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Date: 19990430

Dossier: 98-1358-IT-I

ENTRE :

BARBARA GUSTAFSON,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge suppléant Rowe, C.C.I.

[1] L'appelante interjette appel à l'encontre d'une cotisation d'impôt pour l'année d'imposition 1996. Aux fins du calcul de l'impôt qu'elle devait pour cette année d'imposition, l'appelante a indiqué, dans le calcul du crédit d'impôt pour frais médicaux, des frais médicaux qui comprenaient un montant de 10 184 $ représentant les frais supplémentaires engagés, lors de la construction initiale de la nouvelle résidence de l'appelante, pour permettre à son mari Paul Gustafson – qui est quadriplégique et est confiné à un fauteuil roulant depuis 1984 – d'avoir accès à la résidence en fauteuil roulant. Le ministre du Revenu national a refusé de considérer ces frais supplémentaires comme des frais médicaux, étant donné qu'ils se rapportaient à des modifications que l'on avait décidé d'apporter à l'habitation avant que celle-ci ne soit construite et que, par conséquent, ils ne constituaient pas des frais médicaux visés au paragraphe 118.2(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ). L'appelante n'avait donc pas droit au crédit d'impôt pour frais médicaux prévu au paragraphe 118.2(1) de la Loi.

[2] Les parties ont convenu de déposer un exposé conjoint des faits, lequel se lit comme suit :

[TRADUCTION]

1.                     Paul Gustafson est l'époux de Barb Gustafson.

2.                     Paul est quadriplégique et est confiné à un fauteuil roulant depuis 1984, ayant un handicap moteur grave et prolongé.

3.                     En 1996, Paul et Barb ont engagé Ehrenburg Homes Ltd. pour construire une nouvelle maison au 323, Terrasse Budz, Saskatoon (Saskatchewan); la maison a été construite au coût de 129 756 $, sans compter le coût du lot.

4.                     De concert avec Ehrenburg, Paul et Barb ont révisé les plans de la maison et y ont apporté un certain nombre de modifications, de façon à ce que Paul ait plus facilement accès à la maison et qu'il puisse y accomplir les tâches de la vie quotidienne plus aisément.

5.                     Par suite des modifications qui ont été apportées aux plans de la nouvelle maison, Paul et Barb ont engagé des dépenses supplémentaires, notamment celles ci-après énumérées :

a) Plus grand garage (espace pour l'élévateur de la camionnette) 2 900 $

b) Frais supplémentaires pour les comptoirs

(par rapport au contrat type) 2 350 $

c) Pièce en béton au sous-sol pour l'élévateur 145 $

d) Étagement intérieur additionnel à différents niveaux 345 $

e) Bouton de variation électrique fixé aux comptoirs 60 $

f) Linguets à ressort fixés aux portes extérieures 120 $

g) Fabrication sur commande de la douche en marbre et de la

tuyauterie 530 $

h) Modification pour support additionnel dans la douche, etc. 50 $

i) Revêtement de plancher (différent de celui prévu au contrat

type) 1 659 $

j)                      Serrures de passage et boutons de poignée (différents de ceux

prévus au contrat type) 150 $

k) Frais de conception et de creusage du trou d'accès

pour l'élévateur 400 $

l) Encadrement de l'extérieur du soupirail (en raison de la pente de la maison) 350 $

m) Coût additionnel des seuils fixés au bas des portes 150 $

n) Coût de conception de couloirs plus larges 150 $

o) Coût des portes plus larges installées partout dans la maison 200 $

p) Porte de la chambre principale donnant sur la terrasse (sortie de secours) 250 $

q) Tuyauterie de la toilette surélevée et boutons fixés aux robinets 225 $

r) Installation d'une rampe dans le garage 150 $

TOTAL 10 184 $

6. Paul et Barb ont versé le montant de ces dépenses supplémentaires à Ehrenburg Homes Ltd. en 1996.

7. Dans sa déclaration de revenu de 1996, Barb a demandé la déduction de ces dépenses à titre de frais médicaux visés au paragraphe 118.2(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu (Canada).

8. Revenu Canada a refusé de reconnaître ces dépenses à titre de frais médicaux, étant donné que les coûts des modifications apportées aux plans d'une habitation avant que celle-ci soit construite ne peuvent être considérés comme des frais médicaux visés à l'alinéa 118.2(2)l.2).

9. Des dépenses s'élevant à 61 $, dont la déduction a été demandée à titre de frais médicaux, n'ont pas été prouvées par remise de reçus au ministre.

10. Des dépenses s'élevant à 10 184 $, dont la déduction a été demandée à titre de frais médicaux, correspondaient aux dépenses supplémentaires engagées en vue de la construction d'une nouvelle résidence de l'appelante pour permettre au conjoint de celle-ci d'y avoir accès en fauteuil roulant.

[3] Les arguments que l'avocat de l'appelante a présentés à la Cour dans sa plaidoirie ont par ailleurs été résumés dans une communication écrite, dont je reproduis ci-dessous les passages pertinents :

[TRADUCTION]

5.                     L'article 118.2 de la Loi prévoit qu'un particulier, dans le calcul de l'impôt payable pour une année d'imposition, peut déduire un crédit d'impôt pour frais médicaux. Les frais médicaux sont énumérés au paragraphe 118.2(2). L'alinéa 118.2(2)l.2) indique que les frais médicaux comprennent les sommes payées :

pour les frais raisonnables afférents à des rénovations ou transformations apportées à l'habitation du particulier, de son conjoint ou d'une personne à charge visée à l'alinéa a) — ne jouissant pas d'un développement physique normal ou ayant un handicap moteur grave et prolongé — pour lui permettre d'avoir accès à son habitation, de s'y déplacer ou d'y accomplir les tâches de la vie quotidienne;

6.                     Paul Gustafson a un handicap moteur grave et prolongé. En 1996, sa conjointe Barb Gustafson et lui ont conclu avec un constructeur d'habitations une entente prévoyant que ce dernier concevrait et construirait une habitation qui serait plus facile d'accès pour Paul et qui permettrait à celui-ci de s'y déplacer ou d'y accomplir les tâches de la vie quotidienne plus aisément. Ces modifications ont coûté 10 184 $ à Paul et Barb, montant que l'appelante a déclaré au titre des frais médicaux dans sa déclaration de revenu de 1996. Le ministre a refusé de considérer ces dépenses comme des frais médicaux, étant donné qu'elles avaient été engagées en vue de la construction d'une nouvelle maison et qu'elles ne constituaient donc pas des dépenses visées à l'alinéa 118.2(2)l.2).

7. Nous soutenons que le ministre se trompe en estimant que le mot « existant » est sous-entendu à l'alinéa 118.2(2)l.2), de façon à limiter les dépenses qui seraient par ailleurs raisonnables à celles qui sont engagées pour rénover ou transformer une habitation existante. Les dépenses engagées dans le cadre des rénovations ou transformations apportées à l'habitation du particulier pour lui permettre d'avoir accès à son habitation, de s'y déplacer ou d'y accomplir les tâches de la vie quotidienne devraient être des dépenses admissibles pour l'application de l'alinéa 118.2(2)l.2), qu'elles aient été engagées ou non pour la construction d'une nouvelle maison ou pour la modification d'une maison existante.

A.                   Règle du sens ordinaire

8. Dans l'ouvrage intitulé Driedger on the Construction of Statutes, 3e éd., Toronto : Butterworths, 1994, l'auteur discute de l'application de la règle du sens ordinaire (à la page 7) :

[TRADUCTION]

La règle du sens ordinaire, telle qu'elle est interprétée et appliquée par les tribunaux de nos jours, est constituée des propositions suivantes :

1.                     On présume que le sens ordinaire d'un texte législatif est le sens visé par le législateur ou le sens le plus approprié. S'il n'y a pas de raison de rejeter le sens ordinaire, celui-ci prévaut.

2.                     Même si le sens ordinaire d'un texte législatif semble clair, les tribunaux doivent examiner les buts et l'intention de la loi, ainsi que les conséquences découlant de l'adoption de ce sens. Ils doivent prendre en considération tous les indices pertinents quant au sens du texte législatif.

3.                     À la lumière de ces facteurs additionnels, le tribunal peut adopter une interprétation par laquelle il modifie ou rejette le sens ordinaire. L'interprétation retenue doit toutefois être plausible, c'est-à-dire que les mots doivent raisonnablement pouvoir supporter une telle interprétation.

9.                     L'auteur déclare en outre ce qui suit, à la page 9 :

Le sens ordinaire des mots est un fait sur lequel les tribunaux ne peuvent exercer qu'un contrôle limité. En tant qu'interprètes officiels, les tribunaux ont le pouvoir d'arrêter le sens que le législateur voulait donner aux mots ou le sens juridiquement correct des mots, mais ils ne peuvent fixer les conventions et les pratiques desquelles dépend le sens ordinaire. Celles-ci existent indépendamment des personnes qui les utilisent; par définition, elles dépendent de la compréhension commune d'un grand nombre d'usagers. Dans une certaine mesure, le sens dérivé des conventions linguistiques est objectif et susceptible de constituer une contrainte s'exerçant sur l'interprétation des lois.

10.                  Dans l'affaire Vantyghem c. Canada, [1998] A.C.I. n ° 1103, le juge Rip, de la C.C.I., a examiné le sens objectif des mots « rénovations ou transformations apportées à l'habitation » . Au paragraphe 13, le juge Rip déclarait ceci :

[...] une modification apportée à un logement peut comprendre un très large éventail de changements en autant qu'aucune modification substantielle n'est apportée au logement. L'emploi du mot « modification » , un mot d'une très vaste portée, dans les Renseignements supplémentaires sur le budget et la note technique implique que les mots « transformations » et « rénovations » employés à l'alinéa 118.2(2)l.2) doivent recevoir une interprétation très libérale.

11.                  Le juge Rip déclare en outre ce qui suit, au paragraphe 15 :

Pris dans son sens ordinaire, le mot « transformations » semblerait comprendre presque toutes sortes de modifications. Ainsi, le verbe « transformer » semble assez large pour comprendre des installations. En outre, le fait que les mots « transformations » et « rénovations » soient utilisés d'un manière disjonctive à l'alinéa 118.2(2)l.2) incite à les interpréter de manière à ce que ni l'un ni l'autre ne soit superflu. [...] Il est tout à fait raisonnable de donner au mot « transformations » un sens qui s'étend à d'autres modifications que celles qui sont comprises dans le mot « rénovations » . Une installation peut être une « transformation » qui n'est pas simplement une « rénovation » .

12. Le paragraphe 56 du Bulletin d'interprétation IT-519R se lit comme suit :

Dans le cas d'un particulier qui ne jouit pas d'un développement physique normal ou qui a une déficience motrice grave ou prolongée [...], les frais raisonnables relatifs à des rénovations ou à des transformations apportées à son habitation sont admissibles à titre de frais médicaux en vertu de l'alinéa 118.2(2)l.2). Pour être admissibles, ces frais doivent avoir été payés pour permettre au particulier d'avoir accès à l'habitation ou de se déplacer à l'intérieur et d'y être plus autonome. Les frais compris dans cette catégorie sont les frais raisonnables et nécessaires pour des modifications structurelles à la résidence, tels que les suivants :

a)                    l'achat et l'installation de rampes intérieures ou extérieures, lorsque des escaliers empêchent la mobilité de la personne handicapée;

b) l'agrandissement des couloirs et des portes, pour permettre à la personne handicapée d'accéder aux différentes pièces de l'habitation;

c) l'abaissement des comptoirs de la cuisine ou de la salle de bain pour permettre à la personne handicapée d'y avoir accès.

Les types de modifications structurelles qui peuvent être admissibles ne sont pas restreints aux exemples donnés ci-dessus. Les « frais raisonnables » reliés à une modification structurelle donnée peuvent comprendre des sommes versées à un architecte ou à un entrepreneur.

13.                  Nous soutenons que l'emploi objectif des mots « rénovations ou transformations apportées à l'habitation » est suffisamment large pour viser les modifications apportées aux plans de l'habitation avant la construction de celle-ci. Comme il en est fait mention dans le bulletin d'interprétation susmentionné, les « frais raisonnables » peuvent comprendre des sommes versées à un architecte ou à un entrepreneur. Il est par conséquent raisonnable d'inférer qu'un contribuable supposerait que les frais raisonnables relatifs à des rénovations ou des transformations apportées à une habitation en construction ne sont pas, aux termes de l'alinéa 118.2(2)l.2), exclus des dépenses admissibles.

14.                  Nous soutenons qu'il ne serait pas raisonnable d'interpréter l'alinéa 118.2(2)l.2) de façon à créer une distinction illusoire entre les personnes ayant un handicap moteur qui apportent des transformations pendant la construction d'une habitation et ceux qui apportent des transformations à une habitation existante. Nous soutenons en outre qu'il ne serait pas raisonnable de donner à l'alinéa 118.2(2)l.2) une interprétation selon laquelle les coûts des transformations apportées à une habitation en construction ne constituent pas des frais médicaux déductibles alors que les coûts des mêmes transformations apportées après que l'habitation eut été construite constitueraient des frais médicaux déductibles. L'accent devrait plutôt être mis sur la question de savoir si les rénovations ou transformations ont été effectuées pour « permettre [au particulier] d'avoir accès à son habitation, de s'y déplacer ou d'y accomplir les tâches de la vie quotidienne » .

[4] L'avocat de l'intimée a soutenu que le libellé de la loi était clair et que les frais devaient se rapporter à des rénovations ou des transformations apportées à une habitation, c'est-à-dire, selon la seule interprétation possible, à une structure déjà existante qui est utilisée par la personne, ou son conjoint, à des fins résidentielles; les frais admissibles ne peuvent donc pas inclure les dépenses engagées par suite de la révision des plans et dessins d'une habitation qui en est à l'étape de la conception, même si les modifications sont ensuite réellement incorporées dans la nouvelle résidence qui est construite.

[5] La disposition pertinente de la Loi, l'alinéa 118.2(2)l.2), indique le type de frais médicaux dont la déduction est demandée par l'appelante, et se lit comme suit :

l.2) pour les frais raisonnables afférents à des rénovations ou transformations apportées à l'habitation du particulier, de son conjoint ou d'une personne à charge visée à l'alinéa a) – ne jouissant pas d'un développement physique normal ou ayant un handicap moteur grave et prolongé – pour lui permettre d'avoir accès à son habitation, de s'y déplacer ou d'y accomplir les tâches de la vie quotidienne.

[6] La version anglaise de cette disposition se lit comme suit :

l.2) for reasonable expenses relating to renovations or alterations to a dwelling of the patient who lacks normal physical development or has a severe and prolonged mobility impairment, to enable the patient to gain access to, or to be mobile or functionnal within, the dwelling.

[7] Comme il en a déjà été fait mention dans le cadre des arguments présentés par l'avocat de l'appelante, le juge Rip, de la Cour canadienne de l'impôt, a examiné cette disposition dans l'affaire Vantyghem, précitée. Considérant la nature de la disposition pertinente de la Loi par rapport au contexte global des dispositions portant sur les frais médicaux en général, le juge Rip déclarait ce qui suit au paragraphe 19 des motifs de son jugement :

Les dispositions de la Loi portant sur les frais médicaux et les crédits d'impôt pour personnes handicapées doivent recevoir l'interprétation la plus juste et la plus libérale qui soit compatible avec la réalisation de leur objet et l'intention du législateur lorsqu'il les a adoptées [Voir la note 3 ci-dessous]. Tout texte « s'interprète de la manière la plus équitable et la plus large qui soit compatible avec la réalisation de son objet » . [Voir la note 4 ci-dessous] Dans les cas où il n'est pas déraisonnable, selon les circonstances de l'affaire, de conclure qu'une somme payée par un contribuable représente des frais médicaux, le tribunal doit examiner si la somme ainsi payée se qualifie comme des frais médicaux aux termes du paragraphe 118.2(2) de la Loi.

Note 3 : Voir Radage v. R., 96 D.T.C. 1615 (C.C.I.) et Noseworthy v. R., 96 D.T.C. 3235 (C.C.I.).

Note 4 : La Loi d'interprétation, L.R.C. ch. I-21, art. 12.

[8] Dans l'affaire Robert C. Johnston v. Her Majesty the Queen (A-347-97 et A-348-97), 98 DTC 6169, la Cour d'appel fédérale souscrivait aux remarques faites par le juge Bowman, de la Cour canadienne de l'impôt, dans Radage v. R., [1996] 3 C.T.C. 2510, à la page 2528 :

L'intention du législateur semble être d'accorder un modeste allégement fiscal à ceux et celles qui entrent dans une catégorie relativement restreinte de personnes limitées de façon marquée par une déficience mentale ou physique. L'intention n'est pas d'accorder le crédit à quiconque a une déficience ni de dresser un obstacle impossible à surmonter pour presque toutes les personnes handicapées. On reconnaît manifestement que certaines personnes ayant une déficience ont besoin d'un tel allégement fiscal, et l'intention est que cette disposition profite à de telles personnes.

[9] Dans l'affaire Johnston, précitée, le juge Létourneau déclarait ce qui suit à la page 6171 :

En effet, même si elles ne s'appliquent qu'aux personnes gravement limitées par une déficience, ces dispositions ne doivent pas recevoir une interprétation trop restrictive qui nuirait à l'intention du législateur, voire irait à l'encontre de celle-ci.

[10] Manifestement, le juge Rip, dans l'affaire Vantyghem, précitée, devait décider si l'installation d'une cuve thermale dans une habitation existante pouvait être visée par le mot « rénovations » pris dans son sens ordinaire. Le juge a conclu par l'affirmative. Dans l'appel qui nous intéresse, aucune maison ou habitation n'existait, et les dépenses engagées résultaient des modifications apportées aux plans de la maison que les Gustafson avaient l'intention de se faire construire, modifications qui devaient permettre à Paul Gustafson d'avoir plus facilement accès à sa maison et d'y accomplir les tâches de la vie quotidienne avec plus de facilité. Il est évidemment moins coûteux d'apporter les modifications nécessaires aux plans avant la construction de la maison, puisque les résultats escomptés sont ainsi plus facilement atteints, que d'apporter des transformations à une structure déjà existante. Il n'est pas nécessaire d'être un expert en la matière pour savoir que le coût des rénovations et des transformations qui sont apportées à une habitation existante, en vue d'atteindre un objectif précis, est toujours plus élevé – deux ou trois fois plus élevé, peut-être même plus – que le coût résultant de l'inclusion de ces modifications dans les plans initiaux puis de la construction de l'habitation conformément à ces nouveaux plans.

[11] Bien que les arguments de l'avocat de l'appelante soient fondés au plan pratique, je ne vois pas comment je pourrais m'éloigner du sens ordinaire des mots employés dans la disposition en cause. Il appert que l'intention du législateur est d'accorder une forme d'allégement fiscal pour ce qui est de certaines dépenses relatives aux rénovations et aux transformations qui sont apportées à une habitation, ce dernier mot pouvant uniquement, à mon avis, renvoyer à un bâtiment, une résidence, une maison, une demeure, un endroit ou une habitation existant déjà. On ne peut transformer ou modifier une chose – sans changer la chose elle-même – que si cette chose existe. On ne peut rénover (au sens d' « améliorer » ou de « restaurer » ) un objet que si celui-ci existait préalablement et revêtait une forme qui est maintenant sur le point de subir une modification importante. Seuls sont admissibles les frais qui se rapportent à une « habitation » , c'est-à-dire une maison ou un lieu de résidence. Les mots « rénovation » et « transformation » sont définis comme suit :

Rénovation n.f. [...] 2. Remise à neuf. = modernisation. 1. restauration. Rénovation d'une salle de spectacles, d'un hôtel. Travaux de rénovation. Rénovation d'un vieux quartier, d'un immeuble insalubre. = réhabilitation. CONTR. Décadence

Transformation n.f. – 1375; lat. transformatio 1. Action de transformer, opération par laquelle on transforme.

[Dictionnaire Le nouveau petit Robert]

[12] On peut uniquement transformer quelque chose qui a une forme. On peut donc « transformer » – par anticipation – le plan ou le dessin d'une unité de logement pour s'assurer que le bâtiment permettra d'atteindre le but visé par la disposition législative, mais ce genre d'activité, et toute dépense qui en résulte, n'est pas visé par la disposition. Il appert que le législateur n'a jamais eu l'intention d'inclure ces dépenses dans les frais médicaux admissibles aux termes de l'alinéa 118.2(2)l.2). À la lumière des faits établis en l'espèce, le législateur devrait peut-être apporter des modifications législatives en vue de reconnaître le lien, en ce qui a trait à la rentabilité et au caractère raisonnable, entre les ajouts, les installations et les modifications se rapportant à une résidence qui en est au stade de projet, plutôt que de simplement approuver certaines dépenses engagées après la construction de la résidence. De toute évidence, le législateur visait la situation habituelle où les particuliers ou leurs conjoints deviennent handicapés alors qu'ils vivent déjà dans une maison et où, en raison de cette déficience nouvelle, des rénovations ou des transformations doivent être apportées à l'habitation. Indépendamment des considérations d'ordre fiscal, ce n'aurait pas été très malin de la part des Gustafson d'entreprendre la construction de leur nouvelle résidence tout en sachant qu'elle ne leur conviendrait pas, c'est-à-dire qu'elle ne pourrait satisfaire les besoins particuliers du conjoint de l'appelante, puis, tout de suite après l'achèvement des travaux, d'apporter les modifications nécessaires pour permettre au conjoint non seulement d'avoir accès à sa résidence, mais encore de s'y déplacer et d'y accomplir les tâches de la vie quotidienne dans la mesure du possible, compte tenu des restrictions imposées par sa déficience. Si l'on se reporte aux dispositions pertinentes du paragraphe 118.2(2) de la Loi, le niveau de précision de plusieurs des alinéas a) à q) est anormalement élevé. Il appert que le législateur cherchait précisément à reconnaître certaines dépenses qui ont été engagées pour des raisons particulières, dans des circonstances particulières. Le législateur est allé jusqu'à reconnaître comme frais médicaux – à l'alinéa k) – les frais payés pour de l'extrait hépatique injectable ou des vitamines B12, mais uniquement lorsque l'extrait ou les vitamines ont été obtenus sur ordonnance d'un médecin en vue du traitement d'une maladie particulière, soit l'anémie pernicieuse – par opposition à l'anémie ordinaire.

[13] La jurisprudence ne permet pas aux juges de modifier les dispositions actuelles de la Loi de l'impôt sur le revenu, ni de rédiger de nouvelles dispositions pour les insérer dans la Loi, en vue d'atteindre un résultat qui, dans un cas particulier, serait juste; c'est ce que je ferais en l'espèce si je donnais gain de cause à l'appelante.

[14] L'appel est rejeté.

Signé à Sidney (Colombie-Britannique) ce 30e jour d'avril 1999.

« D. W. Rowe »

J.S.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 14e jour de février 2000.

Benoît Charron, réviseur

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