Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 19980309

Dossier: 97-3562-IT-G

ENTRE :

PRATTS WHOLESALE LIMITED,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs de l'ordonnance

Le juge Beaubier, C.C.I.

[1] La requête de l'appelante a été entendue à Winnipeg (Manitoba), le 2 mars 1998. Elle vise à faire en sorte que Darren Earn, qui n'est pas avocat, soit autorisé à représenter l'appelante dans l'appel en l'instance. Elle est présentée conformément à l’article 30 des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale) (les “ Règles ”), aux termes duquel :

(1) La partie à une instance qui est frappée d'incapacité ou qui agit à titre de représentant se fait représenter par un avocat.

(2) Une personne morale se fait représenter par un avocat dans toute instance devant la Cour, sauf lorsque dans des circonstances spéciales, la Cour autorise la personne morale à se faire représenter par un de ses dirigeants.

(3) Les autres parties à une instance peuvent agir en leur nom ou se faire représenter par un avocat.

[2] Toutes les observations de l'appelante à l'appui de la présente requête ont été présentées oralement et n'ont pas été faites sous serment, ce qui illustre entre autres pourquoi il est difficile d'accueillir la présente requête. Néanmoins, les observations de l'appelante sont reconnues comme étant véridiques.

[3] L'appelante soutient que Darren Earn est celui qui connaît le mieux l'objet de l'appel et que, pour cette raison, il est le mieux placé pour agir dans l'appel. Darren Earn a préparé l'avis d'appel et les documents qui sont en litige. Ils sont décrits, en partie, à l'alinéa c) de l'avis d'appel, ainsi libellé :

[TRADUCTION]

c) Les dépenses ont été énumérées sur le formulaire prescrit, qui a été déposé au plus tard 12 mois après la date de dépôt prescrite pour l'année où les dépenses ont été faites. En raison d'une erreur administrative, le nom de compagnie qui a été inscrit sur le formulaire prescrit n'était pas le bon (Pratt's Limited à la place de Pratt's Wholesale Limited). La demande a donc été rejetée près de 10 mois plus tard, de sorte que le document préparé subséquemment pour corriger cette erreur a été déposé après l'expiration du délai prescrit aux fins du dépôt.

[4] Le président de l'appelante a déclaré que la situation financière de cette dernière est bonne et que M. Earn a été nommé vice-président de l'appelante en novembre 1997 pour agir dans l'appel. La Cour remarque qu'aux termes du paragraphe 30(2) des Règles, le représentant doit être un dirigeant de l'appelante.

[5] Dans l'affaire Kobetek Systems Ltd. c. Canada, (1998) F.C.J. no 16 (numéro du greffe T-1969-97), le juge Muldoon, de la Cour fédérale, a examiné le paragraphe 300(2) des Règles de la Cour fédérale, qui est ainsi libellé :

Une personne morale se fait représenter apra un avocat dans toute instance devant la Cour, sauf lorsque dans des circonstances spéciales, la Cour autorise la personne morale à se faire représenter par un de ses dirigeants.

[6] Le juge Muldoon a examiné le droit et déterminé ce qui suit :

Il appert de ces décisions que, pour déterminer si des circonstances spéciales existent, il convient d’examiner les facteurs suivants, soit les questions de savoir si l’entreprise peut s’offrir les services d’un avocat, si le représentant proposé sera tenu de comparaître comme porte-parole et comme témoin, si les questions de droit à trancher sont complexes (et, par conséquent, si le représentant semble être en mesure de débattre les questions de droit) et si l’action peut se poursuivre de manière expéditive.

Ces facteurs valent également pour l'article 30 des Règles.

[7] Il existe une facteur primordial que la Cour estime des plus importants : une personne morale est une création de la loi, formée pour conférer un avantage technique à ses actionnaires, administrateurs et dirigeants. Cet avantage peut être historique, comme la responsabilité limitée, ou il peut être plus actuel, aux fins de l'impôt sur le revenu ou d'autres fins fiscales, par exemple. Ainsi, la question en litige dans l'appel en l'instance se rapporte à une demande relative aux dépenses effectuées pour la recherche scientifique et le développement expérimental. Donc, une entreprise constituée en personne morale offre certains avantages dont un particulier ne peut peut-être pas se prévaloir. Pour compenser cela, on prévoit certaines obligations, comme celle d'adopter des résolutions ou celle, pour l'entité qui a été créée par la loi, de se faire représenter par un avocat. Parce qu'elle est une création technique de la loi, et de par sa nature même, une personne morale devrait se faire représenter par un avocat dans toute instance devant la Cour, sauf dans des circonstances très exceptionnelles.

[8] Le représentant peut témoigner au sujet de ses erreurs ou manquements personnels qui sont, pourrait-on soutenir, des manquements de la société appelante. Cependant, le représentant témoin peut être personnellement responsable devant la société, ses administrateurs, ses dirigeants ou ses actionnaires de ses actes ou manquements personnels concernant les affaires de la société. La preuve pourrait indiquer que la société ou des tiers sont tenus de payer des dommages-intérêts à des tiers. Par ailleurs, en raison de leur nature juridique, les parties ne reconnaîtront probablement pas ces problèmes sans l'aide d'un avocat.

[9] Si, pour fonder mon analyse, je me reporte aux critères formulés par le juge Muldoon, la société en l'instance a les moyens de payer un avocat; le représentant proposé sera vraisemblablement le témoin principal de l'appelante; la question en litige est certainement une question de droit et, compte tenu de l'avis d'appel, le procès ne nécessitera probablement pas plus d'un jour d'audition.

[10] De l'avis de la Cour, les deux facteurs les plus importants sont le fait que le représentant proposé sera vraisemblablement un témoin et que la question en litige est une question de droit complexe. Ces deux facteurs sont présents en l'occurrence.

Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour de mars 1998.

“ D. W. Beaubier ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 23e jour d’avril 1998.

Benoît Charron, réviseur

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