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Date: 19990322

Dossier: 97-1557-IT-G

ENTRE :

LA SUCCESSION DE SHOLTO WALMSLEY,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Beaubier, C.C.I.

[1] Les appels en l'instance, interjetés sous le régime de la procédure générale, ont été entendus à Victoria (Colombie-Britannique) le 17 février 1999. Mark Walmsley, le fils du défunt, exécuteur testamentaire et fiduciaire de la succession, a témoigné, ainsi que Peter Yuile et Calvin Poon, c.g.a., vérificateur pour Revenu Canada.

[2] Sholto Walmsley est décédé à Vancouver (Colombie-Britannique) le 2 décembre 1986. Il a laissé sa succession à Mark, en fiducie pour sa veuve, Margery. Lors du décès de cette dernière, ce qui restait de la succession a été distribué aux trois enfants du défunt à parts égales. L'exécuteur testamentaire a demandé des lettres d'homologation le 14 avril 1987, date à laquelle la valeur brute de la succession était de 710 430,84 $.

[3] Le 31 mai 1988, les bénéficiaires du reliquat ont convenu par écrit de verser la rémunération suivante à Mark à titre d'exécuteur et de fiduciaire de la succession de Sholto :

[TRADUCTION]

Nous avons convenu de te verser la rémunération suivante :

º 5 p. 100 du montant de l'augmentation de la valeur de la masse successorale de papa à la fin de chaque année par rapport à la fin de l'année précédente.

º 0,4 p. 100 de la valeur de la succession de papa à la fin de l'année.

º 3 p. 100 de la valeur de la succession de papa à la date à laquelle tu auras exécuté toutes tes fonctions de façon satisfaisante.

º 2 p. 100 de la valeur des successions de maman et de papa lorsqu'elles devront être réglées (de nouveau) au moment du décès de maman (en supposant que tu sois son exécuteur testamentaire).

Ainsi que nous en avons discuté, tu peux prendre ces sommes d'argent en tout ou en partie maintenant ou plus tard à la date de ton choix. Tu peux aussi en prendre des portions à des intervalles réguliers ou non. Nous demandons seulement que tu reconnaisses que ces paiements sont raisonnables et que tu les acceptes.

Aurais-tu l'obligeance de nous informer des montants d'argent qui te sont dus. Je crois qu'un état très semblable à celui qui est joint à ta lettre, mais plus officiel, couvrant la fin de l'année 1987, le paiement de 3 p. 100 pour la fin de tes fonctions et toute autre somme d'argent qui t'est due au 1er juin 1988, serait satisfaisant. Cet état nous servirait ensuite à des fins de consultation. Un état portant sur la fin de l'année 1988 et la fin des années suivantes conviendrait également pour les années subséquentes.

(pièces A-1 et A-2)

[4] C'est la succession de Sholto qui subvenait aux besoins de sa veuve, Margery. Les impôts et les honoraires étaient également payés à même la succession de Sholto. Mark rendait des comptes aux bénéficiaires deux à quatre fois par année et administrait la succession de la manière décrite au paragraphe 7 de son avis d'appel :

[TRADUCTION]

L'exécuteur testamentaire s'est acquitté des fonctions suivantes :

il a déterminé l'actif et le passif de la succession au moment du décès;

il a fait des vérifications pour déterminer toutes les banques, fiducies et autres institutions qui auraient pu être associées à la succession;

il a travaillé constamment avec l'avocat de la succession pour que chaque aspect du testament soit compris et accepté, suivi et mis à exécution (p. ex. la prestation de décès, l'assurance-vie, etc.);

il a communiqué avec les bénéficiaires de la succession, qui se trouvaient tous deux à l'extérieur de la région, pour obtenir leur avis, et il s'est occupé de la succession de façon quotidienne;

il a fait en sorte qu'il soit subvenu aux besoins financiers de la conjointe survivante du testateur, qui était aussi une bénéficiaire de la succession, et qu'un budget soit établi à son intention; il a travaillé avec les autres bénéficiaires de façon constante pour comprendre les besoins financiers et autres de la conjointe survivante auxquels la succession devait répondre; à cette fin, il a notamment élaboré des mécanismes financiers permettant d'offrir un soutien financier suffisant, et il s'est occupé des questions de logement, de soins de santé et autres pour la conjointe survivante;

il a effectué une analyse constante de la situation financière de la succession et pris quotidiennement des décisions sur la nature des risques de placement en cause et sur les placements à faire, et il a régulièrement remis aux autres bénéficiaires des comptes rendus écrits de ces décisions;

il a tenu un système de classement et de tenue des dossiers sur les placements ainsi que sur d'autres éléments d'actif et décisions prises aux fins de la succession;

il a collaboré avec le gestionnaire de la fiducie de fonds commun de placement pour que les placements rapportent et il a pris des décisions relatives à ces fonds communs de placement (c.-à-d. à quel moment vendre, acheter, etc.);

il a établi un système de prêts aux bénéficiaires compatible avec les instructions données dans le testament, en plus de consigner ces prêts et d'en rendre compte;

il a travaillé avec le comptable de la succession pour regrouper les documents nécessaires à la préparation des états financiers, il a dressé ces états et remis à l'intimée les déclarations de revenus appropriées;

il a conçu et tenu un système de paiement des factures de la succession de façon suivie, ce qui comprend toutes les opérations bancaires nécessaires;

il a maintenu un compte courant et un compte d'épargne de la succession;

il s'est doté des moyens pour liquider la succession de façon appropriée au moment du décès de la conjointe survivante, puis il en a distribué l'actif de façon appropriée aux bénéficiaires, conformément au testament;

il a pris part à une vérification de la succession effectuée par l'intimée.

[5] Margery est décédée en 1994. À ce moment-là, le reste de la masse successorale avait une juste valeur marchande de 1 313 928 $. Les paragraphes 8 à 10 de l'avis d'appel énumèrent les honoraires que la succession a payés à Mark de 1986 à 1994 et les déductions qu'elle a faites relativement à ces honoraires. Les paragraphes en question sont libellés dans les termes suivants :

[TRADUCTION]

L'appelante a payé à l'exécuteur testamentaire la rémunération suivante au cours des années respectives :

1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994

0 $ 0 $ 6 510 $ 5 900 $ 6 000 $ 6 106 $ 7 011 $ 5 960 $ 82 025 $

L'appelante a demandé, relativement à la rémunération payée à l'exécuteur testamentaire, une déduction égale aux montants mentionnés au paragraphe 8 ci-dessus pour les années respectives.

L'intimée a rejeté la déduction par l'appelante de la rémunération versée à l'exécuteur testamentaire dans les années d'imposition 1992 et 1994.

[6] Au terme de la vérification, l'intimée a refusé d'admettre les dépenses suivantes au titre des honoraires de fiduciaire versés en 1992 et 1994 :

1992 916 $

1994 69 892 $

Les paragraphes 8 à 14 inclusivement de la réponse à l'avis d'appel expliquent en détail les raisons du refus :

[TRADUCTION]

Pour établir une cotisation à l'égard de l'appelante, le ministre s'est fondé, notamment, sur les hypothèses suivantes :

les faits énoncés et admis dans les présentes;

les dépenses d'honoraires du fiduciaire qui sont en sus du montant admis par le ministre n'ont pas été engagées en vue de tirer un revenu d'une entreprise ou d'un bien;

les dépenses d'honoraires du fiduciaire qui sont en sus du montant admis par le ministre n'étaient pas des dépenses courantes; elles étaient plutôt des dépenses en capital;

les dépenses d'honoraires du fiduciaire qui sont en sus du montant admis par le ministre n'étaient pas des dépenses raisonnables dans les circonstances;

les honoraires du fiduciaire payés par l'appelante dans les années d'imposition 1992 et 1994 n'ont pas été payés à une personne dont l'activité d'entreprise principale consiste à donner des avis sur l'opportunité d'acheter ou de vendre certaines actions ou valeurs mobilières;

les honoraires du fiduciaire payés par l'appelante dans les années d'imposition 1992 et 1994 n'ont pas été payés à une personne dont l'activité d'entreprise principale consiste, entre autres choses, à assurer des services relatifs à l'administration ou à la gestion d'actions ou de valeurs mobilières.

QUESTION EN LITIGE

Il s'agit de déterminer si le ministre a à juste titre refusé d'admettre la déduction par l'appelante des dépenses d'honoraires du fiduciaire de 916 $ et de 69 892 $ dans les années d'imposition 1992 et 1994 respectivement.

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES INVOQUÉES

Le ministre invoque les articles 3, 9 et 67, le paragraphe 20(1) et les alinéas 18(1)a), 18(1)b) et 18(1)h) de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.), et ses modifications (la « Loi » ).

MOYENS INVOQUÉS ET REDRESSEMENT DEMANDÉ

Le ministre soutient que les dépenses d'honoraires du fiduciaire qui ont été refusées n'ont pas été engagées en vue de tirer un revenu d'une entreprise ou d'un bien au sens de l'alinéa 18(1)a) de la Loi, mais qu'elles étaient des dépenses en capital au sens de l'alinéa 18(1)b) de la Loi.

Le ministre soutient que les dépenses d'honoraires du fiduciaire qui ont été refusées par le ministre n'étaient pas des dépenses raisonnables dans les circonstances au sens de l'article 67 de la Loi.

Le ministre soutient que les honoraires du fiduciaire versés par l'appelante dans les années d'imposition 1992 et 1994 n'ont pas été payés à une personne dont l'activité d'entreprise principale consiste à donner des avis sur l'opportunité d'acheter ou de vendre certaines actions ou valeurs mobilières, conformément au sous-alinéa 20(1)bb)(iii) de la Loi.

Le ministre soutient que les honoraires versés au fiduciaire par l'appelante dans les années d'imposition 1992 et 1994 n'ont pas été payés à une personne dont l'activité d'entreprise principale consiste, entre autres choses, à assurer des services relatifs à l'administration ou à la gestion d'actions ou de valeurs mobilières, conformément au sous-alinéa 20(1)bb)(iv) de la Loi.

Les paragraphes 13 et 14 de la réponse sont justes. Le travail de Mark ne relevait pas des sous-alinéas 20(1)bb)(iii) ou (iv) de la Loi.

[7] L'appelante a appelé M. Yuile, de Victoria, qui a témoigné sur les honoraires qu'il facture pour des conseils professionnels en matière de placement. Essentiellement, il facture des honoraires annuels basés sur la valeur totale des biens administrés, soit 1 p. 100 de la première tranche de 250 000 $, 3/4 de 1 p. 100 de la deuxième tranche de 250 000 $, 1/2 de 1 p. 100 de la troisième tranche de 250 000 $, et 1/4 de 1 p. 100 de tout montant supérieur à cela. À Vancouver, dans le domaine des conseils en matière de placement, les honoraires

vont généralement de 1 p. 100 à 2 p. 100 par année, selon la valeur des avoirs financiers administrés.

[8] Mark Walmsley n'a pas réparti ses services ou honoraires selon qu'il s'occupait des besoins de Margery ou qu'il s'occupait des questions de revenu, de capitaux, d'administration ou autres. Essentiellement, il a simplement facturé ses honoraires selon les modalités des pièces A-1 et A-2, qui sont citées de façon générale.

[9] Mark n'a donné aucun détail au vérificateur sur ses honoraires lorsque ce dernier lui en a demandés. En conséquence, le vérificateur a calculé les honoraires qu'il a admis en fonction du tarif des honoraires de l'Ontario admis pour les exécuteurs testamentaires et les administrateurs successoraux, compte tenu du revenu de la succession et de ses gains en capital imposables. Bien que les calculs de M. Poon fondés sur les gains en capital imposables puissent être contestables, l'appelante n'a présenté aucune preuve détaillée appuyant l'utilisation d'une autre méthode de calcul des honoraires se rapportant au revenu ou à d'autres gains réalisés par la succession. La thèse de l'appelante est que la valeur de la succession a augmenté de façon si remarquable que les honoraires sont déductibles. La faiblesse de cette thèse tient au fait que le fiduciaire devait s'occuper de Margery et administrer la succession en général (et la liquider) en plus de tenter de gagner un revenu et de maintenir ou d'accroître la valeur de l'actif de la succession. Le fiduciaire a exécuté une série de fonctions dont seulement une partie visait à gagner un revenu. Cependant, il n'a présenté aucune preuve au sujet de la répartition des honoraires qu'il a facturés au titre des activités visant à gagner un revenu pour la succession.

[10] Pour cette raison, l'appelante n'a pas réfuté les hypothèses énoncées aux alinéas 8 b), c), d), e) et f).

[11] Par conséquent, l'appel est rejeté. Les frais entre parties concernant l'appel sont adjugés à l'intimée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 22e jour de mars 1999.

« D. W. Beaubier »

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 17e jour de janvier 2000.

Mario Lagacé, réviseur

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