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Date: 19990702

Dossier: 97-3163-GST-I

ENTRE :

BRIAN FEDAK,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Lamarre Proulx, C.C.I.

[1] L'appel en l'instance est interjeté sous le régime de la procédure informelle à l'encontre d'une cotisation établie par le ministre du Revenu national (le “ ministre ”) en vertu de la Loi sur la taxe d'accise (la “ Loi ”).

[2] Il s'agit de déterminer si l'appelant a droit à un remboursement de taxe concernant un bien que le fournisseur a repris en contrepartie partielle d'une fourniture sur le plein montant de laquelle l'appelant a payé la taxe.

[3] Le ministre a fondé sa cotisation sur les hypothèses de fait formulées au paragraphe 6 de la réponse à l'avis d'appel (la “ réponse ”) dans les termes suivants :

[TRADUCTION]

les faits admis et énoncés dans la présente réponse, dont certains sont répétés ici par souci de commodité;

l'appelant a acheté un bateau du fournisseur;

le 18 mars 1996, l'appelant et le fournisseur ont conclu une convention écrite de vente prévoyant la fourniture du bateau;

la contrepartie de la fourniture du bateau vendu par le fournisseur était de 21 995 $;

la taxe sur les produits et services (“ TPS ”) à percevoir par le fournisseur et à payer par l'appelant sur le bateau fourni par le fournisseur était de 1 539,65 $ (7 p. 100 de 21 995 $);

la TPS payable relativement à la fourniture du bateau par le fournisseur était clairement indiquée dans le contrat écrit;

le fournisseur a imputé la valeur du bien repris à la contrepartie payable pour le bateau fourni à l'appelant;

le bien repris était évalué à 6 000 $;

la TPS réclamée et perçue par le fournisseur sur le bateau a été calculée sur la contrepartie versée pour le bateau, compte non tenu du montant crédité par le fournisseur à l'appelant au titre du bien repris;

le fournisseur avait le droit de demander un crédit de taxe sur les intrants de 392,52 $ relativement au bien repris;

l'appelant a pris possession du bateau acquis du fournisseur le 25 mai 1996;

le contrat écrit se rapportant à la fourniture du bateau a été conclu avant le mois de juillet 1996.

[4] L'appelant a nié l'hypothèse formulée à l'alinéa 6 c) de la réponse, faisant valoir que la date du contrat de vente devrait être le 25 mai 1996, c'est-à-dire la date de livraison du bateau, ainsi qu'en fait foi le contrat de vente produit sous la cote R-1. Le contrat est daté du 18 mars 1996. Il est signé par l'appelant, le vendeur et le gérant.

[5] Il y est indiqué que le prix total du bateau acquis par l'appelant est de 21 995 $. Un montant de 6 000 $ figure à côté de la description du bateau que l'appelant donnait en échange, et le total partiel indiqué est de 15 995 $. La taxe de 1 539,65 $ a été calculée sur le montant total de 21 995 $. L'appelant a payé le prix d'achat (15 995 $ + 1 539,65 $) à la fin du mois de mai 1996.

[6] L'appelant a déclaré que le bateau donné en échange a été officiellement vendu au cours du mois de juillet. Selon lui, c'est à cette date que la vente a été finalement conclue, et c'est cette date qui devrait être la date du contrat. L'appelant a déclaré qu'aucune transaction finale n'avait été effectuée avant cette date et que tout dépendait de la revente du bateau donné en échange.

[7] L'appelant a déclaré que le vendeur lui avait dit qu'il allait demander un crédit, ou peut-être qu'il devait demander un crédit auquel il avait peut-être droit. Le montant de 420 $ réclamé au titre de la taxe par l'appelant correspond à 7. p. 100 de 6 000 $.

Analyse

[8] L'alinéa 176(1)a) de la Loi, tel qu'il était libellé à l'époque pertinente, s'appliquait à une fourniture effectuée avant le 24 avril 1996 dans les cas où l'acquisition d'un produit d'occasion faisait partie de la contrepartie de la fourniture. En voici le libellé :

Acquisition de produits d'occasion. — Pour l'application de la présente partie, un inscrit est réputé avoir payé, dès qu'un montant est versé en contrepartie d'une fourniture, sauf s'il s'agit d'une fourniture détaxée ou si l'article 167 s'applique à la fourniture, la taxe relative à la fourniture, égale à la fraction de taxe de ce montant si:

des biens meubles corporels d'occasion lui sont fournis par vente au Canada après 1993, la taxe n'est pas payable par lui relativement à la fourniture et les biens sont acquis pour consommation, utilisation ou fourniture dans le cadre de ses activités commerciales;

des biens meubles corporels d'occasion lui sont fournis par vente au Canada avant 1994, la taxe n'est pas payable par lui relativement à la fourniture et les biens sont acquis pour être fournis dans le cadre de ses activités commerciales.

[9] Les Notes explicatives (février 1993) expliquent l'objet de cette disposition dans les termes suivants :

En application de l'article 176, la taxe est réputée avoir été payée par un inscrit qui acquiert des produits d'occasion, dans certaines circonstances, d'une personne non tenue de percevoir la taxe. L'inscrit peut donc ainsi demander les crédits de taxe sur les intrants à l'égard de ces acquisitions, dans la mesure où elles sont consommées, utilisées ou fournies dans le cadre d'une activité commerciale. Le crédit fictif de taxe sur les intrants est conçu pour supprimer la taxe que le fournisseur a payée à l'origine sur le produit mais n'a pas récupérée. Par conséquent, lorsque l'inscrit revend le produit d'occasion, il n'y a pas d'application en cascade de la taxe — c'est-à-dire que la TPS n'est pas payée sur un montant qui comprend déjà un élément de taxe.

[10] En ce qui concerne le montant du crédit qui peut être demandé, les Notes explicatives (mai 1990) indiquent ceci :

À condition que l'inscrit achète le produit d'occasion en vue de son utilisation, de sa consommation ou de sa fourniture dans le cadre de ses activités commerciales, ce paragraphe stipule que l'inscrit est réputé avoir payé la TPS, qui est de 7/107 du prix d'achat. L'inscrit peut alors réclamer un crédit de taxe sur les intrants du même montant en vertu de l'article 169. À titre d'exemple, supposons qu'un vendeur de voitures d'occasion donne 5 350 $ à un particulier pour l'achat de sa voiture. Le détaillant est réputé avoir payé 350 $ de taxe (7/107 x 5 350 $) et a le droit de réclamer un crédit de taxe sur les intrants.

[11] Le paragraphe 176(1) de la Loi prévoyait un crédit fictif de taxe sur les intrants pour l'inscrit qui avait acheté des produits d'occasion d'un non-inscrit dans le but de les revendre. C'était l'inscrit, et non le particulier qui donnait le bien en échange, qui avait droit au crédit fictif de taxe sur les intrants. Cette disposition avait pour objet de faire en sorte, d'une part, que la taxe initialement payée par le commerçant fasse partie du prix du bien que l'inscrit (le vendeur) achetait en échange et, d'autre part, que l'inscrit ait le droit de demander cette taxe fictive comme crédit de taxe sur les intrants. Le fournisseur devait exiger la taxe sur le plein montant d'une fourniture lorsqu'il reprenait un bien, puis demander un crédit fictif de taxe sur les intrants en vertu de l'article 176 de la Loi. Rien dans la loi n'exigeait que la valeur du bien repris soit transférée à l'acquéreur. Dans un tel cas, le crédit fictif de taxe sur les intrants équivalait, aux termes du paragraphe 176(1) de la Loi, à 7/107 de la valeur du bien repris.

[12] Le paragraphe 176(1) de la Loi a été modifié par l'article 25 de la Loi modifiant la Loi sur la taxe d'accise, la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces, la Loi de l'impôt sur le revenu, la Loi sur le compte de service et de réduction de la dette et des lois connexes, L.C. 1997, ch. 10 (la “ Loi modificatrice ”). Le paragraphe 176(1) de la Loi a été remplacé par une disposition concernant les contenants consignés, entrée en vigueur le 24 avril 1996.

[13] Depuis cette date, la disposition de la Loi qui s'applique aux situations du genre de celle qui est en cause en l'espèce est le paragraphe 153(4), qui a été ajouté par le paragraphe 13(1) de la Loi modificatrice. En voici le texte :

(4) Sous réserve du paragraphe (5), dans le cas où un fournisseur, au moment où il fournit un bien meuble corporel, accepte en contrepartie, même partielle, un autre bien — bien meuble corporel d'occasion ou droit de tenure à bail y afférent — (appelé “ bien repris ” au présent paragraphe et au paragraphe (5)) qu'il acquiert pour consommation, utilisation ou fourniture dans le cadre de ses activités commerciales et que l'acquéreur n'est pas tenu de percevoir la taxe relative à la fourniture du bien repris, la valeur de la contrepartie de la fourniture effectuée par le fournisseur est réputée, pour l'application de la présente partie, être égale à l'excédent éventuel de la valeur de la contrepartie de cette fourniture, déterminée par ailleurs selon la présente partie, sur le montant suivant :

sauf en cas d'application de l'alinéa b), le montant porté au crédit de l'acquéreur au titre du bien repris;

dans le cas où le fournisseur et l'acquéreur ont entre eux un lien de dépendance au moment de la fourniture et que le montant porté au crédit de l'acquéreur au titre du bien repris dépasse la juste valeur marchande de ce bien au moment du transfert de sa propriété au fournisseur, cette juste valeur marchande.

[14] Cette disposition a été ajoutée dans le but d'éliminer le concept du crédit fictif de taxe sur les intrants. Elle permet de calculer la taxe sur le montant net d'une fourniture lorsqu'un bien est accepté en contrepartie partielle ou totale de cette fourniture.

[15] Les Notes explicatives (juillet 1997) expliquent la nature de la modification dans les termes suivants :

Selon le nouveau paragraphe 153(4) de la Loi, le fournisseur inscrit qui accepte un produit d'occasion (ou un droit de tenure à bail y afférent) en contrepartie totale ou partielle d'un autre produit n'est tenu de percevoir la TPS que sur la valeur nette si le bien accepté en échange est destiné à être consommé, utilisé ou fourni dans le cadre de ses activités commerciales et si la personne qui lui remet le bien n'est pas tenue de percevoir la taxe. Par exemple, le vendeur de voitures qui accepte la voiture d'un consommateur à titre de contrepartie partielle pour une voiture neuve n'appliquera la taxe que sur la différence entre la valeur de la voiture neuve et celle de la voiture d'occasion.

[...]

La nouvelle règle sur les ventes avec reprise fait suite à la modification apportée à l'article 176, qui consiste à éliminer les crédits de taxe sur les intrants fictifs, sauf sur certains contenants consignés (voir les notes concernant l'article 25 du projet de loi). La perception de la taxe sur la valeur nette a l'avantage d'éviter que la taxe soit appliquée en cascade lorsqu'un produit d'occasion, pour lequel aucun crédit de taxe sur les intrants n'a été demandé, est accepté en échange par un fournisseur, puis vendu dans le cadre d'une fourniture taxable.

[16] Le paragraphe 13(2) de la Loi modificatrice est libellé dans les termes suivants :

13. (2) Le paragraphe (1) [c'est-à-dire le paragraphe 153(4) de la Loi] s'applique aux fournitures effectuées après le 23 avril 1996, à l'exception d'une fourniture, effectuée au profit d'un acquéreur, d'un bien pour lequel le fournisseur a accepté, à titre de contrepartie, même partielle, aux termes d'une convention écrite conclue avant juillet 1996, un autre bien meuble corporel (appelé “ bien repris ” au présent paragraphe), dans le cas où le fournisseur a exigé ou perçu, relativement à la fourniture, une taxe calculée compte non tenu du montant qu'il a porté au crédit de l'acquéreur au titre du bien repris.

[17] Il est par conséquent important de déterminer la date de la fourniture. L'article 133 de la Loi détermine la date. Il est reproduit ci-après :

Convention portant sur une fourniture — Pour l'application de la présente partie, la fourniture objet d'une convention est réputée effectuée à la date de conclusion de la convention. La livraison du bien ou la prestation du service aux termes de la convention est réputée faire partie de la fourniture et ne pas constituer une fourniture distincte.

[18] À mon avis, la preuve a démontré clairement que l'appelant a conclu un contrat d'achat le 18 mars 1996. Ce jour-là, le vendeur a vendu un bateau à l'appelant. Ce dernier a convenu d'en payer le prix. La date de livraison du bateau de l'appelant n'était pas mentionnée, mais celle de son acquisition par le fournisseur l'était. Abstraction faite de la déclaration de l'appelant dont il est fait mention au paragraphe 6 des présents motifs, il n'y a aucune preuve que l'acquisition du bateau repris n'a pas été effectuée le 18 mars 1996 et que le contrat de vente était assujetti à la vente du bien repris.

[19] Le paragraphe 13(2) de la Loi modificatrice reproduit au paragraphe 16 des présents motifs mentionne également le mois de juillet 1996. Le paragraphe 153(4) de la Loi ne s'applique pas à la fourniture effectuée après le 23 avril 1996 aux termes d'une convention écrite conclue avant le mois de juillet 1996 dans les cas où le fournisseur a exigé et perçu la taxe relativement à la fourniture compte non tenu du montant qu'il a porté au crédit de l'acquéreur au titre du bien repris. Il ne fait aucun doute que le contrat écrit a été conclu avant le mois de juillet 1996 et que le fournisseur a exigé la taxe sur le plein montant, ainsi qu'en fait foi la pièce R-1.

[20] Compte tenu du contrat écrit (pièce R-1) et de l'article 133 de la Loi, la seule conclusion à laquelle on peut arriver est que la fourniture a été effectuée à la date du contrat, c'est-à-dire le 18 mars 1996. En conséquence, l'appel doit être rejeté puisque le paragraphe 153(4) de la Loi ne peut pas s'appliquer.

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour de juillet 1999.

“ Louise Lamarre Proulx ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

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