Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date: 19980827

Dossier: 98-454-IT-I; 98-455-IT-I; 98-456-IT-I; 98-457-IT-I

ENTRE :

GÉRALD DUBÉ, GASTON DUBÉ, GUY DUBÉ, MARTIN DUBÉ,

appelants,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge G. Tremblay, C.C.I.

Point en litige

[1] Selon les avis d’appel et les réponses aux avis d’appel, il s’agit de savoir si les appelants, tous travailleurs forestiers, sont bien fondés de réclamer individuellement comme n’étant pas du revenu la somme de 5 250 $ reçue de Opérations forestières Martin Dubé & Fils Inc. (ci-après appelée l’employeur) parce que l’endroit où les appelants accomplissaient leur travail était un chantier particulier ou un endroit éloigné selon le paragraphe 6(6) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la Loi).

[2] Les appelants travaillaient dans l’état du Maine à plusieurs endroits mais s’étaient installés à Jackman dans une roulotte louée. Ils recevaient une allocation de 105 $ par semaine pour défrayer le coût des repas, les dépenses de transport et les frais de logement.

Fardeau de la preuve

[3] Les appelants ont le fardeau de démontrer que les cotisations de l'intimée sont mal fondées. Ce fardeau de la preuve découle de plusieurs décisions judiciaires dont un jugement de la Cour suprême du Canada rendu dans l'affaire Johnston c. Le ministre du Revenu national[1].

[4] Dans le même jugement, la Cour a décidé que les faits assumés par l'intimé pour appuyer les cotisations ou nouvelles cotisations sont également présumés vrais jusqu'à preuve du contraire. Dans la présente cause, les faits présumés par l'intimée sont décrits aux alinéas a) à j) du paragraphe 6 de la réponse à l'avis d'appel. Ce paragraphe se lit comme suit :

6. Pour établir ces nouvelles cotisations, le ministre a tenu notamment pour acquis les faits suivants :

a) l’appelant est un travailleur forestier; [admis]

b) l’appelant est actionnaire et salarié de la société « Opérations forestières Martin Dubé & Fils Inc. » pendant les années en litige; [admis]

c) pendant les années en litige, la société « Opérations forestières Martin Dubé & Fils Inc. » a rendu des services à monsieur Reginald A. Griffin, Jr, [admis] en vertu d’un contrat d’entreprise pour une période indéterminée; [nié]

d) monsieur Reginald A. Griffin, Jr, était le principal entrepreneur sur un territoire nommé « S.D. Warren lands » qui recouvrait des terres à bois disséminées dans une douzaine de municipalités situées dans l’état du Maine; [nié]

e) les divers sites de travail sont considérés comme faisant partie d’un seul chantier particulier; [nié]

f) le ministre a considéré qu’il n’existait qu’un chantier particulier et était situé à Jackman, la place d’affaires de l’entrepreneur monsieur Reginald A. Griffin, Jr; [nié]

g) l’appelant a tenu à Saint-Côme de Linière un établissement domestique autonome comme lieu principal de résidence; [admis]

h) le ministre a considéré que la nature du travail de l’appelant n’était pas temporaire parce que les activités en sol américain de la société « Opérations forestières Martin Dubé & Fils Inc. » se situaient sur un seul chantier particulier, que le contrat de services avec la société américaine était renouvelé annuellement, que la durée du projet était supérieure à deux ans; [nié]

i) l’appelant logeait durant la semaine de travail dans une roulotte louée pour se rapprocher de son lieu de travail, et en ce sens, recevait de la société « Opérations forestières Martin Dubé & Fils Inc. » une allocation hebdomadaire de 105 $ (50 semaines annuellement x 105 $), pendant les années en litige, afin de l’aider à défrayer les coûts des repas, les dépenses de transport et les frais de logement; [admis

j) conséquemment, le ministre a considéré que l’allocation annuelle de 5 250 $ était imposable au titre d’avantage consenti à l’appelant par la société « Opérations forestières Martin Dubé & Fils Inc. » pendant chacune des années en litige. [nié]

[5] Suite aux admissions ci-dessus, la preuve a été complétée par les témoignages de M. Martin Dubé, président de Opérations forestières Martin Dubé & Fils Inc., de M. Réginald Griffin, Junior et de M. Roch Roy, comptable.

[6] Avant les témoignages, les procureurs ont indiqué que les points en litige étaient limités aux suivants, à savoir :

- si, comme le prétend l’intimée, l’ensemble des chantiers sur lesquels ils travaillaient constituait un seul chantier particulier, c’est-à-dire celui du « S.D. Warren lands » et que le travail n’était pas de nature temporaire mais fait de façon permanente;

- ou si, comme le prétendent les appelants, il s’agit de plusieurs chantiers et que le travail est de nature temporaire, le tout selon le sous-alinéa 6(6)a)(i) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la Loi).

[7] De plus, dans le montant de 105 $ par semaine payé aux appelants par l’employeur, il n’est pas question de dépenses de transport tel que précité au paragraphe [4] : 6.i).

Témoignage de M. Martin Dubé

[8] Le témoin Dubé a expliqué que lui et ses fils travaillent pour l’employeur dans l’État du Maine (É.U.) depuis plusieurs années, entre autres, en 1993, 1994 et 1995, dont les deux dernières années sont en litige. Gaston travaille sur l’abatteuse, Gérald sur la tronçonneuse et Guy sur la machine à grappin.

[9] Durant ces années, l’employeur a travaillé à différents endroits pour Reginald A. Griffin, Junior. Sous la pièce A-1, le témoin a produit une liste desdits endroits (appelés « town » en américain) avec la période, la durée, le nom du chantier et la distance de Jackman (Maine), le tout tel qu’il appert ci-après :

ANNEXE A

OPÉRATIONS FORESTIÈRES MARTIN DUBÉ ET FILS INC.

DISTANCE ENTRE

LES CHANTIERS

PÉRIODEDURÉE CHANTIER ANTÉRIEURS

Septembre 93 2 mois Soldiertown s/o

Novembre 93 3 mois Sandwich 20 milles

Février 94 4 mois West Forks East 55 milles

Juin 94 3 mois Sandwich 55 milles

Septembre 94 2 mois Rockwood 10 milles

Novembre 94 1 mois Sandwich 10 milles

Décembre 94 2 mois Brassua 10 milles

Février 95 2 mois West Forks East 60 milles

Avril 95 1 mois Chase Stream 20 milles

Mai 95 2 mois Sandwich 60 milles

Juillet 95 2 mois Thorndike 20 milles

Septembre 95 1 mois Appleton 65 milles

[10] Sous la pièce A-2, une carte a été produite sur laquelle on peut voir les « towns » où sont localisés les chantiers ou « special work sites » , comme le dit le texte anglais du paragraphe 6(6) de la Loi.

[11] Le témoin informe la Cour que l’employeur a été incorporé en 1986. Il informe aussi la Cour qu’avant de travailler pour M. Griffin, Junior, l’employeur avait travaillé pour l’entreprise forestière E.J. Carrier de 1977 à 1986, sauf durant 6 mois au Nouveau-Brunswick, le reste du temps dans le Maine.

[12] Suite à une enquête de l’intimée pour l’année 1989, une lettre datée du 23 janvier 1991 a été reçue par l’employeur, lettre produite sous la cote A-3. Elle se lit comme suit :

Opérations forestières

Martin Dubé et Fils Inc.

2020, 8e rue

St-Prosper

G0M 1Y0 Division de la vérification

Réf.: Bruno Murray

Tél.: 649-3216

À l’attention de M. Martin Dubé

Québec, le 23 janvier 1991

Monsieur,

Suite à notre vérification des déclarations d’impôt sur le revenu de la compagnie « Opérations forestières Martin Dubé et Fils Inc. » , nous vous demandons par la présente qu’à partir de ce jour soient exigées et conservées, par la corporation, les pièces justificatives appuyant les dépenses de chantier particulier, de chantier éloigné et d’essence remboursées par la corporation aux employés.

Ces pièces justificatives seront exigées dans le futur afin que soient admissibles des dépenses de cette nature.

Veuillez agréer, Monsieur, nos salutations distinguées.

/s/ B. Murray

Vérification d’entreprises

Revenu Canada

.................................

...

Votre déclaration d’impôt pour l’année d’imposition susindiquée [1989] a fait l’objet d’une nouvelle cotisation. Vous trouverez ci-après les explications concernant le ou les changements effectués :

Revenu net antérieur : (54 636,00 $)

Rajustements au revenu d’entreprise

exploitée activement_____________

Ajouter :

Allocation de chantier temporaire refusée 10 552,00 $

Rétroactivité d’allocation de

chantier temporaire refusée 12 425,00 $

___________

31 659,00 $

Revenu d’entreprise exploitée activement NÉANT

Revenu de placement au Canada : NÉANT

[13] Selon le témoin, la déduction prévue pour chantier éloigné a été prise en 1990 et admise. Il n’y a pas eu de changement factuel en 1993, 1994 et 1995.

[14] Le témoin informe la Cour que les coûts de ses machineries se détaillent comme suit :

- abatteuse 460 000 $

- tronçonneuse 165 000 $

- machine à grappin :

la 1re en 1987 130 000 $ Américains

la 2e en 1991 250 000 $ Canadiens

la 3e en 1995 96 000 $ Américains

Témoignage de M. Reginald A. Griffin

[15] M. Griffin est contracteur forestier depuis 1974. Il demeure à Moose River dans l’État du Maine. Toutefois, sa place d’affaires est à Jackman (Maine). M. Griffin a admis ne pas être propriétaire des terres à bois dont il contracte la coupe. Il obtient les contrats de la compagnie S.D. Warren qui possède divers moulins à papier à travers les États-Unis.

[16] Il reconnaît la carte produite sous la pièce A-2 et dit qu’il possède d’autres terres à bois dans d’autres états des États-Unis.

[17] L’intimée a produit sous la pièce I-1 les deux contrats passés en 1994 et en 1995 entre Reginald A. Griffin, Junior et Opérations forestières Martin Dubé & Fils Inc. de St-Georges (Québec), Canada. En substance, ils sont similaires. Le contrat relatif à l’année 1995 se lit comme suit :

AGREEMENT

THIS AGREEMENT made this 1st day of January, 1995, by and between REGINALD A. GRIFFIN, JR. of Moose River, in the County of Somerset and State of Maine, hereafter called GRIFFIN, and OPERATIONS FORESTIERES MARTIN DUBE & SONS INC. of St. Georges, in the Province of Quebec, Canada, hereafter called CONTRACTOR.

WHEREAS, GRIFFIN now is a prime contractor on S.D. Warren lands and desires to have the forest products on said lands cut, skidded, delimbed and slashed as appropriate, and

WHEREAS, it is understood that forest products will be produced to meet mill specifications and payment will not be made for any log culled for failure to meet specifications which have been provided to CONTRACTOR, and

WHEREAS, CONTRACTOR has the knowledge, skills and equipment necessary to harvest timber.

NOW, THEREFORE, the parties agree as follows:

1. CONTRACTOR agrees to employ such other persons as may be necessary to carry out the terms and conditions herein set out, and shall use, employ or hire the necessary equipment to harvest timber.

2. GRIFFIN has no right, or retains no right as to the details of the work, the hours of work and other conditions of employment.

3. GRIFFIN shall in no way be liable for any personal injuries (including death), whether the same be injuries to its employees or to other persons or damage to any type of property, caused by, resulting from, or attributable to, the operations of CONTRACTOR or any subcontractor under this Agreement, and CONTRACTOR does hereby agree to indemnify and hold harmless GRIFFIN from and against any and all claims, damages, debts, demands, suits, actions, attorney fees, court costs and expenses arising out of, attributable to, or resulting from said operations, whether the same are caused or alleged to have been caused in whole or in part by the negligence of GRIFFIN, its agents or employees.

4. Under this Agreement, CONTRACTOR is an independent employer and shall be liable and hereby expressly assumes exclusive liability as an employer under all Federal, State and Local Tax and Employment Laws and Regulations, and shall be liable for any social security, unemployment compensation and shall be responsible for the collection and remittance of any such taxes, interest and penalties.

5. Heavy equipment maintenance is the responsibility of the CONTRACTOR. CONTRACTOR agrees to maintain his equipment and vehicles in safe and serviceable condition as required by State and Federal regulatory agencies. Waste lubricating oil or hazardous materials are not to be disposed of on work site. Whenever there is a spill or release of oil or hazardous material, the CONTRACTOR or operator is responsible for clean-up and reporting to the appropriate agencies and to landowner.

6. CONTRACTOR shall follow landowner’s litter policy, to wit: Litter is unsightly and littering is a violation of the law. Please be sure to take everything that you bring in with you.

7. GRIFFIN shall not be liable for any worker’s compensation or other such benefits for owners or employees of CONTRACTOR but such liability, if any, shall be exclusively that of CONTRACTOR.

8. CONTRACTOR shall provide and pay for any Workers’ Compensation Insurance covering any and all employees he/they utilize in performing services for GRIFFIN. Furthermore, shall provide for the owners such alternative insurance as is deemed acceptable under the laws of the State of Maine and by the insurance carrier of GRIFFIN and by the owners of the lands on which such services are performed and such mills as may accept the timber. Failure to do so shall in no circumstances result in any claims against GRIFFIN, and CONTRACTOR shall indemnify GRIFFIN against such claims.

9. CONTRACTOR agrees to comply with and hold GRIFFIN harmless from penalties, damages, fines and fees causing out of violations of any federal or state worker safety laws, regulations, or standards in conduct of this operation including employee training and seatbelt use requirements.

10. This agreement shall remain in effect for one year, but GRIFFIN reserves the right to use services of CONTRACTOR only as needed.

11. Following prices shall apply:

Logs - $65.00 MBF

Delimbing - $1.50 per thousand pounds

Spruce/Fir: T/L - $4.81 per thousand pounds

Hardwood, Hemlock,

Pine: T/L Pulp $4.09 per thousand pounds

Fuel Chips:

Hardwood - $2.08 per thousand pounds

IN WITNESS THEREOF, the parties have hereto set their hands on the day first above written.

SIGNED AND WITNESSED:

__________________________

WITNESS

__________________________ Reginald A. Griffin Jr.

WITNESS

[18] Concernant la garantie de travail donnée par Griffin au contracteur, Opérations forestières Martin Dubé & Fils Inc., elle se lit comme suit aux clauses 8 de l’entente pour l’année 1994 et 10 pour l’année 1995 :

8. This agreement shall remain in effect for one year, but GRIFFIN reserves the right to use services of CONTRACTOR only as needed.

[19] M. Griffin dit qu’il est lié par les contrats qu’il a de la compagnie S.D. Warren qui sont de même nature. Il peut être informé en aucun temps par S.D. Warren d’arrêter de couper du bois, à cause de plusieurs facteurs, soit le marché ou le surplus d’inventaire, etc. Il est possible peut-être, dit-il, de pouvoir continuer encore pendant plusieurs années mais ça ne concerne pas un site en particulier mais plusieurs. Il redit que ça dépend des contrats avec la compagnie S.D. Warren. En substance, il dit : « There is no guarantee. »

Témoignage de M. Roch Roy, comptable

[20] Selon le témoin, l’employeur a payé de 1987 à 1993 et aussi par la suite la somme de 5 250 $.

[21] Le témoin souligne que dans le Maine, il y a des taxes annuelles sur les machineries qui sont réparties entre les municipalités dont dépendent les chantiers.

[22] Le témoin souligne aussi que M. Griffin possède des contrats avec la compagnie S.D. Warren sur des territoires autres que ceux du Maine.

[23] Sous la pièce I-2, le témoin a produit une lettre adressée à l’intimée le 4 septembre 1996. Je cite ci-dessous les deux points relatifs aux points en litige : chantiers particuliers et de nature temporaire :

CHANTIER PARTICULIER

A) Selon les contrats écrits, il est spécifié que le donneur d’ouvrage est le contracteur principal sur les "S.D. Warren lands" et que la CIE à la demande du donneur d’ouvrage effectuera des travaux sur ces dites terres. Ces dites terres, selon la carte, couvrent plus de 1619 kilomètres carrés ou 625 milles carrés.

B) Selon l’annexe A, il y a eu des déplacements de machinerie et de personnel plus de 12 fois en 24 mois sur plusieurs chantiers.

Considérant que la CIE n’a aucune place d’affaires aux U.S.A. (voir document déjà fourni qui est envoyé annuellement avec une 1120-F à l’I.R.S.), il est évident de constater que l’endroit du travail est sur plusieurs chantiers particuliers à tour de rôle et jamais pour de longues périodes au même endroit. Il ne faut pas confondre l’endroit où vont coucher les travailleurs (dans une roulotte à Jackman, Maine dont les coûts sont défrayés personnel-lement par les employés) et les endroits où sont effectués les travaux. La place d’affaires de la CIE est au Québec et la compagnie a dans une région de 1619 kilomètres carrés aux U.S.A. effectué des travaux sur plusieurs chantiers particuliers.

NATURE TEMPORAIRE

Selon IT-91 R/4, par. 6., L.I.R. ne définit pas le terme "temporaire". Toutefois, en règle générale, on considère que le travail est de nature temporaire si on peut raisonnablement s’attendre à ce que ce travail ne constitue pas un emploi continu de plus de deux ans.

On sait que selon les contrats écrits, c’est le donneur d’ouvrage qui décide à sa guise si la CIE aura un travail à faire à un endroit quelconque pour des périodes de un à trois mois (annexe A).

Il est donc évident que le travail que donne le donneur d’ouvrage à la CIE sur un chantier particulier sera de nature temporaire pour les employés et que pris chantier par chantier, le travail à faire ne constituera pas un emploi continu de plus de 2 ans.

À ce même paragraphe, on dit qu’il faut considérer tout particulièrement les facteurs suivants :

1) la nature du travail que doit accomplir l’employé

- au départ, l’employé sait qu’il devra couper du bois pendant une période de 1 mois à 3 mois sur un chantier particulier;

2) la durée estimée d’un projet

- chaque chantier est un projet lui-même pour la CIE et il n’y a aucun ensemble de projet déterminé par la CIE. À date, tous les chantiers ont été pour moins de 3 mois.

3) la période convenue pour laquelle l’employé a été engagé

- il n’y a aucune période de convenue entre la CIE et ses employés si ce n’est que chantier par chantier.

En somme, lorsqu’on parle de "ce travail", on parle de travail dont on connaît l’existence soit chantier par chantier lorsque le donneur d’ouvrage le décide. On est donc au début de chaque travail à accomplir et à chaque travail dont à ce moment on connaît les conditions, un emploi temporaire débute entre la CIE et les employés.

[24] M. Bruno Murray, vérificateur de l’intimée et auteur de la pièce A-3 précitée au paragraphe 12, a témoigné que la cotisation de 1989 ne concernait que la raisonnabilité des dépenses et non les points en litige comme dans la présente affaire.

Loi

[25] La disposition de la Loi qui régit la présente affaire est l’alinéa 6(6)a)(i). Elle se lit comme suit :

6(6) Emploi sur un chantier particulier ou en un endroit éloigné. Malgré le paragraphe (1), un contribuable n’inclut, dans le calcul de son revenu tiré, pour une année d’imposition, d’une charge ou d’un emploi, aucun montant qu’il a reçu, ou dont il a joui, au titre, dans l’occupation ou en vertu de sa charge ou de son emploi et qui représente la valeur des frais — ou une allocation (n’excédant pas un montant raisonnable) se rapportant aux frais — qu’il a supportés pour :

a) sa pension et son logement, pendant une période donnée :

(i) soit sur un chantier particulier qui est un endroit où le travail accompli par lui était un travail de nature temporaire, alors qu’il tenait ailleurs et comme lieu principal de résidence, un établissement domestique autonome :

(A) d’une part, qui est resté à sa disposition pendant toute la période et qu’il n’a pas loué à une autre personne,

(B) d’autre part, où on ne pouvait raisonna-blement s’attendre à ce qu’il retourne quotidiennement étant donné la distance entre l’établissement et le chantier,

...

Jurisprudence

[26] La jurisprudence et la doctrine citées par les parties sont les suivantes :

1- James J. Forestell c. Le ministre du Revenu national,

77 DTC 394 (C.R.I.);

2- James K. Middleton c. Le ministre du Revenu national,

79 DTC 597 (C.R.I.);

3- Kenneth W. King c. Le ministre du Revenu national,

80 DTC 1037 (C.R.I.);

4- Bulletin d’interprétation No 91R4 du 17 juin 1996,

paragraphes 4.a), 5 et 6.

Analyse

[27] La Cour doit admettre que les arguments donnés par le comptable Roch Roy dans sa lettre du 4 septembre 1996 adressée à l’intimée et déposée par elle (pièce I-2, par. [23]) sont valables pour les points en litige dans la présente affaire.

[28] Le procureur de l’appelant s’est référé à l’arrêt Kenneth W. King ([26] : 3-). M. King travaillait depuis 23 ans à un endroit situé à 400 milles de sa résidence et déduisait les allocations pour chantier ("work site") éloigné.

[29] Dans le présent cas, ce n’est pas l’aspect d’éloignement qui est en litige mais le fait que l’appelant travaille depuis huit ans pour le même employeur, ce pourquoi l’intimée déduit qu’il s’agit d’un travail permanent.

[30] De plus, aux pages 29 et 30 de la transcription des notes de la plaidoirie de l’appelant, on peut lire ce qui suit :

De plus, si l’on tient compte du fait que l’appelant pouvait être mis à pied sur un avis de cinq jours en 1973, et sur un avis d’un mois en 1974, ceci confirme la décision de l’appelant de ne pas « mouver » sa famille à Castlegar, que cette décision-là était raisonnable.

[31] La procureure de l’intimée invoque que justement dans les contrats signés entre Griffin et Opérations forestières Martin Dubé & Fils Inc.(pièce I-1), il n’y a pas de clause concernant une mise à pied après un avis de cinq jours ou d’un mois. Par ailleurs, selon le témoignage de M. Griffin, comme il est dépendant des décisions de la compagnie S.D. Warren, il peut en aucun temps arrêter les travaux ([19]). Il n’y a même pas une clause de temps. Même si comme il a été dit que les contrats entre M. Griffin et Opérations forestières Martin Dubé & Fils Inc. ont été faits surtout pour protéger M. Griffin au sujet de ses compagnies d’assurance, laissant Opérations forestières Martin Dubé & Fils Inc. responsable des accidents de ses employés, ce fait ne change pas la clause de non garantie de renouvellement de contrats.

[32] Quant au point à savoir si le travail est de nature temporaire ou permanente, il y a lieu de relire le paragraphe 5 du Bulletin d’interprétation 91R4 qui s’applique à la durée du travail accompli par l’employé et non à la durée du projet prévue dans son ensemble :

5. Les mots « le travail accompli par lui était un travail de nature temporaire » qu’on trouve au sous-alinéa 6(6)a)(i) (voir le point 4a) ci-dessus) s’appliquent à la durée du travail accompli par l’employé en question et non à la durée prévue du projet dans son ensemble. Par exemple, un projet peut durer dix ans, alors que le travail de l’employé dans ce projet ne dure que quelques mois.

[33] D’ailleurs, même en considérant l’ensemble du projet selon les contrats, ces derniers ne sont pas plus de deux ans. Or, au paragraphe 6 du Bulletin d’interprétation 91R4, ont peut lire ce qui suit :

6. ... Toutefois, en règle générale, on considère que le travail est de nature temporaire si on peut raisonnablement s’attendre à ce que ce travail ne constitue pas un emploi continu de plus de deux ans. ...

Donc, le travail peut être considéré de nature temporaire.

Conclusion

[34] L’appel est admis, avec frais, et les cotisations déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations.

Signé à Québec (Québec) ce 27e jour d’août 1998.

« Guy Tremblay »

J.C.C.I.



[1] [1948] R.C.S. 486, 3 DTC 1182, [1948] C.T.C. 195.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.