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Date: 19980814

Dossier: 97-766-UI

ENTRE :

RENAUD GUIMONT,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifs du jugement

Le juge suppléant Prévost, C.C.I.

[1] Cet appel a été entendu à Québec (Québec) le 13 juillet 1998.

[2] Il s'agit d'un appel d'une décision du ministre du Revenu national (le « Ministre » ), en date du 23 avril 1997 déterminant que l'emploi de l'appelant chez D'Amours Métal Inc., la payeuse, du 1er janvier au 31 décembre 1993, du 1er janvier au 31 décembre 1994 et du 1er janvier au 26 mai 1995, n'était pas assurable parce qu'il ne rencontrait pas les exigences d'un contrat de louage de services.

[3] Le paragraphe 5 de la Réponse à l'avis d'appel se lit ainsi :

« 5. En rendant sa décision, l'intimé, le ministre du Revenu national, s'est basé, notamment, sur les faits suivants :

a) le payeur, constitué le 7 juillet 1980, exploite une entreprise de recyclage de métaux et de véhicules non récupérables, de location de conteneurs et de transport de déchets domestiques; (I)

b) Michel D'Amours est l'unique actionnaire du payeur; (I)

c) durant les périodes en litige, l'appelant conduisait un camion pour le payeur; (NTQR)

d) le 22 octobre 1993, le payeur a émis un relevé d'emploi indiquant que l'appelant avait travaillé pour lui du 3 mai au 22 octobre 1993; (A)

e) le 24 octobre 1994, le payeur a émis un relevé d'emploi indiquant que l'appelant avait travaillé pour lui du 7 mars au 2 septembre 1994; (A)

f) le 29 mai 1995, le payeur a émis un relevé d'emploi indiquant que l'appelant avait travaillé pour lui du 10 avril au 26 mai 1995; (A)

g) ces 3 relevés d'emplois étaient faux, les montants de rémunérations et les dates de fins d'emploi étant erronés; (N)

h) les rémunérations qui y sont indiquées sont basées sur des semaines de 44 heures; (N)

i) l'appelant travaillait souvent moins de 44 heures par semaine; (N)

j) il remettait les heures dues après les présumées dates de mises à pied; (N)

k) puis, après la remise des heures dues au payeur, l'appelant recevait des pièces d'auto et du métal en guise de rémunération; (N)

l) le payeur et l'appelant ont conclu un arrangement dans le but de permettre à l'appelant de recevoir des prestations d'assurance-chômage auxquelles il n'avait pas droit; (N)

m) durant les périodes en litige, il n'y avait pas de véritable contrat de louage de services entre le payeur et l'appelant. » (N)

[4] Dans le texte qui précède de la Réponse à l'avis d'appel, la Cour a indiqué ainsi, entre parenthèses, après chaque sous-paragraphe, les commentaires du procureur de l'appelant à l'ouverture de l'audience :

(I) = ignoré

(A) = admis

(N) = nié

(NTQR) = nié tel que rédigé

L'enquête

La preuve de l'appelant

Selon son témoignage :

[5] Il habite au même endroit depuis sept ans avec sa conjointe et ils ont trois enfants en bas âge.

[6] Il est camionneur de son métier et il a bien oeuvré pour la payeuse pendant trois ans dans la ferraille et la récupération.

[7] Il n'a pas d'actions dans celle-ci et il ne participe pas à ses profits non plus qu'à ses pertes.

[8] Son patron Michel D'Amours lui fournissait un camion de la payeuse et il recevait ses ordres de lui ou de sa secrétaire le matin en se présentant au bureau.

[9] Il habitait de l'autre côté de la rue du siège social de la payeuse.

[10] Il s'agissait d'un emploi saisonnier et il y oeuvrait de 8 h à 17 h ou 18 h et même après.

[11] Il entretenait le camion de la payeuse notamment en le graissant à l'occasion, mais pour les grosses réparations celle-ci faisait affaire avec un garage de son choix.

[12] En plus de conduire le camion, il agissait aussi à titre de représentant pour la location de conteneurs.

[13] Son territoire allait d'est en ouest de La Pocatière à Québec et du nord au sud du fleuve St-Laurent aux lignes américaines.

[14] À titre de représentant il a trouvé de nouveaux clients à la payeuse, mais il n'avait cependant pas de commission sur ces ventes.

[15] Après sa mise à pied il est allé travailler ailleurs, à savoir chez Daniel Coulombe Construction Inc. du 18 septembre au 20 octobre 1995 tel qu'en fait foi son relevé d'emploi (pièce A-1).

[16] Chez la payeuse, son relevé d'emploi 1993 (pièce A-2) indique qu'il a travaillé du 3 mai au 22 octobre : celui de 1994 (pièce A-3) fait voir qu'il y a oeuvré du 7 mai au 2 septembre : enfin celui de 1995 (pièce A-4) indique qu'il y a travaillé du 10 avril au 26 mai : il était toujours payé par chèque.

[17] En 1994, il a souffert de névralgie, il a reçu à sa demande des prestations de la C.S.S.T., mais il a dû les rembourser étant donné qu'il a été décidé que celle-ci ne résultait pas d'un accident de travail.

[18] Contrairement à ce qui est allégué au sous-paragraphe l) précité, il n'a jamais conclu avec la payeuse un arrangement dans le but de lui permettre de recevoir des prestations d'assurance-chômage auxquelles il n'avait pas droit.

[19] Un commerce de rebuts de métal ça ne fonctionne pas en hiver.

[20] Au cours des trois années concernées, il n'a jamais oeuvré pour la payeuse après ses mises à pied.

[21] S'il a cessé de travailler pour celle-ci le 26 mai 1995 c'est qu'il n'y avait pas beaucoup de travail et à cause aussi d'une mésentente avec son employeur.

[22] La période de pointe de la payeuse va généralement de juin à septembre ou octobre chaque année.

[23] Il a bien signé une déclaration statutaire (pièce I-1) le 16 juillet 1996 : il y est écrit (pages 1 et 2) :

« ...L'entente est que même si je ne complète pas mes heures à chaque semaine il y a une banque d'heures qui fait que lorsque les activités sont moins intenses, je continue à travailler à chaque semaine pour remettre les heures qui m'ont été payées en trop. Lorsque j'ai plus d'heures de faites, il y a des échanges comme des pièces d'autos ou du métal que je prends pour compenser pour mon travail. Il y eut même une fois lorsque je me suis procuré une automobile par D'Amours Métal en échange des heures de travail. Mon employeur était au courant de cette entente et cela faisait l'affaire aux deux parties. J'ai fais cela pour ne pas nuire à mon chômage en période d'hiver...

... je faisais ce travail souvent sans être payé ... Je reconnais également ma signature sur les bons de livraison que vous avez en votre possession. Je confirme en initialisant certains ... Je sais que je dois déclarer mon travail sur mes cartes de chômage mais étant donné que je ne recevais pas de chèque de salaire, je ne le déclarais pas ... J'allais travailler à tous les jours ... »

[24] Lors de la prise de cette déclaration les enquêteurs « poussaient » les réponses : ils la lui ont relue, mais il n'a pas trop porté attention.

[25] Si le livre de paie (pièce I-2) fait voir le mot « argent » pour quatre semaines en décembre 1993 et pour quelques semaines en 1994 il n'a jamais été payé « argent comptant » .

[26] Il a bien signé des factures de déchargement (pièce I-3) en 1993 avant le 3 mai, à savoir une centaine : il en a aussi signé après le 22 octobre, à savoir près de 80.

[27] Il ne veut cependant pas les revoir une par une à l'audience.

[28] Il a bien fait la même chose en 1994 et 1995 hors les périodes au cours desquelles il a été rémunéré.

[29] Demeurant en face de l'entreprise de la payeuse il était toujours rendu là à l'année longue parce qu'il n'avait rien d'autre à faire.

[30] Il faisait les voyages avec Michel D'Amours et il signait les factures car c'est lui qui débarquait du camion à cette fin.

[31] Il a aussi agi hors périodes avec Dominique D'Amours le fis de Michel.

[32] Il n'a jamais reçu de salaire lorsqu'il recevait des prestations d'assurance-chômage.

[33] Les enquêteurs ne lui ont pas offert de consulter un avocat lors de sa déclaration statutaire et il ne l'a pas demandé non plus.

[34] C'est au Centre d'emploi du Canada qu'il a ainsi été interrogé, mais il ne savait pas pourquoi il y avait été convoqué.

[35] L'entrevue a duré environ 15 minutes.

[36] Michel D'Amours le trouvait un bon employé et lorsqu'il lui a demandé du métal, il en a eu.

Selon Hélène Gagné :

[37] Elle est la conjointe de l'appelant depuis neuf à dix ans et ils habitent bien en face de la payeuse.

[38] L'appelant avait chez elle un travail saisonnier mais l'hiver, il s'y rendait quand même pour aider le père ou le fils D'Amours : il « montrait » d'ailleurs alors au fils à faire la « run » .

[39] Il remplissait bien ses cartes de chômage, mais il ne recevait pas de salaire quand les prestations d'assurance-chômage entraient.

[40] Il a bien reçu une auto en échange du surplus de ses heures non rémunérées.

[41] Elle ne sait pas s'il y avait un arrangement avec son employeur pour recevoir de meilleures prestations d'assurance-chômage.

La preuve de l'intimé

Selon Michel D'Amours :

[42] La signataire des Relevés d'emploi Florence Thibault tient sa comptabilité depuis au moins 15 ans.

[43] Il ne sait pas ce que veut dire le mot « argent » dans les livres de paie, mais il a bien confiance en elle.

[44] Il a bien signé deux déclarations statutaires (pièce I-6) une première le 15 mai et une deuxième le 16 juillet 1996.

[45] La première concerne un autre employé, André Caouette : elle fait voir que celui-ci figure au livre de salaire, en période intense, à 40 heures par semaine, qu'il cumule ses heures et que lorsqu'il termine de travailler, il revient faire du transport pour ses heures payées en trop de manière à ne pas lui nuire sur le chômage.

[46] La deuxième se lit ainsi :

« ...Je reconnais qu'il existe une entente générale avec mes employés que en période intense de travail ils figurent à chaque semaine cependant la réalité est que les camionneurs travaillent moins d'heures que les heures payées. Pendant qu'ils ne sont pas inscrits aux livres de paie ils continuent à travailler pour moi afin de remettre les heures qui me doivent. Lorsque le solde des heures est en faveur de l'employé nous sommes ouverts à l'effet que des échanges peuvent être faits : exemple, des pièces d'automobile, du métal et même il est arrivé à son employé Renaud Guimont d'obtenir une automobile de la Cie en échange de ses heures de travail. Les relevés d'emplois émis aux employés sont conformes au livre de salaire et non aux heures réelles de travail. Je reconnais donc les RDE suivants N89489041 daté du 24/10/94 et N90028242 daté du 29/5/95 émis à Renaud Guimont et le relevé N90803764 daté du 6/11/95 émis à André Caouette ne correspondent pas aux dates réelles de travail. Cette entente permet aux employés d'avoir un salaire fixe durant une période de bénéficier d'un taux de chômage plus élevé et de pouvoir travailler sans être pénalisé sur leur chômage et pour la Cie cette entente nous permet d'avoir de la main-d'oeuvre disponible en tout temps... »

[47] Il a dû payer une pénalité à la suite de cette enquête là.

[48] En hiver l'appelant ne recevait ni argent ni chèque à titre de salaire.

[49] Il s'agit évidemment d'un travail saisonnier car l'hiver, « ce n'est pas fort » : l'appelant qui était souvent à son bureau l'accompagnait alors sur les sites d'enfouissement car, lui, il avait peur des rats et évitait à cette fin de débarquer du camion.

[50] Hors ses périodes rémunérées, ce n'est pas l'appelant qui faisait tous les voyages, mais il signait cependant les factures en son nom.

[51] L'appelant a bien montré la « run » à son fils Dominique.

[52] Il avait son salaire hebdomadaire et il a toujours été bien payé.

[53] Il n'y avait pas d'entente secrète pour lui obtenir de meilleures prestations.

[54] C'est à son bureau que les enquêteurs sont allés le rencontrer : ils ont fouillé dans les livres mais, lui, il ne connaît rien là-dedans.

[55] L'appelant était un bon employé, aucunement paresseux, le matin il prenait ses instructions au bureau et faisait le travail commandé : il a même développé de nouveaux clients au bénéfice de l'entreprise.

[56] Il ne se souvient pas d'une chicane qui aurait eu pour cause de mettre fin à son emploi.

Les plaidoiries

Selon le procureur de l'appelant :

[57] Son client était contrôlé et il était bien intégré aux activités de la payeuse : il n'avait pas de chance de profit non plus que de risque de perte et c'est la payeuse qui lui fournissait ses outils de travail.

[58] Les critères établis par la jurisprudence pour qu'il y ait contrat de louage de services étaient tous réunis.

[59] L'appelant était payé par chèques et lorsqu'il recevait des prestations d'assurance-chômage, il n'était aucunement rémunéré.

[60] En plus de conduire le camion de la payeuse il allait lui chercher des contrats : il était un bon employé et faisait d'assez longues journées de travail.

[61] Il n'était pas payé à l'heure mais bien à la semaine et il n'avait pas à poinçonner.

[62] Son salaire était raisonnable et il a bien fourni sa prestation de travail : ses relevés d'emploi étaient exacts.

[63] Dans l'ouvrage « La Réforme du Code civil » (Textes réunis par le Barreau du Québec et la Chambre des notaires du Québec) sous la Rubrique « obligations, contrats nommés » , Marie-France Bich, Professeure à la Faculté de droit de l'Université de Montréal écrit sous la sous-rubrique « Le contrat de travail » (page 750) :

« 17. L'article 2085 du Code civil du Québec propose plutôt la définition suivante :

2085. Le contrat de travail est celui par lequel une personne, le salarié, s'oblige, pour un temps limité et moyennant rémunération, à effectuer un travail sous la direction ou le contrôle d'une autre personne, l'employeur.

Cette définition fait ressortir les éléments suivants :

1) le contrat de travail est un contrat évidemment synallagmatique au sens de l'article 1380 C.c.Q.;

2) le contrat de travail est un contrat onéreux, au sens de l'article 1381;

3) le contrat de travail est commutatif, au sens de l'article 1382 C.c.Q.;

4) le contrat de travail est, bien sûr, d'exécution successive au sens de l'article 1383 C.c.Q.. »

et (pages 752 et 753) :

« 25. Ce pouvoir de direction et de contrôle peut se matérialiser de plusieurs façons. Il y a d'abord ce que l'on pourrait appeler la forme traditionnelle du contrôle : l'employeur donne régulièrement au salarié des instructions précises sur l'accomplissement du travail et l'ensemble des modalités d'exécution. »

[64] Le libellé de l'article 2085 C.c.Q. est très général et fait bien voir que l'appelant avait un véritable contrat de travail.

Selon la procureure de l'intimé :

[65] Il y avait une entente entre l'appelant et Michel D'Amours à l'effet qu'en certaines périodes l'appelant était rémunéré sans faire toutes ses heures alors que par après, il faisait du bénévolat.

[66] L'appelant a reçu de la ferraille de la part de la payeuse ainsi qu'une automobile en échange d'heures non payées une fois la banque d'heures épuisées.

[67] En 1995 l'appelant travaille moins longtemps et il quitte même avant la période de pointe.

[68] Son relevé d'emploi indique le manque de travail, mais c'est plutôt à cause d'une chicane qu'il le fait.

[69] Les nombreuses factures produites font bien voir que même après ses mises à pied, l'appelant continuait à offrir ses services à son employeur et ce régulièrement.

[70] Même s'il dit que les enquêteurs « poussaient » les réponses, il admet bien des choses dans sa déclaration statutaire et à la Cour également.

[71] Il savait qu'il devait déclarer son travail sur ses cartes, mais ne le faisait pas étant donné qu'il ne recevait pas de chèque de salaire.

[72] La mention « argent » est très étrange au livre de paie pour les deux premières années et l'appelant qui avait le fardeau de la preuve ne fait pas entendre Florence Thibault qui aurait pu l'expliquer.

[73] Il faut en conclure que ces revenus payés en argent n'ont pas été déclarés.

[74] Michel D'Amours avait peur des rats et c'est pour cela que l'appelant devait toujours l'accompagner sur les sites d'enfouissement même en hiver.

[75] Les rémunérations de l'appelant étaient gonflées pour lui permettre d'avoir de meilleures prestations d'assurance-chômage.

[76] Dans l'ouvrage précité il est aussi écrit (page 749) :

« S'il est vrai que le Code civil du Québec n'a pas repris l'article 2157 de l'avant-projet, il faut tout de même compter avec le préambule dudit code, dont le second alinéa stipule que :

Le code est constitué d'un ensemble de règles qui, en toutes matières auxquelles se rapportent la lettre, l'esprit ou l'objet de ses dispositions, établit, en termes exprès ou de façon implicite, le droit commun. En ces matières, il constitue le fondement des autres lois qui peuvent elles-mêmes ajouter au code ou y déroger.

Il nous semble que le législateur québécois confirme ici un principe de superposition, les dispositions du Code civil constituant un plan directeur auquel d'autres lois et d'autres instruments juridiques peuvent s'ajouter ou déroger. En cas d'ajout ou de dérogation de nature contractuelle, le concept d'ordre public entre en jeu, selon la norme édictée par l'article 9 C.c.Q. :

9. Dans l'exercice des droits civils, il peut être dérogé aux règles du présent code qui sont supplétives de volonté; il ne peut, cependant, être dérogé à celles qui intéressent l'ordre public. »

[77] Le Code civil est supplétif et, en l'instance, le Ministre se base sur l'alinéa 3(1)a) de la Loi sur l'assurance-chômage.

[78] L'article 2085 C.c.Q. fait voir que le contrat de travail est un contrat onéreux et, en l'instance, il ne l'était pas pendant longtemps en hiver.

[79] L'appelant recevait des prestations d'assurance-chômage alors qu'il rendait continuellement des services à titre gratuit à la payeuse.

[80] Il n'y avait pas de véritable contrat de louage de services.

Selon le procureur de l'appelant en réplique :

[81] L'appelant habite dans une « petite place » à St-Eugène où les emplois sont rares et il faut être accommodant.

[82] Il a été payé en 1993 et 1994 pendant les périodes visées aux relevés d'emploi, à savoir durant celles de grande activité de la payeuse, à l'été.

[83] La Loi sur l'assurance-chômage est une loi sociale et elle est là pour permettre le versement de prestations en pareil cas.

[84] Il y avait un véritable contrat de travail et il ne s'agissait pas d'un emploi de convenance.

[85] Son client et Michel D'Amours ont tous deux dit à la Cour qu'il n'y avait pas d'entente dans le but de permettre à l'appelant de percevoir des prestations d'assurance-chômage auxquelles il n'avait pas droit.

[86] S'il y a eu mésentente on voit bien qu'il s'agissait d'un contrat synallagmatique.

[87] Le Ministre n'a pas établi la valeur de l'automobile remise à l'appelant par la payeuse en échange de travail non rémunéré.

Le délibéré

[88] Même si les sous-paragraphes a) et b) précités sont ignorés, l'ensemble de la preuve est à l'effet qu'ils sont vrais.

[89] Il est en preuve que l'appelant faisait aussi un peu de vente pour le compte de la payeuse, mais cela est sans importance pour la conclusion ci-après.

[90] Suivant la preuve, il est certain que les relevés d'emploi sont faux, les montants de rémunération et les dates de fin d'emploi y étant erronés.

[91] Il est certain que l'appelant ne travaillait pas en général 44 heures par semaine, ce pourquoi il était payé et qu'il remettait des heures après ses présumées dates de mises à pied.

[92] Il est aussi certain qu'après la remise des heures dues à la payeuse l'appelant recevait des pièces d'auto, du métal et qu'il a même reçu une automobile en guise de rémunération.

[93] Même si l'appelant et Michel D'Amours le nient à l'audience l'arrangement allégué par le Ministre est amplement prouvé; peut être ne le comprennent-ils pas, mais toute la réalité est là.

[94] L'appelant a certes oeuvré pour la payeuse, il a certes été un bon employé, il ne participait pas à ses profits et pertes sauf qu'il recevait des cadeaux, à un moment donné, en échange de ses services. Le camion lui était fourni par la payeuse et il recevait bien ses instructions de Michel D'Amours ou de sa secrétaire, mais ce n'est pas vraiment ce que la Cour a à décider pour terminer ce litige vu les faits et les arguments allégués par le Ministre.

[95] Ses problèmes avec la C.S.S.T. sont sans intérêt pour la solution du présent litige sauf qu'ils démontrent qu'il a demandé et reçu des prestations auxquelles il n'avait pas droit avec ce résultat qu'il a dû les rembourser.

[96] L'appelant peut dire que ce genre de commerce ne fonctionne pas en hiver, mais les très nombreuses factures produites font voir qu'il y a quand même des activités plusieurs fois par semaine.

[97] Étant donné la période de pointe de la payeuse il n'est pas normal que ce soit par manque de travail qu'il ait été mis à pied en mai 1995 : c'est bien plus parce qu'il y eut une mésentente avec son employeur; son autre explication ne résiste pas à un examen sérieux; dans sa réplique d'ailleurs, son procureur plaide que c'est à l'été que la payeuse est la plus occupée.

[98] La déclaration statutaire de l'appelant est accablante : elle prouve bien l'arrangement allégué par le Ministre; il peut dire que les enquêteurs ont « poussé » les réponses mais Michel D'Amours, lui, ne s'en plaint pas et dans sa déclaration statutaire il confirme bien cet arrangement.

[99] Dans sa déclaration l'appelant dit aussi avoir su qu'il devait déclarer son travail sur ses cartes de chômage et qu'il ne le faisait pas parce qu'il ne recevait pas de chèque de salaire : il y ajoute clairement « J'allais travailler à tous les jours » .

[100] Le mot « argent » sur les livres de paie de 1993 et 1994 est inexpliqué et c'est l'appelant qui avait le fardeau de la preuve : vu toutes les autres considérations la Cour n'a pas cependant à se prononcer sur cette question pour conclure ci-après.

[101] L'appelant peut bien ne pas vouloir regarder une à une toutes les factures produites en l'instance hors périodes car il s'agit là d'une preuve accablante à l'encontre de son appel.

[102] Il était toujours chez la payeuse et Michel D'Amours le faisait travailler à l'année longue dans le cadre de l'arrangement allégué par le Ministre.

[103] Il ne recevait peut-être pas de véritable salaire lorsqu'il avait des prestations, mais celui-ci lui avait été payé à l'avance au préalable dans le cadre de cet arrangement : au surplus il recevait par après de la ferraille et il a même reçu aussi une automobile.

[104] Il aurait pu demander l'assistance d'un avocat lors de sa déclaration statutaire, mais il a opté de ne pas le faire : les enquêteurs d'ailleurs, à ce stade, n'étaient pas obligés de lui offrir d'eux-mêmes cette consultation.

[105] Lorsqu'il a été invité par ceux-ci à se rendre au Centre d'emploi, il savait ou devait savoir que c'était pour se faire questionner sur l'assurabilité de son emploi étant donné qu'il percevait des prestations d'assurance-chômage : il aurait dû au surplus porter attention à la déclaration qu'on l'invitait à signer et il ne l'a pas fait.

[106] Hélène Gagné confirme bien que l'hiver l'appelant allait chez la payeuse pour aider le père ou le fils D'Amours à qui, d'ailleurs, il montrait même la « run » .

[107] La première déclaration statutaire de Michel D'Amours confirme bien l'arrangement précité dans le cas d'un autre employé et ce dans le but de ne pas lui « nuire sur le chômage » .

[108] Dans la seconde il reconnaît en plus que les relevés d'emploi concernant l'appelant ne correspondent pas aux dates réelles de travail : il y reconnaît aussi que ce système permet à l'employé d'avoir un salaire fixe durant une période, de bénéficier d'un taux de chômage plus valable, de pouvoir travailler sans être pénalisé et que pour la compagnie cette entente lui permet d'avoir de la main-d'oeuvre disponible en tout temps.

[109] Michel D'Amours admet à l'audience qu'il a dû payer une pénalité à la suite de cette enquête là.

[110] Il est étrange que si l'appelant ne faisait pas les voyages que c'est lui qui signait quand même les factures.

[111] Michel D'Amours ne se rappelle peut-être pas de la chicane à la source de la mise à pied de l'appelant en mai 1995 mais celui-ci l'a bien reconnue.

[112] Si toutes les heures supposément travaillées au cours de la belle saison l'avaient vraiment été, le salaire aurait pu être raisonnable, mais tel n'est pas le cas.

[113] L'ouvrage sur la Réforme du Code civil est très intéressant mais il fait bien voir que le contrat de travail est un contrat onéreux et, en l'instance, en hiver il ne l'était pas tant qu'il y avait des heures en banque.

[114] Il est évident que les rémunérations de l'appelant étaient gonflées de manière à lui permettre d'avoir de meilleures prestations d'assurance-chômage.

[115] Il est vrai que le Code civil du Québec est constitué d'un ensemble de règles qui, en toutes matières auxquelles se rapportent la lettre, l'esprit ou l'objet de ses dispositions établit, en termes exprès ou de façon implicite, le droit commun et qu'en ces matières il constitue le fondement des autres lois qui peuvent elles-mêmes ajouter au code ou y déroger .

[116] Il est vrai aussi qu'il est supplétif et l'alinéa 3(1)a) de la Loi sur l'assurance-chômage établit que pour être assurable un emploi doit être exercé en vertu d'un véritable contrat de louage de services.

[117] En l'instance, tel n'est pas le cas.

[118] L'appelant habite, il est vrai, à St-Eugène, mais cela ne peut expliquer l'arrangement dont il est question ci-dessus.

[119] Même si elle est de portée sociale la Loi concernée est là pour assurer des emplois véritables, ce qui n'est pas le cas en l'instance.

[120] Il y avait peut-être contrat de travail synallagmatique, mais il n'était pas assurable.

[121] L'appelant avait le fardeau de la preuve et c'était à lui d'établir s'il y trouvait avantage la valeur de l'auto qui lui a été donnée par la payeuse.

[122] L'appel doit donc être rejeté et la décision entreprise confirmée.

Signé à Laval (Québec), ce 14e jour d'août 1998.

« A. Prévost »

J.S.C.C.I.

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