Selon l'article 123 de la Loi, un « effet financier » comprend un « titre de créance » , expression qui signifie le « droit de se faire payer » . Ici, la facturette est cet effet financier et elle donne à Skylink, qui la présente à l'émetteur, le droit de recevoir la somme qui y est indiquée.

[31] Toutefois, la combinaison qui m'apparaît convenir le mieux est celle des alinéas l) et i) : Skylink « aurait pris les mesures en vue d'effectuer un service rendu en conformité avec les modalités d'une convention portant sur le paiement de montants visés par une pièce justificative de carte de crédit. » Skylink a en effet obtenu de l'émetteur le paiement du montant de la facturette conformément à l'obligation qu'avait cet émetteur envers le titulaire de la carte de crédit.

[32] Même si l'on peut conclure que le service fourni par Skylink constitue un des services décrits aux alinéas a) à m) de la définition de « service financier » , il est important de déterminer si ce service est exclu en raison de l'application des alinéas n) à t). À mon avis, l'alinéa n) ne s'applique pas ici puisqu'il s'agit de démarches effectuées par Skylink non pas en vue d'obtenir le paiement du prix du billet mais plutôt en vue d'obtenir le paiement du montant de la facturette par l'émetteur.

[33] Le seul autre alinéa qui pourrait s'appliquer en l'espèce est l'alinéa t) qui concerne des services visés par règlement. C'est à l'article 4 du Règlement sur les services financiers (TPS) (Règlement) que l'on retrouve les services visés par l'alinéa t). Le libellé de cet article à l'époque pertinente était le suivant[7] :

4. (1) Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article.

« effet » Argent, compte, pièce justificative de carte de crédit ou de paiement, ou effet financier.

« personne à risque » Personne exposée à un risque financier du fait de la propriété, de l'acquisition ou de la délivrance soit d'un effet à l'égard duquel un service mentionné au paragraphe (2) est offert, soit d'une garantie, d'une acceptation ou d'une indemnité se rapportant à cet effet.

(2) Sous réserve du paragraphe (3), pour l'application de l'alinéa t) de la définition de « service financier » , au paragraphe 123(1) de la Loi, sont visés les services suivants, sauf ceux mentionnés à l'article 3 :

a) la communication, la collecte ou le traitement de renseignements;

b) les services administratifs, y compris ceux reliés au paiement ou au recouvrement de dividendes, d'intérêts, de capital, de créances, d'avantages ou d'autres montants, à l'exclusion des services ne portant que sur le paiement ou le recouvrement.

(3) Pour l'application de l'alinéa t) de la définition de « service financier » , au paragraphe 123(1) de la Loi, ne sont pas visés les services mentionnés au paragraphe (2) et fournis relativement à un effet par :

a) la personne à risque;

[...]

[Je souligne.]

[34] Comme le libellé de la définition de « service financier » , celui de l'alinéa 4(2)b) du Règlement ne m'apparaît pas d'une grande clarté. Est-ce que les services fournis par Skylink en recouvrant le montant de la facturette sont de la nature de services administratifs? Cette expression n'est pas définie. Dans un sens large, le service de recouvrement fourni par Skylink pourrait être reconnu comme constituant de tels services. Toutefois, ce ne sont pas tous les services administratifs qui sont exclus de la définition de « service financier » en vertu de l'alinéa t). D'abord, « ne sont pas visés [...] les services administratifs ne portant que sur le paiement ou le recouvrement [...]d'autres montants » . De plus, les services administratifs fournis par une personne à risque, selon la définition de ce terme figurant au paragraphe 4(1) du Règlement, ne sont pas eux non plus exclus de la définition de « service financier » .

[35] Pour mieux comprendre la portée de ce Règlement, il est utile de citer les notes explicatives qui accompagnaient le projet de règlement sur les services financiers[8] que le ministre des Finances a rendu public le 25 octobre 1990 par communiqué de presse no 90-141. On retrouve à la rubrique no 4 ce qui suit :

Le règlement exclura de même certains services du cadre de la définition de « service financier » . Il s'agit des services qui autrement seraient inclus par application des alinéas a) à 1) de la définition. La distinction entre les services financiers et les autres est parfois ténue. Par exemple, les services de traitement de l'information et les services administratifs offerts dans le cadre d'une opération financière pourraient être considérés comme faisant partie du service financier ou comme un service administratif distinct. Aussi, ce règlement a-t-il pour effet d'exclure de la définition de « service financier » certains services administratifs rendus par des tiers à l'occasion de services financiers. Ainsi, dans le cas où une institution financière consent un service financier tel qu'un prêt mais que le recouvrement de la dette est assuré par un tiers, ce dernier service ne sera pas considéré comme un service financier et sera donc taxable.

[Je souligne.]

[36] Ces notes explicatives sont conformes à celles, plus explicites, que le ministre des Finances avait rendues publiques antérieurement, en août 1990, dans son communiqué de presse no 90-103. Le ministre des Finances y indiquait que le recouvrement par une banque d'une somme qu'elle a prêtée constitue un service financier alors que les services de recouvrement de dettes fournis par des tiers ne sont pas des services financiers et sont par conséquent des fournitures imposables. Voici comment le ministre s'est exprimé dans ces notes explicatives antérieures :

B. Services financiers fournis à titre de tierce partie

[...]

Par exemple, certaines activités administratives – comme le recouvrement de créances par une banque relativement à un prêt accordé par cette banque et l'envoi par la banque concernée de relevés mensuels – ne peuvent vraiment être séparées du service constitué par l'octroi du prêt. Ces activités sont clairement exonérées d'après les alinéas a) à l) de la définition d'un service financier et le resteront.

Cependant, les institutions financières fournissent parfois des services administratifs ou de traitement de données se rapportant à des services ou à des effets financiers, sans pour autant fournir les effets en question. Les services sont alors fournis par l'institution financière à titre de tierce partie. Mentionnons, par exemple, les services de recouvrement de créances et les services purement administratifs (SPA) fournis à l'égard de régimes d'assurance-santé. Ces genres de services devraient faire partie de l'assiette d'une taxe de vente de large application.

Par conséquent, les services qui sont purement administratifs et sont fournis par une institution financière à titre de tierce partie seront exclus de la définition d'un service financier, par l'effet d'un règlement devant être publié conformément à l'alinéa t) de la définition. Le règlement stipulera que ces services seront taxables, contribuant ainsi à clarifier l'application de la taxe dans ce domaine.

[Je souligne.]

[37] À la lumière de ces notes explicatives mais tout en donnant la primauté au libellé du texte en vigueur durant les années pertinentes, il y a lieu de se demander dans quelle mesure le service de recouvrement fourni par Skylink peut être considéré comme un service visé par l'alinéa t) de la définition de « service financier »

[38] Tout d'abord, il faut déterminer s'il s'agit de services administratifs « qui ne portent que sur le recouvrement [...] d'autres montants » . Il me semble que l'on doit répondre par l'affirmative. Je ne vois pas ici d'autres services que ceux-là. Pour recouvrer le montant de la facturette, Skylink la transmet à l'émetteur. Une fois qu'elle en a reçu le paiement de l'émetteur, Skylink remet l'argent à l'agence de détail. Ce sont là tous des gestes que l'on doit poser pour recouvrer une créance. Si cette interprétation est bien fondée, le service de recouvrement fourni par Skylink ne serait pas exclu de la définition de « service financier » . Pourtant, elle ne semble pas conforme au but énoncé par le ministre des Finances dans les notes explicatives précitées, car il s'agit en l'espèce d'un service de recouvrement fourni par un tiers. Par contre, le texte que je dois appliquer est celui du Règlement, et non celui des notes explicatives qui accompagnaient le projet de règlement.

[39] Si mon interprétation de l'alinéa 4(2)b) du Règlement devait être erronée, se poserait alors la question de l'applicabilité de la deuxième exception. À mon avis, les services administratifs fournis par Skylink étaient fournis par une personne à risque. Skylink est exposée à un risque financier du fait de la propriété, de l'acquisition ou de la délivrance d'un effet (la facturette) à l'égard duquel le service administratif a été fourni. À mon avis, Skylink a fait l'acquisition de la facturette en vue d'en recouvrer le montant pour le bénéfice de l'agence de détail. Ayant conclu qu'en ce faisant Skylink n'agissait pas comme mandataire de l'agence de détail, il va de soi que Skylink est la propriétaire de la facturette. En la transférant à l'émetteur, Skylink voulait obtenir le paiement du montant qui y était inscrit.

[40] En acceptant de devenir propriétaire de la facturette, Skylink prenait un risque financier, même s'il s'agit d'un faible risque. Selon les modalités de son entente avec l'émetteur, Skylink pouvait être tenue de lui rembourser le montant de la facturette. Par exemple, si le client n'appose pas sa signature sur une facturette et qu'il conteste la validité de la facturette, l'émetteur est en droit d'exiger que Skylink lui rembourse le montant de la facturette. De façon générale, Skylink va récupérer cette somme de l'agence de détail. Toutefois, il arrive que, pour cause de faillite ou pour quelque autre raison, cette dernière ne soit pas en mesure de la rembourser. En fin de compte, Skylink est exposée au risque financier découlant de services administratifs portant sur le recouvrement du montant de la facturette.

[41] Par conséquent, à mon avis, l'exclusion prévue à l'alinéa t) de la définition de « service financier » apparaissant à l'article 123 de la Loi ne s'applique pas aux circonstances de cet appel. Comme les services de recouvrement fournis par Skylink aux agences de détail constituent des services financiers et que ces services financiers constituent des fournitures exonérées, Skylink n'avait pas à percevoir de TPS.

[42] Compte tenu de ce qui précède, il n'est pas nécessaire de commenter les autres arguments invoqués par l'avocat de Skylink.

[43] Pour ces motifs, l'appel de Skylink est accueilli et l'avis de cotisation est déféré au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant pour acquis le fait que les frais d'annulation constituent des fournitures imposables et que les frais de recouvrement constituent des fournitures exonérées. L'appelante a droit à ses frais.

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de mars 1999.

« Pierre Archambault »

J.C.C.I.



[1] En fait, les montants avaient été effacés pour des raisons de confidentialité avant leur production à l’audience.

[2] En effet, selon l'article 165 de la Loi, la TPS est exigible à l'égard d'une « fourniture taxable » , c'est-à-dire une fourniture effectuée dans le cadre d'une activité commerciale. Constitue une activité commerciale « l'exploitation d'une entreprise [...] sauf dans la mesure où l'entreprise comporte la réalisation par la personne de fournitures exonérées » . La « fourniture exonérée » est celle figurant à l'annexe V de la Loi. À la partie VII de cette annexe, on retrouve les services financiers.

[3] L'article 178 de la Loi a été abrogé le 24 avril 1996. Toutefois, on considère que cette disposition ne faisait que réitérer une règle déjà reconnue par le droit commun.

[4] Il est bien évident que le mandataire n'est pas tenu de dévoiler au tiers avec lequel il contracte qu'il agit comme mandataire. En pareil cas, il est tenu envers le tiers comme s'il avait agi en son propre nom. Voir l'article 2157 du C.c.Q.

[5] De façon générale, le coût de l'escompte doit être supporté par le marchand, qui ne le passe pas directement à son client. Ce coût fait partie des frais généraux du marchand. Voici comment s'exprime madame L'Heureux dans l'ouvrage déjà cité, à la page 143 :

Le commerçant, qui accepte dans son établissement le paiement avec une carte de crédit, doit supporter le coût de l'escompte sur chaque facturette dont il demande le paiement à l'émetteur. Le taux de l'escompte varie généralement selon le volume d'affaires que le commerçant transige avec l'émetteur. Ce coût est réparti sur l'ensemble de ses opérations.

[6] Compte tenu du fait qu'il s'agit d'opérations très pointues et souvent d'une grande technicité, j'ose espérer que les institutions financières sont mieux en mesure d'en saisir la portée.

[7] Il est à noter que le 5 novembre 1991, le ministre des Finances a indiqué par voie de communiqué de presse son intention de modifier la définition de « personne à risque » . Ce n'est qu'au mois d'octobre 1998 que l'avant-projet de règlement a été rendu public et au moment de la signature des présents motifs, ce règlement n'était pas encore en vigueur. Il faut mentionner que lorsqu'il le sera, il aura un effet rétroactif au 31 décembre 1990. Les parties n'ont pas soulevé l'application de ce projet de règlement lors de leur argumentation. Quant à moi, je ne vois pas comment je pourrais en tenir compte puisqu'il n'a pas encore été adopté par le gouverneur en conseil et qu'il n'est pas en vigueur au moment où je rends cette décision.

[8] Ce projet de règlement ressemble sensiblement à celui qui a été adopté. Voici comment se lisaient les dispositions pertinentes :

            3.          (1) Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article.

            « effet » Argent, compte, pièce justificative de carte de crédit ou de paiement, ou effet financier.

« personne à risque » Personne exposée à un risque financier du fait de la propriété, de l'acquisition ou de la délivrance soit d'un effet à l'égard duquel un service visé à l'alinéa (2)a) ou b) est offert, soit d'une garantie, d'une acceptation ou d'une indemnité se rapportant à cet effet.

(2) Pour l'application de l'alinéa t) de la définition de « service financier » au paragraphe 123(1) de la Loi sur la taxe d'accise, sont visés les services suivants, sauf ceux visés par ailleurs à l'article 2 :

            a) la communication, la collecte ou le traitement de renseignements;

            b) les services administratifs, y compris ceux en rapport avec le paiement ou le recouvrement de dividendes, d'intérêts, de capital, de créances, d'avantages ou d'autres montants, à l'exclusion des services ne portant que sur le paiement ou le recouvrement.

N'est pas visé le service fourni relativement à un effet par :

            a) une personne à risque;

            b) une personne étroitement liée à une personne à risque, si l'acquéreur du service n'est ni la personne à risque, ni une personne étroitement liée à celle-ci;

            c) un mandataire, un vendeur ou un courtier agissant dans le cadre du transfert de propriété d'un effet pour le compte d'une personne à risque ou d'une personne étroitement liée à celle-ci.

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