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Date: 19980424

Dossiers: 96-862-UI; 96-35-CPP; 96-918-UI; 96-38-CPP

ENTRE :

DEBORAH DRUMMOND,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

CALVIN KLEIN COSMETICS (CANADA), DIVISION D'U L CANADA INC.,

intervenante,

ET

ENTRE

CALVIN KLEIN COSMETICS (CANADA), DIVISION D'U L CANADA INC.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

JANICE TAIT,

BETTY DUTKO et

JOCELYNE GALARNEAU TESTA,

intervenantes.

Motifs du jugement

Le juge suppléant Cuddihy, C.C.I.

[1] Ces appels ont été entendus sur preuve commune les 19 et 20 février ainsi que les 30 et 31 mars 1998, à Toronto (Ontario), dans les circonstances décrites aux pages 475 à 490 du volume 2 de la transcription.

I- Les appels

[2] Il s'agit d'appels d'évaluations datées des 23 et 24 juin 1994, aux termes desquelles le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a évalué le montant à payer par Calvin Klein Cosmetics (Canada), division d'U L Canada Inc., (le « payeur » ) au motif que cette dernière avait omis de remettre certaines cotisations d'assurance-chômage et cotisations au Régime de pensions du Canada ainsi que les intérêts s'y rapportant pour les années d'imposition 1992 et 1993 à la suite d'une décision qu'il avait rendue, portant que Deborah Drummond et plusieurs centaines d'autres personnes désignées comme étant les « démonstratrices contractuelles » (les « travailleuses » ) étaient régies par un contrat de louage de services conclu avec le payeur et qu'elles exerçaient donc un emploi assurable et ouvrant droit à pension au sens de la Loi sur l'assurance-chômage et du Régime de pensions du Canada. Le 21 février 1996, par suite du nouvel examen de l'affaire, l'intimé a décidé de confirmer les évaluations.

II- Les faits

[3] En rendant sa décision, le ministre s'est fondé sur les faits et sur les motifs énoncés dans ses réponses aux avis d'appel, aux paragraphes 5 pour ce qui est des appels 96-862(UI) et 96-35(CPP) et aux paragraphes 6 pour ce qui est des appels 96-918(UI) et 96-38(CPP). Aux fins qui nous occupent, il suffit de citer les faits suivants, énoncés dans l'une des réponses :

Deborah Drummond 96-862(UI)

[TRADUCTION]

a) le payeur importe et distribue des parfums et des produits connexes;

b) le payeur vend principalement sa ligne de produits à de grands magasins (les « magasins » );

c) le payeur embauche des démonstratrices pour promouvoir sa ligne de produits dans les magasins (les « travailleuses » );

d) pendant l'année d'imposition 1992, l'appelante travaillait pour le payeur comme démonstratrice contractuelle;

e) les travailleuses, notamment l'appelante, distribuent des échantillons de produit de la ligne de produits du payeur ou des cartes parfumées en vue d'encourager les clients du magasin à acheter les produits du payeur;

f) on a recours aux services des travailleuses pendant les périodes de grande activité promotionnelle (par exemple, à Noël, pour la Fête des Mères, etc.);

g) c'est le payeur qui fixe les dates, les heures et les endroits où ont lieu les démonstrations;

h) les travailleuses sont tenues de fournir leurs services personnellement et ne peuvent engager une personne pour les aider ou les remplacer;

i) les travailleuses ne peuvent faire de démonstrations dans les magasins qu'à l'égard de la ligne de produits du payeur;

j) le payeur organise des séances de formation à l'intention des travailleuses qui s'occupent de sa ligne de produits;

k) la gérante du comptoir des cosmétiques du magasin surveille le rendement des travailleuses;

l) le payeur exerce un contrôle sur les travailleuses;

m) les travailleuses n'ont pas à fournir les installations, le matériel ou les produits nécessaires en vue de la promotion et de la démonstration de la ligne de produits du payeur dans les magasins;

n) le payeur rémunérait les travailleuses à l'égard des heures réelles de travail selon un taux horaire qui, dans les années d'imposition 1992 et 1993, variait de 8 à 13 $;

o) il n'y avait pas de risques de perte ni de chances de bénéfice pour les travailleuses, dans l'exercice de leurs fonctions, à l'égard de la vente des produits du payeur;

p) les tâches accomplies par les travailleuses font partie intégrante de l'entreprise du payeur;

q) dans l'année d'imposition 1992, l'appelante travaillait pour le payeur aux termes d'un contrat de louage de services;

r) le payeur a omis de remettre des cotisations d'assurance-chômage à l'égard des démonstratrices contractuelles, qui sont désignées dans les présentes comme étant les travailleuses.

[4] La travailleuse, Deborah Drummond, maintenant connue sous le nom de Deborah Drummond McNulty dans les appels 96-862(UI) et 96-35(CPP), a admis les allégations figurant aux alinéas a), c) et m). Les allégations figurant aux alinéas b), e), f) et o) ont été admises, des explications supplémentaires devant être données à l'audience. Les allégations figurant aux alinéas d), g) à l), n) et p) à r) ont été niées.

[5] Par l'entremise de son avocat, le payeur a admis les allégations figurant aux alinéas a) et m). Les allégations figurant aux alinéas b), e) et f) ont été admises, des explications supplémentaires devant être données à l'audience. Les allégations figurant aux alinéas c), d), g) à l) et n) à r) ont été niées.

[6] Les intervenantes, Janice Tait, Betty Dutka et Jocelyne Galarneau Testa, dans les appels 96-918(UI) et 96-38(CPP), n'ont pas comparu et n'étaient pas représentées.

Bref résumé de la preuve testimoniale

[7] La travailleuse a décrit les circonstances dans lesquelles elle était devenue démonstratrice contractuelle ainsi que les conditions de travail.

[8] En 1990, la travailleuse était employée permanente des Lignes aériennes Canadien International (CAI). Elle était agente de bord. Sa soeur lui a appris qu'il était possible de travailler comme « démonstratrice contractuelle » pour le payeur. Le 8 novembre 1990, la travailleuse a rencontré la chef de secteur du payeur, Michele Gilbert, pour le déjeuner. Elles ont alors discuté et convenu des conditions de travail et un contrat a été signé (pièce A-1); je le reproduis ici en entier :

[TRADUCTION]

L'entrepreneuse indépendante soussignée offre ses services de démonstratrice de produits, aux conditions suivantes :

1. La démonstratrice se présentera à l'endroit ou aux endroits désignés, mais recevra ses instructions du magasin ou du point de vente où elle fournira ses services et se conformera aux exigences du magasin ou du point de vente.

2. Les frais que la démonstratrice pourra exiger seront fondés sur un taux horaire de 11 $ et seront payables dès que le gérant du point de vente aura confirmé que les services ont été fournis d'une façon satisfaisante et que les heures de travail exigées ont été effectuées.

3. La démonstratrice a le droit d'accepter ou de rejeter tout travail qui lui est offert.

4. La démonstratrice reconnaît que la seule rémunération à laquelle elle a droit correspond aux frais payables aux termes du présent contrat.

La démonstratrice comprend et convient qu'elle seule est responsable du paiement de l'impôt sur le revenu, des cotisations d'assurance-chômage, des cotisations au Régime de pensions du Canada, des cotisations au régime d'indemnisation des victimes d'accidents du travail ou des autres taxes ou avantages.

Fait le 8 novembre 1990

D. Drummond

(DÉMONSTRATRICE)

RENSEIGNEMENTS PERSONNELS —

VEUILLEZ UTILISER DES LETTRES MOULÉES

NOM :Deborah Drummond

ADRESSE :1391, chemin Roylen

ACCEPTÉ PAR : VILLE :Oakville (Ontario) CODE POSTAL :L6H 1V5

M. GILBERT NO DE TÉLÉPHONE:(416) 845-5052

[9] Deborah Drummond McNulty a été entendue à l'appui de son appel. L'agent des appels, George Grabowski, a été entendu pour le compte de l'intimé. Les pièces A-1, I-1 à I-4 et R-1 à R-6 ont été versées au dossier de la Cour.

[10] Le payeur importe et distribue des parfums et des produits connexes. Dans ce cas-ci, on a désigné la ligne de produits du payeur sous le nom de « Calvin Klein » . Ces produits sont vendus à de grands magasins où ils sont exposés au comptoir et revendus aux consommateurs. Le payeur ne possède pas de magasins de détail où les consommateurs peuvent se procurer directement ces produits.

[11] Dans l'exercice de ses fonctions, la démonstratrice contractuelle (soit la travailleuse dans ce cas-ci) devait se tenir soit dans de grands magasins situés dans divers centres commerciaux et dans lesquels le consommateur peut se procurer les produits Calvin Klein, soit à proximité de ces magasins. Ces magasins de détail n'étaient pas liés au payeur.

[12] Dans l'exercice de ses fonctions, la travailleuse devait décider de l'endroit où elle se tiendrait dans le magasin, là où il y avait foule, afin d'aborder les clients éventuels et de les inviter à prendre connaissance des produits du payeur dans l'espoir que, grâce à son intervention, ils achètent un produit Calvin Klein.

[13] La chef de secteur du payeur fournissait tous les mois à la travailleuse une liste des grands magasins et des dates où les ventes et les promotions des produits Calvin Klein allaient avoir lieu.

[14] Les heures ou le nombre de jours de travail n'étaient pas déterminés à l'avance. On attribuait à la travailleuse un nombre variable d'heures qu'elle pouvait effectuer selon son propre horaire. Au début, en novembre 1990, et pendant toute l'année 1991, c'est à l'emploi d'agente de bord, qu'elle exerçait à plein temps, que la travailleuse accordait le plus d'importance; elle fixait les heures auxquelles elle travaillait comme démonstratrice contractuelle en fonction de cet emploi.

[15] En janvier 1992, la travailleuse a temporairement été mise à pied et son employeur (CAI) l'a inscrite sur une liste de rappel qui devait s'appliquer pendant quatre ans. La travailleuse pouvait être rappelée au travail, comme agente de bord, à tout moment au cours des quatre années suivantes.

[16] Étant donné qu'elle prévoyait être libre, la travailleuse a rencontré la nouvelle chef de secteur du payeur, Sandy Nixon, en vue d’obtenir un plus grand nombre d'heures que le nombre effectué au cours des années antérieures. Elles ont verbalement convenu d’un nombre global d'heures, calculé sur une base mensuelle, de beaucoup supérieur au nombre qu'elle pouvait elle-même effectuer. La travailleuse pouvait donc décider du nombre d'heures qu'elle effectuerait ainsi que des magasins ou des centres commerciaux où elle irait et confier les autres heures de travail possible à d'autres démonstratrices contractuelles.

[17] En 1991 et en 1992, et jusqu'au 22 février 1993, la travailleuse était rémunérée pour ses services sur la base d'un taux horaire de 11 $, lequel a finalement été porté à 14 $. Elle fournissait le même genre de services et le contrat (pièce A-1) a continué à s'appliquer.

[18] La travailleuse soumettait son compte relatif aux services fournis en préparant pour le payeur un document (pièce R-2) intitulé : « Rapport des ventes de la démonstratrice » , qui indiquait le jour, la date et le nombre d’heures de travail. La feuille de contrôle des ventes n'était pas toujours remplie. Ce qui importait, c'était que les jours et le nombre d'heures soient initialés par la gérante du comptoir des parfums du magasin. Toutefois, selon la preuve, tout autre employé permanent du magasin pouvait initialer le document et la facture était expressément initialée à l'égard des heures de travail. La travailleuse ne touchait pas de commissions à l'égard des ventes auxquelles pouvait donner lieu le travail qu'elle effectuait dans les magasins. Elle n'était pas autorisée à recevoir de l'argent des clients qui achetaient les produits dans le magasin. Le rapport des ventes de la démonstratrice (pièce R-2) était transmis au payeur et un chèque était émis en faveur de la travailleuse.

[19] Pendant qu'elle travaillait dans le magasin, la travailleuse portait les vêtements qui lui plaisaient. On a reconnu qu'elle portait une épinglette au nom de « Calvin Klein » , ce qui permettait aux employés du magasin et aux clients de l'identifier à titre de représentante de « Calvin Klein » et de la distinguer des autres concurrents. La travailleuse a déclaré qu'elle n'était pas obligée de porter l'épinglette.

[20] La travailleuse a déclaré qu'elle n'était pas supervisée pendant qu'elle travaillait dans les magasins. Elle n'avait pas à rendre compte à qui que ce soit, ni en général ni en particulier. Si elle ne se présentait pas dans un magasin, elle en faisait mention « par politesse » dans le rapport des ventes. La travailleuse décidait des centres commerciaux où elle allait et du nombre d'heures qu'elle passerait dans un endroit particulier. Elle pouvait également décider de changer de secteur, dans un centre commercial, ou de se rendre à un autre centre, selon qu'il y avait foule ou non. Elle pouvait également choisir des magasins situés à proximité de chez elle plutôt que d'autres magasins plus éloignés. Elle a déclaré qu'à son avis, il n'aurait pas été honnête de payer quelqu'un pour prendre sa place à un taux inférieur et de facturer ses services au payeur au taux convenu. Elle ne travaillait jamais le dimanche : c'était elle qui décidait de ses jours et de ses heures de travail. La travailleuse a déclaré qu'il lui était loisible d'accepter ou de refuser tout travail qu'on lui offrait. La preuve montrait également qu'elle pouvait agir comme démonstratrice contractuelle pour des concurrents du payeur et qu'elle l'avait fait, mais elle a ajouté qu'elle en avait informé la chef de secteur du payeur.

[21] La travailleuse ne touchait pas de paie de vacances. En fait, elle prenait sept semaines de vacances à ses frais; elle n’avait pas à demander la permission au payeur. Elle ne touchait pas de salaire pour temps supplémentaire. Elle travaillait à domicile. Elle versait ses propres cotisations au Régime de pensions du Canada. Elle ne touchait aucune indemnité ni aucune allocation à l'égard des autres frais reliés à son travail.

[22] La travailleuse produisait ses déclarations de revenu personnelles dans lesquelles elle déclarait le revenu qu'elle avait tiré d'un travail indépendant ainsi que les frais s'y rapportant (pièce I-2).

[23] Le 22 février 1993, la travailleuse a commencé à travailler à plein temps pour le payeur. Elle a donné des explications au sujet de cette transition, et au sujet des modalités d'embauchage et de paiement et au sujet des nouvelles conditions de travail. Elle avait été affectée au service des comptes débiteurs du payeur. Elle bénéficiait de tous les avantages offerts par l'employeur. Le payeur déduisait de sa rémunération les cotisations d'assurance-chômage et les cotisations au Régime de pensions du Canada. L'appelante devait travailler cinq jours par semaine pendant les heures de bureau régulières. Elle a également rempli un formulaire d'impôt aux fins de l’impôt sur le revenu; elle était rémunérée sur une base régulière.

[24] L'agent des appels, George Grabowski, a expliqué que le 8 mai 1995, il avait envoyé des questionnaires par la poste à un groupe-échantillon de 45 travailleuses et que 17 travailleuses avaient répondu. Aucun questionnaire n'a été envoyé à la travailleuse en cause, Deborah Drummond. Le 9 juin 1995, M. Grabowski a reçu le questionnaire auquel le payeur avait répondu (pièce R-5). Le 9 août 1995, M. Grabowski et la chef de secteur du payeur, Sandy Nixon, ont eu une conversation téléphonique. Ce dernier a également parlé par téléphone à une gérante du comptoir des cosmétiques d'Eaton, à Hamilton (Ontario). À la demande de la Cour, le témoin a produit son rapport sous la cote R-6. Ce rapport est daté du 22 novembre 1995 et a été signé par le chef des appels le 15 février 1996. Le témoin a conclu en particulier, aux pages 10 à 12, que les « démonstratrices contractuelles » étaient dans ce cas-ci régies par un contrat de louage de services.

[25] Le témoin a également été contre-interrogé et réinterrogé et on lui a posé une série de questions par suite des faits que la travailleuse Deborah Drummond McNulty avait exposés à la Cour. Les deux parties ont minutieusement examiné les questions à trancher. Le témoin n'a pas changé d'avis au sujet de la décision qu'il avait prise.

III- Droit applicable et analyse

[26] i) Définitions tirées de la Loi sur l'assurance-chômage.

« emploi » Le fait d'employer ou l'état d'employé.

« emploi assurable »

[27] Le paragraphe 3(1) de la Loi sur l'assurance-chômage prévoit notamment ceci :

3(1) Un emploi assurable est un emploi non compris dans les emplois exclus et qui est, selon le cas :

a) un emploi exercé au Canada pour un ou plusieurs employeurs, en vertu d'un contrat de louage de services ou d'apprentissage exprès ou tacite, écrit ou verbal, que l'employé reçoive sa rémunération de l'employeur ou d'une autre personne et que la rémunération soit calculée soit au temps ou aux pièces, soit en partie au temps et en partie aux pièces, soit de toute autre manière;

[...]

[28] Régime de pensions du Canada, L.R.C. (1985), ch. C-8

2. (1) Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi.

« emploi » L'accomplissement de services aux termes d'un contrat de louage de services ou d'apprentissage, exprès ou tacite, y compris la période d'occupation d'une fonction.

[...]

« employé » Est assimilé à un employé tout fonctionnaire.

« employeur » Personne tenue de verser un traitement, un salaire, ou une autre rémunération pour des services accomplis dans un emploi. Est assimilée à un employeur, dans le cas d'un fonctionnaire, la personne qui lui verse sa rémunération.

[...]

6. (1) Ouvrent droit à pension les emplois suivants :

a) l'emploi au Canada qui n'est pas un emploi excepté;

[29] Afin de déterminer s'il existe un véritable contrat de louage de services, je me reporte aux extraits qui suivent de l'arrêt Wiebe Door Services Ltd. v. M.N.R., 87 DTC 5025, où le juge MacGuigan, de la Cour d'appel fédérale, a déclaré ceci, aux pages 5027 à 5030 :

[Critère de contrôle]

La question de savoir si un contrat est un contrat de louage de services, dont l'objet est de créer une relation commettant-préposé ou des liens d'emploi, ou un contrat d'entreprise liant des entrepreneurs indépendants a été soulevée très souvent dans le domaine de la responsabilité délictuelle, comme le démontre une étude récente du professeur Joseph Eliot Magnet, intitulée Vicarious Liability and the Professional Employee (1978-1979), 6 C.C.L.T. 208, et en droit du travail, comme en fait foi l'analyse sommaire du professeur Michael Bendel dans The dependent contractor: An unnecessary and flawed development in Canadian labour law (1982), 32 U.T.L.J. 374.

En common law, le critère traditionnel qui confirme l'existence d'une relation employeur-employé est le critère du contrôle, que le baron Bramwell a défini dans Regina v. Walker (1858), 27 L.J.M.C. 207, à la page 208 :

[TRADUCTION] À mon sens, la différence entre une relation commettant-préposé et une relation mandant-mandataire est la suivante :— un mandant a le droit d'indiquer au mandataire ce qu'il doit faire, mais le commettant a non seulement ce droit, mais aussi celui de dire comment la chose doit être faite.

Ce critère est tout aussi important aujourd'hui, comme la Cour suprême du Canada l'a indiqué dans l'affaire Hôpital Notre-Dame de l'Espérance et Théoret c. Laurent, [1978] 1 R.C.S. 605, en souscrivant à l'énoncé suivant, à la page 613 : « le critère essentiel destiné à caractériser les rapports de commettant à préposé est le droit de donner des ordres et instructions au préposé sur la manière de remplir son travail » .

Néanmoins, dans Vicarious Liability in the Law of Torts, Londres, Butterworths, 1967, le professeur P. S. Atiyah a affirmé, à la page 41, que [TRADUCTION] « le critère de contrôle établi par le baron Bramwell [...] est d'une simplicité trompeuse qui [...] tend à perdre toute valeur après analyse » . Ce critère a le grave inconvénient de paraître assujetti aux termes exacts du contrat définissant les modalités du travail : si le contrat contient des instructions et des stipulations détaillées, comme c'est chose courante dans les contrats passés avec un entrepreneur indépendant, le contrôle ainsi exercé peut être encore plus rigoureux que s'il résultait d'instructions données au cours du travail, comme c'est l'habitude dans les contrats avec un préposé, mais une application littérale du critère pourrait laisser croire qu'en fait, le contrôle exercé est moins strict. En outre, le critère s'est révélé tout à fait inapplicable pour ce qui est des professionnels et des travailleurs hautement qualifiés, qui possèdent des aptitudes bien supérieures à la capacité de leur employeur à les diriger.

[Critère d'entreprise]

Le premier juriste qui a vraiment tenté de régler ces difficultés a probablement été William O. Douglas (avant sa nomination comme juge), qui a élaboré le critère de l'entreprise dans Vicarious Liability and Administration of Risk I (1928-29), 38 Yale L.J. 584. Dans cet article, il a proposé quatre traits particuliers qui caractérisent l'entreprise : le contrôle, la propriété, les pertes et les bénéfices. C'est essentiellement ce critère que lord Wright a appliqué dans Montreal v. Montreal Locomotive Works Ltd., [1947] 1 D.L.R. 161 (P.C.), (aux pages 169 et 170) :

[TRADUCTION] Dans des jugements antérieurs, on s'appuyait souvent sur un seul critère, comme l'existence ou l'absence de contrôle, pour décider s'il s'agissait d'un rapport de maître à préposé, la plupart du temps lorsque des questions de responsabilité délictuelle de la part du maître ou du supérieur étaient en cause. Dans les situations plus complexes de l'économie moderne, il faut souvent recourir à des critères plus compliqués. Il a été jugé plus convenable dans certains cas d'appliquer un critère qui comprendrait les quatre éléments suivants : (1) le contrôle; (2) la propriété des instruments de travail; (3) la possibilité de profit; (4) le risque de perte. Le contrôle en lui-même n'est pas toujours concluant. Ainsi, le capitaine d'un vaisseau affrété est généralement l'employé de l'armateur, bien que l'affréteur puisse diriger l'embauchage sur le navire. Encore une fois, la loi apporte souvent des limites aux droits de l'employeur de diriger la conduite de l'employé, comme le font les règlements relatifs aux syndicats ouvriers. Dans bien des cas, il faut, pour résoudre la question, examiner l'ensemble des divers éléments qui composent la relation entre les parties. Ainsi, il est dans certains cas possible de décider en posant la question « à qui appartient l'entreprise » , en d'autres mots, en demandant si la partie exploite l'entreprise, c'est-à-dire qu'elle l'exploite pour elle-même ou pour son propre compte et pas seulement pour un supérieur [...]

Dans ce contexte, les quatre critères établis par lord Wright constituent une règle générale, et même universelle, qui nous oblige à « examiner l'ensemble des divers éléments qui composent la relation entre les parties » . Quand il s'est servi de cette règle pour déterminer la nature du lien existant dans l'affaire Montreal Locomotive Works, lord Wright a combiné et intégré les quatre critères afin d'interpréter l'ensemble de la transaction.

[Critère d'organisation]

Dans Stevenson Jordan and Harrison, Ltd. v. Macdonald and Evans, [1952] 1 T.L.R. 101 (C.A.), le lord juge Denning (tel était alors son titre) a établi une règle générale semblable qui est habituellement appelée « critère d'organisation » (quoique, dans le présent litige, la Cour canadienne de l'impôt l'ait appelée « critère d'intégration » ). En voici l'énoncé, à la page 111 :

[TRADUCTION] Une particularité semble se répéter dans la jurisprudence : en vertu d'un contrat de louage de services, une personne est employée en tant que partie d'une entreprise et son travail fait partie intégrante de l'entreprise; alors qu'en vertu d'un contrat d'entreprise, son travail, bien qu'il soit fait pour l'entreprise, n'y est pas intégré mais seulement accessoire.

Le critère d'organisation a été confirmé par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Co-Operators Insurance Association v. Kearney, [1965] R.C.S. 106. En l'espèce, le juge Spence, qui s'exprimait au nom de la Cour, a cité, à la page 112, avec approbation le passage suivant tiré de Fleming, The Law of Torts (2e éd., 1961), aux pages 328 et 329 :

[TRADUCTION] Sous la contrainte de situations nouvelles, les tribunaux se sont rendus de plus en plus compte qu'on étirait la règle traditionnelle [du critère du contrôle] et, dans les décisions les plus récentes, ils ont eu manifestement tendance à la remplacer par une règle qui ressemble à un critère d' « organisation » . Le soi-disant préposé faisait-il partie de l'organisation de son employeur? Est-ce que le lieu et le temps d'exécution du travail faisaient l'objet d'un contrôle de type organisationnel, ou était-ce plutôt la façon de l'exécuter?

Comme M. Bendel l'a souligné (précité, à la page 381), le critère d'organisation est maintenant [TRADUCTION] « bien accepté au Canada » . Dans l'extrait suivant, il en explique l'intérêt (précité, à la page 382) :

[TRADUCTION] Le grand intérêt qui est porté au critère d'organisation en matière de relations de travail tient au fait que l'intégration du travail dans l'entreprise d'un tiers, point essentiel du critère, est un indicateur de dépendance économique très utile. Voici comment (dans une affaire entendue avant l'adoption des modifications législatives concernant les entrepreneurs dépendants en Ontario) la Commission des relations de travail de l'Ontario a expliqué le lien entre intégration et dépendance économique :

Au fond, exploiter une entreprise, c'est offrir à une clientèle divers biens et services au meilleur prix possible, compte tenu des contraintes que la concurrence fait subir à un marché donné. D'après la Commission, il est bien évident qu'une entreprise ne peut prospérer si sa croissance est totalement liée aux opérations d'un certain client. L'indépendance de l'entrepreneur est le facteur principal qui permet de le distinguer de l'employé [...] Dans les cas où le soutien financier du chauffeur est inextricablement lié aux activités de l'intimé, nous croyons qu'il ne peut être considéré comme un entrepreneur indépendant.

[Je souligne.]

[...]

Le professeur Atiyah (précité, aux pages 38 et 39) a fini par adopter le critère énoncé par lord Wright dans l'affaire Montreal Locomotive Works, car il le considère comme un critère plus général que celui de lord Denning qui, à son avis, n'apporte une solution que dans certains cas.

[Analyse]

Je suis porté à me rallier à ce point de vue pour les mêmes raisons. Je considère le critère de lord Wright non pas comme une règle comprenant quatre critères, comme beaucoup l'ont interprété, mais comme un seul critère qui est composé de quatre parties intégrantes et qu'il faut appliquer en insistant toujours sur ce que lord Wright a appelé ci-dessus « l'ensemble des éléments qui entraient dans le cadre des opérations » , et ce, même si je reconnais l'utilité des quatre critères subordonnés.

[Je souligne.]

[...]

De toute évidence, le critère d'organisation énoncé par lord Denning et d'autres juristes donne des résultats tout à fait acceptables s'il est appliqué de la bonne manière, c'est-à-dire quand la question d'organisation ou d'intégration est envisagée du point de vue de l' « employé » et non de celui de l' « employeur » . En effet, il est toujours très facile, en examinant la question du point de vue dominant de la grande entreprise, de présumer que les activités concourantes sont organisées dans le seul but de favoriser l'activité la plus importante. Nous devons nous rappeler que c'est en tenant compte de l'entreprise de l'employé que lord Wright a posé la question « À qui appartient l'entreprise » .

C'est probablement le juge Cooke, dans Market Investigations, Ltd. v. Minister of Social Security, [1968] 3 All E.R. 732 (Q.B.D.), qui, parmi ceux qui ont examiné le problème, en a fait la meilleure synthèse (aux pages 738 et 739) :

[TRADUCTION] Les remarques de LORD WRIGHT, du LORD JUGE DENNING et des juges de la Cour suprême des États-Unis laissent à entendre que le critère fondamental à appliquer est celui-ci: « La personne qui s'est engagée à accomplir ces tâches les accomplit-elle en tant que personne dans les affaires à son compte » . Si la réponse à cette question est affirmative, alors il s'agit d'un contrat d'entreprise. Si la réponse est négative, alors il s'agit d'un contrat de service personnel. Aucune liste exhaustive des éléments qui sont pertinents pour trancher cette question n'a été dressée, peut-être n'est-il pas possible de le faire; on ne peut non plus établir de règles rigides quant à l'importance relative qu'il faudrait attacher à ces divers éléments dans un cas particulier. Tout ce qu'on peut dire, c'est qu'il faudra toujours tenir compte du contrôle même s'il ne peut plus être considéré comme le seul facteur déterminant; et que des facteurs qui peuvent avoir une certaine importance sont des questions comme celles de savoir si celui qui accomplit la tâche fournit son propre outillage, s'il engage lui-même ses aides, quelle est l'étendue de ses risques financiers, jusqu'à quel point il est responsable des mises de fonds et de la gestion, et jusqu'à quel point il peut tirer profit d'une gestion saine dans l'accomplissement de sa tâche. L'utilisation du critère général peut être plus facile dans un cas où la personne qui s'engage à rendre le service le fait dans le cadre d'une affaire déjà établie; mais ce facteur n'est pas déterminant. Une personne qui s'engage à rendre des services à une autre personne peut bien être un entrepreneur indépendant même si elle n'a pas conclu de contrat dans le cadre d'une entreprise qu'elle dirige actuellement.

[Je souligne.]

Quand il doit régler un tel problème, le juge de première instance ne peut se soustraire à l'obligation de peser avec soin tous les facteurs pertinents, comme l'a indiqué le juge Cooke.

[30] Dans l'arrêt Hennick1, Mme le juge Desjardins, de la Cour d'appel fédérale, a réitéré la position de la Cour :

Le critère en question est bien connu, mais il pourrait être utile au départ de mettre l'accent sur le fait que, dans son analyse de la règle comportant quatre critères énoncée par lord Wright (à savoir, le degré de contrôle, la propriété des instruments de travail, les chances de bénéfice, les risques de perte) et sur le critère de l'organisation ou de l'intégration énoncé par lord Denning, le juge MacGuigan, dans l'arrêt Wiebe Door Services Ltd., a souligné qu'il est toujours important de déterminer quelle relation globale les parties entretiennent entre elles. Il a d'abord cité au complet les remarques que lord Wright avait faites dans l'arrêt Montreal v. Montreal Locomotive Works Ltd.2 :

[TRADUCTION] Dans des jugements antérieurs, on s'appuyait souvent sur un seul critère, comme l'existence ou l'absence de contrôle, pour décider s'il s'agissait d'un rapport de maître à préposé, la plupart du temps lorsque des questions de responsabilité délictuelle de la part du maître ou du supérieur étaient en cause. Dans les situations plus complexes de l'économie moderne, il faut souvent recourir à des critères plus compliqués. Il a été jugé plus convenable dans certains cas d'appliquer un critère qui comprendrait les quatre éléments suivants : (1) le contrôle; (2) la propriété des instruments de travail; (3) la possibilité de profit; (4) le risque de perte. Le contrôle en lui-même n'est pas toujours concluant. Ainsi, le capitaine d'un vaisseau affrété est généralement l'employé de l'armateur, bien que l'affréteur puisse diriger l'embauchage sur le navire. Encore une fois, la loi apporte souvent des limites aux droits de l'employeur de diriger la conduite de l'employé, comme le font les règlements relatifs aux syndicats ouvriers. Dans bien des cas, il faut, pour résoudre la question, examiner l'ensemble des divers éléments qui composent la relation entre les parties. Ainsi, il est dans certains cas possible de décider en posant la question « à qui appartient l'entreprise » , en d'autres mots, en demandant si la partie exploite l'entreprise, c'est-à-dire qu'elle l'exploite pour elle-même ou pour son propre compte et pas seulement pour un supérieur.

[C'est le juge qui souligne]

Puis, le juge MacGuigan a ajouté ceci3 :

[...] Je considère le critère de lord Wright non pas comme une règle comprenant quatre critères, comme beaucoup l'ont interprété, mais comme un seul critère qui est composé de quatre parties intégrantes et qu'il faut appliquer en insistant toujours sur ce que lord Wright a appelé ci-dessus « l'ensemble des éléments qui entraient dans le cadre des opérations » , et ce, même si je reconnais l'utilité des quatre critères subordonnés.

[...]

Il est toujours important de déterminer quelle relation globale les parties entretiennent entre elles. [...]

De toute évidence, le critère d'organisation énoncé par lord Denning et d'autres juristes donne des résultats tout à fait acceptables s'il est appliqué de la bonne manière, c'est-à-dire quand la question d'organisation ou d'intégration est envisagée du point de vue de l' « employé » et non de celui de l' « employeur » . En effet, il est toujours très facile, en examinant la question du point de vue dominant de la grande entreprise, de présumer que les activités concourantes sont organisées dans le seul but de favoriser l'activité la plus importante. Nous devons nous rappeler que c'est en tenant compte de l'entreprise de l'employé que lord Wright a posé la question « À qui appartient l'entreprise » .

[C'est moi qui souligne]

[31] En 1997, le juge Décary, de la Cour d'appel fédérale, a également fait les remarques suivantes dans l'arrêt Normand Charbonneau4 :

[...]

Deux observations préliminaires s'imposent.

Les critères énoncés par cette Cour dans Wiebe Door Services Ltd. c. M.R.N.5, à savoir d'une part le degré de contrôle, la propriété des instruments de travail, les chances de bénéfice et les risques de perte et d'autre part l'intégration, ne sont pas les recettes d'une formule magique. Ce sont des points de repère qu'il sera généralement utiles (sic) de considérer, mais pas au point de mettre en péril l'objectif ultime de l'exercice qui est de rechercher la relation globale que les parties entretiennent entre elles. Ce qu'il s'agit, toujours, de déterminer, une fois acquise l'existence d'un véritable contrat, c'est s'il y a, entre les parties, un lien de subordination tel qu'il s'agisse d'un contrat de travail (art. 2085 du Code civil du Québec) ou s'il n'y a pas, plutôt, un degré d'autonomie tel qu'il s'agisse d'un contrat d'entreprise ou de service (art. 2098 dudit Code). [...]

Par ailleurs, s'il est certain que l'appréciation de la nature juridique de relations contractuelles soit affaire d'espèce, il n'en reste pas moins qu'à espèces sensiblement semblables en fait devraient correspondre en droit des jugements sensiblement semblables. Aussi, lorsque cette Cour s'est déjà prononcée sur la nature d'un certain type de contrat, point n'est besoin par la suite de refaire l'exercice dans son entier : à moins que n'apparaissent dans les faits des différences vraiment significatives, le Ministre, puis la Cour canadienne de l'impôt ne devraient pas s'écarter de la solution retenue par cette Cour.

Lorsque le juge de la Cour canadienne de l'impôt a accueilli en l'espèce les appels de l'intimé et conclu que le contrat en était un de travail, il est tombé selon nous dans le piège d'une analyse par trop mathématique des critères de Wiebe Door, ce qui l'a amené à s'écarter à tort de la solution retenue par cette Cour dans Procureur général du Canada c. Rousselle et al6 et maintenue dans Procureur général du Canada c. Vaillancourt7.

[32] Quelle était donc la relation entre les parties dans l'ensemble? Les deux appelantes ont-elles réussi à établir que la travailleuse exploitait sa propre entreprise?

Ouï-dire

[33] J'aimerais parler du ouï-dire, dont il a été question dans l'argumentation. L'article 18.29 de la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt prévoit que l'article 18.15 s'applique, compte tenu des adaptations de circonstance, aux appels interjetés sous le régime des parties IV et VII de la Loi sur l'assurance-emploi.

[34] Le paragraphe 18.15(4) se lit comme suit :

(4) Par dérogation à la loi habilitante, la Cour n'est pas liée par les règles de preuve lors de l'audition d'un appel interjeté en vertu de cette loi et visé à l'article 18; ces appels sont entendus d'une manière informelle et le plus rapidement possible, dans la mesure où les circonstances et l'équité le permettent. L.R. (1985), ch. 51 (4e suppl.), art. 5.

[35] La Cour n'est pas liée par des règles de preuve juridiques ou techniques; l'appel est entendu de la manière la plus informelle possible et le plus rapidement possible, dans la mesure où les circonstances et l'équité le permettent. Cela est impératif.

[36] Il semblerait donc que l'agent des appels qui fait enquête en vertu de la Loi sur l'assurance-chômage soit autorisé à donner des explications au sujet de ce qu'il a fait et des renseignements qu'il a obtenus, étant donné que c'est par suite des renseignements recueillis que le ministre a déterminé si l'emploi était assurable. Toutefois, en l'espèce, la Cour, en appréciant des éléments de preuve qui n'ont pas été présentés sous serment ou qui n'ont pas fait l'objet d'un contre-interrogatoire (soit les deux mesures de protection permettant d'exclure le ouï-dire), doit déterminer la valeur probante que ces éléments de preuve auraient dans la mesure où les circonstances et l'équité le permettent.

Conclusions tirées de l'analyse

[37] L'intimé a déclaré que le payeur était une grosse compagnie qui embauchait et congédiait les démonstratrices engagées à contrat au besoin, que cela n'était pas conforme au but ou à l'esprit de la Loi sur l'assurance-chômage, qu'en fin de compte, ces « démonstratrices contractuelles » étaient en fait des employées du payeur et que la décision de l'intimé devrait être confirmée. La travailleuse et le payeur étaient par contre d'avis que la situation devait être considérée comme ayant donné lieu à un contrat d'entreprise puisque la travailleuse exploitait sa propre entreprise.

[38] La preuve a démontré l'existence d'un contrat véritable; il s'agit de déterminer s'il y a entre les parties un lien de subordination tel qu'il s'agisse d'un contrat de travail ou s'il n'y a pas plutôt un degré d'autonomie tel qu'il s'agisse d'un contrat d'entreprise.

[39] La preuve présentée à l'audience au sujet de l'entente initialement conclue entre les personnes en cause et de la conduite subséquente de leurs affaires est extrêmement importante. Il importe également d'analyser la dépendance mutuelle qui existe entre ces personnes par suite du contrat qu'elles ont conclu entre elles afin de déterminer quelle était la véritable relation intrinsèque.

[40] Le payeur importe et distribue des parfums et des produits connexes. Il ne vend sa ligne de produits qu'à de grands magasins. Il ne possède pas de magasins de détail. Il n'est pas détaillant et il ne vend pas de produits à des clients individuels.

[41] Dans le contrat (pièce A-1), il n'est pas fait mention du payeur. Seule la preuve nous a appris que Michele Brunet était chef de secteur du payeur. Il semblerait donc que c'était le chef de secteur qui décidait en fait à quels moments il faudrait avoir recours aux services de démonstratrices contractuelles et combien il en faudrait, ainsi que des frais qui seraient payés. Cette activité du chef de secteur pouvait varier d'un chef à l'autre. La chef de secteur semblait agir de son propre chef avec l'assentiment implicite du payeur. Aucun élément de preuve ne montrait que le payeur avait autorisé la chef de secteur à embaucher qui que ce soit à titre d’employé. Le contrat était donc le principal document utilisé pour retenir les services de la démonstratrice contractuelle et il faut reconnaître que si le contrat n'était pas signé, aucun travail n'était assigné et aucun montant n'était versé. Par conséquent, en ce qui concerne l'analyse de la preuve, ce contrat de base constituait le fondement sur lequel reposait l'intention des parties et déterminait la relation intrinsèque qui existait entre le payeur et la travailleuse par suite de l'activité de la chef de secteur.

[42] Pour ce qui est de l'analyse du témoignage de la travailleuse et des réponses données par l'intimé au questionnaire (pièce R-5), la travailleuse était employée à forfait, pour un nombre d'heures indéterminé, pour un nombre de jours indéterminé. Elle était rémunérée en fonction du nombre d'heures qu'elle décidait d'effectuer. Si elle effectuait un plus grand nombre d'heures, elle gagnait davantage; si elle en effectuait un moins grand nombre, ou si elle ne se présentait pas au travail, elle n'était pas rémunérée. Elle travaillait là où bon lui semblait. On a reconnu qu'elle travaillait dans des magasins où les produits Calvin Klein étaient vendus, mais elle pouvait aussi travailler pour des concurrents. Le contrat ne l'interdisait pas. La travailleuse fournissait personnellement ses services de démonstratrice contractuelle. Elle n'aurait pas embauché quelqu'un d'autre pour fournir ces services, mais selon le contrat (pièce A-1) et la preuve présentée à l'audience, rien n'empêchait la travailleuse d'embaucher quelqu'un pour l'aider pendant qu'elle travaillait dans un magasin particulier à un moment donné. Cela pouvait réduire son revenu ou le réduirait, mais rien ne montre qu'elle n'aurait pu le faire. C'étaient la chef de secteur ou les magasins qui informaient la travailleuse des périodes pendant lesquelles on faisait la promotion des produits Calvin Klein, mais c'était la travailleuse qui décidait du magasin où elle irait, des heures qu'elle effectuerait et de la façon dont elle s'acquitterait de sa tâche. Les allées et venues de la travailleuse ne semblaient pas être reliées aux activités du payeur. On a reconnu que la démonstratrice contractuelle travaillait pour les magasins qui vendaient le produit et, indirectement, pour le payeur, qui était le fournisseur. Ce travail n'était pas intégré aux activités quotidiennes ou hebdomadaires du payeur, mais ne constituait qu'une activité secondaire. Il ne faisait pas partie des activités d'importation des produits ou de distribution des produits dans les magasins en tant que telles. Il était relié à l'activité promotionnelle périodique à laquelle on se livrait dans certains magasins pendant certaines périodes de pointe de l’année. Le produit était toujours offert dans ces magasins, mais il n'était pas toujours nécessaire d'avoir recours aux services des démonstratrices contractuelles. Selon la preuve, on avait uniquement besoin des démonstratrices contractuelles de façon temporaire et variable. Le nombre d'heures effectuées et facturées au payeur pouvait varier énormément. Il pouvait varier sur une base quotidienne, hebdomadaire, mensuelle ou annuelle. Il y avait probablement des périodes pendant lesquelles il n'était pas du tout nécessaire d'avoir recours aux services des démonstratrices contractuelles. Il ne serait donc pas inhabituel pour la chef de secteur de « sous-traiter » , si je puis employer ce terme, ces services de la façon dont la chose a été expliquée et reconnue par la travailleuse dans ce cas-ci.

[43] La travailleuse pouvait accepter ou refuser le travail qu'on lui offrait. On ne lui accordait pas de paie de vacances ni de congé. En fait, la travailleuse s'absentait quand elle le voulait. Elle versait ses propres cotisations au Régime de pensions du Canada et produisait sa déclaration de revenu à titre de travailleuse autonome (pièce I-2). Ce n'est certainement pas ce qui se passerait s'il existait une relation employeur-employé.

[44] Selon l'ensemble de la preuve, la situation de la travailleuse correspond à celle que le juge Cooke a décrite dans la décision Market Investigations Ltd. v. Minister of Social Security, [1968] 3 All E.R. 732, à la page 739 :

[TRADUCTION]

[...]

Une personne qui s'engage à fournir des services pour le comptpe d’une autre personne peut bien être un entrepreneur indépendant même si elle n'a pas conclu de contrat dans le cadre d'une entreprise existante qu'elle dirige.

[45] La travailleuse ne possédait pas sa propre entreprise. Elle était libre de choisir la façon dont elle exécutait son travail et il n'existait aucun lien de subordination entre le payeur et elle à cet égard. On a reconnu que le payeur faisait parfois savoir à la travailleuse qu'il l'appréciait, mais il n'assurait pas sa formation et il n'évaluait pas son rendement. Le rapport des ventes (pièce R-2) devait indiquer les heures de travail. Tout employé du magasin pouvait initialer le rapport, ce qui constituait une condition pour que la travailleuse soit payée. La travailleuse faisait état des ventes conclues, mais elle n'était pas tenue de rédiger cette partie du rapport si elle n'avait pas le temps de le faire. La travailleuse ne touchait pas de commissions et ne bénéficiait pas d'autres avantages. Ce document ne pouvait donc pas être considéré comme une évaluation du rendement ou un document relatif à la paye; il s'agissait plutôt d'un compte rendu des services fournis. Les frais versés à la travailleuse étaient fondés sur ce document.

[46] On a également reconnu qu'un fournisseur de services comme la travailleuse est tenu d'agir au mieux des intérêts du client, de se conformer à la pratique habituelle et aux règles de l'art et, le cas échéant, de veiller à ce que le service soit fourni conformément au contrat. Ces obligations contractuelles expresses ou implicites n'ont pas pour autant effet de donner naissance à un contrat de louage de services. Comme il en a ci-dessus été fait mention, ces obligations montrent jusqu'à quel point les parties dépendaient l'une de l'autre par suite de la conclusion du contrat.

[47] En outre, l'entente qui a été conclue entre Michele Brunet et la travailleuse en 1990 (pièce A-1) et l'embauchage de la travailleuse par le payeur, le 22 février 1993, tels que la travailleuse les a décrits, permettent de conclure que, dans chaque cas, une situation différente était envisagée. Ces deux situations illustrent les différences entre le contrat d’entreprise qui a été conclu en 1990, 1991 et 1992, et le contrat de louage de services qui a été conclu lorsque la travailleuse est devenue employée du payeur.

[48] L'intimé a soutenu que si Deborah Drummond McNulty était la seule à avoir interjeté appel de la décision du ministre, sur les centaines de démonstratrices contractuelles, c’était parce qu'elle était une employée du payeur, et que la Cour devait donc apprécier son témoignage sous un jour différent.

[49] La preuve montre que l'intimé a avisé la travailleuse de sa décision le 21 février 1996 (pièce R-3) et qu'il l'a invitée à en appeler de la décision si elle n'était pas d'accord. Il ne serait pas inhabituel pour une personne d'interjeter appel lorsqu'on l'invite à le faire, en particulier si elle se trouve dans la même situation que celle de la travailleuse. Le fait que le contribuable exerce son droit d'appel ne devrait jamais donner lieu à une inférence défavorable à l’égard de son témoignage, à moins que d'autres éléments de preuve ne permettent légitimement de le faire. Le fait que d'autres personnes n'ont pas interjeté appel n'est pas un facteur déterminant.

[50] À mon avis, la travailleuse a témoigné d'une façon honnête et sincère et rien ne me permet de ne pas la croire. Son témoignage montre quelle était l'intention des parties lorsqu'elles ont conclu le contrat (pièce A-1). À mon avis, le témoignage de George Grabowski était également sincère et le long contre-interrogatoire auquel ce témoin a été soumis confirmait d'une façon convaincante la position que la travailleuse a prise.

[51] Aucun élément de preuve ne m'a convaincu que les parties au contrat (pièce A-1) aient eu l'intention de faire quelque chose de différent ou n'aient pas respecté, de quelque façon, le but ou l'esprit de la législation applicable en matière d'assurance-chômage. Si l'intimé est de cet avis (ce qui n'a pas été établi), il faudrait envisager de modifier la loi.

[52] La preuve a démontré que la travailleuse jouissait d'une autonomie suffisante pour qu'il soit possible de conclure à l'existence d'un contrat d'entreprise.

[53] Les appelantes ont donc réfuté les principales allégations de l'intimé et ont réussi, selon la prépondérance des probabilités, à démontrer que, le 8 novembre 1990, la travailleuse et le payeur avaient conclu un contrat d'entreprise et que la travailleuse fournissait ses services au payeur pour son propre compte.

Préclusion fondée sur la chose jugée

[54] Cette question a été débattue les 30 et 31 mars 1998.

[55] L'avocat du payeur a produit un nombre suffisant de documents pour que la Cour n'ait pas à décrire longuement ce qui s'est passé au cours des quelques dernières années entre le payeur et l'intimé en ce qui concerne la question des « démonstratrices contractuelles » .

[56] En l'espèce, le payeur a interjeté appel devant cette cour le 17 mai 1996. Le 26 juin 1996, l'intimé et Elizabeth Arden, division d'U L Canada Inc., étaient parties à l'appel 94-620(UI), qui a été entendu à Toronto (Ontario) par le juge St-Onge, de cette cour.

[57] Le 8 juillet 1996, l'appel interjeté par le payeur a été accueilli. Les avocats qui ont plaidé la cause devant le juge St-Onge étaient Richard Nixon, pour le compte de l'appelante, et Judith Sheppard, pour le compte de l'intimé. Dans cet appel, il s'agissait de savoir si une travailleuse, Tony Bergen, travaillait pour le payeur à titre d'employée, ou s'il devait être considéré qu'elle était régie par un contrat d'entreprise. L'intimé n'a pas présenté de demande de contrôle judiciaire devant la Cour d'appel fédérale par suite de ce jugement.

[58] En l'espèce, la Cour a entendu, sur preuve commune, les deux appels auxquels l'intimé, le payeur Calvin Klein, division d'U L Canada Inc., et une travailleuse, Deborah Drummond McNulty, étaient parties. Me Richard Nixon représentait le payeur et Me Judith Sheppard représentait l'intimé. La travailleuse n'était pas représentée. Il s'agissait de savoir si la travailleuse était une employée ou si elle avait conclu un contrat d'entreprise avec le payeur.

[59] Le payeur a produit un recueil de lettres, renfermant trois lettres fort révélatrices qui montrent en particulier que, par suite de la décision définitive rendue par le juge St-Onge à l'égard de la question des « démonstratrices contractuelles » dans l'affaire 94-620(UI) le 8 juillet 1996 et dans une autre affaire, Ferrero Canada Limited, le 12 août 1996, le payeur, par l'entremise de son avocat, voulait rencontrer un représentant de l'intimé afin de discuter de l'affaire, ce qui permettrait peut-être d'éviter un litige.

[60] L'intimé n'a manifesté aucune intention véritable de discuter de l'affaire avec le payeur ou avec l'avocat de ce dernier. Le seul argument invoqué par l'intimé figure dans une lettre rédigée par son avocate et datée du 11 février 1998, dans laquelle cette dernière informait l'avocat du payeur qu’elle avait demandé à son client de ne pas discuter de l'appel à quelque égard que ce soit avec le payeur ou son avocat pendant que l'affaire était en instance devant la Cour canadienne de l'impôt et que toute communication avec l'intimé au sujet d'une affaire faisant l'objet d'un litige devait uniquement être effectuée par l'entremise d'un avocat du ministère de la Justice, que l'intimé et le ministère de la Justice avaient dûment pris en considération les observations qui avaient été présentées lors des appels ainsi que l'avis d'appel qui avait été déposé et qu'ils n'avaient pas changé d'idée. Le payeur a ensuite envoyé une lettre à Susan Cox, directrice intérimaire au ministère de l'intimé, afin de la rencontrer. Mme Cox n'a pas répondu à la lettre.

[61] Si j'ai bien compris, il semble que les parties qui s'étaient présentées devant le juge St-Onge et celles qui se sont présentées devant moi étaient les mêmes. Les avocats étaient les mêmes. Les réponses étaient similaires dans les deux cas; la question des « démonstratrices contractuelles » était la même et le même genre d'entente était en cause. Toutefois, l'entente avait été conclue par deux travailleuses différentes. Le jugement du juge St-Onge liait le ministre et le payeur.

[62] Avec égards, l'intimé ne semble avoir aucun motif réel ou valable de refuser de rencontrer le payeur et son avocat dans des circonstances telles que celles qui sont décrites dans les lettres qui ont été échangées avant l'audition du présent appel. Compte tenu du motif invoqué, à savoir que l'affaire était en instance, dès qu'un appel est interjeté, le contribuable, de son propre chef ou par l'entremise de son représentant ou de son avocat, ne peut plus engager de discussions avec l'intimé à moins que l'avocat du ministère de la Justice n'y consente. Par conséquent, si l'avocat du ministère de la Justice refuse de discuter plus à fond de l'affaire, cela met-il fin à l'affaire? Le contribuable doit-il alors s'adresser à la Cour de l'impôt près de deux ans plus tard afin de savoir si une décision antérieure définitive rendue par cette cour est pertinente? Cela ne nous donnerait-il pas des motifs raisonnables et probables de croire que l'intimé ou ses représentants ne voulaient même pas discuter de la possibilité de se conformer à la décision définitive du juge St-Onge?

[63] Ne conviendrait-il pas, lorsque les avocats ne s'entendent pas, de donner au contribuable la possibilité de rencontrer, avant qu'une procédure ne soit engagée devant une autre instance, un autre avocat du ministère de la Justice ou un avocat indépendant, compte tenu du fait que la décision du juge St-Onge était définitive depuis près de deux ans et que des centaines de contribuables seraient probablement touchés par le résultat de pareille rencontre? Ou s'agit-il plutôt d'un cas dans lequel les intéressés, au sein du ministère intimé ou du ministère de la Justice, attendaient encore que soit prononcée une autre décision au sujet des « démonstratrices contractuelles » ?

[64] On pourrait soutenir que cette cour ne devrait rien dire en pareil cas au sujet de ce qui se passe entre les avocats ou les parties avant l'audience. Je conviens que la Cour n'est pas au courant de tout ce qui se passe ailleurs et que chacun a droit au bénéfice du doute.

[65] Toutefois, avec égards, le système judiciaire n'est pas le seul domaine des juges et des avocats. Il intéresse également les citoyens. Un tribunal ne saurait omettre de tenir compte de ce qu'il entend et de ce qu'il voit et il est tenu d'assurer la bonne marche du processus et de faire des propositions raisonnables qui pourraient s'avérer utiles dans l'avenir. Il faut également se rappeler l'avis de pratique no 10 de la Cour, du 23 juillet 1997, concernant les règlements.

[66] La position prise par l'intimé est difficile à retenir; aucune explication n'a été donnée et aucune explication n'aurait pu être donnée à ce sujet. Il est facile de comprendre la position de l'avocat du payeur, qui se voyait obligé de débattre l'affaire en justice étant donné qu'il ne lui était plus possible d'essayer d'engager des négociations quelconques à la demande de son client. On peut se demander ce à quoi ferait face le contribuable non représenté dans des circonstances similaires.

[67] Devrait-on empêcher le ministre de poursuivre l'affaire?

[68] La requête que le payeur a présentée mérite qu'on s'y arrête. Elle n'a pas été entendue au début de l'audience. La Cour n'était pas au courant des lettres échangées et les parties ont finalement convenu de faire instruire les deux appels devant moi sur preuve commune. Elles ont également convenu que la présente décision s'appliquerait à toutes les autres « démonstratrices contractuelles » du payeur qui étaient désignées dans l'affidavit de l'intimé (pièce R-4).

[69] Compte tenu des remarques que je viens de faire et dans l'espoir de mettre fin à ces affaires, j'ajourne pour une période indéfinie la requête que le payeur a présentée, sous réserve du droit de ce dernier de la poursuivre au besoin.

Dépens

[70] Le paragraphe 104(3) de la Loi sur l'assurance-emploi est la seule disposition qui traite des indemnités de déplacement et autres, dont une indemnité pour manque à gagner.

[71] Comme il en a ci-dessus été fait mention, l'article 18.29 de la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt prévoit que les articles 18.14 et 18.15, le paragraphe 18.18(1), l'article 18.19, le paragraphe 18.22(3) ainsi que les articles 18.23 et 18.24 s'appliquent, compte tenu des adaptations de circonstance, aux appels interjetés sous le régime des parties IV et VII de la Loi sur l'assurance-emploi.

[72] La Loi sur l'assurance-emploi ne fait pas mention des frais à adjuger à l'égard des avocats, des parties ou des représentants.

[73] L'article 20 de la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt permet au comité des règles d'établir les règles concernant la pratique et la procédure devant la Cour et l'alinéa 20(1.1)f) prévoit que le comité des règles peut prendre des règles concernant l'attribution et la réglementation des frais et dépens.

[74] Les articles 10 à 13 inclusivement des Règles de procédure informelle traitent des dépens entre parties.

[75] Aucune disposition des Règles de la Cour qui s'appliquent aux appels interjetés en matière d'assurance-emploi ne traite expressément des frais et dépens. L'article 27 de ces règles prévoit que dans les cas non prévus par les Règles, la Cour détermine la pratique à suivre, en réponse à une demande de directives ou après l'événement si aucune demande n'est présentée.

[76] À mon avis, cette disposition traite de la pratique et de la procédure de la Cour en ce qui concerne la réception ou le rejet de la preuve ou la réglementation de la procédure que la Cour doit suivre à l'audition d'une demande de directives ou après l'événement si aucune demande n'est présentée.

[77] Le comité des règles de cette cour n'a adopté aucune disposition à l'égard des frais et dépens dans les Règles de procédure qui s'appliquent en matière d'assurance-emploi; dans ces conditions, des frais et dépens entre parties ne peuvent être adjugés, même si l'audience est régie par la procédure informelle.

IV- Décision

[78] Les appels sont accueillis. Les décisions du ministre sont infirmées. Les évaluations établies par l'intimé sont annulées. La requête présentée par l'appelante U L Canada Inc. est ajournée pour une période indéfinie. Il n'y a pas d'adjudication de dépens ou de frais.

Signé à Dorval (Québec) ce 24e jour d'avril 1998.

S. Cuddihy

J.S.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 9e jour de novembre 1998.

Philippe Ducharme, réviseur



1            The Attorney General of Canada v. Gayle Hennick and Royal Conservatory of Music (1995), 179 N.R. 315.

2            [1947] 1 D.L.R. 161 (C.P.), aux pages 169 et 170.

3            Wiebe Door Services Ltd. v. M.N.R., aux pages 562 et 563.

4            Attorney General of Canada v. Normand Charbonneau, [1997] 207 N.R. 299.

5            [1986] 3 C.F. 553 (C.A.).

6            (1990),124 N.R. 339 (C.A.F.).

7            Inédit, A-639-91, 14 mai 1992 (C.A.F.).

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