Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 19990624

Dossiers: 98-945-IT-I; 98-1503-IT-I

ENTRE :

PATRICK J. WHALEN, EUGENE GERARD KENNY,

appelants,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge O'Connor, C.C.I.

[1] Les présents appels interjetés conformément à la procédure informelle de cette Cour ont été entendus sur preuve commune à London (Ontario), le 13 mai 1999. Les deux appelants ont témoigné et présenté leurs arguments.

[2] La question est de savoir si les appelants, qui étaient et sont toujours des membres de la Gendarmerie royale du Canada (la “GRC”), devaient inclure dans leur revenu imposable certaines indemnités de mutation qu’ils ont touchées lorsqu’ils ont été obligés de déménager dans le cadre de leur emploi. M. Whalen a été muté de London à Toronto en 1990 et de Toronto à London en 1992 et il a reçu la somme de 3 947,75 $ en 1990 et la somme de 4 877,26 $ en 1992 à titre d’indemnité de mutation. M. Kenny a été muté de Toronto à London en 1992 et il a touché une indemnité de mutation de 4 474,67 $ cette année-là.

[3] Les appelants se sont représentés d’une manière très professionnelle et exhaustive. Ils connaissaient très bien la jurisprudence pertinente et les principes en jeu. Ils savent donc que la question des indemnités de mutation versées aux agents de la GRC a été portée en appel à de nombreuses reprises et que les décisions sont défavorables aux agents de la GRC, mais ils soutiennent que les agents n’ont peut-être pas présenté une preuve complète ou été assez persuasifs dans certains cas.

[4] Les modalités de l’indemnité de mutation sont établies dans le paragraphe K.9 du document produit sous la cote A-3 :

K.9. Indemnité de mutation

a. Admissibilité

1. Le membre, y compris un ancien membre rengagé, qui remplit une des conditions suivantes a droit à une indemnité de mutation lorsqu’il fait l’objet d’une réinstallation en vertu des dispositions de la Directive de la GRC sur la réinstallation, sauf dans le cas d’un déménagement intrarégional ou d’une réinstallation à la retraite :

1. il a trois années de service dans la GRC, ou

2. il est muté depuis le premier lieu d’affectation, ou le lieu d’affectation subséquent après avoir terminé la formation initiale, y compris la formation pratique des recrues, s’il est gend. ou g.s. autochtone.

2. Le membre devient admissible à l’indemnité de mutation le jour civil où il quitte l’ancien poste pour le nouveau ou, [...]

3. Le montant est calculé de la façon suivante :

1. Dans le cas d’un membre ayant des personnes à sa charge, un montant égal à un mois de solde (1/12 de la solde annuelle) à son taux de titularisation en vigueur le jour d'avant son départ. [...]

2. Dans le cas d’un membre sans personne à sa charge, un montant égal à deux semaines de solde (1/24 de la solde annuelle) à son taux de titularisation en vigueur le jour avant son départ.

[...]

[5] Les appelants soutiennent qu’il est possible de tirer certaines conclusions de la distinction entre l’indemnité de mutation et l’indemnité de tenue civile et il convient de citer la partie du document produit sous la cote A-4 qui porte sur l’indemnité de tenue civile :

K.6. Indemnité de tenue civile

a. Généralités

1. Les fonctions qui exigent la tenue civile se limitent à celles où le port de l’uniforme nuit aux opérations ou à celles où il est dans l’intérêt de la GRC que le membre ne soit pas identifié comme agent de la paix.

1. Une indemnité annuelle de tenue civile est versée lorsque les fonctions énumérées à l’ann. II-4-5 sont remplies 80 p. 100 des heures inscrites à l’horaire. Une indemnité journalière de tenue civile est versée lorsque les fonctions sont remplies moins de 80 p. cent des relais prévus.

[...]

2. Depuis le 1er avril 1996, les indemnités de tenue civile sont les suivantes :

1. dans le cas d’un membre (homme) 1 044 $ par année ou 4,10 $ par jour

2. dans le cas d’un membre (femme)1 723 $ par année ou 7,07 $ par jour.

[...]

9. L’impôt continuera d’être déduit à la source pour l’ITC quotidienne.

1. Si le membre peut justifier qu’il a acheté des vêtements spéciaux pour exécuter des fonctions précises en tenue civile sur une base quotidienne, il peut demander une exemption.

10. Le membre doit déclarer comme revenu imposable tout montant de l’ITC annuelle non utilisé pour l’achat et le nettoyage des vêtements spéciaux durant l'année d'imposition. Le membre doit conserver les reçus dans l’éventualité d’une vérification par Revenu Canada-Impôt.

[...]

Il convient de remarquer que l’impôt est dans la plupart des cas déduit à la source de l’indemnité de tenue civile mais non de l’indemnité de mutation.

[6] Les deux appelants admettent que les indemnités de mutation ont été affectées à des améliorations, à des rénovations ou à d’autres dépenses liées à la mutation et qu’aucune de ces dépenses ne peut être qualifiée de “ dépense de déménagement ” au sens de la Loi de l’impôt sur le revenu (la “ Loi ”). La GRC a payé toutes les dépenses qui sont considérées comme des dépenses de déménagement au sens de la Loi.

[7] Les appelants font cependant valoir les arguments suivants. M. Kenny prétend que la GRC n’avait pas le droit de divulguer le nom de ses membres qui avaient touché les indemnités de mutations ou des détails à ce sujet à Revenu Canada. Il semble que la GRC, durant les années en question, soit 1990 et 1992, ne remplissait pas les relevés T4 comme elle devait le faire selon la loi dans le sens qu’au lieu de spécifier dans le relevé qu’elle avait versé une indemnité de mutation et quel en était le montant, elle ajoutait le montant de l’indemnité de mutation au salaire total versé. Revenu Canada a alors demandé par communication verbale à la GRC de lui indiquer le montant des indemnités de mutation et le nom des membres qui les avaient reçues, et la GRC a divulgué ces renseignements. M. Kenny soutient qu’en se rendant à la demande de Revenu Canada sans avoir obtenu l’autorisation judiciaire prévue à l’article 231, la GRC a violé ses droits qui sont protégés par l’article 231 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la “ Loi) et par l’article 8 de la Charte. À l’appui de son argument, M. Kenny fait valoir que la GRC est effectivement un tiers, que le Conseil du Trésor était l’employeur réel et qu’en conséquence l’article 231 s’applique.

[8] Les deux appelants allèguent que la mobilité, c’est-à-dire le fait de pouvoir faire l’objet d’une réinstallation à n’importe quel moment, était une des conditions de leur emploi à la GRC et que ce fait devrait être pris en considération pour déterminer si les indemnités de mutation sont imposables ou, du moins, peuvent être compensées par les dépenses engagées par rapport aux déménagements mêmes si ces dépenses ne peuvent être qualifiées de “ dépenses de déménagement ”.

[9] Les deux appelants avancent également que les indemnités de mutation devraient être assimilées aux indemnités de tenue civile. Les indemnités de mutation ne devraient pas être incluses dans le revenu lorsqu’elles sont effectivement affectées aux dépenses qui ont été effectivement engagées pour le déménagement. Ils n’ont pas mis d’argent dans leur poche quand ils ont touché l’indemnité.

ANALYSE ET DÉCISION :

[10] J’ai examiné attentivement les arguments des appelants. Sur le premier point, si la GRC avait rempli les relevés T4 comme elle devait le faire, Revenu Canada aurait déjà eu en sa disposition les renseignements qu’il cherchait à obtenir. En outre, les appelants ont spécifié dans leur déclaration de revenu qu’ils avaient reçu une indemnité de mutation. En d’autres mots, je conclus que les mesures prises par la GRC pour donner suite à la demande de renseignements de Revenu Canada n’ont pas constitué une violation des droits des membres protégés par l’article 231 de la Loi ou l’article 8 de la Charte. Comme le juge Teskey de cette Cour l’a dit dans l'affaire Dreilich v. Her Majesty the Queen, 99 DTC 3498, la GRC avait commis une erreur en ne remplissant pas les relevés T4 de la manière prévue à la loi, et on ne pouvait reprocher à Revenu Canada d’avoir demandé les renseignements ni à la GRC de les avoir fournir comme Revenu Canada l’avait demandé.

[11] Quant à savoir s’il faut considérer l’indemnité de mutation dans la même optique que l’indemnité de tenue civile (qui n’est pas imposable dans la mesure où elle est affectée aux dépenses pour acheter des vêtements), il convient simplement de répondre qu’il s’agit de deux types de paiements. L’indemnité de tenue civile représente un remboursement tandis que l’indemnité de mutation n’en représente pas un. Quoiqu'il en soit, je suis lié par les décisions de la Cour d'appel fédérale. Dans l'affaire Morris v. The Attorney General of Canada, 97 DTC 5531, la Cour d'appel fédérale a statué que les indemnités de mutation versées à un membre de la GRC à la suite de réinstallations devaient être incluses dans le revenu du contribuable compte tenu des diverses décisions des tribunaux sur la question.

[12] Quant à savoir si l’employeur était le Conseil du Trésor ou la GRC, je ne crois pas que cette distinction soit utile aux appelants. À tout événement, c’est la GRC qui figure comme l’employeur sur les relevés T4.

[13] Les appelants ont cité la décision de la juge Lamarre Proulx de la Cour dans l'affaire Côté v. M.N.R., 91 DTC 261 dans laquelle les circonstances étaient similaires à celles en l’espèce, sauf que l’employé réinstallé n’était pas un membre de la GRC. Dans cette affaire, la juge a statué que le montant dont il était question ne représentait pas une allocation au sens de l’alinéa 6 (1) b) de la Loi pace que les dépenses que le contribuable avait effectivement engagées pour son déménagement étaient égales aux montants qu’il avait reçus.

[14] Selon moi, le juge Mogan de la Cour dans l'affaire McLay v. The Minister of National Revenue, 92 DTC 2260, a, avec raison, établi une distinction entre la décision qu'il a rendue dans cette affaire et la décision rendue dans l'affaire Côté (précitée). L'affaire McLay, où l’appelant était un membre de la GRC, contient une excellente analyse de la signification du terme “ allocation ”. Le juge Mogan a dit :

J’examinerai d’abord l’indemnité de tenue civile, car c’est la question la plus facile à trancher.

[...]

Dans l’affaire The Queen v. Huffman, 90 DTC 6405, on avait accordé au contribuable (un agent de police) 500 $ en vertu des termes d’une convention collective pour l’aider à payer les vêtements trop grands qui lui étaient nécessaires pour dissimuler son matériel de policier (revolver, menottes, interphone, etc.). Le ministre du Revenu national avait ajouté les 500 $ au revenu du contribuable, dont l’appel a été admis par la Section de première instance de la Cour fédérale. En rejetant l’appel de la Couronne, le juge Heald de la Cour d’appel fédérale a déclaré, à la page 6408 :

[...]

J’en conclus donc que le demandeur a, de fait, dépensé plus de 500 $ dans l’année en cause et qu’il a reçu à titre de remboursement, le montant maximum de 500 $ prévu à son contrat de travail.

Ce remboursement ne peut pas être considéré comme une allocation dans le sens où ce mot est utilisé à l’alinéa 6 (1) b). Dans son interprétation de l’utilisation du mot “ allocation ” dans un autre article de la Loi de l’impôt sur le revenu, notre Cour a décidé dans l’affaire The Queen v. Pascoe, 75 DTC 5427 à la page 5428 :

Selon nous, une allocation est une somme d’argent limitée et déterminée à l’avance, versée afin de permettre à celui qui la reçoit de faire face à certains types de dépenses; sa quotité est établie à l’avance et celui qui la touche en a la libre disposition, sans comptes à rendre à personne. Un versement effectué pour satisfaire à une obligation d’indemniser ou de rembourser quelqu’un ou de le défrayer de dépenses réellement engagées n’est pas une allocation; il ne s’agit pas en effet d’une somme susceptible d’être affectée par celui qui la touche, à sa discrétion, à certains types de dépenses.

Il est évident que, si on applique ce critère aux présents faits, le montant de 500 $ en question ne peut pas être considéré comme une allocation, ni aucune partie de celui-ci.

[...]

[...] Dans l’affaire Ransom v. M.N.R., 67 DTC 5235, le juge Noël a déclaré, à la page 5244 :

L’allocation et le remboursement sont deux choses passablement différentes. Comme il en a déjà été fait mention, l’allocation est un montant arbitraire habituellement payé à la place d’un remboursement. Ce montant est versé à l’employé pour qu’il l’utilise à son gré sans être tenu de rendre compte de la façon dont il le dépense. Cela étant, il est possible de l’utiliser pour masquer une augmentation de rémunération et je crois que c’est la raison pour laquelle les “ allocations ” sont imposées comme s’il s’agissait d’une rémunération.

Il me semble être passablement clair que le montant que l’employeur verse pour rembourser un employé des dépenses engagées ou des pertes subies en raison de son emploi (ce qui, comme l’a déclaré lord MacNaughton dans l’arrêt Tennant v. Smith, (1892) C.A. 162, ne met rien dans la poche, mais épargne uniquement la poche) ne constitue ni une rémunération en tant que telle ni un avantage “ de quelque genre que ce soit ” [. . .]

[...]

[...] D’après le jugement Pascoe, de la Cour d’appel fédérale, pour être considérée comme une “ allocation ”, une somme doit répondre à trois conditions : (i) elle doit être limitée et déterminée à l’avance; (ii) elle doit être versée afin de permettre à celui qui la reçoit de faire face à certains types de dépenses; (iii) elle doit être en la libre disposition de celui qui la touche sans comptes à rendre à personne.

Dans l’arrêt Gagnon v. The Queen, 86 DTC 6179, la Cour suprême du Canada a revu la décision rendue par la Cour d'appel fédérale dans l’affaire Pascoe, et au sujet de la troisième condition le juge Beetz, qui a rendu les motifs du jugement pour la Cour, a déclaré, à la page 6183 :

Il importe de préciser ce que l’on veut dire lorsque l’on exige que, pour constituer une allocation, une somme soit “ à l’entière disposition du bénéficiaire ”.

Selon l’arrêt Pascoe, cette condition signifie que le bénéficiaire doit pouvoir affecter cette somme à certains types de dépenses mais à sa discrétion et sans avoir à en rendre compte.

Cependant, cette condition peut aussi signifier que le bénéficiaire doit pouvoir disposer complètement de cette somme et que, pour autant qu’il en profite, il n’est pas pertinent qu’il ait à en rendre compte et qu’il ne puisse l’affecter à certains types de dépenses à son entière discrétion.

Il me paraît, soit dit avec égards, que c’est la deuxième interprétation qui est la bonne, selon la jurisprudence que l’arrêt Pascoe semble avoir erronément interprétée.

Ce qui importe, ce n’est pas la manière dont un contribuable peut disposer ou être obligé de disposer des sommes qu’il reçoit mais bien plutôt le fait qu’il puisse en disposer ou non.

Ainsi, la troisième condition faisant d’une somme une “ allocation ” telle qu’elle est décrite par la Cour d'appel fédérale dans l’affaire Pascoe a été modifiée par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Gagnon. Bien que les décisions rendues dans Pascoe et Gagnon concernent des sommes versées au titre d’une pension alimentaire ou d’allocation d’entretien par suite de la rupture du mariage, je présume que les observations d’ordre juridique sur l’“ allocation ” s’appliqueraient à toute somme pouvant être considérée comme une allocation au sens de la Loi de l'impôt sur le revenu, notamment de l’alinéa 6(1)b).

Dans les jugements Phillips v. M.N.R., 90 DTC 1274 et Lao v. M.N.R., 91 DTC 331 [330], j’ai examiné la question de savoir si une somme forfaitaire versée par un employeur à un employé qui déménageait d’une ville dans une autre à la demande de l’employeur était imposable. Dans les deux cas, la somme forfaitaire était directement liée aux frais d’achat ou de financement d’une nouvelle maison dans une ville où la valeur des biens immobiliers était sensiblement plus élevée que dans celle d’où l’employé déménageait. Dans ces affaires, j’ai statué que la somme forfaitaire n’était pas une allocation imposable, mais plutôt une indemnité semblable à l’indemnité de logement en cause dans l’affaire McNeill, car elle avait le caractère d’un remboursement. Les circonstances dans lesquelles les sommes forfaitaires ont été versées aux contribuables dans les affaires Phillips et Lao sont passablement différentes des circonstances dans lesquelles l'appelant dans l’affaire en instance a reçu la somme de 4 166,58 $ [...]

Dans l’affaire Splane v. The Queen, 90 DTC 6442, on avait demandé à un employé de déménager d’Ottawa à Edmonton et, conformément à la politique exposée dans la “ directive sur la réinstallation ” de l’employeur, on lui avait versé les sommes de 1 124 $, 856 $ et 546 $ en 1985, 1986 et 1987 respectivement, à titre de “ différence d’intérêts hypothécaires ”. Le taux d’intérêt sur l’hypothèque de la maison d’Edmonton était supérieur au taux d’intérêt sur la maison d’Ottawa. Le juge Cullen a admis l’appel de M. Splane et a statué que les trois sommes en question constituaient un remboursement de frais hypothécaires et non un avantage ou une allocation imposable. Dans l'affaire Coté v. M.N.R., 91 DTC 261, un employé à qui on avait demandé de déménager de Cap Rouge à Saint Bruno, dans la province de Québec, avait reçu une somme de 3 461 $ (représentant quatre semaines de salaire) pour des dépenses liées à son déménagement. La juge Lamarre Proulx s’est fondée sur la décision rendue dans l’affaire McNeill (précitée) pour admettre l’appel de M. Côté.

Les circonstances de l'affaire Coté sont semblables aux circonstances dans lesquelles l'appelant a reçu la somme de 4 166,58 $, car M. Côté a touché quatre semaines de salaire, et l'appelant, un douzième de sa solde annuelle. Chacune de ces sommes semble répondre aux trois conditions de l’“ allocation ” telles qu’elles ont été spécifiées par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Pascoe et modifiées par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Gagnon. Chacune était limitée et avait été déterminée à l’avance à quatre semaines de salaire dans le cas de M. Côté et à un douzième de la solde annuelle dans le cas de M. McLay. Chacune a été versée pour permettre au bénéficiaire d’acquitter des frais indéterminés liés à son déménagement. Enfin, chacune était en la libre disposition de celui qui la touchait. Dans l'affaire Coté, la juge Lamarre Proulx a statué que la somme de 3 461 $ n’était pas une allocation au sens de l’alinéa 6(1)b) de la Loi, car M. Côté a effectivement engagé des dépenses liées à son déménagement qui correspondaient aux sommes reçues.

À mon avis, l’essentiel de la deuxième condition établie dans l'affaire Pascoe est que la somme déterminée à l’avance est versée pour permettre à celui qui la touche d’acquitter certains frais. Cela étant, le paiement ou l’engagement effectif de ces frais ne doit pas en soi transformer une allocation imposable en un remboursement non imposable. Si le montant versé par un employeur à un employé dépend du montant auquel s’élève une dépense ou un coût particulier (comme dans le cas de l’indemnité de logement en cause dans l'affaire MacNeill), alors il ne s’agit pas d’une somme déterminée à l’avance; la première condition n’est pas remplie, et la somme en question pourrait facilement être un remboursement. Toutefois, dans l’appel en l’instance, la somme 4 166,58 $ avait été déterminée à l’avance. Elle ne dépendait pas de dépenses particulières, n’y était pas liée et ne constituait donc pas un remboursement. Et elle a été versée pour permettre à l'appelant de payer certains frais de déménagement non spécifiés tels que prévus dans la deuxième condition.

[...]

[...] , je suis enclin à considérer les 4 166,58 $ comme une “ allocation ”, car les trois conditions sont remplies. Le montant a été fixé d’avance à un mois de salaire. La somme est versée uniquement lorsqu’un membre de la GRC est réinstallé quelque part, et je présume qu’elle vise à permettre à celui qui la reçoit d’acquitter certains types de frais de déménagement non spécifiés. Enfin, la somme est à la libre disposition de celui qui la touche et il n’a pas à en rendre compte.

Pour revenir brièvement à la décision de la Section de première instance de Cour d’appel dans l'affaire McNeill, le juge Rouleau a fait un effort particulier pour conclure que l’indemnité de logement n’était pas prévue dans les conditions d’emploi de M. McNeill. Outre la déclaration précitée (86 DTC page 6842), il a dit à la page 6483 :

Comme je l’ai déjà affirmé, je suis convaincu que le paiement versé au contribuable ne découlait pas de sa charge ou de son emploi; il avait essentiellement pour but d’éviter un conflit de travail et était destiné au demandeur en tant que simple particulier plutôt qu’employé.

Dans l’appel en l'instance, au contraire, l’“ indemnité de mutation ” était prévue dans les conditions d’emploi de l’appelant; elle était offerte à tout membre de la GRC faisant l’objet d’une réinstallation et n’était pas liée à des dépenses ou à des coûts en capital particuliers. À mon avis, la somme de 4 166,58 $ doit être incluse dans le revenu de l'appelant pour 1985 comme une “ allocation ” au sens de l’alinéa 6(1)b) de la Loi.

[...]

[15] À mon avis, les motifs du jugement du juge Mogan et la décision de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Morris s’appliquent aux présents appels. En conséquence, en me fondant sur ces décisions, je ne puis faire autrement que de rejeter ces appels et c’est ce que je fais.

Signé à Ottawa, Canada ce 24e jour de juin 1999.

“ T.P. O'Connor ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 24e jour de mars 2000.

Mario Lagacé, réviseur

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