Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 19990504

Dossier: 98-1191-UI

ENTRE :

ROBERT SOULIÈRE,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifs du jugement

Le juge Lamarre, C.C.I.

[1] Il s'agit d'un appel d'une décision du ministre du Revenu national (le « Ministre » ) selon laquelle l'appelant occupait un emploi assurable pour la société 133879 Canada Inc. faisant affaires sous le nom de Publicom (le « payeur » ) au cours de la période du 1er décembre 1996 au 31 décembre 1997 au sens de l'alinéa 5(1)a) de la Loi sur l'assurance-emploi (la « Loi » ). En rendant sa décision, le Ministre s'est basé sur les faits énoncés au paragraphe 10 de la Réponse à l'avis d'appel. Ces faits se lisent comme suit :

a) le payeur opère depuis 15 ans dans le domaine de la publicité et de conception graphique de logos et de brochures publicitaires ; (admis par l'appelant)

b) l'appelant travaille pour le payeur depuis plus de neuf ans sans bris de service ;

c) l'appelant travaille pour le payeur à plein temps ;

d) l'appelant travaille pour le payeur à titre de gérant de contrats; (admis par l'appelant)

e) les tâches de l'appelant consistent à gérer les contrats que le payeur obtient, voir au bon roulement des projets, s'occuper des "graphic designer" et faire la recherche de rapports et photos ; (admis par l'appelant)

f) l'appelant rend la plupart de ses services dans les locaux du payeur étant donné que tout l'équipement et tous les documents s'y trouvent ;

g) l'appelant facture le payeur pour le temps travaillé ;

h) le payeur fournit tout ce que l'appelant a besoin pour accomplir ses tâches ;

i) il y a un contrat de louage de services entre l'appelant et le payeur.

[2] Seul l'appelant a témoigné. Il se dit consultant en communication et travaille uniquement pour le payeur pour lequel il effectue des contrats depuis 10 ans. Il travaille sur un contrat à la fois et il effectue ses tâches sur une base régulière.

[3] Le travail peut varier. Ainsi, par exemple, l'appelant peut élaborer un questionnaire pour des études de marketing ou faire des plans publicitaires. En gros, il exécute le travail et gère les projets du payeur, lequel recrute les clients. L'appelant dit qu'il facturait des montants forfaitaires. Mais au cours de l'année en litige, il était payé 500 $ par semaine suite à une entente négociée avec le payeur. L'appelant a dit que cette rémunération pouvait être réajustée à la hausse ou à la baisse. Aucune preuve n'a démontré que ce fut effectivement le cas. L'appelant a dit que le payeur lui donnait suffisamment d'ouvrage pour lui assurer une certaine régularité dans le paiement de sa rémunération.

[4] L'appelant possède un ordinateur à la maison mais a aussi un bureau tout équipé à sa disposition chez le payeur. Il a dit qu'il avait engagé certaines dépenses pour son travail mais il n'a pas produit les factures de ces dépenses.

[5] L'appelant a une carte d'affaires au nom du payeur. L'appelant peut s'absenter selon son bon vouloir mais s'engage à finir les projets qu'il exécute à une date précise. Même s'il dit ne pas avoir à rendre compte au payeur, il a quand même mentionné qu'il devait rencontrer les représentants du payeur pour leur dire où en étaient rendus les différents projets.

[6] Au cours de l'année en litige, l'appelant n'avait investi aucune somme d'argent dans l'entreprise du payeur. L'appelant aurait également signé un contrat avec le payeur au début de leurs relations d'affaires. Ce contrat n'a pas été produit en preuve.

Analyse

[7] La question que je dois déterminer est celle d'établir si l'appelant était engagé en vertu d'un contrat de louage de services avec le payeur au cours de la période en litige aux termes de l'alinéa 5(1)a) de la Loi. Pour ce faire, les critères repris dans l'affaire Wiebe Door Services Ltd. c. M.R.N.,[1] soit le contrôle, la propriété des instruments de travail, les chances de profit et les risques de perte de même que le test de l'intégration ou de l'organisation, à savoir si l'appelant travaillait pour sa propre entreprise ou pour celle du payeur, doivent être analysés à la lumière de l'ensemble des éléments composant la relation entre les parties.

[8] Dans la présente cause, il s'agit d'un cas frontière où l'on retrouve tant des éléments d'un contrat de louage de services que des éléments d'un contrat d'entreprise.

[9] Au niveau du contrôle exercé par le payeur sur le travail effectué par l'appelant, même s'il n'était pas exercé de façon régulière, il m'apparaît que le payeur avait d'une certaine manière un droit de contrôle sur le travail de l'appelant.[2]

[10] Ici l'appelant, à toutes fins pratiques, était l'exécutant pour le compte du payeur dans l'accomplissement de l'engagement pris par ce dernier envers ses clients pour l'exécution de divers projets.

[11] Quant à la rémunération, la preuve a démontré qu'elle était régulière au cours de la période en litige. Qu'on la qualifie d'avances ou autrement, au bout du compte l'appelant n'encourait pas de risque car il était assuré d'être payé pour ses heures de travail. Également, le payeur fournissait un bureau tout équipé.

[12] Pour ce qui est du critère de l'intégration des activités de l'appelant à l'entreprise du payeur, le lien contractuel entre le payeur et ses clients ne liait en rien l'appelant. Ce dernier rendait des services au payeur qui s'était lui-même engagé vis-à-vis du client à exécuter les tâches demandées.

[13] C'est le payeur qui trouvait les contrats, l'appelant n'exécutait que ce que le payeur lui demandait de faire. Il était un exécutant parmi d'autres qui contribuait à la bonne réputation du payeur. En ce sens l'appelant n'agissait pas comme une personne exploitant son entreprise pour son propre compte mais bien comme un employé du payeur.

[14] Compte tenu de ces divers éléments, je suis d'avis que l'appelant n'a pas démontré suivant la prépondérance des probabilités qu'il n'était pas engagé en vertu d'un contrat de louage de services au cours de la période en litige.

[15] En conséquence son emploi était assurable aux termes de la Loi. L'appel est rejeté et le règlement de la question par le Ministre est confirmé.

Signé à Ottawa, Canada, ce 4ième jour de mai 1999.

« Lucie Lamarre »

J.C.C.I.



[1]           87 DTC 5025.

[2]           C'est le droit de contrôle plutôt que l'exercice actuel de ce contrôle qui déterminera la nature de la relation entre les parties. Voir Attorney General of Canada v. Gayle Hennick and Royal Conservatory of Music, (C.A.F.), (1995) 179 N.R. 315.

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