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Date: 19980507

Dossier: 96-4673-GST-G

ENTRE :

W.P. BUCK INVESTMENTS INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Sarchuk, C.C.I.

[1] Il s’agit d’un appel interjeté par W.P. Buck Investments Inc. (l’“ appelante ”) à l’encontre de la cotisation établie en application de la partie IX de la Loi sur la taxe d’accise (la “ Loi ”) pour la période du 1er février au 30 avril 1995, dont l’avis de cotisation daté du 10 novembre 1995 porte le numéro 808485.

[2] L’appelante et l’intimée, par l’entremise de leur avocat respectif, aux fins du présent appel uniquement, s’entendent sur les faits qui suivent et reconnaissent que le règlement de la présente affaire reposera uniquement sur ces faits ainsi que sur tout fait contenu dans le recueil de documents. Cette entente ne restreint pas le droit des parties de discuter de la pertinence de l’un ou de plusieurs des faits énumérés ci-après :

Date

Description

Onglet

1.

Durant toute la période en cause, l’appelante exploite une entreprise en vue de détenir des hypothèques sur des immeubles non résidentiels.

2. 22 décembre 1989

L’appelante conclut une “ charge foncière/hypothèque immobilière ”, à titre de titulaire de la charge, avec Desbil Management Inc. (“ Desbil ”), à titre de constituant de la charge, relativement à un bien immeuble sis au 50, chemin Northland (le “ bien ”) dans la ville de Waterloo (Ontario) :

• l’entente est conclue le 22 décembre 1989.

• le capital de la charge/hypothèque est de 1 143 792 $.

• la charge/hypothèque est inscrite le 4 janvier 1990 au bureau d’enregistrement des droits immobiliers de Waterloo North (acte no 1023479).

1, 15

3.

Il s’agit d’une charge ou hypothèque de deuxième rang sur le bien.

4.

Desbil loue le bien à la Société électrique Mitsubishi du Canada Inc. (“ Mitsubishi ”).

5. 30 septembre 1990

Desbil manque à son engagement de régler les paiements qui, aux termes de la charge/hypothèque, devenaient exigibles le 30 septembre 1990.

15

6. 29 novembre 1990

Le 29 novembre 1990, l’appelante signifie à Mitsubishi un “ avis de saisie-arrêt sur les loyers ”, dans lequel elle enjoint à celle-ci de verser tous les loyers dus ou devenant dus à l’appelante.

2

7. 5 décembre 1990

L’appelante fait parvenir à Desbil un “ avis de vente conformément aux termes de l’hypothèque ” daté du 5 décembre 1990, indiquant notamment que le bien sera vendu si les sommes dues aux termes de l’hypothèque ne sont pas versées au plus tard le 16 janvier 1991.

4

8. 31 décembre 1990

Par lettre datée du 31 décembre 1990, Dubrick Real Estate Ltd. fournit une évaluation de la valeur marchande du bien à cette date.

5

9. 18 février 1991

Le 18 février 1991, ou avant cette date, l’appelante convient de n’entreprendre, pour une période de deux semaines, aucune autre démarche à l’égard des procédures relatives au pouvoir de vente. L’appelante, par l’entremise de ses avocats (Du Vernet, Stewart, Fenn) confirme cette entente par lettre datée du 18 février 1991.

6

10. 1er mars 1991

L’appelante, par l’entremise de ses avocats (Du Vernet, Stewart, Fenn), fait savoir, notamment, que Mitsubishi n’a pas tenu compte de sa directive l’enjoignant de verser les loyers dus à l’appelante et que Desbil a reçu d’un tiers une offre d’achat sur le bien, qu’elle a refusée.

La lettre souligne par ailleurs que si Mitsubishi ne se conforme pas à la demande de paiement des loyers, les poursuites nécessaires seront intentées, l’appelant envisageant notamment de présenter une motion en nomination d’un séquestre équitable.

7

11. 26 mars 1991

Les avocats de l’appelante informent notamment les avocats du débiteur/constituant de la charge que :

• on a conseillé à l’appelante de suivre le processus de vente normal et établi aux termes du pouvoir de vente, à savoir d’obtenir deux évaluations d’experts indépendants et d’inscrire la vente du bien auprès d’une maison de courtage en immeubles; l’appelante accepte cet avis;

• l’appelante a donné au débiteur/constituant de la charge l’occasion de négocier lui-même la vente ou de rétablir l’hypothèque, et continuerait à lui offrir cette possibilité;

• l’appelante a donné comme instruction à ses avocats de communiquer avec l’avocat de Mitsubishi pour savoir si celle-ci était intéressée à acheter le bien; les avocats ont donné suite aux instructions le 26 mars 1991.

8

12. 12 avril 1991

Les Services immobiliers Royal LePage Ltée proposent à l’appelante une stratégie commerciale relativement au bien.

9

13. 16 avril 1991

L’appelante, par l’intermédiaire de ses avocats (Du Vernet, Stewart, Fenn), donne notamment avis que :

• Desbil a manqué et continue à manquer à son engagement de verser les paiements dus sur son hypothèque à l’appelante en novembre;

• un avis de saisie-arrêt a été signifié et les procédures en vertu du pouvoir de vente ont été entamées;

• l’appelante a demandé des évaluations de la valeur du bien et poursuivait des démarches en ce sens à cette date afin de tenter d’établir le meilleur prix pouvant être obtenu pour le bien;

• l’appelante a eu de nombreuses conversations avec Desbil, ou ses représentants, afin d’en arriver à un compromis;

• l’appelante a reçu une offre d’achat sur le bien et l’a refusée;

• l’appelante, n’ayant ni inscrit la vente du bien auprès d’une maison de courtage en immeubles ni reçu une offre d’achat acceptable, poursuivra ses démarches en vue de vendre le bien.

10

14. 24 mai 1991

Les Services immobiliers Royal LePage Ltée conclut avec l’appelante une “ entente en vue d’obtenir un mandat exclusif d’offrir en vente ” datée du 24 mai 1991 relativement au bien.

11

15. 15 octobre 1991

Une convention d’achat-vente est conclue avec Patrick George en fiducie relativement au bien.

12

16. 13 décembre 1991

Le 13 décembre 1991, Mitsubishi reçoit un nouvel avis l’enjoignant de payer les sommes dues.

3

17. 13 décembre 1991

Desbil Management Inc. envoie une lettre à William P. Buck et à W.P. Buck Investments Inc., l’appelante, dans laquelle elle confirme l’entente conclue entre les parties; on y lit notamment ceci : “ À partir du 1er janvier 1992, le revenu de location que rapporte le bien immobilier occupé à l’heure actuelle par la Société électrique Mitsubishi du Canada Inc. (Mitsubishi) sera perçu directement par Buck ”.

13

18. 28 février 1992

Par lettre datée du 3 mars 1992 et adressée à William P. Buck, les avocats de l’appelante (Du Vernet, Stewart, Fenn) informent notamment celle-ci que la vente à Patrick George a été conclue le 28 février 1992.

14

19. 10 décembre 1992

Par lettre datée du 10 décembre 1992 et adressée à William P. Buck, les avocats de l’appelante (Du Vernet, Stewart, Fenn) informent notamment celle-ci que :

• le transfert de la propriété à Patrick George a été conclu le 27 février 1992;

• les avocats n’ont pas perçu la TPS de l’acquéreur;

• l’appelante et l’acquéreur du bien sont inscrits aux fins de la TPS.

15

20. 25 octobre 1995

Par lettre datée du 25 octobre 1995, Revenu Canada informe l’appelante notamment que le crédit fictif de taxes sur les intrants au montant de 574 000 $ réclamé par l’appelante conformément au paragraphe 183(7) de la Loi a été refusé au motif que le bien mobilier visé n’avait pas été saisi ou fait l’objet d’une reprise de possession par l’appelante avant le 28 mars 1991, tel que le prévoit ce paragraphe.

16

21. 25 octobre 1992

Revenu Canada émet à l’appelante, en date du 25 octobre 1992, un sommaire de cotisations et un état des rajustements de vérification afin de modifier le crédit de taxe sur les intrants réclamé par l’appelante pour le fixer à 574 000 $;

16, 17

22. 10 novembre 1992

Par avis de cotisation daté du 10 novembre 1992 et remis à l’appelante, la demande de crédit de taxe sur les intrants de 574 000 $ est refusée.

17

23. 5 février 1996

L’appelante dépose un avis d’opposition en date du 5 février 1996.

17

24. 30 septembre 1996

Le ministère du Revenu national émet un avis de décision en date du 30 septembre 1996 afin de confirmer la cotisation au motif que l’appelante ne pouvait se prévaloir du crédit de taxe sur les intrants prévu au paragraphe 183(7) puisque le bien immobilier n’avait pas été saisi ou fait l’objet d’une reprise de possession avant le 28 mars 1991.

18

25. 26 février 1992

L’appelante est inscrite aux fins de la taxe sur les produits et services la (la “ TPS ”) depuis le 26 février 1992 (inscription no R119932838).

19

[3] Les parties ont convenu qu’il s’agit de déterminer si l’appelante a saisi le bien avant le 28 mars 1991 ou en a repris possession avant cette date, au sens du paragraphe 183(7) de la Loi.

[4] Les dispositions pertinentes de la Loi[1]se lisent comme suit :

183(1) Dans le cas où, après 1990, le bien d’une personne est saisi ou fait l’objet d’une reprise de possession par un créancier en exécution d’un droit ou d’un pouvoir qu’il peut exercer, à l’exception d’un droit ou d’un pouvoir qu’il possède dans le cadre d’un bail, d’une licence ou d’un accord semblable aux termes duquel la personne a acquis le bien ou du fait qu’il est partie à un tel bail ou accord ou à une telle licence, et en acquittement total ou partiel d’une dette ou d’une obligation de la personne envers lui, les présomptions suivantes s’appliquent :

a) la personne est réputée, pour l’application de la présente partie, avoir effectué, au moment de la saisie ou de la reprise de possession, une fourniture du bien à titre gratuit;

b) le créancier est réputé, pour l’application de la présente partie, avoir acquis le bien à ce moment à titre gratuit.

183(7) Pour l’application de la présente partie, le créancier qui effectue, à un moment donné, la fourniture taxable par vente, sauf une fourniture réputée par une disposition de la présente partie autre que l’article 177 avoir été effectuée, du bien d’une personne — qu’il a saisi ou dont il a repris possession d’une personne dans les circonstances visées au paragraphe (1) — qui n’est pas réputé par les paragraphes (4), (5), (6) ou (8) avoir déjà effectué ou reçu une fourniture du bien et qui convainc le ministre que la personne n’a pas reçu, ni n’a le droit de recevoir, un crédit de taxe sur les intrants ou un montant remboursable relativement au bien est réputé :

a) avoir reçu, immédiatement avant le moment donné, une fourniture du bien pour une contrepartie égale à celle de la fourniture taxable;

b) avoir payé, immédiatement avant le montant donné et relativement à la fourniture réputée par l’alinéa a) avoir été reçue, une taxe égale au résultat du calcul suivant :

A - B

où :

A représente la taxe calculée sur cette contrepartie,

B le total des montants représentant chacun un crédit de taxe sur les intrants ou un montant remboursable en vertu de la présente partie que le créancier pouvait demander relativement au bien ou à des améliorations afférentes.

Bien qu’il soit question de saisie et de reprise de possession au paragraphe 183(1) de la Loi, les parties conviennent qu’il n’y a pas eu saisie en l’espèce.

Position de l’appelante

[5] L’argument de l’appelante repose uniquement sur la proposition selon laquelle il n’y a pas en fait eu reprise de possession durant la “ fenêtre de transition limitée ”, c’est-à-dire du 1er au 28 mars 1991. L’avocat de l’appelante soutient que les dates pertinentes sont le 30 septembre 1990, date à laquelle Desbil a manqué à son engagement de régler les paiements hypothécaires; le 29 novembre 1990, date à laquelle l’appelante a signifié un avis de saisie-arrêt des loyers au locataire, enjoignant à celui-ci de verser à l’appelante tous les loyers dus (pièce A-1, onglet 2); le 5 décembre 1990, date d’envoi d’un avis de vente aux termes de la Loi sur les hypothèques, selon lequel le bien serait vendu à moins que la somme due aux termes de l’hypothèque soit versée au plus tard le 16 janvier 1991 (pièce A-1, onglet 4); et le 13 décembre 1990, date à laquelle une directive a été émise à la demande conjointe du débiteur et du créancier hypothécaires, selon laquelle les paiements seront versés à A. Farber Associates, en fiducie. Par conséquent, l’appelante prétend que le 16 janvier 1991 est la date à laquelle la reprise de possession a effectivement été arrêtée parce que l’appelante était investie, à l’expiration de l’avis en vertu du pouvoir de vente, du pouvoir de disposer du bien.

[6] En outre, l’avocat a déclaré que la date de la vente du bien, soit le 15 octobre 1991, n’est pas pertinente puisqu’il n’est pas nécessaire que le bien soit en fait vendu pour définitivement priver le débiteur hypothécaire de tout droit de racheter le bien. Il a fait valoir que

[TRADUCTION]

[...] lorsqu’on dit qu’il est nécessaire que le créancier hypothécaire ait exercé un contrôle ou ait entrepris des démarches pour exercer un contrôle et ait été dans une position de transférer les droits sur le bien, le simple fait d’être en position de transférer les droits devrait suffire.

Il ne devrait donc pas être nécessaire d’exiger qu’il passe à la prochaine étape logique -- ou l’étape logique finale de ce processus, c’est-à-dire la vente réelle du bien, en raison à la fois des motifs juridiques reliés au libellé du paragraphe 183(7), et parce qu’il y a un grand écart entre le fait d’être investi de la capacité de transférer des droits et le fait de vraiment transférer ces droits.

Donc, a-t-il été soutenu, en commençant par l’avis de saisie-arrêt des loyers, l’appelante a donné suite à son intention d’assurer un contrôle sur le bien; la période d’avis en vertu du pouvoir de vente a ensuite expiré le 16 janvier 1991, pendant la “ fenêtre de transition ”. L’appelante prétend que, à cette date, elle était investie de la capacité de transférer le titre du bien à un tiers. Toutes les étapes subséquentes en vue de finalement conclure la vente, qui se sont déroulées à l’extérieur de la “ fenêtre de transition ”, ne sont pas pertinentes à la question principale en litige dans le présent appel.

Position de l’intimée

[7] L’avocat de l’intimée s’est appuyé sur le précepte bien établi que [TRADUCTION] “ un créancier hypothécaire prend possession lorsqu’il prive le débiteur du contrôle et de l’administration du bien hypothéqué ”[2]. L’intimée soutient que ceci n’a pas eu lieu avant le 1er janvier 1992, au plus tôt, date à laquelle il a été convenu que le revenu de location que rapporte le bien serait perçu directement par l’appelante (pièce A-1, onglet 13), ou avant le 27 février 1992, date de clôture de la vente du bien par l’appelante. Aucune de ces périodes ne respecte le délai prévu aux dispositions pertinentes de la Loi.

[8] L’avocat de l’intimée soutient que l’obligation du créancier hypothécaire en vue de prendre possession du bien dans des circonstances telles que celles existant en l’espèce est bien établie en droit. Il a été fait mention des propos qui suivent, tenus dans la décision Noyes v. Pollock[3] :

[TRADUCTION]

Pour soutenir que le créancier hypothécaire qui n’est pas en possession réelle du bien détient les loyers et les profits, à mon avis, il faudra démontrer, non seulement qu’il perçoit les montants des loyers versés par les locataires, alors même qu’il reçoit leurs chèques ou leur argent comptant, mais encore que ce montant lui est versé de telle façon qu’il peut clairement être dit que le créancier hypothécaire a, de son propre chef, décidé de s’emparer du pouvoir du débiteur d’administrer son domaine et a à ce titre lui-même administré et perçu les loyers dans le cadre de l’administration du domaine.

[...] Mais dans le cas où un domaine est loué à des locataires, il est entendu que le créancier hypothécaire n’a pas l’occupation réelle des lieux cédés à bail. Il peut être visé par le principe à titre de personne qui pénètre dans les lieux et prend possession des loyers et des profits; mais seulement, il me semble, s’il fait quelque chose qui va au-delà de la simple perception des sommes d’argent auxquelles s’élèvent les loyers et les profits, et en arrive à retirer au débiteur, dans le but de réaliser une garantie, le contrôle et l’autorité de la réversion du domaine cédé à bail. À moins que l’on interprète ainsi l’autorité et le contrôle, le créancier hypothécaire peut assumer la simple perception des bénéfices de l’administration, sans toutefois pouvoir prétendre assurer l’administration elle-même. [...]

[9] L’intimée est par ailleurs d’avis que la signification d’un avis de vente aux termes de l’hypothèque n’entraîne pas la cessation ou l’extinction des droits du débiteur. Un tel avis de vente n’est rien d’autre qu’une restriction des droits du créancier hypothécaire[4].

Conclusion

[10] Comme l’a fait remarquer l’avocat de l’intimée, la question de savoir si le créancier hypothécaire détient la possession de fait ou de droit des biens hypothéqués est une question de fait et il faut se demander si le créancier hypothécaire a agi de manière à prendre les mesures nécessaires pour priver le débiteur du contrôle et de l’administration du bien. Puisqu’un créancier hypothécaire n’est pas tenu de par la loi de prendre possession en cas de manquement du débiteur, et parce que la possession entraîne des obligations de la part du créancier hypothécaire envers le débiteur[5], les mesures prises doivent démontrer une intention de prendre possession. Une telle preuve n’a pas été établie dans le présent appel.

[11] Il est important de souligner que, à partir de la fin du mois de mars, les seules mesures que l’appelante avaient prises étaient d’émettre un avis de vente aux termes de l’hypothèque; d’émettre un avis au locataire du bien relativement à la saisie-arrêt des loyers, avis auquel il n’a pas été donné suite; et de demander à un agent immobilier de lui proposer une stratégie commerciale relativement à la vente du bien.

[12] La position mise de l’avant par l’appelante est conforme au droit. Tel qu’il a été noté dans 165852 Canada Inc.[6] :

[TRADUCTION]

Dans la décision Modern Realty, je remarque qu’on impose l’obligation d’“ assurer l’administration ”. Cela impose sûrement au demandeur une obligation positive relativement à l’administration du bien en cas de manquement.

Les éléments de preuve dont je dispose indiquent clairement que l’appelante n’a ni pris possession du bien ni entrepris de quelque façon que ce soit d’intercepter le pouvoir du débiteur d’administrer ses biens. Il ne suffit pas d’avoir l’intention de priver le créancier hypothécaire de la capacité de racheter le bien, il faut en outre entreprendre des démarches en ce sens. Dans la décision Municipal Savings & Loan Corp. v. Wilson [7], le juge Wilson faisait les commentaires suivants :

[TRADUCTION]

C’est la signification au débiteur, de la part du créancier hypothécaire, d’un avis d’intention de vendre le bien qui déclenche le droit en équité du débiteur de racheter. L’hypothèque est une garantie seulement : le droit principal du créancier hypothécaire est le droit à son argent [...] : lord Nottingham dans Thornborough v. Baker (1675), 3 Swans. 628, à la page 630, 636 E.R. 1000 - si le créancier hypothécaire choisit de réaliser sa garantie, l’équité entre en jeu afin de protéger le débiteur en lui permettant, s’il peut verser l’argent, de reprendre sa terre.

[13] En ce qui a trait à l’argument de l’appelante voulant que la signification d’un avis de vente entraîne la cessation ou l’extinction des droits du débiteur, je renvoie à la décision dans Re Artibello et al. and Standard Trust Co.[8], dans laquelle le juge Steele a fait le commentaire suivant :

[TRADUCTION]

Il a été soutenu que l’avis du pouvoir de vente faisant état d’une date comportait une fenêtre à l’intérieur de laquelle les droits du créancier hypothécaire sont suspendus et que si le débiteur n’en tirait pas parti à l’intérieur du délai, il perdait alors ses droits. Je rejette cette argumentation. Lorsque le créancier hypothécaire renonce à ses droits en donnant un avis de pouvoir de vente, le débiteur a alors le droit de faire des paiements et de rétablir l’hypothèque, ou de rembourser le prêt hypothécaire au complet comme dans le présent cas, à défaut de quoi, le créancier hypothécaire peut procéder à la vente. Les droits du débiteur sont maintenus jusqu’au moment où une vente est en fait conclue. Le créancier hypothécaire, ayant signifié son avis, ne peut pas se prévaloir d’une option d’accepter le paiement ou de poursuivre la vente. Le délai qui est fixé dans l’avis signifié en vertu du pouvoir de vente doit être conforme aux clauses du contrat hypothécaire et à la Loi sur les hypothèques, R.S.O. 1980, c. 296, qui interdit la vente avant l’expiration du délai. Cela n’a rien à voir avec le fait d’établir un délai à l’intérieur duquel le débiteur peut exercer certains droits qui sont éteints lorsque le délai est expiré. [...]

[14] Je suis convaincu que lorsqu’un créancier hypothécaire ne prend pas possession du bien, les droits du débiteur relativement à ce bien sont maintenus jusqu’à ce qu’un tiers fasse l’acquisition de ces droits. Tel serait le cas au moment de la vente ou au moment de la passation d’une convention d’achat-vente qui est assujettie à une exécution en nature. Tel n’est pas le cas dans le présent appel.

[15] L’appel est rejeté, avec dépens taxés adjugés à l’intimée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour de mai 1998.

« A. A. Sarchuk »

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 14e jour de décembre 1998.

Philippe Ducharme, réviseur



[1]               L.C. 1985, ch. E-15.

[2]               Falconbridge on Mortgages, (4e éd.), 1977, à la page 643.

[3]               (1886) 32 Ch. D. 53 (C.A.) aux pages 61 et 64. Ce précepte a été confirmé par la Cour suprême du Canada dans Modern Realty Co., Ltd. v. Shantz, [1928] S.C.R. 213, aux pages 220 et 221, et adopté notamment dans 165852 Canada Inc. v. Gestions Koliba Inc., (1994) 45 R.P.R. (2d) 306, à la page 311.

[4]               Re Artibello et al. and Standard Trust Co., (1983), 41 O.R. (2d) 150, à la page 151.

[5]               165852 Canada Inc. v. Gestions Koliba Inc., précité.

[6]               Précité.

[7]               Municipal Savings & Loan Corp. v. Wilson, (19 octobre 1981, non publié [résumé à 11 A.C.W.S. (2d) 211]).

[8]               (1983), 41 O.R. (2d) 150, à la page 151.

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