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Date: 19991214

Dossiers: 96-3190-IT-G; 96-3191-IT-G; 96-3810-IT-G; 96-3811-IT-G; 96-3812-IT-G; 96-3813-IT-G; 96-3814-IT-G; 96-3815-IT-G

ENTRE :

LOUIS DROUIN, NABIL MANSOUR, CURTIS KUNKEL, WILLIAM WHEATON,

appelants,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

Motifs du jugement

Le juge Lamarre Proulx, C.C.I.

[1] Les appels dont il s'agit ont été entendus sur preuve commune. La question en litige est de savoir si les appelants sont, pour leur année d'imposition 1986, en droit d'indiquer des pertes autres qu'en capital ainsi qu'un crédit d'impôt à l'investissement (“ CII ”) à l'égard des activités de recherche scientifique et de développement expérimental (“ R-D ”) censément exercées par une société de personnes dans laquelle ils étaient des associés commanditaires. Il s'agit plus particulièrement de savoir si des dépenses en capital d'un montant de 7 930 000 $ ont en fait été engagées et, dans l'affirmative, si elles l'ont été pour acquérir du matériel et un logiciel aux fins d'activités de R-D au sens de l'article 2900 du Règlement de l'impôt sur le revenu (le “ Règlement ”).

[2] La société en commandite, Alexis Limited Partnership (“ ALP ”), a été créée le 15 janvier 1986 sous le régime de la Partnership Act (Colombie-Britannique). L'entreprise devant être exploitée par ALP se livrait à l'exercice d'activités de R-D relatives à l'industrie de l'électronique et à l'industrie des produits du bois. Initialement, l'associé commandité était Solkan Research Inc. (“ Solkan ”), dont M. Rav Solanki avait la propriété exclusive. Le 20 février 1986, AMC Research Corp. (“ AMC ”), soit une autre compagnie appartenant à M. Rav Solanki, a remplacé Solkan comme associé commandité dans ALP. Le 1er novembre 1986, M. Robert A. Chester a acheté toutes les actions d'AMC.

[3] Au cours de l'année 1986, des unités de la société de personnes ont été offertes à un prix de 1 000 $ l'unité. Ces unités étaient financées comme suit par les investisseurs ou les associés commanditaires : 40 p. 100 par un paiement comptant, et le reste, soit 60 p. 100, par des prêts d'Alexis Holdings Limited (“ AHL ”), compagnie constituée sous le régime des lois de Guernesey. Comme on le verra plus loin, ces prêts représentaient du financement sans recours, et aucun intérêt n'a été payé.

[4] Une personne investissant dans 100 unités de la société de personnes payait au total 100 000 $, comme suit : elle versait 40 000 $ comptant et faisait un billet de 60 000 $. Dans le cas de l'appelant Louis Drouin, le montant de la souscription était de 75 000 $, les pertes de société de personnes déduites étaient de 60 401,25 $ et le CII réclamé était de 14 598,75 $. Dans le cas de l'appelant Nabil Mansour, le montant de la souscription était de 150 000 $, les pertes de société de personnes déduites étaient de 120 802,50 $ et le CII réclamé était de 29 197 $. Dans le cas de l'appelant Curtis Kunkel, le montant de la souscription était de 100 000 $, les pertes de société de personnes déduites étaient de 80 535 $ et le CII réclamé était de 19 465 $. Dans le cas de l'appelant William Wheaton, le montant de la souscription était de 200 000 $, les pertes de société de personnes déduites étaient de 161 070 $ et le CII réclamé était de 38 930 $.

[5] Les appelants indiquaient dans leur avis d'appel que le produit de l'émission de 1986, en espèces et sous forme de prêts, avait été totalement dépensé cette année-là : le 31 décembre 1986, la société de personnes avait engagé des dépenses en capital de R-D d'un montant de 7 930 000 $ pour acquérir du matériel et un logiciel d'un vendeur sans lien de dépendance, Tinbon Trading Ltd. (“ Tinbon ”), de Kowloon (Hong Kong), aux termes d'un contrat de vente et négoce en date du 14 février 1986, conclu par AMC, au nom de la société de personnes, et Ravina International Limited (“ Ravina ”), puis cédé à Tinbon.

[6] L'intimée affirmait dans la réponse à l'avis d'appel que ni Ravina ni Tinbon n'avaient d'antécédents en matière de vente et négoce de matériel de R-D, que le plus gros du prix d'achat représentait de l'argent fictif et qu'il n'y avait eu aucune activité de R-D. La réponse à l'avis d'appel explique comme suit l'aller-retour fait par la somme de 6 500 000 $ et les coûts d'achat réels du matériel :

[TRADUCTION]

t) Le 31 décembre 1986, à la conclusion de la première offre, AHL a transféré électroniquement 6,5 millions de dollars de la Staten Bank Holland à AMC censément pour avancer des fonds à ALP conformément à la convention de prêt entre ALP, AHL et les investisseurs.

u) Le virement électronique était toutefois assujetti à la condition suivante : AMC devait faire un chèque de 6,5 millions de dollars à la Staten Bank Holland pour le paiement d'achats de matériel de Tinbon. Les relevés bancaires de la Banque Royale et de la Staten Bank Holland témoignent du fait que, le même jour, les 6,5 millions de dollars sont passés d'AHL à AMC d'abord, puis à Tinbon et sont revenus à AHL. Il est à noter qu'AHL n'a consenti aucun prêt pour faciliter la recherche à la société de personnes. Le chèque de 6,5 millions de dollars présenté à la conclusion de la première offre a immédiatement été retourné à AHL par l'intermédiaire d'AMC et de Tinbon. Sur la foi des relevés bancaires de la Staten Bank Holland, AHL n'avait pas de fonds à la banque.

[...]

v) Tinbon a remis à ALP des factures totalisant 7 930 000 $ (déduction faite de notes de crédit subséquentes) à l'égard du matériel et du logiciel commandés aux termes du contrat de vente et de commercialisation. Les factures étaient datées du 18 décembre 1986. Par une lettre en date du 29 décembre 1986 rédigée sur du papier à en-tête de Ravina, Ravina a, au nom de Tinbon, confirmé que le titre sur le matériel avait été transféré de Tinbon à ALP.

w) Se fondant sur les factures, ALP prétendait avoir engagé des dépenses en capital admissibles de 7 930 000 $ en matière de R-D pour l'année d'imposition 1986.

x) D'après des renseignements obtenus du fisc du Royaume-Uni, Tinbon a, pour ALP, acheté tout le matériel aux compagnies suivantes :

Northwest Industries U.S. É.-U. 211 383,30 $

GTCO Internal Corp. É.-U. 3l 420,10 $

Storagetek É.-U. 190 422,55 $

Lattice Logic U.S.A. É.-U. 164 335,00 $

Data Hardware Inc. É.-U. 61 105,26 $

Tomo Brite Inc. É.-U. 43 111,47 $

TOTAL 707 777,68 $

y) Avant d'être livré à ALP, le matériel a été envoyé par les fournisseurs à divers entrepôts, pour réétiquetage.

z) ALP a, avec l'aide de Coopers & Lybrand (“ Coopers ”), rempli pour l'année d'imposition 1986 un formulaire T661, qui a été distribué aux associés commanditaires pour fins de production, soit :

Crédit d'impôt à l'investissement 1 586 000 $

sur matériel acheté à Tinbon

(20 % x 7 930 000 $)

Matériel de R-D acheté 7 930 000 $

Moins : CII réclamé 1 586 000 $

Total des dépenses de R-D pour 1986 6 344 000 $

Moins : total des dépenses de R-D 5 347 711 $

déduites pour 1986

Dépenses de R-D non déduites

à la fin de 1986 996 289 $

[7] Ont témoigné pour les appelants M. Kamlesh Solanki, consultant en informatique, M. Emile Ghattas, comptable accrédité, M. George Franklin Shaw, comptable semi-retraité, M. Nabil Mansour, soit un des appelants, M. Tim Flessas, consultant en affaires, et Mme Josée Beaudry. Ont témoigné pour l'intimée M. Paul William Lancaster, ingénieur, et M. Walter Wong, vérificateur de Revenu Canada. Trois recueils de documents ont été produits par les appelants, sous la cote A-1. Trois recueils ont également été produits par l'intimée, sous la cote R-1.

[8] Les documents auxquels M. Kamlesh Solanki a fait référence au cours de son témoignage sont contenus dans le premier des recueils de la pièce A-1. Ce recueil inclut les sections 1 à 8 et la section 36. M. Kamlesh Solanki est le frère de M. Rav Solanki. Il a expliqué que, en 1986, il y avait 20 ans qu'il était dans le domaine des ordinateurs. Il était à cette époque gestionnaire de projet pour une compagnie appelée Soltech Systems Inc. (“ Soltech ”). Il détenait 25 p. 100 des actions de Soltech; son frère Rav en détenait la majeure partie. Soltech oeuvrait dans le domaine de la conception d'ordinateurs portables. M. Solanki a dit que Soltech faisait beaucoup de sous-traitance. Il n'avait aucune idée de ce qu'il était advenu des documents de Soltech. Soltech avait conçu un ordinateur portable compatible et s'était adressée à Philips, à Montréal, pour la mise au point d'un prototype. C'est ainsi que M. Rav Solanki avait rencontré M. Tim Flessas, le témoin expert des appelants. Philips a fabriqué les ordinateurs pour Soltech, qui en a vendu un grand nombre. M. Solanki croyait qu'il y avait 15 employés à Soltech lorsque celle-ci a commencé à avoir des problèmes financiers; au milieu de l'année 1986, Soltech ne pouvait plus survivre.

[9] La section 1 est une convention de R-D entre la société de personnes et Digital Research Corporation (“ DRC ”) en date du 24 février 1986. DRC était une compagnie que Rav Solanki avait mise sur pied. Aux termes de cette convention, DRC avait été nommée mandataire de la société de personnes et était chargée de l'embauchage et de la gestion du personnel devant réaliser le projet de R-D. Il s'agissait d'un projet de traitement de signaux numériques faisant appel à la technologie de montage en surface, y compris à très grande échelle. Concernant l'acquisition d'actifs, l'article 4.01 de la convention se lisait comme suit : [TRADUCTION] “ Tous les actifs requis par le mandataire pour l'exécution du programme, lesquels actifs sont d'une manière générale décrits à l'article 4 de l'annexe A, seront achetés par la société de personnes et demeureront la propriété de cette dernière ”. Les actifs sont décrits en termes généraux. Pour ce qui est du personnel scientifique, M. Kamlesh Solanki est nommé avec quelques autres comme membres de ce personnel.

[10] M. Kamlesh Solanki a déclaré que, lorsqu'il avait quitté Soltech pour travailler pour DRC, il avait emmené avec lui quelques personnes pour la recherche. En 1986, quatre ou cinq personnes travaillaient à DRC. M. Kamlesh Solanki a dit qu'il avait indiqué à son frère les caractéristiques du matériel dont il avait besoin. Quand avait-il été consulté pour la première fois au sujet de l'achat du matériel et du logiciel? Au début de 1986. Cette année-là, il avait utilisé du matériel de Soltech ou son matériel personnel, car le matériel acheté aux fins d'activités de DRC n'a commencé à arriver que quelques mois après le début de 1987. À cette époque, il ne connaissait l'existence d'aucun matériel de marque Abbot. Des tests avaient-ils été commandés ou exécutés avant l'achat? À cette question, il a répondu qu'il avait demandé à son frère Rav de quoi il avait besoin. Le logiciel était un logiciel de Lattice Logic. M. Kamlesh Solanki a également dit que, lorsqu'il avait quitté DRC, en 1988, celle-ci était encore active et les travaux préliminaires avaient été effectués : on avait élaboré un masque, qui était prêt pour fins de production. M. Kamlesh Solanki était parti au cours de l'été ou de l'automne 1988. Les travaux de recherche auraient été interrompus le 19 février 1989.

[11] À la section 36 de la pièce A-1 figure la description de tout le matériel acheté le 18 décembre 1986. Il y a des factures que Tinbon avait remis à ALP. La première, soit le numéro 8701, est une facture de 850 000 $ concernant un système de conception et d'ingénierie à intégration à très grande échelle de marque Abbot, avec périphériques et logiciel intégrés, comme l'indiquent en détail les pages 2 et 3 jointes en annexe. Une autre facture du même montant, soit le numéro 8702, comporte les mêmes descriptions, sauf qu'elle est détaillée aux pages 2, 3 et 4. Une troisième facture, soit le numéro 8703, comporte les mêmes descriptions, sauf qu'y figure la mention “ comme l'indiquent les détails figurant en annexe ” et que le montant est de 750 000 $. Une autre facture, soit le numéro 8704, est décrite exactement de la même manière que la précédente. C'est une facture du même montant, mais les numéros de série figurant à la facture précédente se terminaient par “ 03 ”, tandis que, dans ce cas-ci, ils se terminent par “ 04 ” ou “ 05 ”. Il y a également la facture 8708, d'un montant de 630 000 $, et la facture 8713, d'un montant de 830 000 $, soit toutes des factures relatives à du matériel de marque Abbot.

[12] À la section 2 de la pièce A-1 figure la description d'un projet préparé par un consultant pour DRC.

[13] À la section 4 figure une convention entre ALP et Datacalc Research Corporation. Cette convention vise l'exécution de recherches pour ALP en matière de technologie d'intégration à très grande échelle (“ ITGE ”). Elle est datée du 13 février 1987, et il s'agit d'un contrat de 150 000 $. Il n'y a aucun élément de preuve en ce qui a trait aux résultats.

[14] À la section 5 figure une évaluation des objectifs proposés quant aux activités de recherche-développement devant être exercées par DRC. Cette évaluation est datée du 17 juin 1987 et provient de R. H. S. Hardy and Associates. Les observations étaient fondées sur des documents fournis par DRC. Il s'agit des mêmes documents que ceux qui figurent à la section 2 et qui avaient été décrits par un consultant. L'évaluation va dans le même sens que le projet tel qu'il était décrit.

[15] Le témoignage de M. Ghattas se rapportait au prospectus ainsi qu'à divers aspects financiers comme la certification donnée par un cabinet d'experts comptables bien connu. M. Ghattas a expliqué que, d'après lui, tous les documents étaient corrects du point de vue de la forme et du point de vue du fond. Il a commenté les documents figurant aux sections 9 à 25 de la pièce A-1.

[16] À la section 9 de la pièce A-1 figure la notice d'offre. Il est indiqué à la définition de convention de prêt à l'investisseur, à la page 3, que les souscripteurs ont droit à un prêt pouvant représenter jusqu'à 60 p. 100 du prix de souscription. Le rendement pour les investisseurs est décrit à la page 2 : pour l'année se terminant le 31 décembre 1986, il était estimé qu'un investissement de 100 000 $ permettrait de réaliser une économie d'impôt de 64 000 $. Donc, le coût de l'investissement après impôt est de 36 000 $. L'économie d'impôt estimative pour 1986 consiste en un crédit d'impôt à l'investissement de 20 000 $ et en une réduction d'impôt de 44 000 $, soit 55 p. 100 des dépenses nettes admissibles en matière de recherche scientifique et développement expérimental, lesquelles représentent 80 p. 100 de 100 000 $. L'expression investisseur secondaire est définie, à la page 4, comme désignant Alexis Holdings Limited, soit une compagnie en règle selon les lois de Guernesey. Les façons de souscrire des unités sont décrites aux pages 6 et 7. La façon adoptée par les appelants a été la suivante : pour chaque unité de 1 000 $, un chèque de 400 $ à l'ordre de la Compagnie Trust National en fiducie et un billet de 600 $ payable sur demande à Alexis Holdings Limited ont été faits. À la page 42, la convention de prêt à l'investisseur stipule que l'associé commanditaire remet les unités en garantie du remboursement du prêt et que le recours de l'investisseur secondaire se limite à la réalisation de cette garantie.

[17] La “ convention de recherche-développement ” est définie à la page 4 comme étant la convention conclue le 24 février 1986 entre la société de personnes et une compagnie de recherche. À la page 17, il est précisé que cinq compagnies feront fonction de mandataires de la société de personnes, aux termes de la convention de recherche-développement, pour l'embauchage et la gestion du personnel technique devant exécuter les travaux de recherche scientifique et de développement expérimental requis pour chacun des cinq projets, au nom de la société de personnes. Chaque convention prévoit un budget de dépenses approuvées pour les salaires du personnel, et il est stipulé que la compagnie de recherche recevra des fonds de la société de personnes selon un tel budget. Il est précisé que la société de personnes achètera tous les actifs ainsi que d'autres services directement. À la page 19, il est mentionné que les compagnies de recherche ont été constituées dans le but de participer aux projets décrits dans cette notice. En outre, il est indiqué que les compagnies de recherche n'ont alors aucun actif ni aucune autre ressource si ce n'est des dispositions prises avec la société de personnes sous la forme de la licence et des conventions de recherche-développement, qui sont assujetties à une condition, à savoir que des fonds appropriés soient recueillis conformément à cette offre. Les deux parties reconnaissent qu'il n'y a eu aucune convention de R-D autre que celle mentionnée au paragraphe 9 des présents motifs.

[18] À la section 10 figurent les états financiers pour 1986 d'Alexis Limited Partnership. En annexe figurent l'évaluation du projet de recherche (T661E.1a)) établie par R. H. S. Hardy, titulaire d'un doctorat, et la description du projet (T661E.b)). Il est écrit à la dernière page, T661.Ed), qu'au 31 décembre 1986 la société de personnes avait acheté pour environ 7,9 millions de dollars de machines et programmes informatiques spécialisés. [...] Aucune dépense de nature courante pour la dissémination de travaux de recherche-développement n'avait été engagée à cette époque. Le personnel de recherche a été mis en place en 1987, et les projets ont progressé, comme le décrivent les parties a) et b) ci-dessus.

[19] À la section 11 figure une lettre de M. Thomas W. Calvert, ingénieur titulaire d'un doctorat. M. Calvert précise dans cette lettre qu'il est professeur à la Simon Fraser University et qu'il est affecté aux domaines de l'informatique et de l'ingénierie. Il connaît R. H. S. Hardy, professeur d'ingénierie à la Simon Fraser University, et estime que ce dernier connaît bien le domaine de la recherche et du développement expérimental dont il est question dans la description du projet et qu'il est techniquement qualifié pour donner un avis sur la question de savoir si le projet représente de la recherche scientifique et du développement expérimental.

[20] À la section 15 figure le contrat de vente et négoce, en vigueur au 14 février 1986 et signé par les parties ce 16e jour de décembre 1986, entre Ravina International Limited, compagnie en règle selon les lois de l'Angleterre, et AMC, comme associé commandité. À l'annexe A de ce contrat figure la liste du matériel requis pour les cinq projets. Il s'agit du même matériel et des mêmes projets que ce qui est décrit dans la notice d'offre.

[21] À la section 16 figure l'acte de cession et renonciation aux termes duquel Ravina a, le 18 décembre 1986, cédé le contrat de négoce à Tinbon.

[22] À la section 17 figure la convention de prêt entre AHL et AMC, en date du 31 décembre 1986. AHL consentait à prêter une somme d'argent pouvant aller jusqu'à 90 millions de dollars. L'annexe A de la convention de prêt fait état des budgets des cinq projets relatifs aux cinq compagnies de R-D.

[23] L'article 2.3 de la convention de prêt se lit comme suit : [TRADUCTION] [...] Le prêteur consentira une avance à la société de personnes à la date de clôture selon le crédit discrétionnaire, soit une avance de 500 000 $, en lui livrant un billet de ce montant, remboursable sur demande après le 15 janvier 1987, ou en lui avançant 500 000 $ comptant le 31 décembre 1986.

[24] À la section 18 figure un billet de 500 000 $ donné par ALP à AHL. Ce billet est daté du 31 décembre 1986.

[25] À la section 19 figure la convention de prêt concernant les associés commanditaires. Cette convention est datée, pour référence, du 31 décembre 1986. Il s'agit d'une convention entre AHL, d'une part, et l'associé commanditaire et AMC, d'autre part. L'article 2.4 fait état de la possibilité de laisser courir les intérêts : [TRADUCTION] [...] au lieu de payer les intérêts dus le 31 décembre 1987 ou le 31 décembre d'une année subséquente, l'investisseur peut choisir de laisser courir les intérêts et de les payer à la date à laquelle le prêt est par ailleurs exigible aux termes des présentes. L'article 2.5 concerne le remboursement du prêt : [TRADUCTION] L'investisseur remboursera le prêt et tous les intérêts courus à la première des dates suivantes : a) le 31 décembre 1996; b) la date à laquelle le prêteur fera la déclaration prévue à l'alinéa 8.2a); c) la date à laquelle l'investisseur exercera son option d'exiger que le prêteur achète une partie ou l'ensemble de ses unités aux termes de la convention d'option, sauf que, si l'option est exercée à l'égard d'une partie des unités, l'investisseur remboursera alors une somme égale à 60 p. 100 du prix de souscription des unités à l'égard desquelles cette option aura été exercée. L'article 8.3 stipule clairement qu'il s'agit de financement sans recours sur des biens des investisseurs, sauf les unités de ces derniers. Il a été admis qu'aucun intérêt n'a jamais été payé sur ces présumés prêts.

[26] À la section 26 figure un chèque de 6,5 millions de dollars fait à la Staten Bank Holland et daté du 31 décembre 1986; on peut y lire ceci : [TRADUCTION] “ Pour l'achat de matériel de Tinbon ”. Il est tiré sur un compte à la Banque Royale du Canada, succursale principale, Royal Bank Plaza, Toronto. Bien qu'il y ait seulement une signature, sans le nom de la compagnie, la signature est la même que celle qui figure dans les diverses conventions signées par le président d'ALP et d'AMC, M. Robert Chester.

[27] À la section 27 figure une lettre en date du 15 janvier 1987 que la succursale de Vancourer de la Banque Royale du Canada faisait parvenir à la succursale de Toronto. On peut y lire ceci : [TRADUCTION] [...] Le virement télégraphique provenant de la Staten Bank Holland a été fait le 31 décembre 1986, soit un virement de 6 500 000 $. [...] M. Robert Chester, président d'AMC Research Corp., a été avisé de ce virement le 31 décembre 1986 et a pu tirer un chèque sur le compte payable à Tinbon Trading Co. ce jour-là [...].

[28] M. George Franklin Shaw est un associé commanditaire. Il a témoigné qu'en août 1987 il s'était présenté sans prévenir au bureau d'ALP à Discovery Park, à Burnaby (C.-B.). Discovery Park est un prestigieux immeuble gouvernemental à la disposition de certaines industries. Il y avait des écriteaux indiquant l'emplacement du bureau d'ALP. M. Shaw avait vu le directeur, M. Chester. Il y avait 10 à 15 postes de travail. M. Shaw avait posé des questions et avait obtenu des réponses satisfaisantes. Tout le matériel lui avait semblé être du matériel de pointe. Outre M. Chester, il y avait deux personnes, qui portaient des sarraus blancs et étaient en train de travailler. M. Shaw était resté là environ une heure et 45 minutes. À la suite de cette visite, il avait acquis d'autres unités, en décembre 1987. Il a admis au cours du contre-interrogatoire qu'il ne s'y connaissait pas beaucoup en matériel électronique, bien qu'étant intéressé à la recherche électronique.

[29] M. Tim Flessas a été présenté comme témoin expert ayant une connaissance réelle des faits de la présente affaire. Il est consultant en affaires et habite Athènes (Grèce). Il détient un baccalauréat en génie aéronautique. Chez Philips, il était directeur de la logistique ou des achats. Il avait joué un rôle dans le marché conclu par Soltech avec Philips concernant les 400 à 500 ordinateurs personnels fabriqués par Philips pour Soltech. Il a dit qu'il croyait qu'Abbot était une compagnie d'électronique située en Californie.

[30] Le 23 décembre 1986, M. Flessas a signé une lettre (section 34) adressée à AMC, confirmant le rapport (section 33) qu'il avait signé en juin 1986. Il s'agit du rapport technique sur le traitement de signaux numériques (“ TSN ”) et la technologie de montage en surface (“ TMS ”) comprenant une intégration à très grande échelle (“ ITGE ”), soit un rapport établi pour DRC et ALP. La liste de matériel figurant dans ce rapport est identique à celle qui figure à la section 15 de la pièce A-1, soit la convention de vente et négoce. Elle est également identique à la liste de matériel qui figure dans la convention de R-D, à la section 1 de la pièce A-1. En outre, la description du projet est semblable à la description qui figure dans ces deux documents.

[31] Au cours du contre-interrogatoire, on a demandé à M. Flessas de quelle manière il avait procédé en ce qui concerne l'achat du matériel à Philips. Il a déclaré que les ingénieurs lui disaient de quoi ils avaient besoin. Il contactait diverses compagnies et prenait part à la sélection ou à la détermination des possibilités du matériel. Des ingénieurs effectuaient l'essai de programme; ils veillaient à ce que le matériel soit adéquat. Ils prenaient les précautions habituelles. Les ingénieurs veillent à ce que la performance corresponde à ce qu'ils veulent. Le choix du logiciel appartenait aux ingénieurs qui participaient à l'essai et au tri du matériel en vue d'assurer la compatibilité des machines et des programmes informatiques.

[32] M. Paul Lancaster était l'expert de l'intimée en l'espèce. Il est ingénieur et travaille depuis 1963 dans le domaine de la radiodiffusion et des télécommunications. Il a travaillé comme responsable de la conception et de la fabrication dans divers projets de télécommunications. Son rapport a été déposé sous la cote R-3. Il a expliqué que sa première visite à ALP à Burnaby remontait au 27 juin 1988. À cette époque, il avait rencontré M. Rav Solanki. Malgré le fait qu'il avait prévenu qu'il ferait cette visite, les divers postes de travail, six au mieux, ne fonctionnaient pas. Le logiciel ne semblait pas fonctionner, en raison de problèmes d'intégration. M. Lancaster a dit qu'il n'avait pas vu de bibliothèques ni de livres. Il avait demandé à ce que de la documentation lui soit envoyée ultérieurement et, bien qu'une demande écrite eût été présentée à cet effet, aucune documentation n'a jamais été reçue. Il n'y avait aucune copie de document portant sur leurs attentes à l'égard des bancs d'essai. Il y avait absence totale d'attente pour ce qui est de l'élaboration du produit dans tous les projets examinés. M. Lancaster ne connaissait pas la compagnie Abbot et ne sait toujours rien de cette compagnie. Il n'y avait simplement aucun rapport auquel se reporter; aucun travail de R-D n'a été effectué.

[33] Voici les conclusions du rapport de M. Lancaster :

[TRADUCTION]

CONCLUSIONS SUR LA QUESTION DE L'ADMISSIBILITÉ

La preuve d'une tenue systématique de registres et autres documents normalement reliée au cycle d'élaboration d'un nouveau produit est complètement absente de tous les projets examinés.

La capacité de la direction à mettre en place des installations et à réunir les compétences nécessaires aux fins de ces projets est inadéquate. Pour la période allant de 1986 à 1988, je n'ai pu trouver quelque preuve que ce soit, sous forme documentaire ou autre, de l'existence d'un processus, d'une technique ou d'un concept nouveau normalement associée à un environnement de R-D.

Les coûts du matériel acheté semblent excessifs compte tenu des dates de livraison et de mise en service. L'utilisation de la salle blanche semble fort peu probable, à en juger par l'état actuel de cette salle.

J'estime qu'aucun des projets examinés ne répond aux exigences de l'article 37 de la Loi de l'impôt sur le revenu et de l'article 2900 du Règlement de l'impôt sur le revenu.

[34] M. Lancaster a expliqué la pratique normalement suivie en matière d'achat de matériel. Tout d'abord, il faut enquêter sur les fournisseurs de machines et de programmes informatiques. Il faut ensuite communiquer les exigences aux fournisseurs et demander des soumissions. Puis il faut une démonstration pour établir que le matériel permet de faire ce qu'il est censé permettre de faire. Si les machines doivent être personnalisées, les spécifications doivent être indiquées par écrit.

[35] M. Walter Wong, vérificateur à la section d'évitement fiscal, a été le dernier témoin. La pièce R-1 comporte 100 sections. À la section 22 figure un vaste rapport établi par M. Wong sur la foi des faits du présent appel. Ce rapport est daté du 2 mars 1995. Les problèmes auxquels s'est heurté Revenu Canada sont énoncés au début du rapport, où l'on peut lire ceci : [TRADUCTION] La société de personnes n'a fait faire aucun travail de R-D vérifiable. Les dépenses de R-D ont été gonflées aux fins de l'impôt.

[36] Au paragraphe 11 de son rapport, M. Wong écrit : [TRADUCTION] Le 31 décembre 1986, [...]AHL a transféré élecroniquement 6,5 millions de dollars de la Staten Bank Holland à AMC [...] sous réserve qu'AMC fasse un chèque de 6,5 millions de dollars à la Staten Bank Holland pour le paiement d'achats de matériel de Tinbon. [...] le même jour, les 6,5 millions de dollars sont passés d'AHL à AMC d'abord, puis à Tinbon, et sont revenus à AHL. À la page 25, M. Wong mentionne que les relevés bancaires de la Staten Bank Holland indiquent qu'AHL n'avait pas de fonds à la banque. Toutes ces assertions sont fondées sur des documents déposés sous la cote R-1.

[37] Au bas de la page 13 et à la page 14 de son rapport, il écrit ceci : [TRADUCTION] Nos conseillers scientifiques n'ont pas conclu que les projets étaient irréalisables. C'est plutôt que, dans leur examen des projets proposés, ils n'ont trouvé aucune activité de R-D vérifiable attestant l'existence d'efforts de recherche en cours. Il n'y avait pas à ALP de personnel de R-D suffisamment compétent, expérimenté dans le domaine et capable d'entreprendre des travaux ayant l'ampleur proposée. Le matériel acquis pour les projets de R-D était incompatible et n'était donc pas opérationnel.

[38] À la page 18, on peut lire ce qui suit : [TRADUCTION] Notre conseiller scientifique interne, M. Morley Lipsett, titulaire d'un doctorat, a examiné l'activité de recherche scientifique et de développement d'ALP. À son avis, il n'y avait aucune preuve d'une investigation systématique ou de quoi que ce soit. Les descriptions de projet n'étaient qu'hypothétiques. Il n'y avait aucune preuve d'un examen systématique de matériel de recherche potentiel. Il n'y avait en outre aucune preuve suffisante de la présence, au sein de la compagnie, d'employés de R-D convenablement compétents, expérimentés dans le domaine et capables d'entreprendre des travaux ayant l'ampleur proposée. M. Lipsett indiquait aussi dans son rapport que les biens d'équipement semblaient redondants et, de toute façon, destinés à servir dans des travaux d'ingénierie courants et personnalisés.

[39] M. Wong mentionnait également dans son rapport que M. T. C. Flessas n'avait pas inspecté le matériel avant d'émettre son opinion sur la question du caractère raisonnable de la valeur d'acquisition du matériel. Le matériel n'avait pu être inspecté avant le 14 janvier 1987. M. Flessas n'a exprimé son opinion que sur la nature du programme de recherche proposé et n'a pas examiné le programme effectif de R-D. La faisabilité du programme de recherche proposé n'est pas contestée. Ce qui l'est, c'est l'effort réel de R-D permettant d'assimiler l'achat du matériel à des dépenses de R-D admissibles, ainsi que le travail accompli en matière de R-D.

[40] M. Wong précisait qu'une valeur de 701 777,68 $ avait été attribuée au matériel par le fisc de l'Angleterre. Aux sections 60 à 62, 65 et 66 figurent les rapports ou notes du fisc de l'Angleterre, bureau spécial de Londres 1, concernant la valeur du matériel électronique acheté. Plus particulièrement, un rapport figurant à la section 61, au paragraphe 10, dit : [TRADUCTION] Un relevé de sommes d'argent reçues et payées au 31 mars 1988 fait état d'achats totalisant 596 412,84 $ US, tandis que le tableau des achats indique un total de 6 111 552,12 $ US. M. Wong a déduit de tous les faits de la présente affaire qu'une somme de 1 345 000 $ seulement avait été payée par ALP à Tinbon (section 22 de la pièce R-1, annexe 10).

[41] D'autres vérificateurs de Revenu Canada ont formulé les observations suivantes (sections 8 et 9) : les biens d'équipement déclarés n'ont pas été achetés conformément aux normes généralement reconnues quant à la diligence dont il faut faire preuve pour s'assurer d'un fonctionnement approprié. Tinbon n'est pas un nom connu en informatique, ni Abbot. Le matériel a été acquis de différents fournisseurs sans la mise au banc d'essai nécessaire. Ainsi, ALP s'est retrouvée avec du matériel incompatible. Normalement, pour 7,9 millions de dollars de matériel, on examinerait en détail ce qui est disponible, et de qui on pourrait se le procurer, avant de décider de passer une commande à un fournisseur inconnu. Le matériel, s'il était neuf quand il a été livré, ce qui n'est pas clair, ne valait probablement pas plus qu'une fraction des sommes déclarées. Les documents techniques fournis semblent provenir de sources inconnues et n'indiquent pas que le travail a été accompli de manière à répondre aux critères.

[42] À la section 95 de la pièce R-1 figure une lettre de Revenu Canada à ALP, datée du 15 mars 1988. Il s'agit d'une demande de renseignements sur l'activité de recherche scientifique et de développement expérimental exercée pour la période se terminant le 31 décembre 1986. La même demande a été faite le 20 avril 1988 (section 96). Une lettre (section 97) à l'intention de M. Rav Solanki en date du 3 août 1988 dit ce qui suit :

[TRADUCTION]

[...]

Au cours de notre rencontre du 27 juin 1988 concernant l'évaluation du matériel acheté pour l'exercice d'activités de R-D, vous aviez promis de fournir à M. Paul Lancaster de l'information supplémentaire que vous aviez à votre disposition. M. Lancaster avait expressément demandé ce qui suit :

– la documentation relative aux caractéristiques techniques du système;

– des registres relatifs aux tests d'évaluation des performances du système;

– des listes d'emballage détaillant le matériel reçu.

À ce jour, nous n'avons reçu aucun des documents susmentionnés, malgré nos appels téléphoniques répétés et malgré vos promesses d'envoyer l'information par messager.

Nous vous demandons une fois de plus de fournir l'information le plus vite possible. Si nous ne l'avons pas reçue dans les 14 jours suivant la date de la présente lettre, nous demanderons à M. Lancaster de procéder à son évaluation sur la foi de l'information fournie par vous à ce jour.

[...]

[43] La section 98 de la pièce R-1 est une lettre de Revenu Canada en date du 6 octobre 1988 indiquant que la demande de déduction relative au projet n'était pas assimilable à des activités de R-D.

[44] À la section 1 de la pièce R-1 figure une lettre en date du 23 février 1990 envoyée à l'appelant Kunkel. Cette longue lettre explique pourquoi les dépenses de recherche-développement et le crédit d'impôt à l'investissement ont été refusés. À la section 2 figure une autre lettre de Revenu Canada à M. Kunkel, émanant cette fois de M. Wong et expliquant en détail les faits relatifs au rejet de la demande de déduction de l'appelant.

Arguments

[45] L'avocat des appelants faisait valoir que ces derniers étaient des associés commanditaires et qu'ils n'avaient donc pas à participer à la gestion de l'entreprise. Il a renvoyé à l'article 64 de la Partnership Act (Colombie-Britannique), selon lequel un associé commanditaire n'est pas responsable comme un associé commandité, sauf s'il prend part à la gestion de l'entreprise. L'avocat faisait également valoir que c'était en février 1990, soit plus de trois ans après leur apport, que les appelants avaient été informés par Revenu Canada que celui-ci contestait les coûts d'achat du matériel ainsi que l'existence d'activités de R-D. L'avocat invoquait en outre le fait que M. Rav Solanki était décédé en septembre 1991, dans un accident de voiture. Cela rendait très difficile la tâche de présenter la preuve que les appelants auraient cherché à présenter. À titre d'exemples, l'avocat disait que c'était par chance que les appelants avaient obtenu l'adresse de M. Flessas et qu'ils avaient appris l'existence de M. Kamlesh Solanki ainsi que le rôle de ce dernier dans la société de personnes. La charge de la preuve incombant aux appelants devrait être évaluée dans cette perspective.

[46] L'avocat des appelants faisait valoir que deux thèses s'affrontaient. Celle des appelants est que le matériel a été acquis suivant les pratiques courantes, qu'il était conforme aux projets proposés, que le prix d'achat était raisonnable, qu'une somme de 6,5 millions de dollars avait effectivement été payée, ce qui laissait un solde de 1 430 000 $, et que des activités de R-D avaient été exercées; la thèse de l'intimée est l'opposé.

[47] L'avocat des appelants a fait référence à certains éléments de la preuve. Tout d'abord, concernant l'achat du matériel : M. Kamlesh Solanki a témoigné que son frère Rav était allé à des salons de l'informatique avant d'acheter le matériel; M. Kamlesh Solanki avait participé à l'élaboration des spécifications; suivant les instructions de Tinbon, Kamlesh et Rav Solanki étaient allés à Lattice Logic pour s'assurer de la compatibilité de certaines machines; M. Flessas avait estimé que le matériel valait le prix payé et que c'était le matériel approprié.

[48] En ce qui a trait aux activités de R-D, l'avocat des appelants a rappelé à la Cour que l'intimée ne contestait pas la valeur du projet de R-D. Donc, le projet était valable. Le personnel était qualifié, et le matériel était fonctionnel, du moins en août 1987, lorsque M. Shaw s'était rendu au bureau d'ALP. Lorsque M. Kamlesh Solanki avait quitté DRC pour aller en Angleterre, on avait mis au point un masque qui était prêt pour fins de production. L'avocat soutenait que la preuve de l'intimée sur la question de l'absence d'activités de R-D était uniquement fondée sur la déposition du témoin expert de cette dernière; sur la question de l'absence de documentation, l'avocat a renvoyé à la décision de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire RIS-Christie v. R., [1999] 1 C.T.C. 132, et plus particulièrement aux extraits suivants :

[...] L'article 2900 du Règlement vise la recherche effectuée pour l'avancement de la science ou dans le but de créer de nouveaux produits. Il ne spécifie pas que pour être admissible, elle doit atteindre effectivement ces objectifs.

[...]

[...] Dans les circonstances de la cause, je ne vois pas la nécessité d'imposer à cette dernière la charge supplémentaire de produire des preuves documentaires sur la possibilité de répéter les résultats des essais.

[49] L'avocat de l'intimée soutenait qu'il incombait au contribuable voulant déduire des dépenses d'entreprise en matière d'activités de R-D de prouver l'existence de telles activités. Il soutenait que l'intimée avait totalement démontré que le coût du matériel avait été gonflé, que l'achat du matériel avait été fait contrairement aux pratiques normales et qu'il n'y avait eu aucune investigation systématique.

Conclusion

[50] Le paragraphe 2900(1) du Règlement se lit comme suit :

2900(1) Pour l'application de la présente partie ainsi que des articles 37 et 37.1 de la Loi, “ activités de recherche scientifique et de développement expérimental ” s'entend d'une investigation ou recherche systématique d'ordre scientifique ou technologique, effectuée par voie d'expérimentation ou d'analyse, c'est-à-dire :

a) la recherche pure, à savoir les travaux entrepris pour l'avancement de la science sans aucune application pratique en vue;

b) la recherche appliquée, à savoir les travaux entrepris pour l'avancement de la science avec application pratique en vue;

c) le développement expérimental, à savoir les travaux entrepris dans l'intérêt du progrès technologique en vue de la création de nouveaux matériaux, dispositifs, produits ou procédés ou de l'amélioration, même légère, de ceux qui existent;

d) les travaux relatifs à l'ingénierie, à la conception, à la recherche opérationnelle, à l'analyse mathématique, à la programmation informatique, à la collecte de données, aux essais et à la recherche psychologique, lorsque ces travaux sont proportionnels aux besoins des travaux visés aux alinéas a), b) ou c) et servent à les appuyer directement.

Ne constituent pas des activités de recherche scientifique et de développement expérimental les travaux relatifs aux activités suivantes :

e) l'étude du marché ou la promotion des ventes;

f) le contrôle de la qualité ou la mise à l'essai normale des matériaux, dispositifs, produits ou procédés;

g) la recherche dans les sciences sociales ou humaines;

h) la prospection, l'exploration ou le forage fait en vue de la découverte de minéraux, de pétrole ou de gaz naturel, ou la production de minéraux, de pétrole ou de gaz naturel;

i) la production commerciale d'un matériau, d'un dispositif ou d'un produit nouveau ou amélioré, ou l'utilisation commerciale d'un procédé nouveau ou amélioré;

j) les modifications de style;

k) la collecte normale de données.

[51] Je comprends qu'il soit difficile en l'espèce pour les associés commanditaires d'avoir la charge de prouver qu'une investigation ou recherche systématique a été effectuée pour l'avancement de la science et que le matériel a vraiment été acquis à cette fin. Ils s'étaient fiés à des rapports établis par des cabinets bien connus d'experts-comptables et d'avocats, dont le rôle n'est pas en question ici. Les appelants étaient heureux d'investir de l'argent dans des activités de R-D. En même temps qu'ils encourageaient la recherche, ils obtenaient des avantages fiscaux. Il faut dire toutefois que, comme associés commanditaires, ils ont les droits décrits à l'article 58 de la loi intitulée Partnership Act, qui se lit comme suit :

[TRADUCTION]

58. Un associé commanditaire a, tout comme un associé commandité :

a) le droit d'examiner les livres de la société en commandite et d'en faire des copies, intégrales ou partielles, en tout temps;

b) le droit de recevoir, sur demande, de l'information véridique et complète sur toute question concernant la société en commandite et de recevoir un compte rendu officiel des affaires de la société dans toutes les circonstances où cela est juste et raisonnable;

c) le droit d'obtenir la dissolution et la liquidation de la société en commandite par voie d'ordonnance judiciaire.

[52] Il me semble que l'économie de la Loi exige que, lorsqu'un associé commanditaire veut déduire les pertes d'entreprise d'une société de personnes, il faut, comme dans le cas d'un contribuable quelconque cherchant à déduire des pertes d'entreprise, une preuve de l'existence de l'entreprise et des pertes subies; de plus, lorsque la demande de déduction se rapporte à des pertes en matière de R-D, la preuve de l'existence d'activités de R-D doit être faite. Aucune jurisprudence que l'on m'ait présentée ou que je connaisse n'indique qu'une telle preuve n'a pas à être présentée par un associé commanditaire demandant à déduire de telles pertes d'entreprise.

[53] Je traiterai maintenant de l'arrêt RIS-Christie v. R., invoqué par l'avocat des appelants, au sujet de l'absence de documentation. Cet arrêt de la Cour d'appel fédérale était fondé sur les conclusions qui avaient été tirées par le juge de la Cour canadienne de l'impôt et qui sont rapportées au paragraphe 16 de cet arrêt, à savoir que des tests avaient été effectués et que les efforts de recherche de M. Slonimsky et de son adjoint représentaient un progrès technologique.

[54] En l'espèce, aucun élément de preuve n'indique qu'il y a eu une investigation systématique quelconque ou que la recherche a conduit à un progrès technologique : aucun registre ou renseignement pertinent n'a été fourni aux représentants de l'intimée. La preuve a révélé que des fonctionnaires de Revenu Canada avaient rencontré à plusieurs reprises M. Rav Solanki, le cerveau de l'entreprise tant sur l'aspect organisationnel que sur l'aspect scientifique, et que M. Rav Solanki avait eu amplement le temps et l'espace pour fournir des réponses satisfaisantes.

[55] Je renvoie aux paragraphes 32 et 42 des présents motifs au sujet de visites annoncées et de lettres demandant de l'information. Des notes de M. Lancaster (pièce R-6) indiquent que, le 24 août 1988, il y a eu une rencontre avec M. Rav Solanki : [TRADUCTION] Rav était le seul avec qui j'avais été en contact jusque-là et il disait être l'auteur des spécifications, le directeur du projet et le responsable du groupe Alexis. Si les spécifications avaient été rédigées par lui ou par M. Kamlesh Solanki, il n'y avait aucune raison à cette époque pour qu'elles ne soient pas fournies à M. Lancaster, car ALP était encore en exploitation. Si un masque avait été élaboré avant le départ pour Londres de M. Kamlesh Solanki, au milieu de 1988 (paragraphe 10 des présents motifs), il aurait certes pu être montré aux représentants et experts scientifiques de l'intimée, car les rencontres avec M. Rav Solanki ont eu lieu exactement à cette époque. Si des travaux avaient été donnés en sous-traitance, les sous-traitants auraient pu fournir une preuve documentaire de leur investigation scientifique.

[56] Il semble évident que le matériel n'a pas été acheté conformément aux pratiques normales. Il a été acheté sans propositions de prix d'autres fournisseurs, sans spécifications, sans tests d'évaluation des performances ni garanties de performance, et ce, à un fabricant de matériel électronique inconnu. Sur la question de savoir ce qui constitue des pratiques normales en matière d'acquisition de matériel, les descriptions de ces pratiques données par M. Flessas et par M. Lancaster concordent à cet égard (paragraphes 31 et 34 des présents motifs). Il ne faut pas oublier que M. Flessas était le responsable des achats chez Philips (paragraphe 29 des présents motifs). Il est donc curieux que M. Flessas, dont les appelants invoquent le témoignage, affirme que le matériel valait le prix payé, alors qu'il ne l'a jamais vu, qu'il ne pouvait trouver le matériel d'Abbot dans aucun catalogue existant et que ce matériel n'a pas été acheté conformément à la pratique normale que M. Flessas lui-même suivait.

[57] Avec quel argent le matériel a-t-il été acheté? Sur la foi d'une preuve documentaire complète figurant à diverses sections de la pièce R-1, l'intimée affirme que le plus gros de cet argent, jusqu'à 6 500 000 $, était de l'argent fictif. Un examen de cette preuve fait qu'il est impossible d'être en désaccord sur cette conclusion. De plus, la logique commerciale appelle les mêmes conclusions.

[58] Une société commerciale ne prête pas d'argent sans intérêt. AHL, sans témoigner de sa capacité financière, voudrait que nous croyions qu'elle a prêté des millions de dollars sans intérêt : les prêts représentaient du financement sans recours, et les intérêts pouvaient être payés 10 ans plus tard. Une entreprise de crédit ne prête pas autant d'argent et une entreprise de R-D ne dépense pas autant d'argent pour l'achat de matériel sans que l'acquisition ne soit faite d'une manière scientifique et concurrentielle.

[59] Sur la foi de la preuve documentaire et de la logique commerciale, on ne peut que conclure que les 6,5 millions de dollars ont fait un aller-retour le même jour et que, pour ce qui est des coûts d'acquisition du matériel, aucune somme autre que l'argent comptant versé par les associés commanditaires n'a été fournie.

[60] J'estime que la preuve présentée par l'intimée en l'espèce est une preuve approfondie et que les hypothèses du ministre du Revenu national ont été prouvées de manière convaincante. Ces éléments de preuve avaient été communiqués aux appelants il y a longtemps, et ceux-ci n'ont assurément pas été pris par surprise.

[61] Les appels sont rejetés, avec frais, au motif que le coût d'achat du matériel a été gonflé de 6,5 millions de dollars et qu'aucune investigation systématique n'a été effectuée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de décembre 1999.

“ Louise Lamarre Proulx ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

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