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Date : 19991006

Dossier : 1999-1263-GST-I

ENTRE :

ISLAND ORTHOTICS LTD.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge O'Connor, C.C.I.

[1] Cet appel a été entendu à Charlottetown (Île-du-Prince-Édouard), le 23 septembre 1999.

Les faits et la question litigieuse

[2] Les faits principaux et la question en litige sont résumés comme suit dans la réponse à l’avis d’appel :

[TRADUCTION]

6. Par des avis de cotisation portant les numéros 579919, 579918 et 579917 et datés du 16 juillet 1998, le ministre du Revenu national (le “ ministre ”) a avisé l’appelante qu’il avait fixé comme suit le crédit de taxe sur intrants (CTI) auquel elle avait droit pour les périodes allant du 1er janvier 1991 au 31 décembre 1991, du 1er janvier 1992 au 31 décembre 1992 et du 1er janvier 1993 au 31 décembre 1993 :

Période de déclaration (TPS) CTI refusés

1er janvier 1991 au 31 décembre 1991 $3,534.55

1er janvier 1992 au 31 décembre 1992 $4,471.25

1er janvier 1993 au 31 décembre 1993 $3,013.78

Cotisation totale $11,019.58

7. En établissant de la sorte la cotisation de l’appelante pour les périodes allant du 1er janvier 1991 au 31 décembre 1991, du 1er janvier 1992 au 31 décembre 1992 et du 1er janvier 1993 au 31 décembre 1993, le ministre s'est fondé sur les hypothèses de fait suivantes :

a) à toutes les époques pertinentes, l’appelante devait être inscrite conformément à la partie IX de la Loi sur la taxe d’accise (la “ Loi ”);

b) l’appelante ne s’est pas inscrite conformément à la partie IX de la Loi avant le début de 1998;

c) à toutes les époques pertinentes, l’activité principale de l’appelante était la fourniture d’orthèses;

d) en produisant ses déclarations de TPS annuelles pour les périodes allant du 1er janvier 1991 au 31 décembre 1991, du 1erjanvier 1992 au 31 décembre 1992 et du 1er janvier 1993 au 31 décembre 1993, l’appelant a déclaré des crédits de taxe sur intrants comme suit :

Période de déclaration (TPS) CTI refusés

1er janvier 1991 au 31 décembre 1991 $3,534.55

1er janvier 1992 au 31 décembre 1992 $4,471.25

1er janvier 1993 au 31 décembre 1993 $3,013.78

Cotisation totale $11,019.58

e) les déclarations de TPS mentionnées à l’alinéa 7d) ci-dessus ont été produites par l’appelante le 1er avril 1998, soit plus de quatre ans après le jour où elles devaient être produites;

f) l’appelante n’avait pas droit aux CTI mentionnés [...]

B. LA QUESTION À TRANCHER

8. La question à trancher consiste à savoir si l’appelante a droit à des CTI pour les années 1991, 1992 et 1993.

[3] L’appelante, par l’entremise de son représentant, M. Barry MacKinnon, a témoigné que lorsque la mesure législative concernant la TPS a été adoptée, il s’est rendu au bureau de la TPS pour inscrire son entreprise, et la personne à qui il a parlé l’a avisé qu’en raison de la nature de son entreprise, à savoir la prestation de services de santé consistant à fournir des orthèses, il n’était pas tenu de l’inscrire et n’avait pas à percevoir la TPS ni à produire de déclaration. Il conclut qu’il était fondé à se fier à cet avis et qu’il devrait avoir droit aux CTI réclamés à l’égard des années 1991, 1992 et 1993.

Analyse

[4] Premièrement, il est clair que l’appelante était tenue de s’inscrire conformément à la Loi. De plus, il est clair que l’appelante, puisqu’elle n’a pas produit des déclarations pour les années 1991, 1992 et 1993 dans les quatre années suivant les dates où elles devaient être produites, n’a pas le droit de réclamer des CTI à l’égard de ces années en raison du paragraphe 225(4) de la Loi sur la taxe d’accise, qui, dans ses parties pertinentes, prévoit ce qui suit :

(4) La personne qui demande un crédit de taxe sur les intrants pour sa période de déclaration donnée doit produire une déclaration aux termes de la présente section au plus tard le jour suivant :

[...]

b) dans le cas où la personne n’est pas une personne déterminée au cours de la période donnée, le jour où la déclaration aux termes de la présente section est à produire pour la dernière période de déclaration de la personne se terminant dans les quatre ans suivant la fin de la période donnée;

[...]

[5] La question à trancher est donc de savoir si l’appelante devrait avoir droit aux CTI pour les trois années en cause parce qu’elle s’est fiée à l’avis qu’a donné quelqu’un au bureau de la TPS.

[6] Cela revient essentiellement à dire que le ministre ne saurait établir une cotisation qui va à l’encontre de l’avis ainsi donné. Cette question est soulevée fréquemment et elle a été succinctement analysée par le juge Bowman de cette Cour dans la décision Goldstein v. Her Majesty the Queen, 96 DTC 1029. Il a déclaré ce qui suit à la page 1034 :

La préclusion n’est plus simplement une règle de preuve. C’est une règle de droit positif. Lord Denning en parle comme d’un “ principe de justice et d’équité ”.

On dit parfois que la préclusion n’est pas recevable contre la Couronne. Cette affirmation n’est pas exacte et semble provenir d’une mauvaise application du terme préclusion. Le principe de la préclusion lie la Couronne, tout comme d’autres principes de droit. La préclusion du fait du comportement, telle qu’elle s’applique à la Couronne, comprend des déclarations de faits de fonctionnaires de la Couronne sur lesquelles le sujet s’est fondé et en fonction desquelles il a agi, à son détriment. La doctrine n’a aucune application lorsqu’une interprétation particulière d’une loi a été communiquée à un sujet par un fonctionnaire de l’État, que le sujet s’est fondé sur cette interprétation à son détriment et que le gouvernement a ensuite retiré ou modifié l’interprétation. Dans un tel cas, un contribuable cherche parfois à invoquer la doctrine de la préclusion. Ce n’est pas approprié, non pas parce que ces déclarations donnent lieu à une préclusion qui ne lie pas la Couronne, mais plutôt parce qu’aucune préclusion ne peut se poser lorsque de telles déclarations ne sont pas conformes au droit. Bien que la préclusion soit maintenant un principe de droit positif, elle prend son origine dans le droit de la preuve et, en tant que telle, se rapporte aux déclarations de faits. Elle n’a aucun rôle à jouer lorsque des questions d’interprétation du droit sont en cause, car la préclusion ne peut déroger au droit.

La question de l’interprétation de l’alinéa 146(1)c) est une question de droit, et je dois la trancher conformément au droit tel que je le comprends. Je ne saurais éviter cette obligation parce que le ministère du Revenu national peut avoir adopté antérieurement une interprétation différente de celle qu’il avance maintenant. La question n’est pas de savoir si la Couronne est liée par une interprétation antérieure sur laquelle un contribuable s’est fondé. Il est plus exact de dire que les tribunaux, qui sont tenus de trancher les litiges conformément au droit, ne sont pas liés par des déclarations, opinions ou aveux relatifs au droit de la part des parties.

Je crois qu’il s’agit là d’une juste analyse du droit. Je l’adopte et conclus que je dois appliquer le paragraphe 225(4), dont le sens est clair.

[7] Par conséquent, puisque l’appelante était tenue de s’inscrire et de produire des déclarations et qu’elle ne l’a pas fait, et comme elle n’a produit des déclarations pour les trois années en cause qu’après l’expiration de la période de quatre ans prévue au paragraphe 225(4), l’appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 6e jour d’octobre 1999.

“ T.P. O'Connor ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 27e jour de juin 2000.

Erich Klein, réviseur

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