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Date: 20000405

Dossier: 98-2254-GST-G

ENTRE :

DONALD REDMOND,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Margeson, C.C.I.

[1] L'appel se rapporte à la cotisation de 47 360,47 $ établie par le ministre du Revenu national (le “ ministre ”) — avis de cotisation no 01CB R122752215-02 daté du 17 février 1997 — au titre d'un montant impayé de TPS par G.M. Piercey Enterprises Limited (la “ compagnie ”) et des intérêts et pénalités y relatifs.

Preuve

[2] Jennifer Ann Holleman, une adjointe administrative dans le domaine de l'immobilier, avait toujours vécu à Kings County (Nouvelle-Écosse). Elle possédait une 12e année et avait suivi un cours avancé d'un an en comptabilité au collège communautaire. Elle avait été engagée par G.M. Piercey Enterprises Limited à l'automne 1992 et avait travaillé pour l'entreprise jusqu'à sa mise sous séquestre le 24 février 1993.

[3] Au début, elle s'occupait notamment des comptes fournisseurs, des comptes clients, de la feuille de paie en plus de s'acquitter de tâches administratives générales; se sont ajoutées par la suite des fonctions plus particulières de tenue de livre, qui avaient auparavant été exécutées par une certaine Kim Dunbar. Entre les mois de novembre 1992 et février 1993, personne n'a supervisé son travail en comptabilité, quoiqu'elle ait bénéficié des conseils de Chris Maynard, un comptable agréé qui dressait les états financiers de fin d'exercice et qui donnait également des avis comptables pendant l'année.

[4] Elle a déclaré que Gary Piercey était le propriétaire-exploitant et que Donald Redmond était le débosseleur et le propriétaire de Redmond’s Auto Body Shop. Elle ne savait pas que M. Redmond était un associé. Elle ne le voyait pas souvent et ne recevait aucune directive de lui. Elle faisait les dépôts bancaires et préparait les chèques pour la signature de Gary Piercey.

[5] Elle examinait les factures et rédigeait les chèques, qu'elle remettait à M. Piercey pour signature et qu'elle expédiait par la suite. En ce qui concerne les versements de TPS, elle a déclaré qu'elle avait un calendrier sur lequel étaient indiqués les paiements à effectuer ainsi que la date à laquelle ils devaient être effectués. Quatre ou cinq jours avant la date d'échéance, elle préparait les formulaires et les chèques. Elle remettait les chèques à Gary Piercey pour signature. Au début, ils lui revenaient rapidement, puis M. Piercey a commencé à les retenir et, parfois même, il les envoyait lui-même.

[6] Les représentants du ministère du Revenu appelaient constamment, mais M. Piercey refusait de leur parler. Mme Holleman a présumé que ces montants élevés n'étaient pas versés parce qu'ils auraient modifié la situation financière de la compagnie. Celle-ci disposait d'un découvert à la Banque de Montréal, mais sa situation était à ce point précaire que chaque véhicule en stock vendu devait être payé immédiatement.

[7] Les états financiers étaient préparés une fois par mois sur un ordinateur relié à Honda Canada relativement aux ventes. Elle avait également un système interne qui imprimait la balance de vérification et le bilan. Il était également possible d'avoir accès aux données financières de Honda. Elle remettait tous ces documents à M. Piercey, qui les modifiait souvent et lui demandait parfois de changer le résultat. Les états n'étaient donc pas exacts. Au début, cela la mettait mal à l'aise, mais elle ne croyait pas qu'elle pouvait formuler des objections. Elle savait que quelque chose allait arriver. Des rumeurs se sont mises à circuler deux ou trois semaines avant la faillite. M. Piercey n'a parlé de la situation que quelques jours avant la faillite, qui a eu lieu le 24 février 1993.

[8] Dans les derniers temps, Chris Maynard était sur place plus souvent. M. Piercey et lui se réunissaient. M. Redmond n'y était pas souvent, mais une fois le témoin l'avait vu en état de choc. M. Redmond n'avait pas de pouvoir de signature.

[9] Elle a déclaré que les versements de TPS n'avaient pas été effectués au cours des derniers mois. M. Piercey comptait diviser le dernier montant en quatre, a-t-elle déclaré, mais le compte n'a jamais été payé. Elle n'a pas livré ni envoyé de versement de TPS au cours des derniers mois. Son rôle a été très limité en février 1993.

[10] Au cours du contre-interrogatoire, elle a déclaré que la compagnie comptait de 10 à 13 employés. L'appelant n'était pas un employé. Il s'occupait du travail de débosselage. De temps à autre, il allait voir Gary Piercey. Au cours des cinq ou six derniers mois, les créanciers appelaient l'entreprise. Les comptes, qui étaient auparavant réglés après 30 jours, se sont mis à accuser de trois à quatre mois de retard. Revenu Canada a appelé concernant le versement des retenues à la source et de la TPS. Les paiements n'étaient jamais faits à temps. Elle ne se rappelait pas les montants dus, mais, a-t-elle dit, ils étaient élevés, ils représentaient des dizaines de milliers de dollars. Elle savait que ces paiements devaient être effectués chaque trimestre. Elle les préparait et les remettait à M. Piercey qui devait soit les lui retourner, soit les envoyer lui-même. Souvent, lorsqu'elle procédait à des vérifications, les chèques destinés au gouvernement n'avaient pas été envoyés et, parfois, ils n'avaient même pas été signés. Elle les laissait dans le bureau de M. Piercey.

[11] Selon ce témoin, Chris Maynard, le comptable, était au courant de la situation. Elle lui avait parlé et lui avait dit qu'elle avait de la difficulté à exécuter son travail. M. Maynard savait ce qui se passait, mais ce n'est pas elle qui l'en avait informé. On pouvait savoir en jetant un coup d'oeil aux états financiers qu'une facture n'avait pas été payée. En consultant le registre des chèques, on aurait constaté que le chèque avait été rédigé. S'il y avait un crochet à côté du chèque, c'est dire qu'il avait été encaissé, sinon il n'y avait rien. Elle conservait tous les livres qu'elle utilisait régulièrement dans son propre bureau, qui était situé en face de celui de M. Piercey.

[12] M. Redmond, l'appelant, n'est jamais venu consulter les livres, les états financiers, les journaux des décaissements, les livrets de dépôt, les balances de vérification mensuelle ou les comptes des ventes. Il n'a jamais posé de questions au sujet de la situation financière de la compagnie.

[13] C'est M. Piercey qui s'occupait des crédits de taxe sur les intrants. Le témoin ne faisait qu'extraire les données de l'ordinateur et les inscrire sur les bordereaux de paiement.

[14] Le témoin n'était pas en mesure de dire si une déclaration avait été produite pour la période se terminant le 31 janvier 1993. Elle ne savait pas ce qu'était un crédit de taxe transitoire. Elle faisait les retenues à la source; au début, les versements étaient effectués puis, à l'instar des versements de TPS, ils n'ont plus été faits à temps. Il n'y avait pas de compte bancaire distinct pour les versements de TPS ou les retenues à la source. Mme Holleman savait que M. Piercey avait retenu les chèques à de nombreuses reprises pendant la période où elle avait travaillé pour lui. Elle croyait que l'état de Honda contenait aussi les renseignements sur la TPS, mais elle n'en était pas certaine. M. Piercey lui demandait de modifier l'état établi manuellement dans le but de changer le résultat. Il ne touchait ni aux ventes, ni au stock ni aux montants de TPS perçus.

[15] Le témoin ne savait pas que Donald Redmond était administrateur de la compagnie. Elle savait que les inscriptions comptables n'étaient pas bien faites, mais elle ne croyait pas qu'elle pouvait dire à M. Piercey de changer sa façon de procéder. Son dernier jour de travail correspond à son dernier jour d'activité dans l'entreprise. Elle n'est pas passée chez le nouveau concessionnaire. Au cours de la période finale d'activités, M. Redmond était selon elle plus souvent sur place.

[16] En réponse à la question de la Cour, Mme Holleman a déclaré que tous les registres étaient accessibles à toute personne habilitée à les consulter. Ils montreraient que les chèques n'étaient pas encaissés. On ne lui a pas demandé de montrer le montant des retenues au titre de la TPS ni d'indiquer que les montants étaient versés ou quand ils étaient versés.

[17] Le témoin suivant, Me Peter Muttart, était avocat depuis 1968. Un recueil de pièces a été déposé sous la cote A-1, sous réserve du poids à leur accorder et de leur justification. À ses dires, il aurait constitué la compagnie et se serait occupé des démarches juridiques à cette fin. Gary Piercey avait été la première personne-ressource; il avait aussi rencontré M. Redmond, l'appelant. Le témoin a reconnu le document se trouvant à l'onglet 1, soit une lettre adressée par les comptables de la compagnie (Whynot, Maynard & Bent), plus particulièrement Chris Maynard, dans laquelle on donnait des instructions à Me Muttart concernant l'organisation du capital social de la société. Gary Piercey devait détenir 75 actions et Donald Redmond, 25. Les dirigeants devaient être G. M. Piercey, à titre de président, et D. W. Redmond, à titre de secrétaire-trésorier. La lettre précisait également que les actionnaires seraient les administrateurs de la compagnie. M. Piercey devait investir 50 000 $ et M. Redmond, 100 000 $. Ces montants seraient comptabilisés à titre de prêts des actionnaires sans intérêts; les modalités de remboursement n'avaient pas été déterminées.

[18] Le témoin a également déclaré qu'il tenait de M. Piercey que M. Redmond serait actif dans la compagnie, qu'il y aurait des échanges entre l'entreprise de débosselage de M. Redmond et l'entreprise de vente de voitures. Le témoin a affirmé qu'il les aurait désignés tous deux comme administrateurs.

[19] Il n'est pas entré dans le détail des fonctions des administrateurs, mais il a déclaré qu'il y aurait normalement eu une ou plusieurs rencontres avec M. Piercey et M. Redmond et qu'il aurait recommandé la signature d'une convention des actionnaires. Il a reconnu cette convention à l'onglet 2 et a déclaré qu'il en avait certifié la signature. La convention indique que M. Piercey possède 70 actions ordinaires et M. Redmond, 30, ce qui ne correspond pas aux instructions initialement données par le comptable. Il ne savait pas pourquoi ce changement avait été apporté. Il ne savait pas si M. Redmond s'était fait conseiller par un autre avocat. Aux termes de la convention, M. Piercey ne pouvait pas dépenser plus de 10 000 $ par achat d'immobilisation sans le consentement de M. Redmond. Par la suite, les avocats ne seraient intervenus qu'une fois par année relativement aux procès-verbaux et à tout dividende déclaré.

[20] Le témoin savait qu'un certain M. Munro avait fait une offre pour acheter l'entreprise mais que la vente ne s'était pas concrétisée. Une autre offre avait été faite par la suite par un certain M. Meisner, comme en témoigne la convention d'achat-vente figurant à l'onglet 13, dont Me Muttart a certifié la signature. Il n'avait pas participé aux négociations au sujet de la vente. Il ne se rappelait pas avoir reçu d'instructions de M. Redmond, mais il a déclaré qu'ils se seraient rencontrés. Il n'avait reçu aucune instruction de M. Piercey concernant M. Redmond.

[21] Il savait que les associés s'interrogeaient sur la capacité de la compagnie de payer ses dettes sur le produit de la vente. Il n'a pas eu de discussions concernant la responsabilité personnelle de M. Piercey parce que toutes les dettes devaient être remboursées sur le produit de la vente.

[22] Le témoin savait que la Banque de Montréal détenait une garantie, et il en avait discuté avec eux (vraisemblablement M. Redmond et M. Piercey). C'était un compte spécial à la Banque de Montréal, et il était pour cette raison devenu urgent de conclure la vente. Il y a eu un problème avec le locateur qui vendait le bien et qui ne respectait pas ses engagements aux termes de l'entente conclue avec ses clients. En conséquence, l'acheteur se faisait plus réticent et voulait modifier le prix d'achat. Il y aurait un manque à gagner de 18 000 $ (qui n'a rien à voir avec la taxe), mais il serait impossible de satisfaire aux exigences de la Bulk Sales Act. La banque ne se montrait pas très coopérative non plus; elle semblait d'accord pour ce qui est de la vente de l'entreprise 18 000 $ moins cher. De l'avis du témoin, M. Piercey n'avait pas le choix, la banque ayant indiqué qu'elle allait appeler la garantie. Il y a eu mise sous séquestre de l'entreprise, puis dépôt d'une proposition concordataire. L'entreprise a été vendue beaucoup moins cher qu'elle aurait dû l'être.

[23] M. Piercey a été informé qu'il y avait peut-être matière à intenter des actions contre plusieurs parties, dont le locateur, mais il n'avait pas les moyens de le faire. La facture d'honoraires d'avocat du témoin a été réglée avec le syndic.

[24] On a montré au témoin l'état de compte qu'il avait établi pour ses services. Il y est fait état d'une consultation avec M. Piercey et avec son associé le 28 décembre 1992 et d'un appel à M. Cooper au sujet de la convention.

[25] M. Redmond et M. Piercey ont reçu des avis de cotisation de Revenu Canada et le cabinet du témoin a déposé des avis d'appel pour les deux intéressés. M. Piercey a reçu un autre avis de cotisation au titre de la T.V.P. et a en conséquence fait une faillite personnelle.

[26] On a montré au témoin plusieurs documents se rapportant aux diverses cotisations établies à l'égard de Donald Redmond, et l'avocat de l'intimée s'est opposé à leur production en preuve. Les documents ont été admis sous réserve du poids à leur accorder et de leur pertinence.

[27] On a montré au témoin le document se trouvant à l'onglet 8, soit une lettre qu'il avait lui-même adressée à Revenu Canada et dans laquelle il mentionnait que M. Redmond était un ancien administrateur. Le témoin a déclaré que M. Redmond ne s'était plus occupé de la compagnie après la faillite.

[28] Au cours du contre-interrogatoire, on a renvoyé le témoin à une lettre que Revenu Canada lui avait adressée et dans laquelle le ministère lui demandait de soumettre des observations écrites supplémentaires pour le compte de M. Redmond relativement à son avis d'opposition. Le témoin a indiqué qu'il ne se rappelait pas avoir présenté d'autres observations pour le compte de M. Redmond.

[29] Le témoin a déclaré que M. Redmond était demeuré administrateur jusqu'en février 1993, quand il avait cessé de s'occuper de la compagnie. Le témoin ne savait pas s'il avait démissionné par après, si tant est qu'il eût démissionné.

[30] Lorsqu'on a attiré son attention sur la date du 28 décembre 1992 indiquée à l'onglet 39, le témoin a déclaré qu'il ne se rappelait pas ce qui s'était passé ce jour-là, mais que cela se rapportait à la proposition d'achat de M. Munro, qui était la première proposition. Il n'aurait pas nécessairement examiné la situation financière de la compagnie à ce moment-là. Dans le cadre du processus d'achat, il aurait examiné les entrées et les sorties de fonds et aurait déterminé s'il y avait suffisamment d'argent pour payer les dépenses, y compris les taxes. Il a déclaré que les documents lui auraient été fournis par les deux administrateurs, mais il ne se rappelait pas avoir discuté avec M. Redmond de la proposition d'achat de M. Meisner; cela ne signifie toutefois pas que M. Redmond et lui n'en avaient pas discuté.

[31] Il recevait ses instructions de M. Piercey, mais il aurait vu M. Redmond au moment de la signature des documents. Il croyait que M. Redmond avait accordé à M. Piercey le pouvoir apparent et manifeste de signer la convention d'achat-vente. Il aurait discuté de cette convention avec les deux administrateurs. Il a de nouveau déclaré qu'il n'aurait pas nécessairement informé M. Redmond de ses fonctions en tant qu'administrateur, mais qu'il aurait indiqué de façon générale aux deux hommes que les administrateurs détenaient le contrôle effectif de l'entreprise et qu'ils devaient se réunir une fois par année. Il aurait également discuté de la question de la responsabilité limitée avec M. Redmond. Celui-ci ne lui a pas demandé en quoi consistaient ses responsabilités comme administrateur. Ils n'ont pas discuté de la responsabilité en cas de non-versement de la taxe.

[32] D'après le témoin, il y avait une réunion des administrateurs et une réunion des actionnaires une fois par année et, si besoin était, à d'autres occasions. Il n'assistait pas personnellement à ces réunions. Il était au courant des procès-verbaux des réunions annuelles et, a-t-il déclaré, seuls les administrateurs approuvaient les états financiers chaque année. Les procès-verbaux annuels auraient été dressés par son cabinet jusqu'à ce que le syndic emporte les livres. Son cabinet envoyait les procès-verbaux et avisait MM. Piercey et Redmond de tenir les réunions, de signer les procès-verbaux et de les retourner. Il est possible qu'il y ait eu d'autres appels ou d'autres réunions avec M. Redmond au sujet de la compagnie entre les années 1990 et 1993, mais le témoin n'avait pas de document particulier pour le prouver. M. Redmond n'a pas posé de questions pour savoir s'il pouvait être tenu responsable des dettes de la compagnie.

[33] Le témoin croyait qu'il y avait un montant de taxe à payer d'environ 60 000 $ et que la dette serait remboursée sur le produit de la vente. Il est possible que ce renseignement lui ait été fourni par M. Piercey et M. Redmond, mais il n'en était pas certain. Il a examiné les chiffres avec M. Piercey en décembre 1991 ou en janvier 1992 relativement à la transaction Munro.

[34] En réponse à une question de la Cour, le témoin a déclaré que M. Piercey avait mis M. Redmond au courant des comptes impayés ainsi que des discussions qu'il avait eues avec le témoin. À la suite de cette question et en réponse à une question de Me Tompkins, le témoin a déclaré que M. Redmond savait que toutes les taxes seraient payées, et cela était en partie attribuable aux discussions que M. Piercey avaient eues avec Me Muttart. Il savait que MM. Redmond et Piercey se parlaient régulièrement et il a supposé que M. Redmond était au courant des obligations et qu'on s'en acquitterait.

[35] En réponse à une question de l'avocat de l'intimée, le témoin a déclaré que, lors de la rencontre avec MM. Redmond et Piercey, la discussion avait porté sur la transaction Munro, dont M. Redmond connaissait l'existence et les modalités. M. Piercey a signé la convention et il avait le pouvoir de le faire. Manifestement, la compagnie avait des problèmes financiers. Il ne pouvait pas dire à quel moment cela s'était passé, mais c'était peu de temps après que la Banque de Montréal eut décidé de considérer le compte comme un compte spécial.

[36] Le témoin suivant, James Christopher Maynard, était comptable agréé depuis 1971. En 1991, il exerçait sa profession en Nouvelle-Écosse. Il a effectué du travail pour la compagnie; c'est l'ancien propriétaire qui l'avait recommandé à M. Piercey. Il n'a pas donné de conseils relativement à la vente initiale. Les négociations se sont principalement déroulées entre M. Sampson et M. Piercey. Celui-ci avait travaillé pour M. Sampson pendant deux ans environ avant la transaction.

[37] Le témoin a déclaré qu'au début, en 1990, il n'avait pas traité avec M. Redmond. En juin 1992, celui-ci l'avait appelé pour savoir s'il y aurait suffisamment d'argent pour payer les factures sur le produit de la vente.

[38] Il a fait connaissance avec M. Redmond le 30 mars 1990 lorsqu'il a rédigé la lettre d'instruction à l'intention de Me Muttart. Les renseignements lui ont été fournis par M. Piercey. Il ne savait pas si M. Redmond se faisait conseiller par un avocat ou un comptable. L'argent a été investi dans la compagnie de la manière décrite dans cette lettre. On lui a demandé d'aider la préposée à la tenue de livres à l'interne de façon générale. La compagnie avait trois ou quatre préposées à la tenue de livres à l'interne, soit Betty Whynott, Kim Dunbar, Jennifer Holleman et Elaine Foot. Le témoin a recommandé la signature d'une convention des actionnaires entre M. Redmond et M. Piercey, mais il n'a pas été en mesure d'expliquer pourquoi il y avait eu modification de la participation de chacun.

[39] En juin 1992, il est devenu évident que la compagnie éprouvait des difficultés financières. Le témoin savait que la compagnie avait des problèmes avec la Banque de Montréal au printemps 1992. Il a eu des discussions avec M. Redmond concernant les problèmes financiers. Ce dernier l'a appelé pour savoir si la vente éventuelle de l'entreprise se solderait par un manque à gagner. Le témoin a dit à M. Redmond de communiquer avec M. Piercey au sujet des éléments d'actifs et des dettes.

[40] Les derniers états financiers qu'il a établis se rapportaient à l'exercice clos le 30 avril 1992. Le 6 juin 1992, il a rencontré M. Piercey, qui lui a présenté le scénario le plus optimiste. Dans le meilleur des cas, il y aurait un excédent de fonds de 96 000 $, et dans le pire des cas, un excédent de 6 000 $. Avant de payer les comptes des actionnaires, il a appelé M. Redmond et lui a fourni ces chiffres en lui disant qu'ils lui avaient été communiqués par M. Piercey et qu'il n'en confirmait pas l'exactitude. On lui a montré l'onglet 12, soit un état financier se rapportant à l'exercice clos le 30 avril 1992. Il avait été dressé le 9 octobre de la même année. Ces états montraient que les pratiques comptables laissaient à désirer. Accompagné de M. Piercey, il a rencontré les représentants de la Banque de Montréal à Halifax; ceux-ci n'étaient pas heureux de la situation. La stabilité posait un problème. M. Redmond n'a pas assisté à cette rencontre, et il n'a pas été informé de la situation.

[41] À la fin de décembre 1992 ou au début de janvier 1993, M. Redmond a appelé le témoin pour organiser une rencontre au bureau avec M. Piercey concernant la vente ainsi que le paiement des dettes. Le témoin a utilisé les renseignements fournis par M. Piercey et a indiqué que les actionnaires ne seraient pas payés intégralement, mais que les dettes seraient remboursées. Il ne s'est pas occupé de la vente de l'entreprise à M. Meisner.

[42] Le témoin a eu des rencontres avec M. Piercey une ou deux fois par mois, ainsi qu'avec le personnel. M. Redmond n'a eu aucun contact avec lui. Il n'y a pas eu de discussion au sujet de dettes particulières comme les versements à faire au gouvernement. Pour dresser l'état financier se rapportant à l'exercice clos le 30 avril 1992, le témoin a pris connaissance des montants dus à Revenu Canada. À la question de savoir pourquoi l'entreprise n'était pas rentable, il a déclaré que les dépenses étaient demeurées constantes après une baisse importante des bénéfices bruts et des ventes. Cette baisse était le reflet de l'économie de l'époque. Il ne savait de la possibilité de faillite que ce que d'autres personnes lui en avaient dit.

[43] L'année suivante, M. Redmond a retenu ses services pour la radiation de l'importante dette découlant de la perte commerciale. Le témoin a reconnu la lettre se trouvant à l'onglet 3, qu'il avait envoyée à Revenu Canada. Par suite de cette lettre, le crédit de 1993 a été appliqué et M. Redmond a reçu un avis de cotisation indiquant un solde nul au titre des retenues à la source non versées. Il a également reçu une lettre indiquant qu'en raison du délai de prescription de deux ans applicable aux recouvrements, aucune cotisation ne serait établie à son égard. Le témoin a déclaré qu'il n'avait pas discuté avec M. Piercey des modifications apportées dans les livres et registres internes, mais qu'il avait fait part de ses préoccupations dans sa mission d'examen.

[44] Au cours du contre-interrogatoire, on a reporté le témoin à l'onglet 12, soit les documents financiers de la compagnie, et il a déclaré que bon nombre des préposées à la tenue de livres n'avaient pas l'expérience voulue pour faire les écritures comptables. Il y avait des erreurs d'écriture et de nombreuses activités étaient consignées dans les mauvais comptes. Il était difficile d'établir le montant des ventes, le coût des ventes et les dépenses d'entreprise. Le problème de tenue de livres existait depuis la constitution en société et s'est aggravé vers la fin de l'année 1992 alors que la compagnie éprouvait des difficultés financières. Le témoin a signalé les problèmes de tenue de livres à M. Piercey. Il n'en a jamais parlé à M. Redmond, qu'il considérait comme un associé passif, laissant à M. Piercey le soin de le mettre au courant de la situation. Il savait que M. Redmond était un administrateur, un actionnaire et un investisseur, mais il a uniquement informé M. Piercey. Il a également dressé les états financiers se rapportant à l'exercice clos le 30 avril 1991. Il a formulé son opinion en s'appuyant sur les chiffres fournis par M. Piercey.

[45] M. Redmond n'a pas demandé à voir quelque document que ce soit. En outre, le témoin n'a eu accès à aucun document en juin pour vérifier les chiffres fournis par M. Piercey. Il a dressé les états financiers après avoir effectué un examen des registres et apporté plusieurs corrections. C'est en juin 1992 que M. Redmond est venu le voir pour la première fois au sujet des problèmes de la compagnie.

[46] À l'époque, le témoin ne croyait pas qu'un administrateur externe pouvait être tenu responsable. Il n'a jamais informé M. Redmond qu'il était un administrateur externe et celui-ci ne lui a jamais posé de questions au sujet de sa responsabilité. La compagnie avait des problèmes en 1992; cette année-là, il y avait eu une perte nette de 155 351 $, et, l'année précédente la perte nette s'était élevée à 29 082 $.

[47] Le témoin a examiné les états financiers de 1991 avec M. Piercey seulement. Au 30 avril 1992, seuls les versements d'un trimestre étaient en retard. La compagnie devait également un montant de TPS pour 1991. Selon les états financiers, la taxe sur les produits et services payable s'élevait à 23 459 $ en 1992. La compagnie a eu des problèmes de trésorerie du 30 avril 1991 au 30 avril 1992. Les états financiers se rapportant à l'exercice clos en 1991 ont été dressés en août 1991.

[48] Les déclarations de TPS pour les mois de novembre 1991 à janvier 1992 n'avaient pas été produites au 30 avril 1992, mais elles avaient peut-être été remplies. Les rapports pour les mois de février, mars et avril 1992 n'avaient pas été préparés. Les crédits de taxe sur les intrants étaient calculés par la préposée à la tenue de livres à l'interne. Après le 30 avril 1992, le témoin n'a plus préparé de déclaration de taxe pour la compagnie.

[49] En réinterrogatoire, le témoin a déclaré qu'il ne s'était pas occupé de la compagnie en 1993 et que, en ce qui concerne les nouvelles sommes injectées dans la compagnie en 1992, la contribution de chacun se rapprochait du ratio d'actionnaire. En réponse aux questions de l'avocat de l'intimée, le témoin a déclaré que même une personne avertie qui examinerait les états financiers ne pourrait savoir que les versements de TPS et d'impôt sur le revenu étaient en retard pour plus d'un trimestre, si tant est qu'elle pût apercevoir quelque irrégularité à cet égard.

[50] Le témoin suivant, Mark Stephen Rosen, était syndic de faillite et il connaissait bien la compagnie. Il est intervenu vers la fin de 1993. Gary Piercey lui a communiqué un chiffre global indiquant qu'il y avait un montant impayé de 70 000 $ au titre de la T.V.P. et de 30 000 $ au titre de la TPS. On lui a dit que M. Redmond était administrateur. Il était important qu'une faillite ait lieu pour que la banque reçoive le plus d'argent possible après la revente. Presque tout le produit de la vente à M. Meisner a été remis à la Banque de Montréal. Ils étaient au courant des réclamations du gouvernement, mais ils ont demandé à Revenu Canada de produire les preuves de réclamation. Le témoin a reçu les états de la compagnie concernant les montants dus à Revenu Canada, de même que les livres et registres de la compagnie, qu'il a retournés à Gary Piercey environ deux ans plus tard, une fois la faillite réglée. Il n'a pas traité avec M. Redmond, mais il est possible qu'il ait signé certains documents. Il ne s'en rappelait pas.

[51] Essentiellement, le témoin a traité avec M. Piercey de façon régulière. Il a examiné divers documents se rapportant à la faillite et à la mise sous séquestre. Il a dit à Revenu Canada de formuler une réclamation dans le cadre de la faillite; aucune poursuite n'a été intentée et aucune autre demande n'a été formulée. Revenu Canada a présenté une demande à un tiers — onglet 36 —, mais le témoin ne savait pas quel montant de la dette le ministère avait recouvré, le cas échéant. La lettre qu'il a adressée à Revenu Canada le 31 mai 1993 concernant les comptes clients impayés de la compagnie est demeurée sans réponse.

[52] En ce qui concerne le document se trouvant à l'onglet 45 sur lequel est indiqué un solde impayé de 37 641,05 $, le témoin a déclaré qu'il avait eu des discussions à ce sujet avec M. Piercey et peut-être aussi avec M. Redmond. C'est Revenu Canada qui devait s'occuper d'obtenir le paiement de certains comptes, et il n'en avait pas entendu parler. Il a reporté la Cour à la réclamation modifiée de Revenu Canada figurant à l'onglet 4 de la pièce A-1 pour ce qui est du montant en litige, à la preuve de réclamation — “ modifiée ” (onglet 5) — et à la Demande d'annulation d'inscription d'un numéro de TPS, à l'onglet 7.

[53] Gary Michael Piercey a témoigné qu'il travaillait dans le domaine de l'automobile depuis le début des années 1980. Il avait travaillé pour l'ancien propriétaire, David Sampson, comme directeur général. Au printemps 1990, ils ont acquis la compagnie. L'appelant, Donald Redmond, avait un atelier de débosselage. La répartition initiale des actions — 75 p. cent et 25 p. cent — a été modifiée — 70 p. cent et 30 p. cent — peu avant la signature. Le témoin croyait que M. Redmond avait son propre avocat et qu'il se faisait conseiller par lui. C'est sur les conseils de son avocat, qui craignait que M. Piercey vende la compagnie sans en aviser M. Redmond, que celui-ci avait modifié la répartition des actions (70 p. cent et 30 p. cent). Les points mentionnés dans la lettre figurant à l'onglet 1 de la pièce A-1 ont été discutés avec M. Redmond, mais il n'a pas été question des risques encourus par un administrateur.

[54] Le témoin a déclaré que Donald Redmond et lui avaient vu qu'il y avait une occasion à saisir. M. Redmond savait pourquoi M. Piercey était venu le voir. Ils ont commencé à parler de l'entreprise et M. Piercey a demandé à Donald Redmond s'il était intéressé à s'associer avec lui, et il a répondu par l'affirmative.

[55] On a interrogé le témoin au sujet du rôle de Donald Redmond et il a répondu qu'il n'avait aucune fonction particulière. C'est M. Piercey qui s'occupait des activités quotidiennes ainsi que des questions bancaires. Il croyait que l'avocat de M. Redmond était un certain Me Force. Il a suggéré la signature d'un contrat d'emploi pour M. Redmond. Ce dernier n'avait aucun pouvoir de signature.

[56] Dans l'esprit de M. Piercey, la proposition de M. Sampson était à prendre ou à laisser. L'acheteur a reçu le stock et il a acheté l'équipement, pour lequel il a dû débourser un montant supplémentaire de 100 000 $; le vendeur a conservé les comptes clients et les voitures d'occasion et l'acheteur a convenu de les vendre et de partager les profits. Ils ont obtenu une marge de crédit de 100 000 $ à la Banque de commerce. Pour ces 100 000 $, ils ont reçu l'équipement et les meubles, les enseignes, les systèmes téléphoniques, les outils, les palans et la machinerie. Il a décrit de quelle manière la compagnie avait traité avec la Banque de commerce jusqu'à ce que celle-ci demande le remboursement du prêt au printemps 1992. C'est à ce moment-là qu'ils avaient décidé de faire affaire avec la Banque de Montréal.

[57] La compagnie avait des renseignements financiers courants non vérifiés. Le témoin ne savait pas trop ce qu'était un bilan et il connaissait peu de choses sur les actions. Il n'a pas communiqué l'information financière à M. Redmond, mais il ne lui a jamais caché quoi que ce soit. M. Redmond s'occupait de l'entreprise de réparation. Il n'a reçu ni salaire de la compagnie, ni dividende; aucun montant ne lui a été remboursé sur le prêt qu'il avait consenti, et il n'a rien eu à voir avec l'embauchage des employés.

[58] En ce qui concerne les retenues et les versements à Revenu Canada, il examinait les états mensuels. Il se fiait au comptable et aux autres employés, mais il savait qu'il y avait des dates limites pour faire les versements. Les créanciers ont été payés au cours de l'année 1990, mais entre le début de 1991 et le début de 1992, les affaires se sont mises à mal aller. Il était au courant de la situation.

[59] En 1991, M. Redmond ne participait toujours pas à l'exploitation de l'entreprise. Tous savaient que les ventes avaient diminué. M. Redmond était dans le bureau et il pouvait voir que la salle d'exposition était vide. Des états mensuels étaient toujours dressés chaque mois. Il ne les examinait pas avec M. Redmond. Il ne se rappelle pas non plus avoir examiné l'état des comptes avec M. Redmond. Il s'est rendu compte qu'il y avait des problèmes lorsqu'il a pris connaissance des états financiers. Entre le mois de mars 1992 et le mois de janvier 1993, il a utilisé toutes ses économies et ses REER pour maintenir la compagnie à flot. Il a déclaré ceci : “ Je suis certain que Donny savait que nous éprouvions des difficultés parce que nous n'arrêtions pas d'injecter de l'argent. ” Ces injections de fonds étaient proportionnelles à la part des actions que chacun détenait. Si la compagnie avait besoin de 10 000 $, M. Piercey avançait 7 000 $ et M. Redmond, 3 000 $. Le témoin a répété que leur priorité à tous les deux, en vendant l'entreprise, était de payer les factures. M. Redmond savait qu'il essayait de vendre la compagnie.

[60] Il a indiqué qu'il y avait une erreur dans les états financiers de 1991 et a déclaré qu'il avait conservé l'état erroné pendant à peu près un an et que l'erreur était d'environ 50 000 $. Il a discuté des problèmes avec M. Maynard en octobre 1992. Il n'avait plus d'argent pour maintenir la compagnie à flot. Il a semblé laisser entendre que c'est M. Maynard qui avait interviewé les préposées à la tenue de livres et les lui avait recommandées, mais cela semble contredire le témoignage de M. Maynard. M. Piercey n'a pas examiné les états financiers avec M. Redmond parce que, à ses dires, il ne les avait pas en main. Les états ne lui ont été remis que le 9 octobre 1992. La compagnie ne pouvait pas dépasser sa ligne de crédit d'exploitation. Elle n'a manqué qu'un seul versement de retenues à la source, et une vérification a été effectuée par le ministère provincial chargé de la taxe de vente en 1992. Selon ce témoin, seules les retenues à la source du mois de décembre, qui étaient payables en janvier 1992, n'avaient pas été versées. Le témoin a affirmé qu'aucun versement de TPS et de retenues à la source n'était en retard, mais il a ensuite déclaré qu'il y avait eu un versement en retard au cours de l'été 1992. Il n'avait reçu aucun appel à ce sujet et ne savait pas que le personnel avait pour sa part reçu des appels. Les paiements devaient être effectués chaque trimestre et, selon lui, ils avaient un crédit de taxe sur les intrants.

[61] En 1992, la TPS a été calculée par Kim Dunbar, jusqu'au mois de décembre, puis par Jennifer Holleman. Le seul montant dont le témoin était au courant était un chèque de 4 400 $ adressé à Revenu Canada, que la Banque de Montréal avait autorisé. Le 25 février, la banque lui avait dit de faire en sorte d'effectuer les versements de TPS. C'est la première fois qu'on lui disait qu'il serait tenu responsable en tant qu'administrateur. Il ne se rappelait pas avoir vu le document de la Banque de Montréal daté du 26 février 1993, lequel essentiellement demandait le remboursement du prêt. Il ne pouvait pas confirmer les montants censément dus d'après les documents produits par Revenu Canada à l'onglet 45 de la pièce A-1, soit la somme de 37 641,05 $. Il était au courant de ce montant, mais il ne pouvait pas dire s'il était exact. Une cotisation a été établie à son égard au titre des montants impayés, puis il a fait une faillite personnelle et a abandonné la contestation relativement à la réclamation de Revenu Canada.

[62] M. Redmond a assisté aux réunions relatives à la faillite. Il savait qu'ils avaient fait un chèque de 4 400 $ au titre de la TPS. Le question est revenue plusieurs fois sur le tapis et M. Redmond a été informé qu'il ne serait pas tenu responsable. Le témoin a avisé M. Redmond que le montant avait été payé. Ils n'arrivaient pas à savoir à quoi le compte de Revenu Canada se rapportait.

[63] Il n'a jamais conseillé à M. Redmond de retenir les services d'un avocat. S'ils avaient reçu le plein prix de vente de l'entreprise, ils auraient pu rembourser toutes leurs dettes. M. Redmond a participé aux discussions qui ont eu lieu en novembre relativement à la vente de l'entreprise à M. Munro. M. Redmond était au courant de l'offre de M. Meisner. M. Piercey a déclaré qu'il l'en avait informé. Il recevait chaque mois un imprimé de Jennifer Holleman, et il a admis qu'il avait modifié les états en gonflant le stock, mais que c'étaient là les seuls changements qu'il avait apportés.

[64] Au cours du contre-interrogatoire, il a reconnu sa signature sur le Formulaire d'inscription aux fins de la taxe sur les produits et services, à l'onglet 2 de la pièce R-1. Il a déclaré que les prêts des actionnaires à la compagnie s'élevaient à quelque 200 000 $ dans son cas et se situaient entre 120 000 $ et 130 000 $ dans le cas de l'appelant. Il n'a jamais dépensé plus de 10 000 $ pour l'achat d'une immobilisation, en conformité avec la convention. M. Redmond n'a fourni aucune partie des 25 000 $ supplémentaires nécessaires pour conclure la transaction avec M. Sampson. C'est à la suggestion de son avocat que M. Redmond a reçu 30 p. cent des actions plutôt que 25 p. cent. Le témoin était en charge des activités quotidiennes. Cela avait été décidé avant la signature de la convention. Il était le directeur général.

[65] M. Redmond ne s'est pas opposé au fait que M. Piercey était en charge des activités quotidiennes. M. Redmond a continué d'effectuer les réparations même si cela ne faisait pas partie du marché. Le vice-président n'avait aucune tâche et le président faisait tout le travail. Le témoin a d'abord déclaré qu'il croyait qu'ils avaient tous deux signé la garantie accordée à la Banque de Montréal pour le prêt de 100 000 $, puis il a dit qu'il ne pouvait pas l'affirmer. Il avait fourni une garantie à la Banque de commerce et avait signé l'obligation non garantie en faveur de la Banque de Montréal. Il croyait que M. Redmond avait signé les mêmes documents.

[66] En mars 1992, le témoin a dû injecter 70 p. cent de la somme de 32 000 $ et M. Redmond a fourni les 30 p. cent restants. Il a ensuite déclaré qu'il ne savait pas. Dans 99 p. cent des cas, il avait emprunté lui-même la totalité de l'argent. Il n'a jamais examiné les états mensuels avec l'appelant. Cependant, il était certain que M. Redmond était au courant de l'existence des états financiers, mais celui-ci n'a jamais demandé à les consulter. Le témoin a ensuite déclaré que M. Redmond et lui-même s'étaient rencontrés au cours de l'automne 1991 pour examiner les états financiers se rapportant à l'exercice 1991. Ils n'ont jamais examiné les états se rapportant à l'exercice 1992, mais M. Maynard et lui-même ont communiqué les renseignements à la Banque de Montréal en octobre. Il savait que la compagnie avait des difficultés. La banque disposait de chiffres approximatifs. Il ne se rappelait pas si M. Redmond avait reçu une copie des états se rapportant à l'exercice 1992. Il avait attiré l'attention de M. Redmond sur l'erreur de 56 000 $ à l'automne 1992. L'erreur se trouvait au poste stock.

[67] Le comptable travaillait souvent au lieu d'affaires et il devait être payé chaque semaine. M. Redmond savait que les ventes avaient diminué et constatait qu'il effectuait moins de travail pour la compagnie. Il venait au garage assez souvent. M. Piercey l'y rencontrait deux fois par semaine. M. Redmond ne demandait pas à voir les livres; il savait qu'ils avaient des difficultés financières et que la banque avait accordé une prolongation de délai au témoin pour conclure la transaction. Ce dernier devait injecter tellement d'argent. Parfois, il ne disait rien à M. Redmond et allait tout simplement emprunter l'argent lui-même. M. Redmond aurait pu le vérifier dans le compte des prêts des actionnaires. Les livres se trouvaient au bureau ou chez Coopers and Lybrand. M. Redmond n'a jamais demandé à les voir, et M. Piercey ne l'a jamais empêché de les consulter. Il ne croyait pas que M. Redmond avait fourni une partie des 10 000 $ que la Banque de Montréal avait exigés la veille de Noël.

[68] Au cours du mois de décembre 1991 ainsi qu'en janvier et février 1992, la banque venait régulièrement effectuer des vérifications des affaires de l'entreprise et M. Redmond savait comme lui ce qu'elle faisait là. Il y avait toujours quelqu'un de la banque dans les locaux.

[69] En janvier 1992, la banque a refusé l'encaissement d'un chèque au titre des retenues à la source. C'était le premier chèque. En ce qui concerne la TPS, en avril 1992, un représentant du service de la TPS a dit que la compagnie n'avait pas envoyé son formulaire pour le dernier trimestre et effectué le versement de 10 000 $, et ils ont rédigé un chèque pour acquitter le compte. Selon le témoin, il y a eu un crédit le trimestre suivant, lequel a compensé le versement du trimestre d'après. Il n'avait aucune raison de croire que les calculs n'étaient pas exacts. Les montants de TPS perçus n'ont pas servi à exploiter l'entreprise parce que, a-t-il dit, ils ont été versés à Revenu Canada.

[70] Le montant du dernier chèque qu'il a rédigé au titre des versements de TPS se situait entre 4 400 $ et 4 600 $. Le chèque a été approuvé par la banque, qui lui a dit qu'il serait tenu responsable si les versements n'étaient pas effectués. M. Redmond était aussi présent.

[71] On lui a montré le document se trouvant à l'onglet 13 de la pièce A-1, soit la convention signée avec M. Meisner relativement à la vente de l'entreprise. Ils n'avaient d'autre choix que de signer le document. M. Redmond ne lui a pas donné instruction de ne pas le signer. M. Sampson avait vendu l'immeuble.

[72] Ils ne tenaient pas de réunions des actionnaires, sauf à la fin de l'année. Me Muttart était au courant. Il n'y a pas eu de réunion des actionnaires avec M. Redmond. Le témoin a ensuite déclaré avoir rencontré M. Redmond, après la première année, pour discuter des états financiers. De temps à autre, il appelait ce dernier et l'informait que la banque exigeait de l'argent. Il n'y avait pas de réunion annuelle des administrateurs. Il ne savait pas qu'il devait convoquer une réunion des administrateurs. Il y avait eu des réunions des administrateurs pour discuter de diverses questions financières comme le changement de banque. M. Redmond savait que la TPS avait été payée au moyen du chèque tiré sur la Banque de Montréal en février 1993. Avant cela, il ne se rappelait pas avoir entendu M. Redmond demander si la TPS était payée.

[73] En réinterrogatoire, il a déclaré que les changements à la position de trésorerie — onglet 12, pièce A-1 — étaient apportés à la fin de l'exercice seulement, non pas tous les mois.

[74] Donald Redmond était débosseleur. Il était en affaires depuis 30 ans. Il est propriétaire de son entreprise et n'a aucun employé, mais il en a déjà eu un. Il connaissait la compagnie. Garry Piercey lui a proposé de faire une offre à Dave Sampson. Il avait vu M. Piercey chez le concessionnaire lorsqu'il réparait des voitures pour Dave Sampson. Il ne savait alors rien de la compagnie. C'était en décembre 1989 ou en janvier 1990. Il a emprunté un montant de 100 000 $ à la coopérative de crédit et l'a investi dans la compagnie.

[75] D'après l'appelant, l'ancien propriétaire, Dave Sampson, avait très bien réussi et lui avait procuré 90 p. cent du travail qu'il exécutait. L'appelant a déclaré ne pas s'être occupé de la constitution en société. Il n'a pas eu de discussion au sujet de la répartition des actions (75 p. cent – 25 p. cent). Il n'a pas discuté de quelque facteur que ce soit avec quiconque. Il ne savait pas ce qu'était un dirigeant ou un administrateur. C'est Revenu Canada qui l'en a informé. Il ne s'est pas occupé des activités quotidiennes de la compagnie. En 1990, il ne savait pas combien d'argent M. Piercey investissait dans la compagnie. Il n'a reçu aucun avis juridique ou comptable en 1990. Il a rencontré Me Muttart en compagnie de M. Piercey pour discuter de l'organisation de l'entreprise.

[76] On lui a montré l'onglet 2 de la pièce A-1, qui est la convention signée par lui-même, M. Piercey et G.M. Piercey Enterprises Limited. Il a dit qu'il avait signé le document. Il ne pouvait expliquer pourquoi il avait décidé qu'il devait détenir 30 p. cent des actions. Il n'a reçu aucun avis juridique. Il n'a pas stipulé la clause 4.01 relativement aux dirigeants et aux administrateurs. Il était au lieu d'affaires presque tous les jours.

[77] Il n'avait jamais été actionnaire, dirigeant ou administrateur d'une compagnie auparavant. Il ignorait ce que cela supposait, et il n'a posé aucune question à M. Piercey. Il n'a eu aucune discussion avec celui-ci au sujet de l'entreprise. Il ne savait pas quand son argent lui serait remboursé. Il ne s'est occupé ni des opérations bancaires ni de l'embauchage des employés. Il s'est rappelé être allé à la Banque de commerce, mais il n'a pu dire ce qu'il y avait signé. Il croyait que c'était une garantie. À ses dires, il n'a pas participé à la décision de changer de banque et de faire affaire avec la Banque de Montréal. C'est M. Piercey qui l'a informé du changement. Il avait fourni une garantie personnelle de 60 000 $ à la Banque de Montréal.

[78] Au cours des années 1991 et 1992, il n'a posé aucune question sur la situation financière de la compagnie. D'après ses souvenirs, il n'a communiqué avec M. Maynard qu'à la fin de l'année 1992 ou au début de 1993. Il l'a appelé pour organiser une rencontre chez le concessionnaire et pour obtenir la garantie que tous les employés locaux seraient payés sur le produit de la vente. C'est Gary Piercey qui l'a informé de la vente. Il ne savait pas qui était l'acheteur. Il n'a reçu aucun renseignement financier en 1992.

[79] En décembre 1992 ou au début de 1993, il a communiqué avec M. Maynard parce que la Banque de Montréal voulait lui faire consentir une hypothèque subsidiaire sur sa propriété. M. Maynard lui a dit qu'il devait consentir l'hypothèque pour permettre à la compagnie de poursuivre ses activités jusqu'à la vente, sinon il perdrait tout. Il a donc consenti l'hypothèque. Il n'a eu aucun autre contact avec M. Maynard.

[80] Il n'était pas familiarisé avec les états financiers se trouvant à l'onglet 12 de la pièce A-1 et il a déclaré qu'il les avait vus pour la première fois au bureau de son avocat quand il se préparait pour le procès. Il n'a posé aucune question au sujet des états financiers. Il ne sait pas comment les interpréter. Chris Maynard prépare ses déclarations de revenu. Il était au courant des retenues à effectuer au titre de la TPS et de l'impôt sur le revenu. Il avait effectué ces retenues sur le salaire d'un ancien employé et les avait envoyées à Revenu Canada.

[81] Il n'a pas discuté des ventes ou des dépenses de façon particulière avec M. Piercey. Celui-ci lui disait que les affaires allaient bien. À la fin de 1992, ils ont dû injecter de l'argent dans la compagnie. Il a injecté 100 000 $ en 1990 et 13 500 $ en 1992, lorsqu'ils ont changé de banque. Aucune modalité de remboursement n'a été établie. En janvier 1993, il a consenti l'hypothèque subsidiaire, mais il n'a pas injecté d'argent dans la compagnie. Le document a été rédigé par un avocat, et il l'a signé. C'était probablement Me Muttart. Il a affirmé qu'il ne savait pas que les retenues au titre de la TPS et de l'impôt sur le revenu et les versements posaient un problème. Quelques jours avant la faillite, M. Piercey a discuté de la question avec Gary Maynard. Il a reçu le chèque et l'a présenté à la banque, qui l'a refusé. Il a alors fallu faire livrer le chèque par messager à Revenu Canada. Il a cru comprendre que c'était le montant intégral de la TPS due.

[82] En ce qui concerne la convention avec M. Meisner, il a déclaré qu'il l'avait vue pour la première fois au cabinet de son avocat quand il se préparait pour le procès, donc tout récemment. Il avait été informé de la convention en 1993 par Gary Piercey. Il n'était pas au courant des montants indiqués, et il ne l'a jamais signée. Il n'avait aucune responsabilité comme administrateur. Il a eu des discussions avec M. Maynard en 1993. Il voulait obtenir l'assurance que tout le monde serait payé et lui faire part du fait qu'il allait peut-être devoir de l'argent à la banque. Il ne voyait pas de raison de démissionner comme dirigeant ou administrateur puisque l'entreprise était sur le point d'être vendue. (Cela semble contredire sa déclaration antérieure selon laquelle il ne savait pas qu'il était administrateur).

[83] On lui a montré l'onglet 55 de la pièce A-1, soit une lettre adressée par Me Muttart à Mark Rosen pour connaître la date à laquelle Donald Redmond était devenu administrateur. Le témoin a déclaré qu'il n'avait pas discuté de cette question avec Me Muttart. Pourtant, la lettre indique que M. Redmond a informé Me Muttart qu'il était devenu administrateur le 27 avril 1990 ou vers cette date.

[84] On lui a montré la lettre adressée par M. Maynard à Revenu Canada — onglet 3, pièce A-1 — et il a déclaré qu'il en avait discuté avec M. Maynard. La lettre indique que M. Redmond était effectivement administrateur et mentionne également que M. Redmond a été informé à plusieurs occasions que la compagnie avait des problèmes de trésorerie mais n'a jamais été informé que la compagnie devait de l'argent au titre de la taxe sur les produits et services et des retenues à la source. Il ne se rappelait pas avoir reçu un avis de cotisation et il a déclaré n'avoir jamais entendu parlé d'un tel document. Il ne pouvait absolument pas dire si le montant était exact ou non. Il n'avait pas cherché à savoir si le montant était exact.

[85] Les livres se trouvaient chez Coopers and Lybrand. MM. Piercey et Redmond ont communiqué avec Revenu Canada pour savoir à quoi se rapportaient les montants. M. Redmond a parlé à un certain nombre de personnes, à Halifax, Ottawa et ailleurs, mais il n'a pas reçu de réponse satisfaisante. Il ne se rappelait pas avoir rencontré M. Piercey et Me Muttart le 28 décembre 1992 pour discuter de la convention. Ce n'est qu'à la mi-décembre 1992 qu'il a été informé de la vente éventuelle. Il ne savait pas que M. Piercey modifiait les états financiers ou retenait des chèques.

[86] Concernant la réponse à l'avis d'appel, il a déclaré : “ Je suppose que j'étais administrateur et actionnaire pendant toute la période. Je n'ai pas consacré d'énergie à l'entreprise. Je n'ai pas démissionné. Il n'y avait pas de raison que je ne fus pas compétent. J'ai fait tout ce que je pouvais raisonnablement faire. J'ai commencé à découvrir qu'il y avait des problèmes en décembre 1992. ” La banque a exigé qu'il rembourse la dette et il a versé de l'argent à la province au titre de la taxe de vente provinciale.

[87] Au cours du contre-interrogatoire, il a déclaré qu'il avait lu la convention des actionnaires avant de la signer et que cette convention précisait qu'il détenait 30 actions. Me Muttart était présent. Il ne l'avait pas informé des fonctions particulières d'un administrateur. Peut-être l'avait-il fait, mais le témoin ne s'en rappelait pas. Il n'avait aucune obligation comme vice-président. Il ne s'était jamais attendu à jouer quelque rôle que ce soit dans la compagnie. M. Piercey avait les compétences voulues pour faire fonctionner l'entreprise.

[88] Il savait qu'il devait autoriser toute dépense de plus de 10 000 $. Juste avant de signer la convention, il avait eu quelques hésitations à ce sujet. Il n'a reçu aucun avis juridique indépendant, si ce n'est pour son divorce. Il n'a jamais demandé à qui que ce soit de lui expliquer en quoi consistaient les tâches d'un dirigeant, d'un administrateur ou d'un actionnaire.

[89] Il a admis qu'il avait eu un employé à la fin des années 1980. Il savait que les retenues à la source devaient être effectuées et versées. Dans les années 1990, il savait que la TPS devait être versée et que des retenues devaient être faites sur le salaire des employés. Il savait qu'il serait tenu responsable.

[90] En ce qui concerne la compagnie en cause, il savait qu'elle avait des employés, qu'elle devait faire des retenues et que la TPS devait être versée. La compagnie avait une préposée à la tenue des livres et un comptable. Il n'a jamais examiné les livres, mais il savait que Jennifer Holleman s'occupait de la tenue de livres et il espérait que les versements étaient effectués. Il a déclaré ceci : “ J'ose espérer que M. Maynard m'aviserait si les versements n'étaient pas effectués. ” Il n'a jamais demandé à voir les états financiers de la compagnie. Il n'a pas posé de question à David Sampson au sujet de l'entreprise. Il savait que ce dernier faisait de l'argent et il n'avait donc pas cherché à en savoir plus. Il aurait espéré que M. Piercey fît son travail étant donné qu'il recevait un salaire de 50 000 $ par année. Il savait que la compagnie avait de 10 à 13 employés.

[91] En ce qui concerne les sommes qu'il a avancées à la compagnie, il croyait que l'argent lui serait remboursé à un moment ou à un autre. Aucun montant ne lui a été remboursé. En dépit du fait qu'il avait injecté 13 000 $ au printemps 1992 et fourni une garantie de 60 000 $ à la Banque de Montréal, il n'a pas cherché à savoir quand son argent lui serait remboursé. S'il y a eu des réunions des administrateurs et des actionnaires, il ne savait pas que c'en étaient. Il ne savait pas qu'il devait y avoir une réunion annuelle des actionnaires.

[92] Il ne se rappelait pas avoir communiqué avec M. Maynard en juin 1992 pour discuter de la vente éventuelle de l'entreprise. Il a entendu parler de la vente à M. Munro en décembre 1992, mais il ne pouvait dire avec certitude à quelle date. Ils ont décidé que la meilleure chose à faire était de vendre l'entreprise. En novembre ou en décembre 1992, il y avait des indications que la compagnie perdait de l'argent. En janvier 1993, il a consenti une hypothèque subsidiaire de 25 000 $. Il a ensuite contacté Chris Maynard. Il n'a pas demandé à examiner les livres. Il savait qu'ils étaient conservés au bureau. Il n'était pas au courant des états mensuels de Honda. Il ne savait pas ce qu'un crochet dans le registre des chèques voulait dire. Il avait fait préparer des états financiers par M. Maynard pour Redmond Auto Body aux fins de l'impôt sur le revenu, mais il ne les avait pas vérifiés pour déterminer s'ils étaient exacts.

[93] Il n'a pas examiné les états financiers ni n'a demandé à M. Maynard si des montants de TPS étaient dus. Il n'était pas au courant de l'erreur contenue dans les états financiers. Il a nié que M. Piercey l'en avait informé. Il a de nouveau déclaré qu'il n'avait jamais démissionné comme administrateur ni n'avait été démis de ses fonctions comme administrateur et qu'il n'avait jamais fait part de son intention de démissionner de son poste d'administrateur. Il n'a jamais demandé à Me Muttart de lui expliquer les procédures de faillite ou de mise sous séquestre. Une fois de plus, il a affirmé qu'il n'avait pas informé Me Muttart de la date à laquelle il était devenu actionnaire, contrairement à ce qui est indiqué à l'onglet 55 de la pièce A-1. Il a déclaré : “ J'ai supposé qu'il savait que j'étais administrateur. Je n'avais pas besoin de le lui dire. ”

[94] On l'a interrogé au sujet des différentes allégations contenues dans la réponse, mais il a été incapable de produire quelque élément de preuve à cet égard. Il n'avait aucun document indiquant que les montants réclamés étaient exacts ou erronés ou que les allégations contenues dans la réponse étaient exactes ou non. Juste avant que la compagnie soit mise sous séquestre, un chèque a été envoyé à Revenu Canada au titre des versements à effectuer. Il n'en connaissait pas le montant. C'était la première fois qu'il entendait parler du compte impayé.

[95] En ce qui concerne la lettre adressée par Revenu Canada à Me Muttart pour obtenir des observations écrites supplémentaires quant aux raisons pour lesquelles le montant ne devait pas être recouvré auprès de M. Redmond, celui-ci a déclaré qu'il avait supposé que, s'il y avait quelque chose à faire, Me Muttart s'en occuperait lui-même. Il a de nouveau affirmé que Me Muttart avait fait erreur lorsqu'il avait déclaré qu'il avait eu une réunion avec M. Piercey et lui le 28 décembre 1992.

[96] À la fin de décembre 1992 ou au début de janvier 1993, il était au courant des problèmes, mais il n'a pris aucune mesure pour s'assurer que les versements de TPS étaient effectués. Il a supposé qu'ils l'étaient. Il a admis que personne ne l'avait empêché de voir ou d'examiner les livres de la compagnie. Sa résidence se trouvait à huit kilomètres des bureaux de la compagnie. Entre les années 1991 et 1993, on ne l'a pas empêché d'exercer ses pouvoirs d'administrateur.

[97] Il a déclaré qu'il n'avait pas pris part aux décisions relatives à l'orientation de l'entreprise, mais il aurait pu faire valoir son avis. Il avait seulement entendu parler d'un marché. Il savait qu'il était question de vendre. Il a participé à la décision de vendre l'entreprise. C'était une décision commerciale importante.

[98] Il n'a pas posé de questions au sujet des compétences du personnel. Il ne savait pas que l'argent de la TPS était versé dans le compte général de la compagnie. Entre 1990 et 1993, il a eu à l'occasion des conversations avec Gary Piercey au téléphone et en personne, mais il n'a jamais été question de la situation de l'entreprise ou du compte de banque. M. Piercey n'a jamais communiqué avec lui pour l'informer que la banque exigeait de l'argent et que celle-ci suivait de près les affaires de la compagnie.

[99] En réinterrogatoire, il a déclaré qu'il avait une 8e année et qu'il avait suivi une formation de deux ans en débosselage dans une école professionnelle. Son entreprise est maintenant enregistrée.

[100] L'intimée a appelé Kevin Nelson, un comptable agréé, à la barre des témoins. Il travaillait comme vérificateur sur le terrain au service de la TPS; dans le cadre de la vérification de la conformité, il a comparé les livres et les registres de la compagnie aux déclarations produites. Il a examiné le grand livre que lui avait remis Mark Rosen, le syndic de la Banque de Montréal. Il a examiné le montant de la TPS perçue et les crédits de taxe sur les intrants réclamés au cours de la période en litige. Il n'a relevé aucune divergence sur papier. Il a confirmé l'hypothèse formulée à l'alinéa 9g) de la réponse. Il a confirmé que le montant de 37 641,05 $ indiqué à l'onglet 9 de la pièce R-1 correspondait à la TPS impayée, mais il ne savait pas à quoi se rapportaient les autres chiffres qui formaient la cotisation totale de 47 360,47 $. Le document qui se trouve à l'onglet 3 de la pièce R-1 est le fruit de son travail. Il a confirmé que c'est pour la période se terminant le 31 janvier 1993 que le montant des versements impayés est le plus élevé. En raison de l'état dans lequel se trouvaient les livres et les registres, il n'a pas effectué une vérification complète.

Argumentation au nom de l'appelant

[101] Dans son argumentation, l'avocat de l'appelant a déclaré qu'un facteur important dont il faut tenir compte en l'espèce est le contrôle que la banque a exercé sur la compagnie après le mois d'octobre 1992. Il a admis que les témoignages ne concordaient pas pour ce qui est de la date des réunions, mais après octobre 1992, la banque s'est intéressée de très près aux activités quotidiennes de l'entreprise. Il a également insisté sur l'importance de l'erreur relevée dans les états financiers et a admis que, si les chiffres avaient été exacts au départ, l'affaire n'aurait peut-être pas été aussi loin.

[102] M. Redmond a choisi de ne pas participer à l'exploitation de la compagnie et a essentiellement fait aveuglément confiance à M. Piercey. Il a eu un peu de difficulté à déterminer s'il était administrateur et, le cas échéant, à comprendre quelles étaient ses responsabilités.

[103] Quoi qu'il en soit, M. Redmond n'est devenu conscient des problèmes qu'à la fin de décembre 1992 ou en janvier 1993. Il avait peu d'instruction, et il faut se demander ce qu'il savait et comprenait de ce qui se sont révélés être pour lui des sujets complexes comme le droit des sociétés, les registres des procès-verbaux et les résolutions. Il s'est fié à des gens compétents et expérimentés comme les comptables, les préposées à la tenue de livres et le directeur général. Il a été renseigné par ces personnes ainsi que par la banque.

[104] À la fin de 1992 ou au début de 1993, il a été informé qu'il n'était qu'un administrateur externe. Il a communiqué avec M. Maynard au sujet du paiement des créanciers après avoir été mis au courant des problèmes. La question de savoir s'il était un administrateur interne ou un administrateur externe ne constitue qu'une partie de la question à trancher en l'espèce, mais la Cour devrait conclure qu'il était un administrateur externe.

[105] Lorsqu'on examine les états financiers et qu'on tient compte de la preuve présentée à la Cour, il ne faudrait pas conclure que l'omission de l’appelant d'examiner ces états est un facteur déterminant. La lecture des documents ne lui en aurait peut-être pas appris davantage sur la situation ou ne lui aurait peut-être pas permis davantage d'intervenir pour corriger la situation. Il y a eu une diversité d'éléments de preuve au sujet de l'exactitude des états financiers.

[106] En ce qui concerne la jurisprudence relative à la question, l'avocat a fait référence à l'affaire Ferguson c. R., C.C.I., no 98-117(GST)I, 9 avril 1999, aux pages 10, 12 et 13 (1999 CarswellNat 612 : aux pages 7, 9 et 10), dans laquelle les appelants ont indiqué qu'ils n'étaient pas administrateurs, qu'ils n'exerçaient aucun pouvoir ou contrôle sur les mesures prises par la société et qu'ils ne devraient donc pas être tenus responsables du manquement de la société de verser la TPS. Une norme subjective a été invoquée dans cette affaire et a été confirmée dans l'arrêt Soper c. R., [1998] 1 C.F. 124 (97 DTC 5407). Dans l'affaire Ferguson, précitée, la Cour a conclu que le rôle des appelants dans la société était minime et que l'on ne s'attendait à rien d'eux. Leur participation financière comme actionnaires investisseurs était aussi limitée et ils ne s'y connaissaient guère en gestion des affaires. Ils avaient confié la gestion de l'entreprise à des personnes d'expérience, et il y avait des spécialistes qui veillaient d’après eux sur les affaires de l'entreprise. La Cour a donc conclu que les appelants étaient des administrateurs externes qui n'avaient pas fait montre d'un aveuglement délibéré quant à leur rôle ou quant à leurs devoirs ou obligations. Elle a en outre conclu qu'ils n'étaient pas au courant des problèmes de versement de la TPS. Le savant juge était convaincu que la direction de la société avait tu les difficultés financières de l'entreprise et que les appelants ne savaient absolument pas que l'entreprise était en difficulté, jusqu'à que l'un d'eux remarque que le terrain de stationnement était vide et qu'un avis était affiché sur la porte.

[107] L'avocat a également invoqué l'affaire Bains (A.S.) v. Canada, 1999 CarswellNat 2106, à la page 5 plus particulièrement, où la Cour déclare ce qui suit - comme il est par ailleurs dit dans l'arrêt Soper, précité :

[TRADUCTION]

[...] l'obligation expresse d'agir prend naissance lorsqu'un administrateur obtient des renseignements ou prend conscience de faits qui pourraient l'amener à conclure que les versements posent, ou pourraient vraisemblablement poser, un problème potentiel.

[108] Dans cette affaire particulière, la Cour a conclu que les directeurs étaient responsables des versements au nom de la société pour une certaine partie de la période et non pas pour une autre partie de la période. De même, l'avocat a trouvé un certain réconfort dans l'affaire Boyd c. R., C.C.I., no 97-2306(GST)I, 29 janvier 1999 (99 G.T.C. 3074), dans laquelle les administrateurs en cause étaient persuadés que les sommes de TPS dues seraient payées parce qu'il y avait suffisamment de comptes débiteurs et de stocks pour ce faire. Ils croyaient aussi qu'il y avait suffisamment d'argent pour rembourser la dette, ce qui, en fin de compte, n'avait pas été le cas. Après examen d'un certain nombre d'affaires, la Cour a conclu que les administrateurs avaient tenté de résoudre la difficulté relative à la TPS par suite du refus de la banque de permettre à la compagnie d'émettre des chèques. Ils avaient aussi tenté d'émettre un chèque pour payer la dette. Ils croyaient également qu'une faillite permettrait de payer la TPS. La Cour était convaincue que les administrateurs avaient, dans la mesure de leur capacité, fait preuve de diligence raisonnable, malgré les restrictions imposées par la banque.

[109] Dans l'affaire Hevenor c. R., C.C.I., no 96-4802(GST)I, 26 janvier 1999 (1999 CarswellNat 111), l'avocat a soutenu que le savant juge du procès avait tenu compte du niveau d'instruction de l'administrateur. Dans cette affaire, le père avait constitué l'entreprise pour son fils, mais n'avait pas participé à son exploitation par la suite. Les faits de cette affaire étaient à certains égards similaires à ceux de la présente affaire en ce que, même si on avait remis les états financiers périodiques au contribuable, celui-ci ne les aurait pas compris, pas assez en tout cas pour se rendre compte que la compagnie n'avait aucune chance de succès. Le juge du procès en est arrivé à la conclusion que le contribuable avait tout simplement financé l'entreprise de son fils et que, s'il avait eu plus d'expérience en affaires, s'il avait soupçonné le risque auquel il s'exposait comme administrateur ou les fonctions et obligations d'un administrateur, et s'il n'avait pas été aveuglé par son dévouement envers son fils, il aurait peut-être porté davantage attention aux activités de la compagnie. Toutefois, même dans ce cas, son absence de compétence aurait limité la prudence qu'il pouvait exercer. C'étaient là les caractéristiques subjectives que possédait le contribuable. La Cour a conclu à la non-responsabilité de l'administrateur.

[110] Dans l'affaire Whitehouse c. R., C.C.I., no 98-2659(IT)I, 23 novembre 1999 (1999 CarswellNat 2345), le Judge Rip a conclu que l'administratrice en cause était une administratrice externe qui savait très peu de choses de l'entreprise et qui ne croyait pas nécessaire de s'informer. Elle avait confié les rennes de la société à une certaine personne. Elle avait mis toute sa confiance en cette personne, même si elle savait que les retenues à la source et la TPS devaient être versées régulièrement. Elle n'a jamais demandé si ces paiements étaient effectués comme prévu et, lorsqu'elle posait une question générale, elle se satisfaisait de la réponse portant que tout allait bien. Même dans de telles circonstances, le juge a conclu à la non-responsabilité de l'administratrice. Même si cette dernière a eu une attitude totalement passive, la Cour a conclu qu'elle a le droit de se fier aux personnes qui s'occupent de la gestion de la société pour effectuer le paiement des dettes jusqu'au moment où elle se doute, ou devrait se douter, que quelque chose clochait, auquel cas il lui faudrait prendre des mesures concrètes pour tenter de remédier à la situation.

[111] En outre, dans l'affaire Merson c. M.R.N., C.C.I., no 87-787(IT), 9 novembre 1988 (89 DTC 22), où il y avait un système indiquant les dates de remise des retenues à la source, et où il n'y avait eu aucun problème jusqu'à ce que la banque intervienne, la Cour a conclu à la non-responsabilité de l'administrateur.

[112] L'avocat a soutenu qu'il pouvait s'agir en l’espèce d'une situation où il y a une responsabilité partielle d'effectuer les paiements plutôt qu'une responsabilité d'effectuer tous les paiements. Il a soutenu qu'en ce qui concerne la période du 1er novembre 1992 au 31 janvier 1993, le montant en cause n'était payable que le 28 février 1993 et que les banques avaient à ce moment-là pris la relève. L'appelant ne devrait donc pas être tenu responsable pour cette période.

[113] L'avocat a soutenu que l'appel devrait être admis, avec frais.

Argumentation au nom de l'intimée

[114] L'avocat de l'intimée a soutenu que l'unique question à trancher est celle de savoir si l'appelant était responsable aux termes de l'article 323 de la Loi sur la taxe d'accise (la “ Loi ”) par suite du manquement de la compagnie de verser la TPS en conformité avec le paragraphe 228(2) de la Loi. Il a déclaré que le ministre était en droit de réclamer le montant à l'appelant aux termes de l'article 323 et suivant la situation de fait énoncée dans la réponse. L'appelant n'a pas agi avec autant de soin, de diligence et de compétence pour prévenir le manquement que ne l'aurait fait une personne raisonnablement prudente dans les mêmes circonstances.

[115] L'avocat a invoqué l’arrêt Soper, précité, et le jugement MacDonald c. R., C.C.I., no 96-2349(IT)G, 20 août 1998 ([1998] 4 C.T.C. 2067), à l'appui de sa prétention selon laquelle la cotisation avait été établie à juste titre à l'égard de l'appelant. Ce dernier savait que les déclarations de TPS devaient être produites et les versements effectués à certaines dates parce que, ayant lui-même une entreprise, il était au courant de ces exigences. Il avait déjà vu des états financiers puisqu'il en avait fait produire pour Redmond’s Auto Body et il savait que les états financiers de la compagnie étaient préparés par M. Maynard. Vers le mois d'octobre 1992, M. Piercey a informé l'appelant qu'il y avait une erreur de 56 000 $ dans les états financiers. Ce dernier était au courant des problèmes qui existaient en septembre et en octobre 1992. Il avait indéniablement l'obligation d'agir. La compagnie avait subi une perte et c'est pourquoi il était question de vendre l'entreprise. Il n'a rien fait à ce moment-là.

[116] Il n'est allé voir ni M. Piercey, ni M. Maynard, ni la préposée à la tenue de livres, ni la banque. C'est assurément en octobre que la coupe a débordé, mais il avait une obligation d'agir avant cela. Il n'a examiné aucun des documents. Peut-être a-t-il cru que la compagnie réalisait des bénéfices, mais il n'a pas examiné les livres ne serait-ce que pour voir comment l'ancien propriétaire avait fait un succès de l'entreprise. Il s'est mis en retrait et a déclaré qu'il s'était fié aux autres parce qu'il croyait que l'entreprise était rentable, que cela lui suffisait et qu'il n'avait pas besoin de prendre d'autres mesures. Selon la convention des actionnaires, il était le vice-président et l'un des administrateurs. Malgré cela, il a témoigné qu'il ne le savait pas. Il est difficile de croire qu'il n'aurait pas posé de questions vu le poste qu'il occupait au sein de la compagnie.

[117] La présente affaire diffère de l'affaire Sheremeta c. M.R.N., C.C.I., no 90-1711, 4 mai 1991 ([1991] 1 C.T.C. 2593). Même si M. Redmond n'était pas très versé en affaires, il doit malgré tout être tenu responsable. Il avait accès à tous les documents de la compagnie. On ne l'a jamais empêché d'examiner les registres. Il a participé aux négociations avec M. Munro; on ne l'a pas écarté comme administrateur et on ne l'a pas empêché d'agir. Malgré cela, il n'a rien fait. Il n'y a pas de différence entre M. Redmond et l'administrateur en cause dans l'affaire MacDonald, précitée, et la Cour devrait le juger responsable.

[118] Même dans le meilleur des cas, on ne devrait pas permettre à l'appelant d'adopter une attitude passive à moins qu'il ait eu quelque raison de croire que tout était fait selon les règles. Il n'avait aucune raison de croire cela en l'espèce vu qu'il ne posait pas de questions. Il n'a jamais vérifié les comptes, il n'a jamais vérifié si un système était en place pour effectuer les versements.

[119] La preuve a montré que les livres n'étaient pas bien tenus. Les crédits d'impôt étaient mal calculés. M. Maynard, le comptable, a déclaré que les employés de l'entreprise manquaient tous d'expérience. Tous “ se renvoyaient la balle ”.

[120] Dans la présente affaire, la banque n'a commencé à surveiller la compagnie de près qu'en février 1993. Par conséquent, elle n'a pas empêché l'appelant d'agir et de prendre des mesures concrètes en sa qualité d'administrateur pour que les versements soient effectués. La présente affaire diffère des autres affaires mentionnées par l'avocat de l'appelant. La situation factuelle en l'espèce diffère de celle décrite dans l'affaire Drover c. La Reine, C.A.F., no A-331-97, 13 mai 1998 (1998 CarswellNat 726), où l'administrateur était incapable d'agir en raison de l'intervention de la banque ou d'une tierce partie. La Cour a conclu ce qui suit :

L'obligation incombant aux administrateurs dépasse la simple norme de prudence qui veut que l'on s'assure que le montant de la TPS qui est remis correspond effectivement au montant qui a été calculé. Les administrateurs sont également tenus, en vertu de cette norme, d'assurer que le montant de la TPS a été correctement calculé.

[121] En outre, comme dans l'affaire Wheeliker c. R., C.A.F., no A-752-97, 29 mars 1999 ([1999] 2 C.T.C. 395), la norme à appliquer ne diffère pas selon qu'il s'agit d'un administrateur interne ou d'un administrateur externe. Dans cette affaire, la Cour a déclaré ce qui suit :

Tous les administrateurs de toutes les sociétés sont responsables de tout manquement à l'unique norme de prudence prévue au paragraphe 227.1(3) de la Loi. La souplesse se situe au niveau de l'application de la norme, puisque les qualifications, compétences et attributs des administrateurs varient d'une situation à l'autre. Il en va de même des circonstances entourant l'omission de conserver et de remettre les sommes dues.

Avec égards, je considère que le juge de la Cour de l'impôt a commis une erreur en concluant à l'existence d'une norme de prudence différente et moins rigoureuse pour les sociétés sans but lucratif. Ce faisant, il a mal utilisé et mal interprété la preuve qui lui a été présentée.

[122] Aucune preuve n'a été produite pour réfuter les présomptions contenues dans la réponse. Les autres moyens de défense invoqués dans le cadre de l'appel, du moins en ce qui concerne la contestation de la cotisation, ne sont d'aucune manière étayés par la preuve.

[123] L'appel devrait être rejeté et la cotisation du ministre, ratifiée, avec frais.

Réfutation

[124] En réfutation, l'avocat a fait valoir qu'appliquer la décision rendue dans l'affaire Wheeliker, précitée, équivaudrait à conclure que le paragraphe 323(2) de la Loi crée une situation de responsabilité absolue.

[125] L'avocat a soutenu que l'appelant n'était pas au courant de la situation financière en octobre 1992, mais que, s'il l'était, cela ne voulait pas dire que la taxe n'avait pas été payée.

Analyse et décision

[126] Dans l'avis d'appel, l'avocat de l'appelant a établi la liste des différentes questions qui, selon lui, revêtaient de l'importance dans la présente affaire; il s'agit notamment des questions suivantes :

L'appelant a-t-il jamais été en droit un administrateur de la compagnie?

L'appelant était-il un administrateur de fait de la compagnie au cours de toute période pertinente?

Y avait-il des personnes qui détenaient légalement le titre d'administrateur de la compagnie à toute période pertinente?

Celui qui est simplement un administrateur de fait peut-il être tenu responsable aux termes de l'article 323 de la Loi?

L'appelant encourait-il véritablement une responsabilité aux termes du paragraphe 323(1) de la Loi vu qu'il ne contrôlait pas l'entreprise de la compagnie et n'y participait pas?

L'appelant est-il dégagé de toute responsabilité aux termes du paragraphe 323(2) de la Loi vu que l'intimée n'a pas invoqué une priorité de paiement relativement aux montants en cause par rapport aux autres créanciers et n'a pas pris d'autres mesures à cet égard?

L'appelant est-il dégagé de toute responsabilité aux termes du paragraphe 323(3) de la Loi parce qu'il a agi avec autant de soin, de diligence et de compétence pour prévenir le manquement que ne l'aurait fait une personne raisonnablement prudente dans les mêmes circonstances?

L'appelant a-t-il cessé pour la dernière fois d'être un administrateur de la compagnie le 16 février 1995 au plus tard, et peut-il invoquer le délai de prescription mentionné au paragraphe 323(5) de la Loi?

L'appelant peut-il répéter les parts des autres administrateurs en conformité avec le paragraphe 323(8) de la Loi?

L'appelant est-il tenu de verser quelque montant que ce soit aux termes du paragraphe 323(1) de la Loi, si le montant correspond au montant de la cotisation établie par l'intimée, ou est moins élevé?

[127] Après avoir entendu les témoignages et examiné les argumentations sur ces questions, la Cour est convaincue que la seule question qu'il reste à trancher est celle de savoir si l'appelant a démontré qu'il avait agi avec autant de soin, de diligence et de compétence pour prévenir le manquement que ne l'aurait fait une personne raisonnablement prudente dans les mêmes circonstances, de sorte qu'il n'est pas responsable du paiement du montant de la cotisation établie à son égard aux termes du paragraphe 323(1) de la Loi par suite du manquement de la compagnie de verser les taxes nettes payables aux termes du paragraphe 228(2) de la Loi.

[128] Il est ressorti du témoignage de Jennifer Holleman qu'il y a eu des problèmes de tenue de livres presque aussitôt qu’elle a commencé à travailler pour l'entreprise à l'automne 1992. Du mois de novembre 1992 au mois de février 1993, cette dernière n'avait pas de supérieur pour la conseiller sur les questions comptables si ce n'est le comptable à qui elle parvenait à parler à l'occasion. Elle a dit qu'elle avait un calendrier qui indiquait quand les versements devaient être faits au titre de la TPS et que, quatre ou cinq jours avant la date prévue, elle préparait les formulaires et les chèques et les remettait à M. Piercey. Au début, il les lui retournait rapidement, puis il a commencé à les retenir et, parfois, il les envoyait lui-même. Après cela, les employés du service de l'impôt se sont mis à appeler régulièrement au sujet des versements non effectués. Elle a déclaré ceci devant la cour : “ Les gens de l'impôt appelaient constamment et M. Piercey refusait de leur parler. ” À la question de savoir pourquoi les montants n'étaient pas versés, elle a répondu que des montants aussi élevés auraient eu une incidence sur la situation financière de la compagnie. Il était évident à partir de ce moment-là que la compagnie éprouvait des difficultés à effectuer les versements de TPS.

[129] En outre, il était manifeste que la Banque de Montréal obligeait la compagnie à payer sur-le-champ chaque véhicule en stock vendu. Mme Holleman a déclaré : “ M. Piercey modifiait fréquemment les états financiers et me demandait de changer le résultat. Les états n'étaient pas exacts. ” Elle n'était pas à l'aise avec cette façon de faire, mais elle ne croyait pas qu'elle devait s'y opposer. Elle savait que quelque chose allait arriver.

[130] Il est évident que la situation a empiré à mesure que la compagnie s'est approchée de la faillite et de la mise sous séquestre, mais la Cour est convaincue que les problèmes existaient bien avant cela et qu'il y avait profusion d'indices que la compagnie éprouvait des difficultés croissantes.

[131] Elle a déclaré que, le dernier mois, les versements de la compagnie n'étaient plus à jour. La compagnie devait beaucoup d'argent. M. Piercey a essayé de diviser l'argent en quatre parts, mais les montants n'ont jamais été versés. Mme Holleman n'a pas livré ni envoyé de versement de TPS les derniers mois.

[132] Compte tenu de ce témoignage, il est difficile d'accepter le témoignage de M. Piercey, qui a affirmé avoir toujours eu la conviction que les comptes étaient à jour et ne pas avoir cru que même le montant que réclame actuellement le ministre était impayé dans les faits. Cette partie de son témoignage n'est pas véritablement crédible.

[133] Mme Holleman a déclaré que les créanciers s'étaient mis à appeler au cours des cinq ou six derniers mois au moins et que les comptes, qui étaient habituellement réglés après 30 jours, accusaient trois ou quatre mois de retard. Revenu Canada a appelé concernant les retenues à la source et les versements de TPS. Les paiements n'étaient jamais effectués à temps. Elle ne se rappelait pas les montants, mais il s'agissait de dizaines de milliers de dollars. Elle savait que les versements devaient être effectués chaque trimestre. Elle préparait les documents et les remettait à M. Piercey mais, lorsqu'elle examinait le registre des chèques, elle constatait que ceux-ci n'avaient pas été envoyés et, parfois, qu'ils n'avaient même pas été signés. Ce n'est pas la situation que M. Piercey a décrite dans son témoignage.

[134] D'après le témoin, même le comptable de la compagnie était au courant de la situation. Elle s'est entretenue avec lui et lui a dit qu'elle avait de la difficulté à effectuer son travail. Elle croyait qu'il savait ce qui se passait. D'après elle, quiconque examinait les états pouvait dire qu'une facture donnée n'avait pas été payée parce qu'il y avait un crochet à côté du chèque s'il avait été encaissé.

[135] Mme Holleman a clairement indiqué que tous les livres étaient gardés dans son bureau, qu'elle occupait régulièrement, et que toute personne habilitée à les voir aurait pu les consulter. M. Redmond, l'appelant, n'est jamais venu examiner quelque livre, état financier, journal de décaissement, livret de dépôt, balance de vérification mensuelle ou registre des ventes que ce soit. Il ne lui a pas posé de questions au sujet des registres ni ne s'est informé de la situation financière de la compagnie.

[136] Mme Holleman a déclaré que M. Piercey avait très souvent retenu les chèques pendant la période où elle avait travaillé pour la compagnie, de sorte que les problèmes qui existaient étaient évidents depuis l'automne 1992.

[137] La Cour a également de la difficulté à accepter de façon générale le témoignage de M. Redmond. Celui-ci a soutenu à un moment donné qu'il ne savait même pas s'il était administrateur ou dirigeant de la compagnie. Cependant, le témoignage de Me Peter Muttart indique clairement que l'appelant ne pouvait pas ne pas savoir qu'il était administrateur et dirigeant de la compagnie de même qu'actionnaire et bailleur de fonds, compte tenu de la lettre d'instruction que Me Muttart a reçue du comptable de la compagnie et de la convention que Gary M. Piercey, Donald W. Redmond et G.M. Piercey Enterprises Ltd. ont signée par la suite le 27 avril 1990. Pourtant, on ne peut que conclure qu’on a nécessairement discuté avec M. Redmond de la lettre et de la convention avant qu'il y appose sa signature le 27 avril 1990. Les deux documents précisent clairement quel devait être le rôle de M. Redmond selon les instructions données dans la lettre du comptable de la compagnie et les modifications apportées dans la convention ultérieure. L'organisation du capital social a été modifiée au moyen de cette convention afin que M. Piercey obtienne 70 actions ordinaires et M. Redmond, 30. Il y a eu certains éléments de preuve selon lesquels c'était peut-être parce que M. Redmond craignait que M. Piercey prenne des décisions importantes sans tenir compte de l'avis de l'actionnaire minoritaire que le changement avait été apporté, quoique M. Redmond ait nié avoir reçu quelque avis que ce soit à ce sujet. Dans cette mesure, son témoignage contredit celui de M. Piercey, qui croyait que M. Redmond avait en réalité consulté son propre avocat à ce sujet et que c'était pour cette raison que des changements étaient apportés.

[138] Quoi qu'il en soit, la Cour doit conclure que l'appelant était au courant des modalités de la convention, de la lettre de M. Whynot, du rôle qu'il devait jouer au sein de la compagnie sur le plan financier et de la contribution qu'on attendait de lui, et qu'il savait qu'il était administrateur et dirigeant de la compagnie, même s'il a soutenu le contraire. Dans les circonstances, la Cour ne pouvait raisonnablement conclure que M. Redmond n'était pas un administrateur interne, quel que soit le sens que l'on puisse attribuer à cette expression.

[139] L'appelant a indiqué qu'il ne savait n'était pas quelles étaient les fonctions d'un administrateur. Il a fait valoir qu'il était uniquement un débosseleur et qu'il savait très peu de choses de la compagnie. Il savait que l'ancien propriétaire avait très bien réussi et que l'occasion se présentait pour lui et M. Piercey de faire de l'argent. Il a cependant déclaré qu'il n'avait rien eu à voir avec la constitution en société. Cela ne semble pas concorder avec la preuve que la Cour a déjà mentionnée à l'occasion d'un autre témoignage.

[140] M. Redmond a soutenu n'avoir été informé des fonctions d'un administrateur ou d'un dirigeant qu'après que Revenu Canada lui en eut parlé. La Cour ne peut accepter cette position, qui va à l'encontre du témoignage de plusieurs témoins.

[141] M. Redmond a déclaré qu'il n'avait reçu aucun avis juridique ou comptable en 1990; pourtant, il a admis avoir rencontré Me Muttart au sujet de la création de l'entreprise. Il a signé la convention.

[142] Son témoignage selon lequel il n'avait pas de raison particulière de répartir les actions dans une proportion de 70 p. cent et de 30 p. cent ne semble pas raisonnable.

[143] La Cour a également de la difficulté à croire que M. Redmond n'a eu aucune discussion avec M. Piercey au sujet de l'exploitation de l'entreprise. Il a dit qu'il ne savait pas quand son argent allait lui être remboursé. Cependant, il a admis qu'il s'était rendu à la Banque de commerce lorsque la compagnie avait changé de banque, mais il a affirmé qu'il ne se rappelait pas ce qu'il y avait signé. Il croyait avoir signé une garantie. Même s'il a déclaré qu'il n'avait pas participé à la décision de changer de banque et de faire affaire avec la Banque de Montréal, il avait fourni une garantie personnelle de 60 000 $ à cette dernière. Il a déclaré qu'il n'avait posé aucune question en 1990 et en 1991 au sujet de la situation financière et qu'il ne se rappelait pas avoir communiqué avec M. Maynard avant la fin de 1992 ou le début de 1993. À ce moment-là, il n'avait qu'une préoccupation, soit payer tous les gens de la localité. En outre, il a dit qu'il ne savait même pas qui était l'acheteur et que c'était Gary Piercey qui lui avait révélé son identité. Cela est également difficile à accepter.

[144] Il a lui-même admis qu'en 1992 ou au début de 1993, ses inquiétudes l'avaient amené à communiquer avec le comptable de la compagnie car la Banque de Montréal voulait lui faire consentir une hypothèque subsidiaire sur sa propriété. Malgré cela, il n'a pas posé de questions au sujet de la situation financière de la compagnie ou de l'état des versements à effectuer à Revenu Canada même s'il a déclaré qu'il lui importait que tous les gens de la localité soient payés.

[145] La Cour a aussi quelque difficulté à accepter l’affirmation de M. Redmond selon laquelle il n’avait aucunement pris connaissance des états financiers de la compagnie pour les exercices 1991 et 1992 et qu'il ne les avait même pas vus. Me Muttart a pour sa part affirmé que même s'il pouvait ne pas avoir discuté expressément des fonctions d'un administrateur avec M. Redmond, il aurait discuté de l'obligation de la compagnie de tenir des réunions annuelles, de dresser des procès-verbaux annuels et de les faire signer, ainsi que de produire des états financiers. En fait, Me Muttart a déclaré qu'habituellement les procès-verbaux étaient envoyés aux parties, qui devaient les signer et les retourner. M. Redmond a affirmé qu'il n'avait jamais assisté à de telles réunions, mais la Cour ne peut que conclure que les procès-verbaux ont été rédigés, signés et retournés au cabinet de Me Muttart pour être insérés dans le livre de la compagnie. Le livre lui-même n'a pas été produit en preuve.

[146] De l'avis de la Cour, il se peut fort bien que M. Redmond n'ait pas compris les complexités des états financiers et qu'un examen de ces derniers ne lui ait pas révélé à prime abord que l'entreprise éprouvait des difficultés. Cependant, tout administrateur raisonnable dans sa situation ayant reçu ces états aurait certainement interrogé le comptable ou M. Piercey ou, à tout le moins, le personnel du bureau au sujet de la situation financière de la compagnie et de l'état des versements que celle-ci était tenue d'effectuer.

[147] M. Redmond a témoigné qu'il savait que des versements devaient être faits au titre de la TPS et des retenues à la source. Il était lui-même homme d'affaires. Il avait déjà eu un employé et avait été tenu de faire des retenues et des versements. Il savait que la compagnie et lui-même devaient produire des déclarations de revenu et, assurément, n'importe qui ayant investi autant d'argent dans cette compagnie aurait manifesté plus d'intérêt pour les affaires de la compagnie que lui-même n'était prêt à l'admettre au moment de son témoignage.

[148] M. Redmond a témoigné qu'on ne lui avait jamais dit qu'il y avait un problème concernant la TPS et les retenues fiscales. Quelques jours avant la faillite, M. Piercey lui a parlé d'obtenir un chèque pour Revenu Canada et il s'est rendu à la banque, qui a toutefois refusé d'honorer le chèque. Il avait alors fallu l'envoyer par messager à Revenu Canada. Il a déclaré qu'il croyait qu'il s'agissait du montant intégral de la TPS. Il faut se demander comment il pouvait en être certain s'il n'avait pas posé d'autres questions. De son propre aveu, il n'avait jusque-là jamais posé de questions.

[149] Au cours de son témoignage, M. Redmond a déclaré qu'il avait fait tout ce qu'il pouvait raisonnablement faire comme administrateur dès qu'il avait constaté, en décembre 1992, qu’il y avait des problèmes, mais il n'avait pris aucune mesure avant cela et aucune des mesures qu'il avait prises ne visait à garantir le versement des sommes dues à Revenu Canada, si ce n'est qu'il avait pris part aux démarches pour émettre un chèque à Revenu Canada et le lui faire parvenir. Sa conviction que cela représentait le solde de toutes les sommes dues à Revenu Canada ne reposait sur rien. Il n'avait pas pris de mesures avant ce moment-là et il n'en a pas pris davantage par la suite pour déterminer l'état véritable du compte de Revenu Canada.

[150] Le témoin a déclaré qu'il n'avait jamais vu les états financiers et qu'il n'avait pas reçu le bilan qui indiquait un montant impayé au titre de la TPS et des retenues à la source. Il n'était pas au courant de l'erreur figurant dans les états financiers et il a déclaré que M. Piercey ne l'en avait pas informé.

[151] La crédibilité de l'appelant a également été mise en cause lorsqu'il a nié avoir donné instruction à Me Muttart de rédiger la lettre adressée à Revenu Canada le 30 août 1994 (onglet 55, pièce A-1). Il a soutenu que Me Muttart avait rédigé cette lettre de sa propre initiative. Sa crédibilité a aussi été mise en cause dans une certaine mesure lorsqu'il a déclaré que Me Muttart s'était certainement trompé lorsqu'il avait affirmé l'avoir rencontré avec M. Piercey le 28 décembre 1992, même si cette réunion figure sur l'état de compte que le cabinet de Me Muttart a adressé à la compagnie après la mise sous séquestre et la faillite.

[152] L'appelant a lui-même affirmé qu'on ne l'avait jamais empêché d'exercer ses pouvoirs d'administrateur. Il a déclaré qu'il n'avait pas participé aux décisions concernant l'orientation de la compagnie, mais il aurait pu faire valoir son point de vue. Il a participé à la décision de vendre l'entreprise étant donné que c'était une décision commerciale importante. Il a admis qu'entre 1991 et 1993, il s'était entretenu de temps à autre avec Gary Piercey au téléphone et en personne, mais il a soutenu ne jamais lui avoir posé de questions au sujet de la situation de l'entreprise et de l'état des comptes. Dans les circonstances, c'est difficile à accepter.

[153] La Cour ne peut accepter l'argument de l'avocat de l'appelant selon lequel la banque tenait si solidement les rennes de la compagnie après le mois d'octobre 1992 que l'appelant n'aurait rien pu faire pour empêcher le manquement. Il est vrai que la banque surveillait étroitement les activités de la compagnie, qu'elle suivait de très près les ventes et qu'elle s'assurait du paiement des véhicules en stock vendus. Cependant, la Cour ne voit pas en quoi cela avait pu empêcher l'appelant de prendre des mesures pour déterminer quel était l'état du compte de Revenu Canada, s'il était à jour et quel système était en place pour permettre à la compagnie de s'acquitter de son obligation de percevoir et de verser les montants.

[154] Il n'a pris aucune mesure pour examiner les livres ou les registres de la compagnie ni n'a posé de questions à des personnes bien informées au sujet de ces comptes à une époque où il aurait certainement dû se douter que les choses allaient très mal. Il est vrai qu'il y avait une erreur dans les états financiers se rapportant à l'exercice clos le 30 avril 1991 et que toute personne ayant pris connaissance de la version originale de ces états aurait certainement été induite en erreur, mais le changement de la situation financière de la compagnie que la correction de l'erreur aurait entraîné n'aurait fait qu'alarmer davantage le lecteur. Je ne dis pas qu'ils n'auraient pas dû s'inquiéter avant la production de ces états financiers, compte tenu des autres faits qui ont été révélés au cours des témoignages.

[155] Les bilans des deux exercices indiquaient qu'il y avait des montants de taxe sur les produits et services à payer. Il se peut fort bien qu'à un moment donné seuls les versements d'un trimestre aient été en souffrance, mais ce seul fait aurait dû suffire à éveiller l’attention de tout administrateur raisonnable au fait que la débâcle était imminente. Quoi qu'il en soit, l'appelant pouvait difficilement trouver quelque réconfort que ce soit dans l'erreur indiquant un changement substantiel de la situation financière de la compagnie puisque, de son propre aveu, il n'a même pas jeté un coup d'oeil aux états financiers ni n'a essayé de les consulter ni n'en a discuté à quelque moment que ce soit avec des personnes bien informées. La Cour ne peut accepter l'argument selon lequel l'appelant n'est devenu conscient des problèmes qu'à la fin de décembre 1992 ou au début de janvier 1993.

[156] La Cour ne peut accepter comme raisonnable la thèse de l'appelant selon laquelle ces manquements étaient attribuables au fait qu'il n'avait pas beaucoup d'instruction et qu'il ne comprenait pas très bien les documents et les questions commerciales complexes. Il pouvait consulter à loisir le registre des procès-verbaux et des résolutions et il aurait pu constater ce qui se passait s'il avait voulu le faire.

[157] L'appelant pouvait s'adresser à des personnes qualifiées pour obtenir des réponses à ses questions s'il avait voulu en poser, pour savoir comment les versements au gouvernement étaient effectués et pour savoir s'il y avait un système en place pour effectuer les versements et s'il fonctionnait bien. Il a toutefois choisi de ne rien faire et de ne même pas poser de questions. Même à la toute fin de l'année 1992 et au début de l'année 1993, il n'a rien fait pour empêcher le manquement.

[158] L'avocat de l'intimée a invoqué principalement l'arrêt Soper, précité, et l'affaire MacDonald, précitée, pour faire valoir que l'appelant savait que les déclarations de TPS devaient être produites à des dates précises et que les retenues à la source devaient être versées à certaines dates. Il était au courant de la nécessité de produire des états financiers étant donné qu'il en avait fait dresser pour sa propre entreprise, Redmond’s Auto Body, et il savait que M. Maynard préparait ces états pour la compagnie. L'avocat a soutenu que M. Redmond était au courant des problèmes en septembre et octobre 1992 parce que M. Piercey l'avait informé de l'erreur, et qu'il avait le devoir de prendre des mesures concrètes à ce moment-là, sinon avant. La compagnie subissait des pertes, elle ne réalisait pas de bénéfices. M. Redmond savait certainement que c'était l'une des raisons pour lesquelles la compagnie allait être vendue. Il a attendu que la situation soit désespérée pour agir et, même à ce moment-là, il n'a pas fait grand-chose. Il avait le devoir de prendre des mesures concrètes avant. Il est possible qu'il ait pensé que la compagnie réalisait des bénéfices, mais il n'avait aucune raison de le croire, sauf s'il n'avait pas examiné les livres. Il est resté en retrait et s'est fié aux autres sans poser plus de questions. Ce n'est pas suffisant. Ces arguments sont convaincants.

[159] L'avocat a déclaré que la présente affaire ne ressemble pas à l'affaire Sheremeta, précitée, et que la situation de l'appelant en l'espèce est très différente de celle de l'appelant dans cette affaire. M. Redmond est dans la même situation que l'administrateur dont il est question dans la décision MacDonald, précitée. L'avocat a soutenu que le montant qui aurait été obtenu par suite de la vente éventuelle de l'entreprise n'était pas pertinent en l'espèce. L'appelant n'était pas justifié d'adopter une attitude passive concernant le paiement du compte de TPS sauf s'il avait des raisons de croire que tout allait bien et que les comptes étaient à jour. Il ne pouvait pas avoir une telle certitude, n'ayant jamais vérifié. En outre, les livres n'étaient pas bien tenus. Les crédits de taxe sur les intrants étaient mal calculés. M. Maynard a déclaré que toutes les préposées à la tenue des livres manquaient d'expérience. Tout le monde se renvoyait la balle. Encore une fois, ces arguments sont convaincants.

[160] La Cour est convaincue que les faits de la présente affaire diffèrent des faits de l'affaire Sheremeta, précitée, et qu'ils se rapprochent davantage des faits de l'affaire MacDonald, précitée. L'appelant en l'espèce n'a pas pris de mesures que la Cour pourrait qualifier de raisonnables, compte tenu de l’ensemble de la situation, pour prévenir le manquement, alors qu'un administrateur raisonnable en aurait prises.

[161] L'avocat de l'appelant avait des réserves concernant la décision Wheeliker, précitée, dans laquelle l'opinion dissidente semblerait indiquer que le degré de soin qui doit être exercé ne diffère pas selon qu'il s'agit d'un administrateur actif ou d'un administrateur passif et, probablement, d'un administrateur interne ou d'un administrateur externe. Dans cette affaire, la majorité a accepté les motifs du juge Létourneau relativement à la norme de soin et à son application aux faits de cette affaire.

[162] L'avocat de l'appelant a soutenu qu'interpréter la norme de soin de manière aussi stricte pourrait équivaloir à soutenir que la responsabilité des administrateurs est absolue. Cependant, la Cour est convaincue que la disposition en cause prévoit un moyen de défense, à savoir la défense du degré de soin raisonnable, et précise à quoi correspond la norme de soin raisonnable. Cependant, il est impossible de trancher cette question simplement en déterminant si les administrateurs sont des administrateurs actifs, passifs, internes ou externes. La Cour peut envisager un cas où un administrateur externe ou un administrateur passif pourrait être tenu responsable du manquement de verser les sommes impayées parce que ce ne sont pas tous les directeurs passifs ou externes qui peuvent satisfaire à la norme de soin raisonnable. Il pourrait y avoir de nombreuses situations où ces administrateurs sont parfaitement au courant des circonstances du manquement et ont accès à tous les livres et registres de la compagnie et où les administrateurs actifs ou les administrateurs internes ne les ont d'aucune manière empêchés d'être informés de leur manquement à effectuer les versements ou d'être informés de problèmes qui pourraient conduire à un manquement d'effectuer les versements. Il se peut qu’on ne les ait d’aucune manière empêchés de prendre des mesures concrètes pour prévenir le manquement par toute autre institution financière ou banque ou que les actions d’autres personnes aient eu pour effet de les empêcher d'exercer leurs pouvoirs en qualité d'administrateur. Dans ces circonstances, il faudrait en venir à la conclusion que ces administrateurs pourraient très bien être tenus responsables au motif qu'il n'ont pas satisfait à la norme de soin à laquelle doit satisfaire un administrateur raisonnable dans toutes les circonstances.

[163] La Cour a également tenu compte de l'affaire Ferguson, précitée, mais elle fait une distinction entre les faits de cette affaire et ceux de la présente affaire. La Cour conclut que, à la différence de la décision rendue dans l'affaire Ferguson, l'appelant en l'espèce a de fait été plus actif au sein de la société qu'il n'était prêt à l'admettre et que sa participation n'était certainement pas négligeable même si, dans cette affaire aussi, on attendait peu de choses de lui. Quoi qu'il en soit, la participation financière de l'appelant comme actionnaire, investisseur, administrateur et dirigeant était plus importante en l'espèce que dans l'affaire Ferguson, précitée. En outre, la Cour est d'avis que l'appelant a plus de connaissances et d'expérience en affaires que n'en avaient les administrateurs dans l'affaire Ferguson.

[164] En outre, dans cette affaire, le juge n'était pas convaincu de l'existence d'éléments de preuve permettant d'affirmer que les administrateurs avaient fait montre d'un aveuglement délibéré quant à leurs rôles ou quant à leurs devoirs ou obligations. Malheureusement pour l'appelant en l'espèce, la Cour ne peut en venir à la même conclusion. En outre, dans l'affaire Ferguson, le gestionnaire de la société s'était bien gardé de faire état des difficultés financières de l'entreprise. En l'espèce, l'appelant a eu de nombreuses occasions de s'informer sur l'entreprise et il a choisi de ne pas poser de questions.

[165] L'avocat de l'appelant a fait référence à l'affaire Whitehouse, précitée, où le juge du procès a déclaré ce qui suit :

Une attitude entièrement passive de la part d'un administrateur n'aidera peut-être pas la cause de ce dernier à l'égard d'une cotisation, mais, à moins qu'il n'ait des motifs de s'interroger, l'administrateur est autorisé à s'appuyer sur les personnes qui s'occupent de la gestion quotidienne pour effectuer le paiement des obligations prévues dans la loi. L'administrateur externe qui sait ou se doute ou devrait savoir que quelque chose cloche doit prendre des mesures concrètes pour tenter de remédier à la situation.

Cependant, cela signifie assurément que rien ne doit éveiller les soupçons de l'administrateur. Celui-ci doit avoir des raisons de compter sur les personnes qui s'occupent de la gestion quotidienne pour effectuer les versements exigés par la loi. En l'espèce, l'appelant n'avait aucune raison de compter sur les personnes qui s'occupaient de la gestion quotidienne pour effectuer les versements parce que, selon son témoignage, il ne savait absolument pas comment les versements étaient effectués, il n'a jamais cherché à savoir comment ils étaient effectués ou dans quelle mesure ils étaient effectués, et il n'a jamais jugé nécessaire de poser des questions au personnel à ce sujet. Si on devait invoquer l'affaire Whitehouse, précitée, pour laisser entendre qu'un administrateur entièrement passif peut éviter d'être tenu responsable simplement en faisant le nécessaire pour être tenu dans l'ignorance de la situation et qu'il est par conséquent en droit de présumer que les comptes sont en règle, la Cour ne pourrait accepter une telle thèse.

[166] Compte tenu de l'ensemble des éléments de preuve, y compris la crédibilité que la Cour accorde aux dépositions des différents témoins, la Cour conclut que l'appelant ne s'est pas acquitté du fardeau de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu'il a agi comme un administrateur raisonnable l’aurait fait dans toutes les circonstances. Par conséquent, il ne peut invoquer la défense de la diligence raisonnable.

[167] L'appel est rejeté et la décision du ministre est confirmée. L'intimée fera taxer ses dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour d'avril 2000.

“ T. E. Margeson ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 20e jour d'octobre 2000.

Philippe Ducharme, réviseur

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