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Date: 19990811

Dossier: 96-3551-IT-I

ENTRE :

RÉAL MICHAUD,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Lamarre Proulx, C.C.I.

[1] Il s'agit d'un appel, selon la procédure informelle, pour les années d'imposition 1991, 1992 et 1993. La question en litige est de savoir si l'appelant exerçait les activités d'une entreprise de location relativement à un condominium acquis au début de l'année 1988.

[2] Les faits sur lesquels le ministre du Revenu national (le “Ministre”) s'est fondé pour établir ses cotisations sont décrits au paragraphe 4 de la Réponse à l'avis d'appel (la “Réponse”) comme suit :

a. depuis 1988, l'appelant a toujours déclaré des pertes de location de son condo selon les revenus et les dépenses suivantes :

ANNÉE

D'IMPOSITION

REVENUS

BRUTS

DÉPENSES

PERTE

NETTE

1988

5 600 $

14 516 $

8 916 $

1989

7 075 $

13 638 $

6 563 $

1990

5 105 $

16 673 $

11 568 $

1991

8 104 $

18 326 $

10 222 $

1992

6 182 $

15 097 $

8 915 $

1993

700 $

2 578 $

1 878 $

1993

PERTE FINALE

30 000 $

b. les revenus bruts sont décroissants depuis l'année d'imposition 1991;

c. les frais fixes étaient plus élevés que les revenus bruts de location;

d. l'intention première de l'appelant lors de l'acquisition du condo était de l'habiter éventuellement lors de sa retraite;

e. l'appelant n'a pas pris les moyens nécessaires pour corriger la situation de façon à rentabiliser le loyer de son condo;

f. l'appelant n'a investi que très peu d'argent personnel puisque l'emprunt hypothécaire totalisait 110 000 $, soit 95 % du coût des actifs;

g. l'appelant n'avait aucune expectative raisonnable de tirer un profit de l'activité de location d'immeubles au cours de l'une ou l'autre des années d'imposition 1991, 1992 et 1993;

h. les dépenses réclamées par l'appelant ne l'ont pas été en vue de tirer un revenu d'un bien ou d'une entreprise, mais constituaient plutôt des frais personnels ou des frais de subsistance pour l'appelant;

i. l'appelant n'a pas démontré qu'il avait encouru des dépenses, en vue de tirer un revenu d'un bien ou d'une entreprise ou de faire produire un revenu à un bien ou une entreprise, pour les années d'imposition 1991, 1992 et 1993;

j. l'appelant n'a pas démontré qu'il a réalisé une perte finale découlant de la vente d'un immeuble utilisé en vue de tirer un revenu de bien ou d'une entreprise ou de faire produire un revenu à un bien ou une entreprise, pour l'année d'imposition 1993.

[3] L'Avis d'appel de l'appelant dit ceci :

LES FAITS

J'étais directeur général d'un centre de réadaptation depuis 1978, et comptable général licencié (C.G.A.) depuis 1972. En 1988, j'ai décidé d'investir dans un projet de 176 unités de “condos” connu sous la raison de “Au Pied du Mont” et situé tout près du Mont Ste-Anne. Après avoir discuté avec M. Pierre Lambert, promoteur et directeur général de l'organisation au “Au Pied du Mont” et vérification des résultats des années antérieures, j'ai décidé d'acheter une villa, considérant que j'avais eu de bons résultats avec la vente d'un autre condo dans le même projet.

Je croyais donc que je faisais une bonne affaire et que cette propriété deviendrait rentable dès la deuxième année considérant que nous prévoyions des locations pour 183 jours à 100 $ et que le point mort se situait entre 14 000 $ et 15 000 $, donc un profit net de trois à quatre milles par année.

Après discussion avec mon gérant de la Caisse Populaire, j'ai signé une promesse d'achat le 10 décembre 1987 pour un montant de 115 000 $. La prise de possession a eu lieu le 11 février 1988 considérant que l'emprunt de 110 000 $ a été accepté.

Au printemps 1989, M. Pierre Lambert abandonna la gérance du complexe “Au Pied du Mont”. À ce moment, je faisais parti du conseil d'administration et nous avons décidé d'engager la firme Gescona pour conseiller les copropriétaires dans l'élaboration d'un plan stratégique de développement visant à apporter au complexe de villégiature les éléments susceptibles de favoriser un développement significatif à court ou à moyen terme.

Le conseil d'administration dont je faisais parti décida de former deux compagnies:

Compagnie de gestion : Son rôle était de s'occuper de l'entretien des bâtiments pour les parties communes, ainsi que les terrains faisant partie du complexe. Le conseil d'administration était composé des présidents des 5 phases plus des représentants de la compagnie de location.

Compagnie de location : Son rôle était de faire la publicité, s'occuper de l'animation, de la location des copropriétés faisant partie de la compagnie et de la gérance quotidienne du complexe en chargeant un certain montant pour les copropriétés ne faisant pas partie de la compagnie de location.

Pour devenir membre de la compagnie de location, il fallait faire une mise de fond de deux milles dollars. Nous avons fait une réunion pour demander aux personnes intéressées de verser le montant requis.

Considérant que le projet pouvait être exploité à longueur d'année.

Considérant que les copropriétaires recevraient que 50 % des recettes de location.

Considérant que la firme Gescona, des consultants d'hôtellerie et services récréatifs, décrivait le site du complexe immobilier comme suit :

Le complexe Au Pied du Mont prend place au coeur d'une région exceptionnelle du point de vue touristique. Il offre une vue intéressante sur la montagne du Mont Ste-Anne et extraordinaire tant par sa dimension que par l'intérêt que lui porte le gouvernement. Situé juste à l'entrée de la très belle région de Charlevoix, à 40 minutes de la ville de Québec et à quelques kilomètres du centre de pèlerinage Ste-Anne-de-Beaupré, il jouit d'un emplacement très enviable géographiquement. De plus, l'Île d'Orléans à l'ouest et le Cap Tourmente à l'est sont des sites qui attirent abondamment les touristes en certaines périodes de l'année.

En donnant une vocation de centre familial ouvert à l'année longue et en poursuivant l'opération déjà en marche axée sur le ski d'hiver tout en développement les saisons calmes, le printemps et l'automne, pour une clientèle corporative et de pèlerins, la firme Gescona conclut que les projections financières, seraient rentables.

Considérant que je connais beaucoup de personnes dans la ville de Québec, la province et le Canada dû au fait que j'ai été président provincial de ma corporation professionnelle, administrateur au niveau du conseil d'administration de C.G.A. Canada et président et membre de différents organismes.

Considérant que je pouvais faire une publicité efficace auprès des personnes que nous connaissions.

Considérant que nous demeurons à trente minutes du complexe.

Considérant que ma femme s'occuperait de l'entretien du condo afin d'économiser sur les frais.

Considérant que nous étions convaincu de rendre cet entreprise rentable dans les deux premières années.

Considérant qu'en mettant de l'énergie, nous réussirions mieux que les autres copropriétaires qui font partie de la compagnie de location.

Par conséquent,

Mon épouse et moi avons décidé de ne pas faire partie de la compagnie de location.

De demeurer membre du conseil d'administration de la compagnie de gestion, étant président de la Phase V du Complexe.

Nous prévoyions avoir des revenus plus élevés que la firme de location, si nous nous occupions de la location nous même. Cette prévision s'est avérée vraie.

Celles de Gescona se sont avérées surévaluées.

À l'automne 1992, il y a eu un changement dans ma carrière, à savoir que mon employeur me mis à la préretraite suite à la réforme du ministère des Services de la Santé et des Services Sociaux.

Suite aux conseils d'un fiscaliste de la maison Samson Bélair j'ai décidé de vendre le condo. La vente a eu lieu au mois de février 1993 pour le montant de 85 000 $ ce prix était la valeur marchande selon les courtiers d'immeubles à ce moment-là.

En conclusion, lorsque j'ai acheté ce condo en 1988, c'était pour le rentabiliser et par le fait même augmenter mon avoir à ma retraite car je prévoyais prendre ma retraite à 62 ans ce qui me donnait seulement 44 % de mon salaire.

Nous l'avons utilisé quelques semaines en 1990 parce que le toit de ma propriété en ville a été brisé par les vents. Les montants que j'ai reçu de mes assurances ont été versés comme revenu du condo “Au Pied du Mont”.

Les autres fois que nous avons couché à ce condo, c'était pour faire le ménage ou le préparer pour la venue des clients.

J'ai cru vraiment faire une bonne affaire, et je n'ai jamais envisagé d'en faire payer une partie par les gouvernements en utilisant des pertes afin de faire baisser mes impôts. Au contraire, si mon plan d'action avait fonctionné, j'en aurais payé plus. Je peux affirmer que toutes les dépenses ont été effectuées en vue de tirer un revenu de cette copropriété.

[4] Les témoins en cette affaire ont été l'appelant, madame Roxanne Nadeau et monsieur Yves Côté. Ces deux derniers ont témoigné à la demande de l'avocat de l'intimée.

[5] J'ai reproduit en totalité l'Avis d'appel parce que lors de son témoignage l'appelant a repris la même version des faits.

[6] Toutefois, cet Avis d'appel omet de dire qu'en 1986, l'appelant, le 19 décembre 1986, avait acquis dans le même complexe un condominium de la catégorie des studios au coût de 56 000 $. Lors de cet achat, le promoteur lui avait aussi fait miroiter le fait que le revenu de location serait élevé et paierait le prix d'achat (pièce A-1). Comme ce ne fut pas le cas, le revenu brut ayant été de 2 634 $ et les pertes locatives s'étant élevé à 6 016 $ pour 10 mois de l'année 1987 (Pièce I-3), l'appelant s'en est plaint auprès du promoteur qui lui aurait alors conseillé de mettre la propriété en vente. Ce qui fut fait. L'appelant a vendu cette propriété à l'automne 1987 par l'intermédiaire du promoteur immobilier pour 20 000 $ de plus que le prix d'achat. En l'année 1987, ainsi qu'on peut le voir sur la pièce I-3, l'appelant a réclamé des pertes locatives de 6 016 $ et a inscrit un gain en capital de 10 306 $. Relativement à cette propriété, l'appelant avait signé une convention de location avec la compagnie de location Au Pied du Mont (pièce A-1).

[7] Peu de temps après, l'appelant acquiert dans le même complexe immobilier une nouvelle propriété plus grande dans la catégorie des villas, au coût de 115 000 $. L'emprunt hypothécaire était au montant de 110 000 $. La promesse d'achat a été signée le 10 décembre 1987 et l'achat est complété le 25 février 1988. (L'Avis d'appel indique une date de prise de possession du 11 février 1988, mais tous les autres documents réfèrent à une date d'achat du 25 février 1988.)

[8] C'est au printemps 1989, selon la chronologie indiquée à l'Avis d'appel, que la firme Gescona aurait été mandatée pour élaborer un plan de développement du projet domiciliaire et locatif Au Pied du Mont. Le rapport a été produit comme pièce A-3. Ce rapport est daté de janvier 1989. Il est de toute façon, postérieur à l'achat de la propriété en question.

[9] Ce rapport constatait les déficiences et les forces du projet Au Pied du Mont et proposait un plan d'amélioration et de gestion. L'appelant tout en étant un des participants au rapport Gescona en tant qu'administrateur d'une des phases du projet soit la phase 5, a choisi de ne pas mettre sa propriété dans le groupe des propriétés à louer par la compagnie de location, compagnie dont le rôle est expliqué dans l'Avis d'appel. Il croyait pouvoir lui-même louer sa propriété 183 jours par année à un prix moyen de 100 $ par jour. Il estimait donc ses revenus annuels à 18 000 $ et ses dépenses à 14 000 $. Il explique que ses prévisions ne se sont pas réalisées parce qu'il y a eu diminution de l'achalandage au Mont Ste-Anne causée notamment par le développement du Mont-Tremblant.

[10] La pièce I-1 est constituée des états de revenus et dépenses locatives pour les années 1988 à 1993. On y voit que les dépenses principales sont les intérêts. Ils sont de 9 062,42 $, 9 883,30 $, 11 666,96 $, 13 123,77 $, 10 099,39 $ et 1 523,77 $. Les intérêts ont augmenté parce que les paiements hypothécaires ont été faits en partie à partir de la marge de crédit de l'appelant. Dans la dernière année, les intérêts courent du 1er janvier au 12 février 1993, date de la vente de la propriété.

[11] Madame Roxanne Nadeau est vérificatrice au bureau de Québec. À la fin février 1995, elle a écrit à l'appelant lui demandant les pièces justificatives et de remplir un questionnaire intitulé Questionnaire sur les biens locatifs. L'appelant est venu la rencontrer le 23 mars 1995. Il avait apporté les pièces justificatives et autres documents mais n'avait pas rempli le questionnaire. Madame Nadeau lui a posé les questions et a rempli pour lui le questionnaire. Elle a relu les réponses à l'appelant et ce dernier a signé la dernière page du questionnaire. Le rapport de la vérificatrice a été déposé comme pièce I-2 et le questionnaire comme pièce A-6. Lors de son témoignage, madame Nadeau a dit qu'elle entendait parler du rapport de Gescona pour la première fois.

[12] Le questionnaire a été déposé par l'appelant dans le but d'expliquer certaines réponses qui paraissent au questionnaire. À la question no 4 : “Dans quel but le bien a-t-il été acheté à l'origine?”; la réponse fut : “10 en faire sa résidence principale à la retraite, prévue en 96.

[13] L'appelant a expliqué lors de son témoignage qu'il s'agissait de buts éventuels et lointains mais que le but premier était de louer à profit la propriété. À la question no 11 : “Si l'unité était disponible pour location, quels efforts avez-vous fait pour trouver des locataires? Décrivez de façon précise la publicité que vous avez faite, en fournissant lorsque possible des documents à l'appui pour les annonces placées, les agences de location utilisées, etc.”; l'appelant a répondu : “téléphone, envoi de lettres, bouche à oreille.”

[14] L'appelant a témoigné qu'il avait fait de la publicité dans les journaux. Il a produit à cet égard la pièce A-4. Cette pièce est constituée d'une carte de visite où paraît la photo du condo et donne l'adresse de l'appelant et de son épouse, de lettres publicitaires, de quelques annonces dans les journaux et d'annonces pour babillards. La pièce A-5 est constituée de la liste des clients de l'appelant. Deux fois par année, l'appelant et sa femme envoyaient de la publicité à ces clients. L'appelant n'utilisait les services d'aucune agence de location.

[15] En 1990, il y a eu un bris à sa résidence principale et l'appelant et sa femme ont occupé le condo pendant trois semaines. L'appelant s'est rendu compte qu'il n'aimerait pas y habiter à l'année longue. Autrement, l'appelant et sa femme n'auraient habité le condo qu'une dizaine de fois quand ils venaient y faire le ménage. Leur résidence principale est située à Giffard, à 20 minutes du Mont Ste-Anne.

[16] Comme mesures de redressement, l'appelant explique qu'il a fait de la publicité et enfin qu'il a mis la propriété en vente.

[17] Monsieur Yves Côté, agent des appels à Revenu Canada, a eu des communications à deux reprises avec l'appelant. Celui-ci ne lui aurait donné pas d'autres motifs d'achat que ceux mentionnés au questionnaire. L'appelant lui aurait expliqué la difficulté de rentabilité parce que la propriété ne se louait que les fins de semaine. L'agent aux appels a confirmé la cotisation parce que les revenus ne couvraient jamais les frais fixes. La grandeur des pertes locatives au montant total de 48 062 $ sur une période de cinq ans, pour une seule propriété, lui paraissait totalement démesurée pour une entreprise de location. Il n'y avait aucun espoir raisonnable de profits.

[18] L'avocat de l'appelant s'est référé aux arrêts Moldowan c. La Reine, [1978] 1 R.C.S. 480; Tonn c. Canada, [1996] 2 C.F. 73; Mastri c. Canada, [1998] 1 C.F. 66; et Mohammad c. Canada, [1998] 1 C.F. 165, mais plus particulièrement aux décisions suivantes, soit celle du juge Archambault de cette Cour dans Beaudry c. La Reine, [1995] E.T.C. 459, celle du juge Jerome de la Cour fédérale de première instance dans McGovern et al. v. The Queen, 94 DTC 6527 et celle du juge O'Connor de cette Cour dans Egger v. The Queen, [1997] T.C.J. No. 1335, en date du 16 décembre 1997.

[19] L'avocat de l'appelant s'est référé aux passages suivants dans la décision de Beaudry (supra) :

Pour qu'il y ait un bien ou une entreprise de laquelle on puisse tirer un revenu, il faut que le contribuable ait une expectative raisonnable de profit, sinon on s'adonne à un hobby ou on détient un bien pour des fins autres que de tirer un revenu. Cette expectative raisonnable de profit doit être déterminée au moment où la dépense est engagée. En l'espèce, au cours des années 1991 et 1992, il est utile de déterminer si cette expectative de profit existait au moment de l'achat du bien locatif. À moins d'un changement dans les intentions ou la conduite d'un contribuable suite à l'achat, l'intention de départ devrait donc continuer à exister pour les années pertinentes.

Qu'en est-il ici? La preuve révèle que M. Beaudry a acheté ses deux unités de condo dans un but d'en tirer un profit. S'il avait su avant qu'il réaliserait toutes ces pertes de 1988 à 1993, il ne les aurait pas achetés. Comme le reste des mortels, M. Beaudry, même s'il possède une expertise en évaluation de terres agricoles, ne possède pas de boule de cristal et ne savait pas ce qui surviendrait. On ne doit pas juger l'existence d'une expectative raisonnable de profit uniquement en se fondant sur une information rétrospective. Ceci serait fort injuste pour les contribuables.

Il faut analyser la situation telle qu'elle existait au moment où le contribuable a fait l'acquisition des condos et au moment où les dépenses ont été engagées en 1991 et 1992. En décembre 1988, lorsqu'il a acheté les deux unités de condo, il est raisonnable de croire que M. Beaudry avait une expectative raisonnable de profit. Il s'est d'abord fié à son conseiller financier de Samson Bélair. Il est vrai que ce dernier se trouvait dans une situation délicate parce qu'il était, au moment de l'offre d'achat, un des copropriétaires de ces unités. Toutefois, il appert que M. Beaudry s'est fié à ce conseiller qui avait une formation de comptable agréé.

Monsieur Beaudry ne s'est pas limité aux conseils de son comptable; il a pris connaissance d'un rapport préparé par des experts en hôtellerie et de services récréatifs qui reconnaissaient l'excellence de ce projet et de la région du Mont Ste-Anne. Le rapport, après l'étude de faisabilité, a reconnu la viabilité du programme de développement du complexe de villégiature.

Le fait que M. Beaudry ait financé plus de 97% du coût de l'achat de ses deux unités de condo constitue un facteur favorisant la thèse du ministre. Toutefois, ce facteur n'est qu'un de ceux que la Cour doit considérer. Le fait que M. Beaudry ait dû payer une somme de plus de 16 000 $ avec ses propres fonds pour rembourser la perte de 1988 lors de l'achat, compense un peu l'impact négatif du haut degré de financement.

[20] Dans la décision Egger (supra), l'avocat de l'appelant s'est référé au passage suivant :

... His intention to only occupy the Property 15 years later is consistent with an intention to rent in the interim. Interest on the mortgage was reduced. A profit was projected for 1997 and there is no evidence to contradict this.

[21] La décision du juge Archambault dans Beaudry a trait à deux propriétés situées dans le même complexe immobilier que celle de l'appelant. Les pertes locatives s'élevaient pour 1991 et 1992 aux montants respectifs de 14 275 $ et 12 057 $. Les propriétés avaient été acquises en 1988 et avaient encouru des pertes locatives pour chacune des années antérieures pour des montants similaires à ceux des années en litige. La Cour a accordé l'appel au motif que la preuve avait clairement révélé que les propriétés n'avaient pas été acquises pour des fins personnelles, qu'elles avaient été acquises en décembre 1988 sur la foi du rapport Gescona et qu'elles avaient été mises en location aux soins de la compagnie de location. Selon le juge de l'affaire, l'appelant avait toutes les raisons valables de croire, lors de l'acquisition de ces propriétés, que le revenu locatif serait positif.

[22] Les faits de la présente affaire ne sont pas identiques. L'appelant avait déjà acquis une propriété dans le même projet en décembre 1986. Il avait été insatisfait du revenu locatif et avait immédiatement remis cette propriété en vente. Quand il a signé la promesse d'achat en décembre 1987, le rapport Gescona n'avait pas encore été produit ni même commandé.

[23] Je me réfère aux propos du juge Dickson dans l'arrêt de la Cour suprême du Canada dans Moldowan (supra), aux pages 485 et 486 :

Une jurisprudence volumineuse traite de la signification de l'expression expectative raisonnable de profit, mais il ne s'en dégage aucune constante. À mon avis, on doit s'appuyer sur tous les faits pour déterminer objectivement si un contribuable a une expectative raisonnable de profit. On doit alors tenir compte des critères suivants : l'état des profits et pertes pour les années antérieures, la formation du contribuable et la voie sur laquelle il entend s'engager, la capacité de l'entreprise, en termes de capital, de réaliser un profit après déduction de l'allocation à l'égard du coût en capital. Cette liste n'est évidement pas exhaustive. Les facteurs seront différents selon la nature et l'importance de l'entreprise : ...

(Le souligné est de moi)

[24] Je me réfère aux propos du juge Linden dans la décision de la Cour d'appel fédérale dans Tonn (supra), aux pages 102, 103 et 104 :

L'application du critère de l'arrêt Moldowan principalement comme critère objectif vise donc à empêcher les réductions d'impôt illégitimes; le critère ne doit pas servir d'instrument permettant de faire des conjectures sur l'appréciation commerciale des contribuables. Un avertissement doit être formulé dans les cas où le critère est appliqué aux activités commerciales. Sauf s'il en est prévu autrement dans la Loi, les erreurs de jugement n'empêchent pas un contribuable de réclamer les déductions des pertes qui en découlent. ...

...

... je, par ailleurs, reconnais que le critère de l'arrêt Moldowan devrait être appliqué avec modération lorsque l'“appréciation commerciale” du contribuable est concernée, qu'aucun élément personnel n'a été établi et que le montant des déductions réclamées n'est pas contestable à première vue. Cependant, lorsque les circonstances donnent à penser qu'une motivation personnelle ou non commerciale existait ou que l'attente de profit était déraisonnable au point de soulever un doute, le contribuable devra prouver objectivement que l'activité constituait effectivement une entreprise. Par conséquent, des circonstances douteuses appelleront plus souvent un examen plus approfondi comparativement à celles qui ne soulèvent aucun doute.

[25] Dans la présente affaire, la preuve a révélé que l'appelant a acquis la propriété en question comme une maison de retraite future. Il s'agit d'un élément personnel qui n'est pas fatal mais qui appelle à une certaine circonspection dans l'analyse de la rentabilité alléguée d'une entreprise. Lors de l'acquisition de la propriété en question, l'appelant savait que le rendement locatif n'était pas facile. Il avait déjà été très déçu lors d'une première acquisition. En ce qui concerne le capital, l'appelant avait emprunté à 95 % le coût d'acquisition de la propriété. De plus, les paiements hypothécaires ont dû être financés au cours des années par des emprunts sur la marge de crédit. La structure financière de l'acquisition ne donnait aucune manoeuvre de jeu dans le cas de rendement locatif insuffisant. Au point de départ, il est évident que le capital versé pour l'acquisition de la propriété dont le rendement locatif était problématique était nettement insuffisant. La propriété n'avait dans ces circonstances aucune capacité en termes de capital de réaliser un profit.

[26] L'appel est en conséquence rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 11e jour d'août 1999.

“Louise Lamarre Proulx”

J.C.C.I.

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