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Date: 20000302

Dossier: 98-2438-GST-I

ENTRE :

897366 ONTARIO LIMITED,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge en chef adjoint Bowman

[1] Il s'agit d'un appel d'une cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d'accise qui a été entendu le 19 janvier 2000. Il était évident que M. Carlile, le propriétaire de l'appelante, n'était pas prêt à l'audience. J'ai donc ajourné l'audience pour un mois afin de lui permettre de rassembler ses éléments de preuve. Je lui ai également vivement conseillé de rencontrer les représentants du ministère du Revenu national dans le but de tenter de voir si un règlement de l'affaire était possible.

[2] L'affaire en est une qui n'aurait pas dû être présentée devant la Cour. Elle ne concerne que le processus mécanique visant à établir les ventes de l'appelante, à calculer la TPS sur ces ventes et à déduire de celle-ci la taxe sur ses achats de biens et de services utilisés dans le cadre de l'entreprise (crédits de taxe sur les intrants).

[3] Le ministre a conclu qu'au cours de la période allant du 1er janvier 1991 au 31 décembre 1995, l'appelante avait déclaré en moins un montant de 45 714,03 $ au titre de la TPS et surestimé ses crédits de taxe sur les intrants (“ CTI ”) de 4 629,90 $. Le ministre a également imposé des pénalités.

[4] Selon l'hypothèse fondamentale, les dépôts bancaires de l'appelante représentaient des ventes. Ces dépôts, de 2 973 846 $, étaient assujettis à certains ajustements auxquels l'appelante ne s'est pas objectée, ce qui a donné lieu à un revenu brut de 2 799 333 $. La TPS, calculée à 7/107 de ce chiffre, équivaut à 183 134 $. Une TPS de 137 240 $ a été déclarée, laissant un déficit de 45 714 $. Si l'on ajoute les CTI non admis de 4 629,90 $, le montant net de taxe que devait payer l'appelante était de 50 343,93 $.

[5] Lorsque la question a été entendue de nouveau le 15 février 2000, l'appelante n'avait pas rencontré un représentant du ministère du Revenu national ni l'avocat de l'intimée. Le matin du procès, M. Carlile a produit un recueil contenant les calculs, faits par l'appelante, du montant de TPS à payer. L'appelante établit le montant de TPS pour la période à 135 346,46 $, soit environ 2 000 $ de moins que le montant déclaré.

[6] Une différence importante entre les chiffres de l'appelante et ceux du ministère ressort des relevés bancaires. Le vérificateur a établi que les dépôts totaux pour la période s'élevaient à 2 973 845,68 $. L'appelante a découvert des écarts, d'un montant de 228 054,06 $, qu'elle a exposés en détail dans son recueil de documents produit sous la cote A-2.

[7] Je suis porté à convenir du fait qu'il puisse, j'insiste puisse, exister des écarts à l'intérieur d'une fourchette dont l'étendue est indéterminée, mais je crois que les problèmes de l'appelante qui ont été exposés devant moi peuvent correspondre aux problèmes de communication qu'elle a eu avec les répartiteurs du ministère du Revenu national. Une certaine partie de la preuve offerte par M. Carlile consistait en des plaintes portant sur la manière dont la vérification a été menée.

[8] Au cours d'appels portant sur la TPS, nous avons un trop souvent des appelants, habituellement non représentés, se présenter devant la Cour avec des boîtes remplies de factures et adopter la position selon laquelle le ministère du Revenu national a été peu coopératif et n'a pas examiné la preuve. Le ministère formule habituellement des allégations semblables au sujet du contribuable et déclare rituellement que le contribuable “ a omis de conserver des livres et des registres suffisants ”. En conséquence, il est demandé à la Cour, en réalité, de procéder à une vérification qui aurait dû être effectuée bien avant que la question se présente devant elle. Ce n'est pas son rôle. Dans les affaires de ce genre, la procédure appropriée est celle énoncée dans l'affaire Merchant c. La Reine, C.C.I., no 95-3729(IT)G, 14 avril 1998, à la page 3 (98 DTC 1734, aux pages 1735 et 1736) :

[7] Lorsqu'il faut établir un grand nombre de documents, comme des factures, on gaspille le temps de la Cour en les présentant en preuve l'un après l'autre. L'approche préconisée dans Wigmore on Evidence (3e éd.), vol. IV, s. 1230, s'impose :

[TRADUCTION]

s. 1230(11) : [...] Lorsqu'il serait uniquement possible d'établir un fait en examinant un grand nombre de documents composés de nombreux états détaillés — comme le solde net résultant des pièces que le trésorier a accumulées au cours de l'année ou les comptes d'un grand livre de banque pour l'année — il est évident qu'il ne serait bien souvent pas question d'appliquer le principe dont il est ici question en exigeant la production d'une masse de documents et d'inscriptions que le jury doit examiner ou qu'il faut lire au jury. Pour plus de commodité, les audiences exigent qu'on permette la présentation d'autres éléments de preuve, sous la forme du témoignage d'une personne compétente qui a examiné la masse de documents et qui expliquera sommairement le résultat net. La légitimité de cette pratique est établie.

[8] Le juge d'appel Wakeling, dans l'arrêt Sunnyside Nursing Home v. Builders Contract Management Ltd. et al., (1990) 75 S.R. 1, à la page 24, (C.A. Sask.), et le juge MacPherson, dans le jugement R. v. Fichter, Kaufmann et al., 37 S.R. 128 (B.R. Sask.), à la page 129, ont cité ce passage en l'approuvant. Je souscris respectueusement à leur avis.

[9] M. Carlile a fourni un résumé dans le recueil produit comme pièce sous la cote A-2, mais sans fondement à l'appui et sans certaines explications, je ne pourrais déterminer à partir de cette pièce que les chiffres de l'appelante sont plus fiables que ceux du ministre. Je ne m'attends pas à ce que des boîtes de factures soient déposées en preuve; toutefois, pour que les longues listes de chiffres de la pièce A-2 aient un certain sens, elles devraient être accompagnées au moins d'une explication de leur signification et de la raison pour laquelle elles diffèrent de celles du ministre.

[10] M. Carlile a soutenu qu'un nombre considérable d'éléments sur lesquels un impôt était perçu consistaient en des transferts faits entre des sociétés étroitement liées. Il a déposé en preuve une lettre signée au nom de 897366 Ontario Limited et de 897367 Ontario Limited portant sur le choix fait quant à des fournitures effectuées entre des personnes morales étroitement liées. Il n'est pas clair pour moi que ces deux personnes morales étaient étroitement liées au sens de l'article 128. La société 897366 était contrôlée par M. Carlile et sa famille. La société 897367 est détenue, à 52 p. 100, par Jeremy Tallboy, une personne non liée et, à 48 p. 100, par M. Carlile et son épouse. En tout état de cause, la preuve ne révèle pas quelles fournitures, s'il y en a eu, ont été effectuées entre ces entités. M. Carlile a indiqué dans son témoignage que la société 897366 achetait des fournitures d'une valeur de plus de 500 000 $ pour le compte de la société 897367 et était payée par une cession de créances de la société 897367. Il a déclaré qu'il faisait cela parce que Principal Franchising Inc., qui avait repris l'entreprise de la société 897367 lorsque cette dernière avait fait faillite, devait 200 000 $ à l'appelante et qu'il espérait qu'en achetant des fournitures pour la société 897367, celle-ci deviendrait rentable et que Principal Franchising Inc. la vendrait à profit et rembourserait le montant dû à l'appelante.

[11] J'accepte les affirmations de M. Carlile, en elles-mêmes, portant sur les motifs de l'appelante pour agir de cette manière, mais cela ne m'aide pas beaucoup à décider quoi que ce soit quant au montant de taxe que doit payer l'appelante.

[12] Tout ce que je peux faire pour l'appelante est ceci :

1. En calculant les dépôts bancaires de l'appelante qui prouvent les ventes, le vérificateur a autorisé une déduction de 69 000 $ à titre d'avances d'actionnaires. Ce chiffre devrait être de 73 711,77 $.

2. Il devrait y avoir une déduction de 9 990 $, représentant une partie du montant du règlement reçu de Principal Franchising Inc.

3. Des pénalités de 18 524,27 $ et de 12 585,98 $ ont été imposées. La pénalité de 18 524,27 $ semble avoir été imposée en vertu de l'article 280. Cette pénalité est assujettie à une défense de diligence raisonnable, mais selon la preuve, je ne crois pas que l'appelante ait établi une telle défense.

[13] La pénalité de 12 585,98 $ est imposée en vertu de l'article 285. Il faut pour cela qu'une omission ou un faux énoncé dans une déclaration ait été fait sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde. Il incombe à la Couronne d'établir ces éléments, ce qu'elle a complètement omis de faire. Le paragraphe 163(3) de la Loi de l'impôt sur le revenu place expressément le fardeau de preuve sur la Couronne lorsque des appels sont interjetés à l'encontre des pénalités imposées en vertu du paragraphe 163(2). Aucune disposition de la Loi sur la taxe d'accise ne correspond au paragraphe 163(3) pour ce qui est des pénalités imposées en vertu de l'article 285, même si le libellé de l'article 285 est pratiquement identique à celui du paragraphe 163(2). Cela produirait un résultat remarquable si le fardeau de preuve incombait à la Couronne dans un cas et aux contribuables dans l'autre. Dans l'affaire A. Pashovitz v. M.N.R., [1961] C.T.C. 288, 61 DTC 1167, le juge Thurlow a conclu que dans le cadre d'un appel interjeté en vertu de l'ancien article 51A — qui imposait une pénalité pour une personne qui, volontairement, éludait ou tentait d'éluder l'impôt payable — le fardeau de preuve incombait au contribuable parce que la pénalité était “ civile ”. Une telle conclusion est surprenante, même selon les normes en vigueur en 1961. La conclusion du juge Thurlow s'appuie uniquement sur les observations du juge Rand et du juge Kellock dans l'affaireJohnston v. M.N.R., [1948] R.C.S. 486. Cette affaire constitue, bien entendu, l'arrêt de principe en ce qui a trait au fardeau de preuve à l'égard des appels interjetés à l'encontre de cotisations d'impôt. Elle est silencieuse en ce qui a trait au fardeau de preuve lorsque des pénalités sont imposées. Le juge Thurlow a fait observer que la procédure relative aux pénalités est de nature civile, mais il ne pouvait [TRADUCTION] “ voir aucun motif raisonnable pour établir une distinction quant au fardeau de preuve [...] ” [entre les appels interjetés à l'encontre des cotisations d'impôt et ceux interjetés à l'encontre de la cotisation relative à des pénalités]. Bien, je peux voir beaucoup de raisons pour établir une telle distinction. Si quelqu'un m'accuse non seulement de l'acte répréhensible, voire même criminel, que constitue l'évasion fiscale, mais cherche également à me punir pour cet acte, je m'attendrais à ce que mon accusateur fournisse la preuve de l'allégation, peu importe le nombre d'épithètes atténuants, comme “ civil ” ou “ administratif ”, qui peuvent être utilisés pour réduire les conséquences. La sanction pour un comportement malhonnête ou téméraire demeure une sanction. Il en va de même pour une pénalité imposée dans le but de punir la conduite décrite à l'article 285 de la Loi sur la taxe d'accise. Il semble évident que, lorsqu'un gouvernement impose une pénalité à un sujet pour avoir eu un comportement dans lequel l'intention coupable ou la témérité constitue un élément nécessaire, il incombe à ce gouvernement de justifier ses actions.

[14] Mon opinion, selon laquelle, lorsqu'un appel est interjeté à l'encontre d'une pénalité imposée en vertu de l'article 285, il incombe au ministre d'établir les éléments justifiant la pénalité, est appuyée par une décision du juge Rip dans l'affaire Alex Excavating Inc. c. Canada, C.C.I., no 94-2279(GST)I, 19 septembre 1995, aux pages 19 et 20 ([1995] G.S.T.C. 57, à la page 57-13) :

La question de savoir si la Couronne avait la charge d'établir les faits justifiant l'imposition de la pénalité prévue à l'article 285 n'a pas été soulevée au procès. L'avocat de l'intimée a appelé Mme Dickson pour la présentation d'éléments de preuve établissant les faits qui justifient la pénalité. Il a eu raison de le faire.

La Loi sur la taxe d'accise et la Loi de l'impôt sur le revenu ont toutes deux été adoptées dans le but de percevoir des fonds pour l'État canadien. Ce ne sont pas à strictement parler des lois différentes en pareille matière parce que les impôts sont différents. Cependant, l'article 285 de la Loi et le paragraphe 163(2) de la LIR portent sur le même sujet, soit l'imposition d'une pénalité à une personne qui, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde dans l'exercice d'une obligation législative, fait un faux énoncé dans une déclaration à partir de laquelle un impôt est calculé. Les termes de l'article 285 de la Loi et du paragraphe 163(2) de la LIR sont semblables et visent le même méfait5. Je ne peux imaginer que, dans cette situation, le Parlement entendait que le ministre ait la charge d'établir les faits qui justifient une pénalité imposée par la Loi de l'impôt sur le revenu et que ce soit le contribuable qui ait la charge d'établir les faits qui justifient l'annulation de la pénalité prévue dans la Loi sur la taxe d'accise. Il est implicite à l'article 285 que la charge d'établir les faits qui justifient la pénalité imposée en vertu de cet article incombe au ministre6.

(notes en bas de page omises)

[15] Je souscris entièrement et respectueusement aux observations du juge Rip.

[16] Cette position est renforcée par la déclaration du juge d'appel Robertson dans l'affaire Canada c. Consolidated Cdn. Contractors Inc., [1999] 1 C.F. 209 (C.A.F.), aux pages 238 et 239 ([1998] G.S.T.C. 91, à la page 91-16) où il affirme :

[50] À mon avis, l'argument du ministre est réellement double. En premier lieu, il fait valoir que les dispositions susmentionnées traduisent la volonté du législateur d'imposer la responsabilité absolue avec la disposition pénale de l'article 280. Il s'agit là d'une inférence raisonnable dont le ministre peut se servir pour s'acquitter de la charge qui lui incombe de réfuter la présomption de responsabilité stricte; voir Nassau Walnut Investiments, supra, à la page 299. Elle n'est cependant pas déterminante. La raison en est que les articles 285, 323 et 327 se situent sur un autre plan en ce qu'ils font au ministre obligation de prouver que les agissements de l'inscrit tombent sous le coup de ces dispositions. Par contre, la reconnaissance de l'existence implicite du moyen de défense de la diligence raisonnable à l'égard de l'article 280 fait passer à l'inscrit la charge de prouver qu'il a fait raisonnablement diligence pour verser le montant correct de TPS. Il ne résulte pas nécessairement de l'article 323 que du moment qu'une loi prévoit expressément un moyen de défense dans un cas, il n'en est pas question dans les autres cas; voir Nassau Walnut, supra.

(je souligne)

[17] La question de la pénalité n'a pas été approfondie au cours du contre-interrogatoire de M. Carlile, et aucun répartiteur du revenu n'a été cité comme témoin. Les déclarations de l'appelante n'ont même pas été déposées en preuve. M. Carlile m'est apparu comme un homme honnête et consciencieux qui faisait de son mieux pour calculer à l'aide d'un programme d'ordinateur le montant de TPS qu'il devait payer. Le fait qu'il n'ait pu démontrer que ses calculs devaient être préférés à ceux du ministre n'est pas une raison pour doublement le pénaliser. Même si j'étais porté à suivre l'avis du juge Thurlow et à faire reposer le fardeau sur le contribuable, je conclurais que, selon mes observations du témoin, les éléments nécessaires prévus à l'article 285 étaient absents.

[18] Il semble que les répartiteurs de la TPS se soient un peu trop emportés au sujet des pénalités. Jusqu'à ce que la Cour d'appel fédérale les ramène à l'ordre dans l'affaire Consolidated Cdn. Contractors Inc. (précitée), suivant Pillar Oilfield Projects Ltd. c. La Reine, C.C.I., no 93-614(GST)I, 19 novembre 1993 ([1993] G.S.T.C. 49), ils imposaient allégrement et de manière routinière des pénalités sans faute chaque fois que leurs calculs différaient de ceux des contribuables. Il semble qu'ils ont maintenant adopté ce comportement dans le domaine des pénalités imposées en vertu de l'article 285.

[19] Le fait qu'aucune preuve au soutien de l'imposition des pénalités en vertu de l'article 285 n'ait été présentée m'amène à conclure que la Couronne n'en avait pas, que ce soit à l'étape du procès ou de l'établissement de la cotisation. L'imposition des pénalités en vertu de l'article 285 exige un examen sérieux et circonspect par l'administration fiscale du comportement du contribuable afin de déterminer si ce dernier démontre un degré d'intention ou de faute lourde justifiant l'imposition de la pénalité. L'article 285 n'a pas pour but de permettre aux répartiteurs de punir les contribuables pour leur attitude frustrante ou ennuyante. On ne soulignera jamais assez le fait que les pénalités ne peuvent être imposées en vertu de l'article 285 que dans les cas les plus clairs et après un examen approfondi de la preuve.

[20] Dans l'affaire Farm Business Consultants Inc. c. La Reine, C.C.I., no 92-2597(IT)G, 16 septembre 1994 (95 DTC 200) (conf. par. C.A.F., no A-542-94, 18 janvier 1996 (96 DTC 6085)), aux pages 11 et 12 (DTC : aux pages 205 et 206), l'examen suivant du fardeau de preuve civil nécessaire dans le cas de pénalités se dégage :

[...] que le sous-alinéa 152(4)a)(i) a pour objet d'ouvrir les déclarations qui s'appliquent à des années frappées de prescription quand, pour toutes sortes de raisons, les éléments de revenu sont omis ou présentés de façon erronée, alors que le paragraphe 163(2) est une disposition pénale et que, si, au moment de l'appliquer, le type de conduite à laquelle est attribuable la présentation erronée des faits soulève un doute, il faudrait accorder le bénéfice du doute au contribuable. Dans l'affaire Udell v. M.N.R., 70 DTC 6019, le juge Cattanach déclare ce qui suit, à la page 6025 du recueil :

[TRADUCTION]

Il ne fait aucun doute que le paragraphe 56(2) est une disposition de nature pénale. Lorsque l'on interprète une telle disposition, il convient de tenir compte des propos inattaquables de lord Esher dans l'affaire Tuck & Sons v. Priester, (1887) 19 Q.B.C. 629 : lorsque le libellé d'une disposition de nature pénale est susceptible à la fois d'une interprétation qui mènerait à l'imposition de la pénalité prévue, et d'une autre qui n'y mènerait pas, c'est cette dernière qui prévaut. Voici ce qu'il dit à la page 638 :

Il faut interpréter cette disposition avec grand soin car elle mène à l'imposition d'une pénalité. S'il existe une interprétation raisonnable qui permettra d'éviter la pénalité dans une cause particulière, c'est celle-là qu'il faut retenir.

et, ajoute-t-il, à la page 6026 du recueil :

Il est clair selon moi que lorsqu'il est question d'imposer un impôt ou un droit, et plus encore une pénalité, s'il existe un doute raisonnable il faut interpréter la loi de manière à accorder le bénéfice du doute à la partie à qui l'on cherche à imputer le montant en question.

Voir aussi Holley v. M.N.R., 89 DTC 366, à la p. 369; De Graaf v. The Queen, 85 DTC 5280.

Une cour doit faire preuve d'une prudence extrême lorsqu'elle sanctionne l'imposition de pénalités prévues au paragraphe 163(2). Une conduite qui légitime l'établissement d'une nouvelle cotisation à l'égard d'une année frappée de prescription ne justifie pas d'office l'imposition d'une pénalité, et l'imposition systématique de pénalités, par le ministre, est une pratique qui est à déconseiller. Une conduite du genre de celle qui est envisagée au sous-alinéa 152(4)a)(i) peut, dans certaines circonstances, servir aussi de fondement à l'imposition d'une pénalité prévue au paragraphe 163(2), qui implique la pénalisation d'une conduite plus répréhensible. Dans un tel cas, une cour doit, même en appliquant une norme de preuve civile, étudier soigneusement la preuve et chercher un degré de probabilité supérieur à celui auquel on s'attendrait dans les situations où l'on cherche à établir le bien-fondé d'allégations moins sérieuses3. Par ailleurs, quand une pénalité est imposée en vertu du paragraphe 163(2) même si une norme de preuve civile est exigée, lorsque la conduite d'un contribuable cadre avec deux hypothèses viables et raisonnables, l'une qui justifie la pénalité et l'autre pas, il convient d'accorder le bénéfice du doute au contribuable, et de supprimer la pénalité4.

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3Voir Continental Insurance Co. v. Dalton Cartage Co., [1982] 1 R.C.S. 164; 131 D.L.R. (3rd) 559; 25 C.P.C. 72, le juge en chef Laskin, p. 168-171; D.L.R. 562-564; C.P.C. 75-77). Bater v. Bater, [1950] 2 All E.R. 458, p. 459; Pallan et al. v. M.N.R., 90 DTC 1102, p. 1106; W. Tatarchuk Estate v. M.N.R., [1993] 1 C.T.C. 2440, p. 2443.

4 Il ne s'agit pas simplement d'une extrapolation de la règle énoncée dans l'affaire Hodge's Case (1838) 2 Lewin 227; 168 E.R. 1136, qui se rapporte à des questions de nature criminelle comme celle que vise, par exemple, l'article 239 de la Loi de l'impôt sur le revenu, qui requiert une preuve au-delà du doute raisonnable. Il s'agit simplement d'une application du principe selon lequel une pénalité ne peut être imposée que dans les cas où la preuve le justifie clairement. Si cette dernière est compatible avec, à la fois, l'état d'esprit qui justifie une pénalité en vertu du paragraphe 163(2) et l'absence de cet état d'esprit - j'hésite à employer les mots innocence ou culpabilité dans ces circonstances - cela voudrait dire que la Couronne ne s'est pas acquittée du fardeau qui pesait sur ses épaules.

[21] Je considère l'imposition des pénalités en vertu de l'article 285 dans la présente affaire comme totalement injustifiée.

[22] Les pénalités imposées en vertu de l'article 285 sont annulées, et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation afin d'ajuster la taxe selon les présents motifs.

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour de mars 2000.

“ D. G. H. Bowman ”

J.C.A.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 5e jour de septembre 2000.

Benoît Charron, réviseur

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