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Date: 19981016

Dossier: 97-2694-IT-I

ENTRE :

JOHN DAVID COOPER,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Bowie, C.C.I.

[1] Les appels portent sur de nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu (la Loi) pour les années d'imposition 1991, 1992, 1993 et 1994. Le litige porte sur trois questions. La première est de savoir si certains montants ont été à juste titre inclus dans le calcul de la perte déductible au titre d'un placement d'entreprise (PDTPE) à laquelle l'appelant a, de l'aveu de tous, droit pour l'année 1991. La deuxième concerne l'imposition d'une pénalité en application du paragraphe 163(2) de la Loi. La troisième question se rapporte au droit du ministre du Revenu national (le ministre) d'établir une nouvelle cotisation relativement aux années d'imposition 1991 et 1992 de l'appelant, malgré le fait que plus de trois ans se soient écoulés depuis l'établissement des cotisations initiales visant ces années. Les nouvelles cotisations touchant les années 1992, 1993 et 1994 portaient uniquement, par suite de la réduction de la PDTPE de l'année 1991, sur la réduction des pertes de 1991 reportées prospectivement.

Les faits

[2] L'appelant et son ami et associé, M. Locke, ont décidé de se lancer en affaires ensemble en 1987; ils ont entrepris de fournir divers produits à des points de vente. Leur ligne de produits comprenait des articles de toilette de toutes sortes, mais l'entreprise comptait principalement sur la vente d'appareils électriques, tels des séchoirs à cheveux, qu'ils achetaient de fournisseurs orientaux. L'entreprise avait besoin de capitaux d'exploitation importants, étant donné qu'elle devait payer la marchandise avant que celle-ci ne lui soit livrée. Les deux associés ont donc cherché à obtenir une marge de crédit; la Banque Nationale du Canada (la banque) leur en a consenti une de 300 000 $. L'entreprise a été constituée sous le nom de Cooper Locke Group Inc. (CLGI). C'est à cette compagnie que la banque avait consenti la marge de crédit, après avoir toutefois exigé des garanties des associés et de leurs conjointes, notamment une garantie hypothécaire sur leurs résidences. Chacune de ces personnes a fourni une garantie d'une valeur de 250 000 $. L'appelant et sa conjointe ont consenti à la banque une hypothèque accessoire de 250 000 $, tandis que M. Locke et sa conjointe en consentaient une de 100 000 $. Par acte distinct (l'entente de répartition), les Cooper et les Locke avaient convenu que, si la banque obligeait un couple ou l'autre à honorer les obligations découlant des garanties, les montants qui devaient être payés aux termes des garanties seraient partagés également entre eux, tout comme les dettes de la CLGI.

[3] Pour des raisons qui ne sont pas pertinentes en l'espèce, l'entreprise n'a pas été une réussite. La dette envers la banque s'est à un moment donné élevée à 600 000 $. En avril 1991, alors que la dette s'élevait à 314 273,66 $, la banque en a exigé le remboursement, mettant ainsi fin à tout espoir de sauver l'entreprise. Pour s'assurer que tous les créanciers soient payés, MM. Cooper et Locke ont persévéré dans l'effort, mais, en bout de ligne, ils ont tous deux été forcés de vendre leur maison pour satisfaire la banque qui avait décidé de se faire rembourser en exécutant les garanties. Je suis convaincu que l'appelant ne disposait d'aucune autre source de fonds qui lui aurait permis d'honorer les obligations découlant des garanties, et qu'il a vendu sa maison uniquement après qu'il lui eut paru évident que la banque l'aurait fait s'il ne l'avait pas lui-même vendue.

[4] Peu après la constitution en société de la CLGI, l'appelant et M. Locke, qui en étaient les seuls actionnaires et administrateurs, ont adopté en leur qualité d'administrateurs une résolution prévoyant que la compagnie indemniserait les deux hommes ainsi que leurs conjointes pour ce qui est des garanties qu'ils avaient fournies. Les dispositions importantes de cette résolution se lisent comme suit :

[TRADUCTION]

PAR CONSÉQUENT, IL EST RÉSOLU QUE :

En contrepartie des garanties qu'ils ont fournies, la société est par les présentes autorisée à s'engager envers les garants des manières suivantes :

la société convient de rembourser aux garants tous les frais qu'ils ont engagés au titre des garanties;

la société convient d'indemniser les garants, et de les dégager de toute responsabilité, pour ce qui est de toutes réclamations, dettes ou pertes relatives aux garanties, notamment celles qui résultent du fait que les garants ont été tenus d'honorer les obligations découlant des garanties;

si l'un ou plusieurs des garants étaient dans l'obligation de payer un montant quelconque quant à la garantie, la société reconnaît que ces garants auraient le droit – jusqu'à concurrence du montant qu'ils ont payé – d'être cessionnaires du prêt, comme s'ils avaient été parties à l'entente initiale; pour l'application de la présente disposition, les montants payables par la société aux garants – notamment ceux qui sont payables en application de l'alinéa a) ou b) ci-dessus – sont réputés des paiements effectués par les garants.

[5] L'appelant prétend que, par application de la résolution précitée, la CLGI a contracté envers lui une dette correspondant au montant qu'il était tenu de verser à la banque aux termes de la garantie qu'il avait fournie, ainsi qu'à tous les frais accessoires découlant de la vente de la résidence familiale et de l'achat d'une maison de rechange.

[6] La maison de l'appelant a été vendue 633 000 $. De cette somme, l'appelant a remis 213 949,18 $ à la banque pour honorer les obligations découlant des garanties, ainsi qu'une somme de 29 342,80 $ en acquittement d'un prêt personnel ayant servi à l'achat d'une automobile. Le montant que l'appelant a versé à la banque aux termes de la garantie qu'il avait fournie était supérieur au montant versé par M. Locke en acquittement de la dette de la CLGI; ce dernier devait donc verser à l'appelant, selon l'entente de répartition que les deux associés avaient conclue, la somme de 48 463,50 $. M. Locke lui a remis cette somme en deux versements de 40 800 $ et 7 663,50 $ (tous deux effectués en 1991). La mention « paiement de répartition » aux présents motifs vise le total de ces deux montants. Après la vente de leur maison, les Cooper devaient se trouver un nouveau domicile; ils ont donc acheté une maison moins dispendieuse. Entre la vente de la première maison et l'achat de la nouvelle, il s'est écoulé une semaine, durant laquelle la famille Cooper a vécu à l'hôtel. Autant dans la déclaration de revenu de l'appelant de 1991 qu'au procès, il y a eu une certaine confusion quant au montant des dépenses entraînées par la vente de la maison, l'achat de l'autre maison et le relogement de la famille. Je conclus que ces montants ont été consignés avec exactitude dans la pièce déposée sous la cote R-8, qui se lit comme suit :

[TRADUCTION]

Commission de courtage sur la vente 37 252,05 $

Frais de gestion de la banque 85,00

Frais juridiques 2 460,11

Droits de cession immobilière sur l'achat 4 432,94

Hébergement temporaire 585,17

Frais de déménagement 6 242,38

Frais d'installation (électricité, téléphone, etc.) 1 835,19

Total 52 892,84 $

Lorsque je me reporterai à ce montant, je parlerai des frais de relogement.

[7] Comme il en avait l'habitude, l'appelant a fait préparer sa déclaration de revenu de l'année 1991 par son comptable, un certain M. MacDonald. Ce dernier s'est rendu compte que l'appelant avait droit de déduire une PDTPE, mais il ne se considérait pas assez compétent pour en calculer le montant. Il a donc confié le calcul au comptable de la CLGI, M. Brian McGee, un comptable agréé qui se disait spécialiste des questions fiscales. Ce dernier était d'avis que juridiquement, en raison de la résolution prévoyant l'indemnisation des administrateurs, le montant versé à la banque (après défalcation du paiement de répartition) et les frais de relogement constituaient une dette de la CLGI envers l'appelant. Il a déclaré dans son témoignage qu'il avait porté une inscription dans les registres de la compagnie pour refléter cela. C'est donc sur cette base qu'il a calculé le montant de la perte au titre d'un placement d'entreprise, d'après les chiffres que l'appelant lui avait donnés au téléphone. Ce calcul, devenu la pièce A-5 pour les fins du procès, est intégralement reproduit ci-dessous.

[TRADUCTION]

Pièce A-5

Dave Cooper

État des pertes

Cooper Locke Group Inc.

Actions ordinaires 100

Montant versé à la Banque Nationale 213 904

Montant reçu de M. Locke (selon l'entente de répartition) 40 000 173 904

Frais de gestion 235

Répartition entre M. Locke et M. Cooper

Montant payé par M. Cooper 173,90

Montant payé par M. Locke 156,97 16 927

/2

(8 463,50)

Frais juridiques 3 410,11

Frais de disposition

Bien immeuble 37 252

Hébergement temporaire 786

Déménagement 6 542

Cession immobilière 4 432

Frais d'installation et autres 1 197

50 209,39

219 395

[8] Le 30 avril 1992 ou vers cette date, M. McGee a communiqué ces renseignements à M. MacDonald au téléphone et, à la demande de ce dernier, il lui a également fait parvenir une copie de la pièce A-5, par télécopie, le même jour. M. MacDonald l'a à son tour insérée dans la déclaration générale T-1 qu'il avait préparée avant de la faire signer par l'appelant.

[9] Le calcul de la PDTPE effectué par M. McGee contenait un certain nombre d'erreurs. Les montants consignés au titre du versement à la banque, des frais de gestion bancaires, des frais juridiques, des frais de déménagement, des frais d'installation de l'électricité et des frais relatifs à l'hébergement temporaire étaient tous inexacts. Parmi les montants composant la perte d'entreprise, un montant de 100 $ a été décrit comme représentant les frais d'acquisition des actions, le solde étant simplement désigné comme « prêt des actionnaires » . On ne retrouve aucune indication du fait que la dette résultait de l'application de la résolution des administrateurs, de la garantie, et des frais de relogement. La déclaration, préparée par les comptables et signée par l'appelant, a été produite au cours de la dernière semaine d'avril 1992. Elle a apparemment été préparée avec une certaine hâte et un certain manque d'application.

Cotisation – vérification – nouvelle cotisation

[10] On a établi une cotisation à l'égard de l'année d'imposition 1991 de l'appelant au motif qu'il avait droit à une déduction relativement à la PDTPE qu'il avait indiquée dans sa déclaration. En septembre 1994 toutefois, Revenu Canada a procédé à une vérification de sa déclaration de 1991, apparemment par suite d'une vérification touchant la CLIG. La vérificatrice, Mme Nadine Clarke, a communiqué à plusieurs reprises avec l'appelant et MM. MacDonald et McGee en vue d'obtenir des pièces justificatives à l'égard de la PDTPE en question. Dans sa déposition, M. McGee a déclaré qu'il avait envoyé par télécopie à Mme Clarke la pièce A-5, où figurait le calcul ayant permis de déterminer la PDTPE; il semble que Mme Clarke n'ait pas reçu cette télécopie. Elle a toutefois bel et bien reçu de l'appelant une copie du rapport que l'avocat de ce dernier lui avait envoyé à la suite de la conclusion de la vente de sa maison. C'est à la lecture de ce document que Mme Clarke a pris connaissance du fait que la Banque Nationale du Canada avait reçu deux paiements distincts, versés sur le produit de la vente, soit un paiement de 213 949,18 $ aux termes de la garantie de prêt et un paiement de 29 342,80 $ en acquittement du solde du prêt personnel qui avait été consenti à l'appelant.

[11] À la suite des conversations qu'elle a eues avec les deux comptables et l'appelant, et après examen du rapport de l'avocat, Mme Clarke a apparemment cru, erronément, que la PDTPE déduite par l'appelant dans sa déclaration de revenu était constituée du montant de 213 949,18 $ susmentionné et d'autres prêts des actionnaires totalisant 5 490 $, à l'égard desquels elle n'avait reçu aucune pièce justificative. Elle n'avait assurément pas connaissance de l'existence du paiement de répartition effectué par M. Locke, bien que ce montant eût été soustrait dans le calcul du montant déduit par l'appelant. Mme Clarke a donc voulu établir à l'égard de l'année d'imposition 1991 de l'appelant une nouvelle cotisation fondée sur une perte d'entreprise totalisant 213 949 $, ce qui aurait donné lieu à une PDTPE de 160 462 $. Personne n'avait suggéré à ce moment-là d'imposer une pénalité à l'appelant. Ce dernier, sur les conseils de M. McGee, a convenu qu'il accepterait une nouvelle cotisation établie sur cette base, au lieu de continuer à contester le montant relativement petit qui aurait été déduit de la perte qu'il aurait pu reporter prospectivement. La nouvelle cotisation a été établie le 27 février 1995, sur la base proposée par Mme Clarke.

[12] En novembre 1995, Revenu Canada examinait de nouveau la déclaration de l'appelant de 1991. Dans le cadre d'une vérification de la déclaration de M. Locke, Mme Barbara Schofield avait eu connaissance du paiement de répartition qui avait été effectué par ce dernier en faveur de l'appelant. En examinant le dossier de l'appelant, elle a conclu - ce qui se comprend - que ce dernier avait omis de tenir compte de ce paiement dans le calcul du montant qu'il cherchait à déduire, et qu'il n'en avait pas fait mention à Mme Clarke lors de la vérification effectuée par celle-ci. Mme Clarke n'avait pas tenu compte de ce paiement en effectuant les rajustements lorsqu'elle avait établi une nouvelle cotisation à l'égard de l'appelant en février de la même année.

[13] Dans une lettre qu'elle faisait parvenir à l'appelant le 3 novembre 1995, Mme Schofield indiquait qu'elle avait l'intention d'établir à son égard une nouvelle cotisation qui aurait pour effet de réduire sa perte au titre d'un placement d'entreprise de 48 463 $, réduisant par le fait même sa PDTPE de 36 347,25 $. Ces changements auraient aussi pour effet de réduire les montants reportés prospectivement à des exercices ultérieurs; l'appelant se verrait en outre imposer une pénalité en application du paragraphe 163(2) de la Loi. Après avoir reçu cette lettre, l'appelant a consulté M. McGee. Ce dernier a rédigé une réponse qui a été signée par l'appelant puis envoyée à Mme Schofield le 2 décembre 1995. Le deuxième paragraphe de cette lettre se lit comme suit :

[TRADUCTION]

Les montants reçus de M. Locke ont été portés en réduction du montant de mes pertes relatives à Cooper Locke Group Inc. Ces pertes remontant à plusieurs années, il m'est aujourd'hui impossible de retrouver toute la documentation originale à l'appui de ma déduction. Les avocats m'ont toutefois fourni certains documents, notamment une directive portant sur les fonds versés à la Banque Nationale du Canada (la banque) sur leur compte en fiducie, en acquittement du prêt. Les 243 291,98 $ qui ont été remboursés à la banque, plus les autres sommes que la compagnie me devait, moins les sommes que M. Locke m'a versées, représentaient ma perte de 213 949 $.

L'affirmation ci-dessus selon laquelle la déduction initiale avait été diminuée en fonction des paiements effectués par M. Locke est exacte; toutefois, l'assertion portant que le versement de 243 291,98 $ à la banque, moins les sommes versées par M. Locke, plus « les autres sommes que la compagnie me devait » , représentaient une perte de 213 949 $ est inexacte. En fait, la lettre aurait dû indiquer que la perte totale de 219 395 $ déduite par l'appelant dans sa déclaration de revenu de 1991 était constituée du paiement de 213 949,18 $ à la banque, moins les 48 463,50 $ que M. Locke lui avait remis, plus les frais de relogement ainsi que les 100 $ qui avaient été payés pour ses actions.

[14] Mme Schofield a répondu à cette lettre le 13 décembre 1995. Comme on pouvait s'y attendre, elle avait toujours l'impression que l'appelant avait inclus le montant du remboursement de son prêt personnel dans sa déduction au titre de la perte d'entreprise, et qu'il n'avait pas porté les montants que M. Locke lui avait versés en réduction de cette perte. Encore une fois, Mme Schofield se proposait d'établir la même nouvelle cotisation et d'imposer la même pénalité.

[15] M. McGee a répondu à cette lettre pour le compte de l'appelant. Bien que sa réponse occupe deux pleines pages, M. McGee fait uniquement une timide allusion aux commissions de courtage, aux frais juridiques et aux frais de déménagement, qui représentaient 53 854 $ sur le montant de la perte déduite. Ces éléments figuraient toutefois dans une annexe[1] qui avait été établie par l'adjoint de M. McGee; c'était la première fois que l'on indiquait à Revenu Canada le véritable fondement de la PDTPE. Indifférente à cette lettre, Mme Schofield a établi la nouvelle cotisation sur la même base que celle qu'elle avait mentionnée dans sa lettre du 3 novembre 1995. On avait en outre imposé une pénalité de 2 932,87 $. Des avis de nouvelle cotisation relatifs aux années 1991, 1992, 1993 et 1994 ont été envoyés à l'appelant par la poste le 9 mai 1996. Les avis de cotisation initiaux étaient datés du 23 juin 1992 et du 6 mai 1993 respectivement pour les années d'imposition 1991 et 1992.

Analyse

[16] Comme je l'ai mentionné au départ, le litige porte sur trois questions. Quel est le montant de la PDTPE que l'appelant a le droit de déduire? L'appelant est-il assujetti au paiement de la pénalité qui a été imposée? Le ministre avait-il le droit, en mai 1996, d'établir une nouvelle cotisation à l'égard des années d'imposition 1991 et 1992 de l'appelant, soit plus de trois ans après la date à laquelle ont été établies les cotisations initiales à l'égard de ces années?

[17] Les dispositions pertinentes de la Loi se lisent comme suit :

Montant de la PDTPE

38 Pour l'application de la présente loi :

[...]

c) la perte déductible au titre d'un placement d'entreprise d'un contribuable, pour une année d'imposition, résultant de la disposition d'un bien est égale aux ¾ de la perte au titre d'un placement d'entreprise que ce contribuable a subie, pour l'année, à la disposition du bien.

39(1) Pour l'application de la présente loi :

[...]

c) une perte au titre d'un placement d'entreprise subie par un contribuable, pour une année d'imposition, résultant de la disposition d'un bien quelconque s'entend de l'excédent éventuel de la perte en capital que le contribuable a subie pour l'année résultant d'une disposition, après 1977 :

soit à laquelle le paragraphe 50(1) s'applique,

soit en faveur d'une personne avec laquelle il n'avait aucun lien de dépendance,

d'un bien qui est :

soit une action du capital-actions d'une société exploitant une petite entreprise,

(iv) soit une créance du contribuable sur une société privée sous contrôle canadien (sauf une créance, si le contribuable est une société, sur une société avec laquelle il a un lien de dépendance) qui est :

une société exploitant une petite entreprise,

un failli, au sens du paragraphe 128(3), qui était une société exploitant une petite entreprise au moment où il est devenu un failli pour la dernière fois,

une personne morale visée à l'article 6 de la Loi sur les liquidations qui était insolvable, au sens de cette loi, et qui était une société exploitant une petite entreprise au moment où une ordonnance de mise en liquidation a été rendue à son égard aux termes de cette loi,

sur le total des montants suivants :

[...]

39(12) Pour l'application de l'alinéa (1)c), dans le cas où, aux termes d'une entente de garantie de dette, un contribuable paie à une personne avec laquelle il n'a aucun lien de dépendance un montant au titre de la dette d'une société qui est une société exploitant une petite entreprise au moment où la dette est contractée et à un moment donné au cours des 12 mois précédant le moment où un montant devient payable pour la première fois par le contribuable aux termes de l'entente au titre d'une dette de la société, la partie du montant que la société doit au contribuable est réputée être une créance de celui-ci sur une société exploitant une petite entreprise.

50(1) Pour l'application de la présente sous-section, lorsque, selon le cas :

un contribuable établit qu'une créance qui lui est due à la fin d'une année d'imposition (autre qu'une créance qui lui serait due du fait de la disposition d'un bien à usage personnel) s'est révélée être au cours de l'année une créance irrécouvrable;

[...]

le contribuable est réputé avoir disposé de la créance ou de l'action à la fin de l'année pour un produit nul et l'avoir acquise de nouveau immédiatement après à un coût nul.

Pénalité

163(2) Toute personne qui, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde dans l'exercice d'une obligation prévue à la présente loi ou à son règlement, fait un faux énoncé ou une omission dans une déclaration, un formulaire, un certificat, un état ou une réponse – appelé « déclaration » au présent article – rempli, produit ou présenté, selon le cas, pour une année d'imposition conformément à la présente loi ou à son règlement, ou y participe, y consent, ou y acquiesce est passible d'une pénalité égale [à] [...]

163(3) Dans tout appel interjeté, en vertu de la présente loi, au sujet d'une pénalité imposée par le ministre en vertu du présent article, le ministre a la charge d'établir les faits qui justifient l'imposition de la pénalité.

Nouvelle cotisation de 1996

152(4) Sous réserve du paragraphe (5), le ministre peut, à un moment donné, fixer l'impôt pour une année d'imposition, ainsi que les intérêts ou pénalités payables en vertu de la présente partie par un contribuable, ou donner avis par écrit, à toute personne qui a produit une déclaration de revenu pour une année d'imposition, qu'aucun impôt n'est payable pour l'année, et peut, selon les circonstances, établir des nouvelles cotisations, des cotisations supplémentaires ou des cotisations concernant l'impôt, les intérêts ou les pénalités en vertu de la présente partie :

a) à un moment donné, si le contribuable ou la personne produisant la déclaration :

(i) soit a fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire, ou a commis quelque fraude en produisant la déclaration ou en fournissant quelque renseignement sous le régime de la présente loi [...]

Montant de la PDTPE

[18] Le droit de l'appelant à la déduction d'une PDTPE dans l'année d'imposition 1991 n'est pas contesté. C'est le montant de la PDTPE qui est mis en doute. Plus particulièrement, la question est de savoir si l'appelant avait le droit d'inclure les frais de relogement dans la PDTPE. La réponse à cette question dépend de la réponse à une autre question, à savoir si ces frais constituent, en raison de la résolution d'indemnisation, une dette payable par la CLGI à l'appelant. Cette résolution prévoit l'indemnisation complète des garants en ce qui concerne :

[TRADUCTION]

[...] toutes réclamations, dettes ou pertes quant aux garanties, notamment celles qui résultent du fait que les garants ont été tenus d'honorer les obligations découlant des garanties; [...]

(Les italiques sont de moi.)

[19] À mon avis, les frais de relogement constituent une perte résultant de l'obligation que l'appelant avait contractée aux termes de la garantie hypothécaire. Il est très clair que, n'eût été la garantie, on n'aurait pas forcé l'appelant à vendre sa résidence familiale, et celui-ci ne l'aurait pas fait. L'achat d'une maison moins dispendieuse était une conséquence directe et inévitable de la vente de la maison hypothéquée. Comme le déclarait le juge Dickson (tel était alors son titre) dans l'arrêt Nowegijick c. La Reine[2] :

[...] Parmi toutes les expressions qui servent à exprimer un lien quelconque entre deux sujets connexes, c’est probablement l’expression « quant à » qui est la plus large.

L'expression a assurément, dans la résolution d'indemnisation, un sens suffisamment étendu pour viser la vente de la maison de l'appelant, ainsi que l'achat d'une maison de rechange. C'était l'avis des deux actionnaires et de leur comptable. Dans son témoignage, M. McGee a déclaré qu'il avait fait les écritures nécessaires dans les registres de la compagnie pour que cette dette envers l'appelant apparaisse au compte des prêts des actionnaires. Le fait que la compagnie avait cessé d'exercer ses activités à la fin de 1991 et qu'elle était alors dans l'incapacité de satisfaire à ses obligations n'est pas contesté.

[20] Cela ne résout toutefois pas entièrement la question du montant de la PDTPE. Le calcul initial de M. McGee, qui avait servi à l'établissement de la déduction réclamée par l'appelant dans sa déclaration de revenu, était inexact à plusieurs égards. Le montant des frais de relogement avait été, comme je l'ai conclu plus tôt, surévalué. Il a été établi lors du procès que le montant était de 52 892,84 $ et non de 54 809,32 $, alors que M. McGee a utilisé ce dernier montant pour calculer la déduction. La PDTPE à laquelle l'appelant a droit doit par conséquent être calculée comme suit :

100 actions à un dollar chacune 100 $

montant payé à la banque 213 949,18 $

(moins montant remis par M. Locke) 48 463,50 165 485,68

frais de relogement 52 892,84

total 218 478,52

PDTPE = 0,75 x 218 478,52 $ = 163 858,89 $

Cela représente 689,11 $ de moins que le montant que l'appelant cherchait à déduire.

Pénalité

[21] En l'espèce, le fondement de l'imposition de la pénalité par le ministre est énoncé de façon détaillée dans l'une des hypothèses de ce dernier figurant dans la réponse à l'avis d'appel. Je cite cette hypothèse intégralement :

[TRADUCTION]

22 z) en omettant de déduire le montant qu'il a reçu de M. Locke - 48 463,50 $ - dans le calcul de sa PTPE de l'année d'imposition 1991, comme il en est fait mention ci-dessus au présent paragraphe, l'appelant a sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde dans l'exercice d'une obligation prévue à la Loi fait un faux énoncé ou une omission dans sa déclaration de revenu de 1991, ou y a participé, y a consenti ou y a acquiescé; de ce fait, l'impôt qui aurait été payable aux termes de la cotisation établie d'après les renseignements que l'appelant a fournis dans la déclaration de revenu qu'il a produite à l'égard de cette année était inférieur à l'impôt qui était en réalité payable, la différence étant de 5 865,74 $;

[22] De toute évidence, contrairement à ce que l'intimée soutient, l'appelant n'a pas omis de déduire le montant que M. Locke lui avait remis dans le calcul de sa PDTPE. La pénalité qui avait été imposée à l'appelant ne saurait donc être maintenue.

Nouvelle cotisation de 1996

[23] Le ministre aura le droit, plus de trois ans après l'établissement des cotisations initiales, d'établir une nouvelle cotisation à l'égard des années d'imposition 1991 et 1992 de l'appelant si ce dernier a fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire, ou a commis quelque fraude en produisant la déclaration ou en fournissant quelque renseignement sous le régime de la Loi. Le montant de la perte au titre d'un placement d'entreprise qui figurait dans la déclaration de revenu de l'appelant était assurément inexact. Cela était dû à la négligence de l'appelant, qui avait apparemment fourni à M. McGee des données inexactes relativement aux dépenses de relogement qui ont été déduites.

[24] Outre l'erreur figurant dans la déclaration de revenu, la lettre que l'appelant avait fait parvenir à Mme Schofield le 2 décembre 1995 renfermait de faux renseignements. J'ai précédemment conclu que l'indication du fondement de la déduction dans cette lettre était inexacte. M. McGee, qui avait rédigé cette lettre, a déclaré en toute franchise au cours de son témoignage qu'il voulait éviter que Mme Schofield découvre le réel fondement de ses calculs aux fins de l'établissement de la PDTPE. S'il s'était un tant soit peu penché sur le contenu de la lettre avant de la signer, l'appelant se serait rendu compte que les renseignements qui y figuraient n'étaient tout simplement pas exacts.

[25] Au moment de la mise à la poste de cette lettre, le délai de trois ans prévu pour l'établissement des nouvelles cotisations était déjà expiré. L'avocat de l'appelant a soutenu que cette lettre ne pouvait par conséquent pas servir de fondement à l'établissement d'une nouvelle cotisation en application du sous-alinéa 152(4)a)(i) de la Loi. Je ne puis accepter ce raisonnement. Une telle interprétation de cette disposition aurait pour effet d'en restreindre la portée, mais la Loi ne renferme pas pareille restriction. Le paragraphe 152(4) a notamment pour objectif d'inciter les contribuables à fournir des renseignements exacts; un tel objectif serait contrecarré si l'on devait retenir l'interprétation restrictive proposée par l'avocat de l'appelant.

[26] Pour ces deux motifs, je conclus que le ministre avait le droit, le 9 mai 1996, d'établir une nouvelle cotisation à l'égard des années d'imposition 1991 et 1992 de l'appelant.

[27] Les appels sont admis. Les nouvelles cotisations sont déférées au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte du fait que l'appelant a droit à une PDTPE d'un montant de 163 858,89 $ pour l'année d'imposition 1991 ainsi qu'au report prospectif approprié pour les années d'imposition 1992, 1993 et 1994. L'appelant n'est pas assujetti au paiement de la pénalité qui avait été imposée.

Frais et dépens

[28] L'appelant ayant essentiellement eu gain de cause dans ses appels, je suis autorisé à lui allouer les frais et dépens conformément à l'article 18.26 de la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt.

[29] L'audition du présent appel a duré une journée entière. Cela est en grande partie attribuable au fait que l'appelant et M. McGee ont délibérément évité de divulguer les faits exacts à Mme Clarke et, par la suite, à Mme Schofield. Comme il l'a lui-même déclaré dans son témoignage, M. McGee n'a pas remis la pièce A-5 à Mme Schofield, étant donné qu'il savait qu'elle refuserait que les frais de relogement soient inclus dans la perte déduite. Je doute fortement, pour cette raison, de la véracité de sa déclaration portant qu'il avait télécopié ce document à Mme Clarke. Il a déclaré dans son témoignage qu'il avait été délibérément vague dans ses explications, espérant ainsi s'en tirer, avec un peu de chance. Une telle déclaration pouvait uniquement signifier que les vérificateurs ne découvriraient pas les vrais faits, parce qu’il savait que Mme Schofield, tout au moins, était en désaccord sur son interprétation. Il va sans dire qu'une telle attitude n'est pas digne d'un conseiller professionnel. Ce qui est plus important en l'espèce, c'est qu'à cause de cette attitude, ce qui aurait dû être un simple débat sur la question de savoir si les frais

de relogement avaient à juste titre été inclus dans la déduction s'est trouvé être une audience qui a duré une journée entière, dont la majeure partie a été consacrée à la détermination des véritables faits. Des frais et dépens sont alloués à l'appelant; toutefois, les honoraires d'avocat sont limités à une demi-journée d'audience.

Signé à Ottawa, Canada, ce 16ejour d'octobre 1998.

« E. A. Bowie »

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 18e jour de mai 1999.

Mario Lagacé, réviseur



[1]               Pièce R-8, précitée.

[2]               [1983] 1 R.C.S. 29, à la page 39.

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