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Date: 19990310

Dossier: 97-2465-IT-G

ENTRE :

JOSEPH GIGLIO,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Rip, C.C.I.

[1] Au milieu des années 80, alors que l'appelant, Joseph Giglio, construisait une résidence, un dénommé Frank Decaria, qui était fournisseur de revêtements de planchers, lui demanda s'il était intéressé à investir dans son entreprise. M. Giglio et ses associés, qui étaient actionnaires de la Patersil Incorporated ( « Patersil » )[1], une société de placement, ont convenu d'investir dans la Nu-West Hardwood Flooring Contractors Ltd. ( « Nu-West » ), soit une société appartenant à ce moment-là à M. Decaria et à un certain John Frucci. La Patersil a acquis la moitié des actions de la Nu-West. M. Giglio et un dénommé John Paterson, également actionnaire de Patersil, sont devenus administrateurs de la Nu-West tout comme l'étaient MM. Decaria et Frucci. Ce dernier a par la suite quitté la Nu-West tandis que M. Paterson a démissionné de son poste d'administrateur de cette société, de sorte que la Patersil et M. Decaria étaient chacun représentés par un seul administrateur. M. Steven Rose, un comptable agréé dont la Patersil avait retenu les services, a décrit Patersil et l'appelant comme des investisseurs passifs. Selon lui, M. Decaria était le propriétaire agissant de l'entreprise; c'était lui qui prenait la plupart des décisions de gestion, peut-être même les prenait-il toutes.

[2] À partir de 1991, la Nu-West avait omis de verser au receveur général du Canada les retenues à la source qu'elle était tenue de remettre en vertu du paragraphe 153(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ). M. Giglio s'est vu, aux termes du paragraphe 227.1(1) de la Loi, imposer le paiement de l'impôt (et des intérêts) que la Nu-West avait omis de verser relativement aux mois de mars, avril et août 1991 et de janvier, février et mars 1992.

[3] M. Giglio a porté la cotisation en appel, soutenant qu'il avait agi, pour prévenir l'omission de la Nu-West de verser le montant de l'impôt, avec le degré de soin, de diligence et d'habileté qu'une personne raisonnable aurait exercé dans des circonstances comparables, au sens du paragraphe 227.1(3), de sorte qu'il n'était pas responsable des omissions de la Nu-West. L'appelant a en outre prétendu qu'il avait démissionné de son poste d'administrateur de la Nu-West au cours du mois d'octobre 1991.

[4] En janvier 1997, mon collègue feu le juge Sobier a entendu une demande présentée en vertu de l'article 174 de la Loi par le ministre du Revenu national (le « ministre » ), qui désirait que la Cour se prononce sur certaines questions, notamment celles de savoir si, et le cas échéant quand, M. Giglio avait démissionné de son poste d'administrateur de la Nu-West[2]. Le juge Sobier avait déterminé que M. Giglio était resté administrateur de la société au moins jusqu'en 1994.

[5] Le juge Sobier avait entendu des témoignages sur les événements entourant la prétendue démission de M. Giglio. Malgré la décision à laquelle le juge Sobier était arrivé, l'avocat de M. Giglio avait présenté une preuve et fait valoir que son client avait, avant 1992, démissionné en fait, sinon en droit, de son poste d'administrateur de la Nu-West.

[6] Le juge Sobier avait examiné les faits dont il disposait ainsi que les dispositions (notamment l'article 121) de la Loi sur les sociétés par actions de l'Ontario (la « LSPA » ) touchant la démission des administrateurs. (La Nu-West avait été constituée en société sous le régime de la LSPA.) Le juge avait en outre examiné les motifs de jugement prononcés dans l'affaire Cybulski v. M.N.R.[3], l'avocat de l'appelant ayant laissé entendre que ces motifs signifiaient qu'une démission non signée pouvait, selon les faits établis dans l'affaire en cause, être valable. Le juge Sobier n'a pas retenu cette assertion. Le juge a bien déclaré que dans certains cas, par exemple si l'administrateur remet une lettre de démission non signée à un dirigeant de la société, on pourrait prétendre qu'il a été satisfait au paragraphe 121(2)[4] de la LSPA. Cependant, M. Giglio n'a pas agi ainsi.

[7] Lorsque la Cour se prononce sur une question dont elle a été saisie en vertu de l'article 174 de la Loi, sa décision équivaut à un jugement définitif et sans appel à l'égard des contribuables nommés dans la demande à la Cour relative à une cotisation ou à une cotisation éventuelle sur laquelle la décision influera : paragraphe 174(4). Par conséquent, je ne peux conclure – et la preuve produite ne me permettrait pas de conclure – que M. Giglio avait démissionné de son poste d'administrateur de la Nu-West avant 1992.

[8] Je ferai ci-après état des éléments de preuve dont je dispose. Pendant la période où la Patersil avait investi dans la Nu-West, M. Giglio était actionnaire de Temple Plastics Inc. ( « Temple » ), une société fabriquant des sacs de plastique. M. Giglio avait commencé à exploiter cette entreprise dans son sous-sol en 1969; en 1990, la Temple avait un chiffre d'affaires annuel de 6 000 000 $ et comptait 50 employés. Au moment du procès, M. Giglio était président et administrateur de la Temple.

[9] M. Giglio a abandonné ses études en 1963, après avoir fait une dixième année. Avant de lancer la Temple, il avait occupé plusieurs emplois. Il a expliqué qu'il avait acquis le sens des affaires par le biais de son expérience en tant qu'employé et homme d'affaires.

[10] M. Giglio a reconnu qu'il connaissait, en 1990, les devoirs et obligations dont devait s'acquitter l'administrateur d'une société et qu'il savait que la responsabilité de l'administrateur pouvait éventuellement être engagée aux termes de la Loi si la société en question omettait de déduire les retenues à la source sur le salaire des employés et de les verser au receveur général, mais il a déclaré qu'il ne s'y était pas arrêté pour y penser.

[11] La Nu-West avait des difficultés de fonds de roulement. M. Giglio a déclaré que la Patersil contribuait au financement de la Nu-West. La société pouvait faire de l'argent ou en perdre, cela dépendait des mois. Le volume des ventes a augmenté au fil des ans, mais souvent au détriment des bénéfices. M. Giglio se rendait dans les locaux de la Nu-West une fois par mois en moyenne, afin de signer des chèques, prendre un café et discuter affaires. Les chèques dont le montant dépassait 2 000 $ devaient être signés par les deux administrateurs, MM. Giglio et Decaria.

[12] Quoi qu'il en soit, a déclaré M. Giglio, sa participation dans les activités de la Nu-West avait diminué progressivement. Les médecins avaient diagnostiqué que sa conjointe avait la sclérose en plaques et, en 1991, cette dernière était confinée à un fauteuil roulant. On a diagnostiqué que M. Giglio était atteint du diabète. Selon l'appelant, la Nu-West « n'allait nulle part » et « il était temps de liquider la société » . À cette fin, il avait rencontré à plusieurs reprises son comptable et celui de la Nu-West, Steven Rose, ainsi que leur avocat, Me Magerman.

[13] M. Rose se rendait dans les locaux de la Nu-West environ deux ou trois fois l'an. Il a déclaré que M. Giglio n'assistait jamais aux réunions de la Nu-West. Le témoin a confirmé que la plupart des décisions de gestion, sinon toutes, étaient prises par M. Decaria. C'était lui qui dirigeait la compagnie : il engageait et congédiait les employés, prenait les commandes des clients et installait le revêtement de plancher. Le rôle de M. Giglio se limitait à fournir le financement et à signer les chèques.

[14] Même avant 1991, M. Rose avait abordé avec M. Giglio la question de la responsabilité juridique d'un administrateur. Après le mois de mai, mais avant septembre 1991, les deux hommes avaient discuté de cette question de façon plus détaillée, notamment dans le cas où une société omettait de verser les retenues à la source. Le témoin a déclaré qu'il avait incité M. Giglio à rencontrer son avocat pour connaître les risques qu'il courait en sa qualité d'administrateur. M. Rose craignait que l'appelant courût un risque à l'égard d'une situation sur laquelle il n'avait aucun contrôle.

[15] M. Giglio a déclaré qu'il ne pouvait laisser tomber la Nu-West. La Patersil avait investi environ 200 000 $ dans la compagnie. M. Giglio avait d'autre part informé les autres investisseurs de Patersil qu'il voulait se retirer de la Nu-West, mais qu'il essaierait de protéger leur investissement.

[16] M. Giglio s'était plaint du désordre dans lequel se trouvaient les livres et autres documents comptables; vers la fin de 1990, il avait donc demandé à sa soeur,

Betty Giglio, qui gérait une entreprise de tenue de livres, d'organiser les livres comptables et d'essayer de mettre en place un système de comptabilité efficace. Selon M. Rose, la tenue des livres était au-dessus des capacités de la personne qui en était alors responsable, une certaine Bruna, qui était une employée de bureau inexpérimentée. M. Rose était d'avis que les livres auraient dû être informatisés, ce que Bruna n'aurait pu faire. (La Nu-West utilisait un système manuel.) M. Giglio estimait sa soeur compétente; il lui demanda de l'informer de toute chose qu'il devrait savoir. Mlle Giglio a déclaré qu'elle devait aviser son frère de tout problème, par exemple « si tout n'allait pas rondement » pour ce qui était de la mise en place du nouveau système de comptabilité. Elle a déclaré que son frère lui avait donné pour instructions de veiller à ce que le système fonctionne bien. Il semble que M. Giglio n'ait jamais mentionné expressément qu'il était important que les retenues à la source fussent versées à temps. Sa soeur devait être une personne de plus à avoir l'oeil sur ce qui se passait à la Nu-West. Elle avait commencé à travailler pour cette société en janvier 1991. L'exercice de celle-ci prenait fin le 28 février. M. Rose était d'avis que si Mlle Giglio avait travaillé à la Nu-West, c'était parce que la société avait besoin de quelqu'un pour tenir les livres et non parce que son frère désirait qu'elle agît comme son substitut. De fait, Mlle Giglio a déclaré qu'elle se rapportait à M. Decaria.

[17] Le nouveau système comptable, qui comprenait un programme de calcul de la paie, a commencé à être utilisé en janvier 1991. Mlle Giglio avait formé Bruna aux fins de l'exploitation du système. Le système générait une feuille de paye hebdomadaire et un rapport de fin de mois qui indiquaient la partie des salaires qui était retenue à la source et le montant du chèque devant être envoyé à Revenu Canada. Mlle Giglio a expliqué que le nombre d'employés de la Nu-West était variable. Lorsque la société travaillait sur un important contrat, elle pouvait avoir dix employés; pour les travaux de moindre importance, elle pouvait n'employer que deux personnes par exemple. Le nombre d'employés n'était pas constant d'une semaine à l'autre, de sorte que le montant des retenues à la source variait d'un mois à l'autre. Ainsi, la personne qui signait le chèque ne savait pas nécessairement si le montant des retenues à la source était exact pour un mois donné.

[18] À la fin de chaque mois, Mlle Giglio examinait les feuilles de paye pour voir si les retenues à la source étaient versées. Si elles ne l'étaient pas – et Mlle Giglio a déclaré qu'au cours des premiers mois de l'été 1991, certains paiements étaient incomplets en raison de problèmes de liquidités – elle tentait de corriger la situation, parfois, si les liquidités le permettaient, en comblant l'insuffisance le mois suivant. Elle a déclaré que M. Decaria était au courant des insuffisances mais que son frère n'en savait rien et qu'elle ne l'en avait pas informé. En mars et en avril 1991, la compagnie n'avait pas versé la totalité des retenues à la source qu'elle devait au receveur général.

[19] Mlle Giglio a établi des chèques pour les fournisseurs de la Nu-West et pour Revenu Canada. Les chèques de plus de 2 000 $ étaient au préalable présentés à M. Decaria pour qu'il les signe; habituellement une fois par mois, on demandait à M. Giglio de venir signer les chèques.

[20] Au cours de l'interrogatoire principal, Mlle Giglio a déclaré qu'en mai 1991, elle avait informé son frère pour la première fois du fait que les chèques émis au nom de Revenu Canada n'étaient pas honorés. Elle estimait que les arriérés s'élevaient à 18 000 $. M. Giglio a déclaré qu'il était « probablement contrarié » lorsque sa soeur l'a informé de la situation. M. Giglio était « surpris » et avait encouragé la Nu-West à rembourser ses dettes. Il a dit au cours de son témoignage qu'il avait par ailleurs décidé de démissionner de son poste d'administrateur. Il a déclaré qu'il s'était attendu à ce que sa soeur l'appelât si la société avait des difficultés financières. Mlle Giglio a confirmé qu'une fois qu'il a su que la Nu-West omettait d'effectuer les versements, M. Giglio s'était assuré que les versements étaient faits. En mai ou en juin 1991, Revenu Canada avait reçu tout ce que la société lui devait. M. Giglio a déclaré ceci : « nous avons mis de l'argent dans la compagnie pour qu'elle paye » , mais la seule preuve indiquant que des fonds supplémentaires avaient été avancés à la compagnie était le montant de 50 000 $ que l'appelant et M. Decaria avaient chacun investi en août 1991. M. Giglio a également indiqué qu'à la fin du printemps, il souhaitait s'entretenir de ce problème et d'autres problèmes avec son avocat et son comptable.

[21] Mlle Giglio croit que le problème des versements incomplets à Revenu Canada en mars et en avril 1991 était attribuable à « un petit malentendu entre Revenu Canada et la Nu-West » . Il semble que celle-ci n'ait versé que la moitié des retenues à la source qu'elle était tenue de remettre. Apparemment, elle aurait dû effectuer deux versements par mois, et non un seul. « Il y avait confusion quant à la question de savoir si nous devions effectuer un ou deux versements. » Mlle Giglio a déclaré que la Nu-West avait dans le passé effectué un versement mensuel unique. Lorsqu'il signait les chèques chaque mois, M. Giglio ne vérifiait pas en particulier si un chèque avait été établi au nom de Revenu Canada, ni si le montant du chèque était exact. Il n'avait, aux dires de sa soeur, aucune raison de croire que les choses tournaient mal.

[22] Mlle Giglio et l'appelant ont tous deux déclaré que celui-ci était, en mai ou en juin 1991, au courant de la question des arriérés. En contre-interrogatoire, l'appelant a déclaré qu'on l'avait informé en août 1991 de l'existence d'arriérés s'élevant à 18 000 $ et qu'il avait injecté des capitaux dans la compagnie.

[23] Mlle Giglio a en outre déclaré qu'elle avait préparé les chèques des mois de mars et avril 1991 et qu'elle avait présumé qu'ils seraient signés et mis à la poste à temps. Elle a admis qu'il se pouvait que les chèques aient été préparés mais non signés.

[24] En mai 1991, en examinant les états financiers de l'année 1991 de la Nu-West avec MM. Rose et Decaria, M. Giglio avait constaté que la situation financière de la compagnie ne s'était pas améliorée. M. Rose se disait inquiet en ce qui concerne la viabilité à long terme de la Nu-West. Les retenues à la source courantes constituaient la seule dette envers Revenu Canada dont faisait état le bilan en date du 28 février 1991; il n'y avait pas de mention d'arriérés. M. Rose croyait qu'il n'avait aucune raison de s'enquérir des événements survenus après cette date, surtout si la Nu-West était à jour pour ce qui est du versement des retenues à la source au cours de la période allant du 1er mars 1991 à la date de la réunion.

[25] M. Giglio a déclaré qu'il avait assisté à diverses réunions, en compagnie notamment de son comptable et de son avocat, en vue d'obtenir des conseils, et qu'il avait en bout de ligne décidé qu'il essaierait de sortir la Nu-West de l'impasse en payant les dettes de celle-ci. (Je présume que certaines de ces réunions ont été tenues à la fin du printemps et au début de l'été 1991.) Si l'entreprise devait alors commencer à bien se porter, tant mieux, sinon, M. Giglio en aurait fini avec elle. En mai 1991, M. Rose était également préoccupé par les risques courus par M. Giglio en sa qualité d'administrateur de la Nu-West. Plusieurs questions le préoccupaient : le testament de M. Giglio, sa responsabilité en tant qu'administrateur, les risques financiers qu'il courait relativement à la Nu-West. Selon M. Rose, M. Giglio n'exerçait pas suffisamment de contrôle; le témoin croyait que M. Giglio n'aurait pas dû courir de tels risques et qu'il aurait dû démissionner de son poste d'administrateur. Il avait conseillé à l'appelant de rencontrer son avocat, Me Magerman[5], pour discuter de ces problèmes et de sa démission.

[26] Mlle Giglio a également déclaré au cours de son témoignage que des fonctionnaires de Revenu Canada l'avaient informée en août 1991 que les arriérés dus par la Nu-West s'élevaient, avec les intérêts, à environ 20 000 ou 21 000 $. Il semble que ce montant se rapproche sensiblement du montant que le témoin avait mentionné à son frère vers le mois de mai. Elle a déclaré qu'elle avait informé ce dernier qu'il fallait payer Revenu Canada. Elle s'est rappelé qu'à ce moment-là son frère ne voulait pas mettre de l'argent dans l'entreprise. Mlle Giglio et son frère avaient discuté de la question de la responsabilité de l'administrateur et du fait que la Nu-West était en difficulté. Elle a mentionné que M. Giglio avait parlé à son avocat « pour qu'il veille à ses affaires » . L'appelant avait en fin de compte accepté de payer les arriérés et, au cours des mois suivants, des paiements partiels avaient été effectués tel qu'il avait été convenu avec Revenu Canada.

[27] Mlle Giglio et son frère ont tous deux déclaré dans leur témoignage que ce dernier avait pris des dispositions pour parler à son avocat et démissionner après le mois de septembre, et qu'il était prêt à tout payer jusqu'à la date de sa démission. Au procès, ce dernier a déclaré qu'il lui incombait de s'assurer qu'il y avait de l'argent dans le compte bancaire, « et il y en avait » .

[28] Mlle Giglio a déclaré qu'elle avait apporté cinq chèques postdatés au montant de 3 000 $ chacun au bureau des impôts du district de North York en août, septembre ou octobre 1991, de façon à régler les arriérés, intérêts et pénalités dus par la compagnie. Les chèques sont datés du 30 novembre 1991, du 30 janvier 1992, du 29 février 1992, du 30 mars 1992 et du 30 avril 1992. (L'appelant a produit des copies des chèques sous la cote A-3. Les copies proviennent de microfilms de Revenu Canada et la mention « nul » a ensuite été apposée au tampon sur chacune des copies.) Mlle Giglio a ajouté que c'était la dernière chose qu'elle avait fait pour la Nu-West. Revenu Canada a par la suite égaré les chèques, selon le témoin, lesquels n'ont donc pas été encaissés.

[29] En contre-interrogatoire, Mlle Giglio a reconnu avoir remis les chèques à Revenu Canada en janvier 1992. Elle a déclaré qu'ils n'étaient pas postdatés et qu'ils auraient donc pu être encaissés. Elle a indiqué qu'elle avait appris par la suite que les chèques avaient été égarés, bien qu'elle n'ait pu dire à la Cour comment elle l'avait appris. Le témoin a déclaré qu'au mieux de sa connaissance, il y aurait eu suffisamment d'argent dans le compte bancaire de la Nu-West en novembre 1991 pour honorer les chèques.

[30] M. Giglio avait conclu des arrangements avec la banque de la Nu-West, soit la Banque Royale du Canada, pour que celle-ci honore tous les chèques émis par la société, y compris les chèques libellés au nom de Revenu Canada, qu'il y ait eu suffisamment d'argent ou non dans le compte de la Nu-West. M. Giglio a mentionné que le groupe d'investisseurs avait signé des garanties en faveur de la banque. Il a ajouté qu'il avait chargé sa soeur et Bruna de payer tous les créanciers, « aussi bien les services publics que Revenu Canada » .

[31] Au mois d'août ou septembre 1991, après que sa soeur l'eut mis au courant des arriérés dus par la société, M. Giglio avait rencontré M. et Mme Decaria pour les informer qu'il avait l'intention d'arrêter de financer la Nu-West et qu'à l'avenir, si la société était à court d'argent, ceux-ci seraient obligés de le lui avancer. Mlle Giglio a déclaré qu'à partir du mois d'août, la Nu-West avait eu des problèmes de liquidités et payait les fournisseurs avant de payer le gouvernement. Son frère a déclaré qu'il avait en outre informé les Decaria de son intention de démissionner de son poste d'administrateur de la société. Au terme de leur discussion, les Decaria et l'appelant avaient convenu que chacun d'eux verserait un autre 50 000 $ pour régler les dettes que la Nu-West avait à ce moment-là.

[32] M. Giglio a déclaré qu'en raison des problèmes de santé que sa conjointe et lui-même éprouvaient, il ne voulait pas accepter d'autre travail; il désirait plutôt diminuer sa charge de travail. On avait organisé une réunion au bureau de Me Magerman en vue de discuter de diverses questions préoccupantes, notamment la santé de l'appelant, sa démission éventuelle de son poste d'administrateur de la Nu-West et son intention d'abandonner cette dernière. Il semble que cette réunion ait eu lieu en octobre 1991. (On n'a produit aucune preuve permettant d'établir à quelle date ont eu lieu les autres réunions mentionnées précédemment dans les présents motifs.) Comme nous l'avons déjà indiqué, M. Giglio n'avait pas signé de lettre de démission lors de cette réunion. On avait demandé à Me Magerman de préparer des documents aux fins de la démission. M. Rose, également présent à cette réunion, s'est rappelé que l'appelant avait demandé à Me Magerman d'exécuter ses instructions, c'est-à-dire de préparer la démission. M. Giglio a mentionné que Me Magerman avait dans le passé préparé divers documents, notamment pour la société, et que l'appelant se rendait à l'occasion au bureau de l'avocat afin de les signer. Il croyait qu'on suivrait la même procédure en ce qui concerne sa démission. Malheureusement, les choses ne se sont pas passées ainsi. M. Giglio soutient toutefois dans le présent appel, entre autres, qu'il croyait avoir démissionné de son poste d'administrateur en octobre 1991. M. Rose a affirmé que la participation de l'appelant dans les affaires de la Nu-West avait encore diminué après la réunion, même si ce dernier n'avait pas coupé les liens avec la compagnie.

[33] M. Rose avait présumé que Me Magerman ferait tout ce qu'il devait faire. Après la réunion, le témoin avait à quelques reprises discuté avec l'avocat des autres compagnies de M. Giglio, mais il n'avait aucune raison de croire qu'il lui était nécessaire de faire un suivi particulier quant à la question de la démission.

[34] À mon avis, je dois trancher deux questions principales. Premièrement, M. Giglio peut-il se soustraire à la responsabilité prévue au paragraphe 227.1(1) de la Loi s'il croyait qu'il avait démissionné de son poste d'administrateur même si ce n'était pas le cas? Deuxièmement, s'il ne peut ainsi se soustraire à sa responsabilité, M. Giglio a-t-il agi avec le degré de diligence voulu pour prévenir l'omission de la Nu-West de verser les retenues à la source?

[35] En ce qui a trait à la première question, l'avocat de l'appelant a fait allusion aux motifs de jugement prononcés par le juge en chef adjoint Christie (tel était alors son titre) de la C.C.I. dans l'affaire Cybulski, précitée. M. Cybulski et un dénommé M. Skuce étaient les administrateurs et actionnaires d'une société fournissant des services sanitaires. À un moment donné, M. Skuce et le contribuable ont eu une vive dispute, par suite de laquelle ce dernier remettait à la société, le 1er mai 1984, une lettre indiquant qu'il démissionnait de ses postes de dirigeant et d'administrateur de cette dernière, la démission prenant effet immédiatement. Le même jour, M. Skuce signait en sa qualité de président de la société une lettre aux termes de laquelle il acceptait cette démission. L'appelant estimait que la lettre que M. Skuce lui avait fait parvenir était suffisante pour confirmer la démission, et il n'avait pas renvoyé de copie de sa démission. Aucun successeur n'a été élu ou nommé. À partir du 1er mai 1984, le contribuable ne s'était pas mêlé des affaires de la société, bien qu'il eût en vain tenté d'obtenir des renseignements en prévision de la conclusion d'un règlement portant sur l'intérêt qu'il possédait à titre d'actionnaire. Les conversations que pouvaient avoir eues MM. Cybulski et Skuce se limitaient aux menaces proférées par ce dernier. Les 15 septembre 1984, 15 octobre 1984 et 15 janvier 1985, la société avait omis de verser les retenues à la source qu'elle avait prélevées sur le salaire des employés. Le ministre faisait valoir que le paragraphe 119(2) de la LSPA[6] avait pour effet d'invalider la démission du contribuable et que celui-ci était toujours administrateur durant la période pertinente, de sorte qu'il était aux termes du paragraphe 227.1(1) responsable des montants impayés. On avait en conséquence établi une nouvelle cotisation à l'égard du contribuable, lequel avait porté celle-ci en appel devant la présente cour. Le juge en chef adjoint était convaincu de ce qui suit :

... n’eût été du paragraphe 119(2), l’appelant aurait cessé d’être administrateur le 1er mai 1984. Il a remis une démission écrite et j’admets qu’elle avait trait au poste de secrétaire-trésorier et à celui d’administrateur. J’accepte aussi l’explication qu’il a donnée au fait de ne pas en avoir gardé copie. La compagnie a reçu sa lettre de démission et normalement, cette démission aurait dû prendre effet sur réception de la lettre. En effet, il n’est pas nécessaire qu’une compagnie accuse spécifiquement réception d’une démission pour que celle-ci entre en vigueur. Si toutefois, comme dans la majorité des cas, elle décide de le faire, la formulation de la démission elle-même a préséance sur celle de l’accusé de réception s’il y a conflit entre les deux. [7]

[36] L'appel interjeté par le contribuable avait été admis. Ce dernier avait raisonnablement cru qu'il avait remis une démission valable; en outre, M. Skuce lui avait interdit toute participation dans la gestion de la société. L'appelant avait fait ce qu'une « personne raisonnablement prudente » aurait fait dans les circonstances.

[37] Même s'il eût statué que M. Cybulski était un véritable administrateur de la société au moment où celle-ci omettait d'effectuer les versements exigibles, le juge en chef adjoint Christie était d'avis que M. Cybulski était soustrait à sa responsabilité aux termes du paragraphe 227.1(3) de la Loi. Le juge concluait en ces termes :

... Bien qu’au premier abord le paragraphe 227.1(3) semble exiger du contribuable qui en invoque l’application qu’il ait pris des mesures concrètes, cela n’est pas toujours le cas. Il peut arriver qu’un contribuable n’ait pas accompli de gestes précis, mais que l’on puisse considérer qu’il a exercé le degré de soin, de diligence et d’habileté attendu d’une personne raisonnablement prudente, qui fait naître l’exonération de responsabilité prévue au paragraphe en cause. C’est le cas en l’espèce. Je suis convaincu que l’appelant avait des motifs raisonnables de croire que la démission remise au président de la compagnie et acceptée par ce dernier rompait les liens qui le rattachaient à la compagnie à titre d’administrateur et de secrétaire-trésorier, et mettait fin à la responsabilité qu’il assumait à cet égard. Il n’est donc pas responsable du défaut de la compagnie de remettre les retenues à la source, d’autant plus qu’en l’espèce, la personne effectivement chargée de la direction des affaires a empêché l’appelant d’exercer toute influence sur la gestion de la compagnie après qu’il a remis sa démission.[8]

[38] Les faits dans l'affaire Cybulski sont tout à fait différents de ceux de l'appel qui nous occupe, et les motifs du juge en chef adjoint Christie dans cette affaire ne s'appliquent pas aux faits du présent appel. M. Giglio n'a jamais rédigé de lettre de démission ni délivré quelque document écrit à un dirigeant de la Nu-West en vue de signifier son intention de démissionner de son poste d'administrateur de la société; il a uniquement agi comme s'il avait démissionné. La Nu-West n'a jamais reçu avis de la démission effective de M. Giglio, quoi qu'il se peut fort bien que ce dernier ait informé M. Decaria, le président de la société, qu'il avait l'intention de démissionner. La seule chose qui est arrivée, c'est que M. Giglio avait chargé son avocat de préparer la documentation relative à la démission; aucun élément de preuve ne permet d'établir qu'une telle documentation ait été préparée. Il a été établi que l'appelant n'a jamais signé de lettre ou d'avis de démission. Par ailleurs, l'appelant était une personne bien informée qui s'était rendu compte que pour que sa démission prenne effet, elle devait être faite par écrit. (Elle devait en outre être remise à la Nu-West.) C'est la raison pour laquelle il avait donné pour instructions à Me Magerman de préparer les documents nécessaires.

[39] Je ne puis trouver de motifs raisonnables pour lesquels M. Giglio aurait pu croire qu'il avait démissionné de son poste d'administrateur de la Nu-West en octobre 1991. Il n'avait pas coupé les liens avec la société en octobre 1991, bien que sa participation dans les affaires de la société ait diminué à compter de ce moment-là. Rien ne prouve que les liens entre MM. Giglio et Decaria se réduisaient à ceux qu'entretenaient MM. Cybulski et Skuce. On n'a pas prouvé que M. Giglio avait en tout temps été dans l'impossibilité d'avoir accès aux livres de la Nu-West; s'il l'avait voulu, il aurait toujours pu demander confirmation du fait que la société était à jour pour ce qui est du versement des retenues à la source à Revenu Canada. Après avoir chargé Me Magerman de préparer sa démission, M. Giglio a tout simplement chassé la Nu-West de son esprit, même s'il savait, de par son expérience passée en temps qu'homme d'affaires et ses relations avec son avocat, que sa signature était nécessaire pour rendre formels les actes produisant des effets juridiques, notamment une démission. Pour parfaire sa démission, l'étape suivante consistait à remettre celle-ci par écrit.

[40] L'avocat de l'appelant a soutenu que son client était un administrateur externe de la Nu-West qui représentait les intérêts de la Patersil puisqu'il ne participait pas à la gestion quotidienne de l'entreprise et qu'il ne se présentait dans les locaux de la société qu'une fois par mois. L'état de santé de M. Giglio et de sa conjointe avait obligé l'appelant à réexaminer son rôle au sein de la Nu-West. Il ne pouvait ni retirer l'argent qu'il avait investi dans la société ni consacrer du temps aux activités de celle-ci. M. Giglio avait par conséquent, aux dires de son avocat, confié à sa soeur le soin de veiller à l'intérêt que la Patersil avait dans la Nu-West. Le fait de retenir les services de Mlle Giglio correspondait au degré de soin, de diligence et d'habileté avec lequel M. Giglio avait agi pour prévenir le manquement de la Nu-West de verser les retenues à la source. Si Mlle Giglio avait décidé d'effectuer des paiements partiels au titre des retenues à la source sans en informer M. Giglio, on ne devrait pas en rejeter la responsabilité sur ce dernier. Il a fait preuve de diligence en engageant quelqu'un pour s'occuper de la tenue de livres.

[41] Selon l'avocat de M. Giglio, le fait que celui-ci ait signé des chèques ne représentant pas la totalité des retenues à la source des mois de mars et d'avril 1991 n'était pas déraisonnable dans les circonstances. Il y avait une certaine confusion quant à la question de savoir si les retenues à la source devaient être versées une fois ou deux par mois. Le montant de ces retenues variait d'un mois à l'autre. L'avocat a soutenu que son client n'avait aucune raison de mettre en doute le montant des chèques. Il n'avait pas été négligent. Compte tenu des circonstances et de son expérience en affaires, M. Giglio ne pouvait savoir que le versement des retenues à la source posait un problème. L'avocat s'est référé à la décision Drover v. The Queen.[9]

[42] L'avocat s'est également référé à l'affaire Soper v. The Queen[10], dans laquelle la Cour d'appel fédérale a statué que la norme de prudence énoncée au paragraphe 227.1(3) de la Loi à l'égard des administrateurs était fondamentalement souple. Les administrateurs ne forment pas un groupe homogène de professionnels dont la conduite est régie par une seule norme immuable. La disposition comporte un élément subjectif qui tient compte des connaissances personnelles et de l'expérience de l'administrateur, ainsi que du contexte de la société visée, notamment son organisation, ses ressources, ses usages et sa conduite. On attend par exemple plus des gens d'affaires chevronnés que des personnes inexpérimentées. Le juge Robertson a qualifié la norme de prudence visée au paragraphe 227.1(3) de norme « objective subjective » :

La norme de prudence énoncée au paragraphe 227.1(3) de la Loi n'est donc pas purement objective. Elle n'est pas purement subjective non plus. Il ne suffit pas qu'un administrateur affirme qu'il a fait de son mieux, car il invoque ainsi la norme purement subjective. Il est également évident que l'intégrité ne suffit pas. Toutefois, la norme n'est pas une norme professionnelle. Ces situations ne sont pas régies non plus par la norme du droit de la négligence. La Loi contient plutôt des éléments objectifs, qui sont représentés par la notion de la personne raisonnable, et des éléments subjectifs, qui sont inhérents à des considérations individuelles comme la « compétence » et l'idée de « circonstances comparables » . Par conséquent, la norme peut à bon droit être qualifiée de norme « objective subjective » .[11]

[43] Le juge Robertson a en outre déclaré que les administrateurs internes étaient plus susceptibles que les administrateurs externes d'avoir du mal à invoquer la défense de diligence raisonnable. Pour démontrer qu'ils ont agi avec une diligence raisonnable, les administrateurs externes n'ont pas à établir un compte en fiducie aux fins du paiement des retenues à la source non versées ni de suivre de près la situation. Ils sont toutefois tenus de prendre des mesures lorsqu'ils prennent conscience de faits qui pourraient les amener à conclure que les versements pourraient éventuellement poser un problème.

[44] Lorsque M. Giglio a fait en sorte que la Nu-West retienne les services de sa soeur en janvier 1991, c'était en vue de faciliter le passage d'un système de comptabilité manuel à un système informatisé. Rien ne prouve que quiconque ait à ce moment-là laissé entendre que la procédure de versement des retenues à la source était incorrecte, que la question du versement des retenues préoccupait M. Giglio, ou que c'était là une des raisons pour lesquelles on avait adopté un nouveau système de comptabilité. Le fait que M. Giglio ait pris une telle initiative laisse à penser qu'il n'était pas un administrateur externe ordinaire.

[45] Lorsque la Nu-West a omis de verser la totalité des retenues à la source des mois de mars et d'avril 1991, personne n'a mis M. Giglio au courant. Sa soeur a décidé de sa propre autorité de la façon dont l'insuffisance serait comblée. La procédure, s'il en est, intégrée au nouveau système de comptabilité en vue d'assurer le paiement en temps opportun des retenues à la source a échoué. Ce système avait été recommandé par Mlle Giglio, et l'appelant l'avait de toute évidence approuvé. Il est normal de présumer qu'au cours des premiers mois suivant la mise en place d'un nouveau système, les dirigeants de la société seraient un peu plus prudents et tiendraient à s'assurer que le système ne comporte pas de bogues. Les administrateurs externes ayant le pouvoir de signer des chèques poseraient normalement des questions en vue de s'assurer que le système fonctionne sans problème et, ce qui nous intéresse plus particulièrement, que le montant des chèques émis au nom du receveur général était le bon, ce que M. Giglio n'a pas fait.

[46] Quant à la question de savoir à quel moment M. Giglio a appris que la société devait des arriérés s'élevant à 18 000 $ au titre des retenues à la source (plus les intérêts et pénalités) et à quel moment la Nu-West a essayé de payer ces arriérés, les éléments de preuve sont contradictoires. M. Giglio savait-il en mai 1991 que la Nu-West devait des arriérés ou l'a-t-il appris plus tard, ou savait-il seulement que la société avait omis de verser les retenues à la source? Mlle Giglio et l'appelant ont tous déclaré dans leur témoignage que ce dernier était au courant des arriérés en mai. Sa soeur a déclaré que la Nu-West avait payé les arriérés en mai ou en juin 1991. Plus tard, au cours du contre-interrogatoire de l'appelant, ce dernier a déclaré qu'on l'avait informé de l'existence des arriérés en août et qu'il avait à ce moment-là injecté des capitaux dans la compagnie. (Je présume que les nouveaux capitaux auxquels l'appelant a fait allusion correspondent à l'argent que M. Decaria et lui avaient versé à la société au mois d'août.) M. Giglio a en outre indiqué qu'il avait signé des chèques émis au nom de Revenu Canada et que ces chèques n'avaient peut-être pas été envoyés au ministère. Ni l'appelant ni sa soeur n'ont toutefois pu déclarer avec une certitude raisonnable, même si on tient compte du temps qui s'est écoulé entre les événements et la date du procès, à quel moment l'appelant a pris connaissance des événements et quels montants la société avait pu verser à Revenu Canada en mai ou en juin 1991. Les chèques compris dans la pièce A-3 sont datés du 30 novembre 1991, du 30 janvier 1992, du 29 février 1992, du 30 mars 1992 et du 30 avril 1992.

[47] Rien ne prouve que la Nu-West se soit acquittée des arriérés de mars et d'avril. Les montants visés par les cotisations correspondent aux montants que la Nu-West n'a pas remis dans les mois de mars, avril et août 1991 et janvier, février et mars 1992. Si les sommes avaient en totalité été versées en mai ou en juin, comme Mlle Giglio a déclaré au cours de son témoignage, ces mois ne seraient pas en cause.

[48] Compte tenu des faits dont je dispose, je suis convaincu que la cotisation dont il est fait appel est valable. Relativement au manquement de la Nu-West de verser la totalité des sommes dues en mars et en avril 1991, M. Giglio n'a pas agi avec le degré de diligence exigé par le paragraphe 227.1(3) de la Loi. M. Giglio était un homme d'affaires averti et prospère. À l'époque en cause, il n'était pas intéressé de savoir si la société était capable ou non de verser les sommes dont il est question en l'espèce, bien qu'il ait su qu'il pouvait éventuellement être tenu personnellement responsable de payer les sommes dues. Il était plus intéressé à mettre en place un système de comptabilité efficace qui aurait permis à la Nu-West de mettre de l'ordre dans ses comptes. Ce n'est que lorsqu'il a rencontré son avocat et son comptable quelque temps vers la fin de l'été 1991 qu'il s'est rendu compte que la société faisait face à de graves difficultés financières et qu'il ferait mieux de démissionner. Mais il n'avait pas démissionné, et il savait qu'il ne l'avait pas fait. Il était toujours administrateur lorsque la Nu-West a omis de verser les retenues à la source en août 1991 et en 1992. Les principes généraux énoncés dans la décision Soper étayent la cotisation et non la défense fondée sur la diligence raisonnable présentée par M. Giglio.

[49] L'appel est rejeté, avec frais.

Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour de mars 1999.

« Gerald J. Rip »

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 22e jour de décembre 1999.

Mario Lagacé, réviseur



[1]               M. Giglio détenait 50 pour cent des actions de Patersil.

[2]               Canada v.Giglio, [1997] A.C.I. no 118; ordonnance rendue le 21 février 1997.

[3]               88 DTC 1531.                  

[4]               Selon le paragraphe 121(2), « La démission d'un administrateur prend effet à la date de réception par la société d'un écrit à cet effet [...] » .

[5]               L'avocat de l'appelant, Me Morris, m'a informé que, malgré les efforts qu'il a déployés, il n'a pas été en mesure de contacter Me Magerman en vue de le convoquer devant la Cour. Selon Me Morris, Me Magerman est atteint, ou était atteint, du cancer et n'exerce plus le droit. Me Morris a également tenté de joindre Me Magerman à son domicile, mais en vain. Il craint que celui-ci ne soit décédé. Je ne fais par conséquent aucune inférence défavorable à son client du fait que ce dernier ait été incapable de convoquer Me Magerman à la barre des témoins. Par ailleurs, la Cour prend note de l'absence de M. Decaria.

[6]               L'article 119, l'alinéa 121(1)a) et le paragraphe 121(2) de la LSPA se lisent comme suit :

                119 (1) Le mandat des administrateurs désignés dans les statuts commence à la date d'endossement du certificat de constitution et se termine à la première assemblée des actionnaires.

                (2) Un administrateur désigné dans les statuts n'est autorisé à se démettre de ses fonctions que si au moment où sa démission doit prendre effet, un successeur est élu ou nommé.

                (3) Les premiers administrateurs de la société désignés dans les statuts exercent les pouvoirs et les fonctions et assument les responsabilités des administrateurs.

                121 (1) Le mandat d'un administrateur prend fin lorsque se produit l'un des événements suivants :

a)       il décède ou, sous réserve du paragraphe 119(2), il démissionne;

[...]

(2) La démission d'un administrateur prend effet à la date de réception par la société d'un écrit à cet effet ou à la date postérieure qui y est indiquée.

[7]               P. 1534.

[8]               P. 1535.

[9]               98 DTC 6378, p. 6380 (C.A.F.).

[10]             97 DTC 5407 (C.A.F.).

[11]             Précité, p. 5416.

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