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Date: 19980313

Dossier: 96-4661-GST-I

ENTRE :

OLSON REALTY CORPORATION,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Mogan, C.C.I.

[1] Pendant toutes les périodes pertinentes, l'appelante exploitait une entreprise de courtage en immeuble à Regina (Saskatchewan). Elle a conclu, avec un certain nombre d'agents d'immeubles, des contrats aux termes desquels ces derniers lui fournissaient des services. En contrepartie de ces services, l'appelante versait des commissions aux agents. Elle leur versait aussi, relativement à ces commissions, des montants qu'elle considérait être la taxe payable aux termes de la mesure législative sur la taxe sur les produits et services (“ TPS ”). L'appelante a demandé des crédits de taxe sur les intrants (“ CTI ”) relativement à ces montants, mais, dans un avis de cotisation daté du 2 avril 1996, visant la période du 1er mai 1991 au 31 octobre 1994, le ministre du Revenu national a rejeté sa demande. L'appelante a interjeté appel de cette cotisation sous le régime de la procédure informelle.

[2] Dans la cotisation visée par l'appel, le ministre a établi que la taxe nette à payer était de 78 054,95 $, plus des intérêts de 3 176,62 $ et une pénalité de 3 006,76 $. Les rajustements découlant de la cotisation sont les suivants :

CTI réclamés sur les 12 767,62 $

montants versés aux agents

CTI réclamés par erreur 2 310

TPS non déclarée 1 138,48

16 216,10 $

Les seuls montants en litige dans la cotisation visée par l'appel sont les CTI de 12 767,62 $ réclamés sur les montants payés aux agents, plus les intérêts de 3 176,62 $ et la pénalité de 3 006,76 $.

[3] L'appelante réclame également 31 000 $ environ à titre de remboursement. Ce montant est en litige et il découle des mêmes circonstances, mais il sera décrit plus loin dans les présents motifs.

[4] La pièce R-1 est un contrat type représentatif des contrats conclus entre l'appelante et les agents d'immeubles. Le passage qui suit est une disposition importante tirée du paragraphe 1 du document produit sous la cote R-1 :

[TRADUCTION]

[...] La relation entre la compagnie et le vendeur n'est pas une relation employeur-employé. Le vendeur sera plutôt un entrepreneur autonome. À ce titre, il sera personnellement et exclusivement tenu au paiement de l'impôt sur le revenu, de la TPS, des cotisations au Régime de pensions du Canada et au Régime d'assurance-chômage, aux paiements au titre du régime d'indemnisation des accidents du travail, et aux autres obligations connexes imposées aux termes des lois fédérales et provinciales. [...]

La forme de contrat produite sous la cote R-1 a fait son apparition peu après l'entrée en vigueur de la TPS, le 1er janvier 1991. L'appelante n'avait jamais perçu quelque taxe de vente que ce soit auparavant, mais elle a demandé conseil et s'est inscrite aux fins de la TPS. Elle savait qu'elle devrait percevoir et verser la TPS sur les commissions qu'elle se faisait payer par ses clients. Elle a conseillé à tous ses agents de s'inscrire aux fins de la TPS et d'obtenir un numéro d'inscription. L'appelante savait que ses agents seraient tenus de payer certains produits et services relativement à leur travail, qu'ils paieraient une TPS sur ces produits et services, et qu'ils pourraient demander des CTI s'ils étaient inscrits aux fins de la TPS. Par conséquent, de l'avis de l'appelante, chaque agent avait intérêt à s'inscrire aux fins de la TPS.

[5] La pièce R-1 contient, au paragraphe 3, une liste des dépenses (3 d) à 3 m)) que l'appelante peut engager pour le compte d'un agent et que celui-ci doit lui rembourser. Il pourrait y avoir une TPS payable par l'agent relativement à certaines de ces dépenses. L'alinéa 2 g) du document produit sous la cote R-1 décrit l'entente que l'appelante et ses agents ont conclue relativement aux commissions et qui, sur une période donnée de 12 mois, énonce la formule de fractionnement évolutif de toute commission gagnée par l'agent jusqu'à ce que l'appelante ait touché 20 500 $ :

Commission brute Part de l'agent Part de l'appelante

premiers 20 000 $ 10 000 $ 10 000 $

15 000 $ suivants 9 000 $ 6 000 $

15 000 $ suivants 10 500 $ 4 500 $

montants additionnels 100 % 0 %

[6] Aux termes de l'alinéa 2 g) du document produit sous la cote R-1, l'appelante doit percevoir toutes les commissions pour le compte de ses agents et rembourser ensuite ces derniers selon la formule exposée précédemment. La pièce A-6 est ce que l'appelante appelle un “ exposé de la transaction ”, où figurent les détails d'une vente donnée, le fractionnement de la commission et la TPS payable sur la commission. Sur paiement à chaque agent de sa part d'une commission, l'appelante payait également un montant qu'elle considérait être la TPS parce que la commission représentait la contrepartie d'un service rendu et qu'elle était assujettie à la TPS. En payant ces montants, l'appelante a présumé que chacun de ses agents s'était inscrit aux fins de la TPS conformément au conseil qu'elle leur avait donné lorsque la TPS était entrée en vigueur. En réalité, ce que l'appelante ignorait, c'est que la plupart de ses agents ne s'étaient pas inscrits aux fins de la TPS, qu'ils n'avaient pas obtenu de numéro d'inscription et n'avaient pas demandé de CTI.

[7] Pour comprendre la thèse de l'appelante, il y a lieu d'examiner le partage de la commission du point de vue de l'appelante et de celui de ses agents. L'appelante était inscrite aux fins de la TPS. Elle percevait la TPS auprès de son client (le vendeur) sur le total de la commission lorsque la vente était conclue. À ce moment-là, l'appelante aurait pu verser la TPS sur le total de la commission et Revenu Canada aurait touché ce qui lui était dû relativement à la commission. L'appelante a plutôt établi la procédure suivante :

(i) l'appelante versait à Revenu Canada la TPS due sur sa part de la commission;

(ii) l'appelante versait à son agent sa part de la commission en plus d'un montant égal à 7 p. 100 de la part de l'agent, qu'elle considérait être la TPS;

(iii) l'appelante demandait un CTI relativement au montant égal à 7 p. 100 versé à l'agent.

Lorsqu'elle a établi cette procédure, l'appelante a tenu pour acquis que tous ses agents s'étaient inscrits aux fins de la TPS et qu'ils verseraient la TPS due, moins tout CTI qu'ils pourraient réclamer relativement à leurs propres dépenses.

[8] Je traiterai maintenant du partage de la commission du point de vue de l'agent. Contrairement à ce que l'appelante a supposé, la plupart des agents ne se sont pas inscrits aux fins de la TPS. Par conséquent, ils ont reçu leur part de la commission, plus 7 p. 100 de leur part. Sans numéro d'inscription aux fins de la TPS, les agents ne pouvaient pas obtenir de crédit pour avoir versé la TPS, ni réclamer de CTI. Compte tenu de la preuve, je conclus que la plupart des agents ont simplement conservé leur part de la commission en plus du montant représentant 7 p. 100 de leur part. Il s'en est suivi que Revenu Canada n'a reçu la TPS que pour la part de la commission revenant à l'appelante et non pour la part revenant à l'agent.

[9] Je suis absolument certain que l'appelante a agi de bonne foi lorsqu'elle a établi cette procédure pour percevoir et verser la TPS. L'appelante a cru honnêtement qu'elle rendait service à ses agents lorsqu'elle leur a recommandé de s'inscrire aux fins de la TPS. Elle a cru que chaque agent tirerait un avantage financier en étant en mesure de réclamer des CTI. L'appelante a à tort tenu pour acquis que tous ses agents s'étaient inscrits.

[10] À mon avis, le chaînon manquant dans cette procédure était la facture que l'agent aurait dû présenter à l'appelante et qui aurait dû énoncer a) le montant de la part de la commission revenant à l'agent, b) la TPS de 7 p. 100 sur ce montant et c) le numéro d'inscription de l'agent aux fins de la TPS. Il n'y avait pas de telle facture. L'appelante a commis l'erreur de ne pas exiger une telle facture parce qu'elle déterminait la part de la commission qui revenait à l'agent et qu'elle pouvait calculer la TPS de 7 p. 100 sur cette part. En n'exigeant pas de facture, l'appelante a raté la meilleure occasion qui se présentait à elle de savoir si l'agent s'était inscrit aux fins de la TPS et, dans l'affirmative, de connaître le numéro d'inscription de l'agent. La procédure de l'appelante reposait sur une fausse supposition que tous les agents s'étaient inscrits aux fins de la TPS. Les événements ont révélé que cette supposition était erronée.

[11] Aux termes de l'article 148 de la loi sur la TPS, une personne est un “ petit fournisseur ” à un moment donné si la contrepartie qui est devenue due au cours de la période de 12 mois qui précède, pour des fournitures taxables effectuées par la personne, ne dépasse pas 30 000 $. L'article 166 paraît accorder une exemption lorsqu'il s'agit d'une fourniture taxable effectuée par un petit fournisseur :

166. La contrepartie [...] d'une fourniture taxable [...] effectuée par un petit fournisseur, qui devient due [...] à un moment où le petit fournisseur n'est pas un inscrit, n'est pas à inclure dans le calcul de la taxe payable relativement à la fourniture.

Apparemment, certains des agents qui ont demandé des renseignements au sujet de l'inscription aux fins de la TPS ont été informés qu'ils n'étaient pas tenus de s'inscrire parce qu'ils étaient de petits fournisseurs. C'est peut-être vrai, en ce sens qu'un petit fournisseur n'est pas tenu de s'inscrire, mais il peut le faire s'il veut réclamer des CTI. Pour une raison ou une autre, la plupart des agents ne se sont pas inscrits aux fins de la TPS et l'appelante ne l'a appris que lorsque Revenu Canada a effectué une vérification aux fins de la TPS au début de l'année 1995.

[12] L'appelante a demandé des CTI relativement aux montants de 7 p. 100 payés à ses agents parce qu'elle considérait que ces montants représentaient la TPS. Le ministre du Revenu national a refusé les CTI parce que les montants représentant 7 p. 100 des commissions n'avaient pas été payés à un inscrit. Le paragraphe 169(4) énonce certaines conditions relatives à la demande de crédit de taxe sur les intrants :

169(4) L'inscrit peut demander un crédit de taxe sur les intrants pour une période de déclaration si, avant de produire la déclaration à cette fin :

a) il obtient les renseignements suffisants pour établir le montant du crédit, y compris les renseignements visés par règlement;

b) [...]

Le Règlement sur les renseignements nécessaires à une demande de crédit de taxe sur les intrants (C.P. 1990-2755) énonce que, lorsque le montant payé à l'égard d'une fourniture est de plus de 30 $, le numéro d'inscription attribué au fournisseur conformément à l'article 241 de la Loi constitue un renseignement visé à l'alinéa 169(4)a).

[13] La pièce A-4 est une liste des agents à qui l'appelante a versé la commission en plus d'un montant représentant 7 p. 100 de celle-ci, que l'appelante considérait être la TPS. À côté du nom de chaque agent à la pièce A-4, figure le montant en question. Le total des montants équivalant à 7 p. 100 des commissions s'élève à 12 767,62 $, c'est-à-dire le montant qui était en litige au départ. Aucun des agents dont le nom figure à la pièce A-4 n'était inscrit aux fins de la TPS. Par conséquent, aucun de ces agents n'aurait pu fournir le numéro d'inscription requis aux termes de l'alinéa 169(4)a) pour que l'appelante puisse présenter une demande valide de CTI. Tous les montants inscrits à la pièce A-4, sauf deux, dépassent 30 $. Par conséquent, l'appelante devait obtenir le numéro d'inscription de chaque agent dont le nom figure à la pièce A-4, à l'exception de Tom Wheatley et de Irv Brenner. Comme elle n'a pas obtenu les numéros d'inscription des agents dont le nom figure à la pièce A-4 (sauf Wheatley et Brenner), l'appelante n'avait pas le droit de demander des CTI relativement aux montants de 7 p. 100 versés à ces agents. Elle ne peut obtenir gain de cause quant à la première question en litige, sous réserve de ce qui suit.

[14] L'appelante a examiné la pièce A-4 au cours du témoignage oral et elle a reconnu les agents desquels elle a recouvré une partie ou la totalité des montants de 7 p. 100, qu'elle a ensuite versés à Revenu Canada :

Agent

Montant versé

Richard Arneson

   34,13 $

Pat Berner

1 675,54

Thomas Jordens

   46,69

Joan Demyen

   140,63

Alma Lessard

1 406,85

Lynn Scott

   532,46

Jim Griffith

   150,00

Marla Lewis

   332,02

Deiter Westphal

   577,71

Il se peut que Revenu Canada n'ait pas confirmé les montants qui figurent dans le tableau ci-dessus, mais je crois comprendre que Revenu Canada reconnaît qu'une partie du montant de 12 767,62 $ lui a été versé. Compte tenu de la preuve, je dois rejeter l'appel relativement aux CTI de 12 767,62 $ que l'appelante a demandés, mais, en revanche, j'ordonne au ministre du Revenu national d'accorder un crédit à l'appelante pour la partie du montant de 12 767,62 $ qui a en fait été versée (soit par l'appelante, soit par les agents) à Revenu Canada.

[15] L'article 261 de la loi sur la TPS permet au ministre de rembourser un montant payé au titre de la taxe si le montant a été payé par erreur. Se fondant sur cette disposition et compte tenu des montants de 7 p. 100 qu'elle a versés à 29 de ses agents environ (voir la pièce A-4), l'appelante a demandé un remboursement de 31 533,41 $. Dans un avis de cotisation daté du 9 novembre 1995 (pièce A-3), le ministre a rejeté la demande de remboursement. Un avis d'opposition aurait pu être déposé auprès du ministre en vertu du paragraphe 301(1.1), mais David Walsh, le comptable de l'appelante, a admis que l'appelante ne s'opposait pas à la cotisation produite sous la cote A-3. Par conséquent, je conclus que l'appelante ne peut demander de remboursement dans l'appel en l'instance puisque la question du remboursement a été réglée par le ministre dans la cotisation produite sous la cote A-3.

[16] Même si l'appelante était en mesure de faire valoir son droit à un remboursement dans l'appel en l'instance, il y a trois raisons pour lesquelles je devrais rejeter sa prétention. Premièrement, l'appelante n'a établi aucun montant précis susceptible de constituer un remboursement. Il n'y a aucun montant que je pourrais ordonner au ministre de rembourser. Deuxièmement, la “ taxe ”, au sens du paragraphe 123(1), est la “ taxe payable en application de la présente partie ”. Les montants de 7 p. 100 que l'appelante a versés à ses agents n'étaient pas une “ taxe ” au sens de la loi. Ils étaient simplement des montants considérés comme une taxe du point de vue subjectif de l'appelante. Ces montants auraient pu devenir une taxe s'ils avaient été payés conformément à une facture contenant les renseignements visés à l'alinéa 169(4)a). Et, troisièmement, le prétendu remboursement n'est lié à aucun des montants qui ont été payés ou versés au ministre. Les montants en question ont été payés aux agents, qui ne les ont pas versés au ministre. En d'autres termes, je ne crois pas que l'on puisse ordonner au ministre de “ rembourse[r] [un] montant ” (pour reprendre les termes du paragraphe 261(1)) à qui que ce soit, alors que ce dernier n'a jamais reçu les montants en question, que ce soit “ par erreur ou autrement ”.

[17] Le paragraphe 280(1) requiert le paiement d'une pénalité et d'intérêts si les conditions qui y sont énoncées ne sont pas respectées. L'appelante a interjeté appel relativement à la pénalité de 3 006,76 $ et aux intérêts de 3 176,82 $. La pénalité et les intérêts sont calculés relativement au montant qui n'est pas versé ou payé. Si je comprends bien la preuve, une partie du montant total (12 767,62 $) qui était un rajustement des CTI réclamés sur les montants payés aux agents a maintenant été versée à Revenu Canada soit par l'appelante, soit par les agents de celle-ci. Je tiens pour acquis que le versement de cette partie du montant en question réduira la pénalité et les intérêts qui seraient par ailleurs payables. Je ne peux cependant accueillir l'appel relativement à la pénalité et aux intérêts puisque la responsabilité est très clairement énoncée au paragraphe 280(1) et que l'appelante n'a pas obtenu gain de cause sur la première question en litige.

[18] L'appelante a peut-être une créance sur les agents qui ont reçu et conservé les montants équivalant à 7 p. 100 de leurs commissions, mais cette créance n'a rien à voir avec les circonstances de l'appel en l'instance. L'appel est rejeté sous réserve du crédit que j'ai ordonné au ministre d'accorder à l'appelante pour la partie du montant de 12 767,62 $ qui a été versée à Revenu Canada.

Signé à Ottawa, Canada, ce 13e jour de mars 1998.

“ M. A. Mogan ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 30e jour d’avril 1998.

Mario Lagacé, réviseur

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