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Date: 20000321

Dossier: 98-906-IT-G

ENTRE :

SUCCESSION FEU CAMILLE DESROSIERS,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge P.R. Dussault, C.C.I.

[1] Il s’agit d’un appel d’une cotisation pour l’année d’imposition 1995 de feu M. Camille Desrosiers. Monsieur Desrosiers est décédé en 1995. À son décès, il a laissé certains terrains boisés à l’égard desquels il est réputé avoir réalisé un gain en capital de 236 019,00 $ et un gain en capital imposable de 177 014,25 $. Une déduction pour gains en capital au montant de 158 160,00 $ a été réclamée en vertu de l’article 110.6 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la “ Loi ”). Cette déduction a été refusée par le ministre du Revenu national (le “ Ministre ”) au motif que les terrains boisés en question ne constituaient pas des biens agricoles admissibles au sens de la définition du paragraphe 110.6(1) de la Loi. De plus, le Ministre a ajouté au revenu de M. Desrosiers pour son année d’imposition 1995 un montant de 49 500,00 $ à titre de récupération d’amortissement.

[2] L’avocate de l’intimée reconnaît que le montant de 49 500,00 $ ajouté au revenu de M. Desrosiers doit être réduit de 46 665,00 $.

[3] La seule question en litige consiste donc à déterminer si les terrains boisés répondent à la définition de “ bien agricole admissible ” que l’on retrouve au paragraphe 110.6(1) de la Loi. Le seul point contesté est en rapport avec l’alinéa 110.6(1)a) qui définit un “ bien agricole admissible ” comme étant d’abord “ un bien immeuble qui a été utilisé dans le cadre de l’exploitation d’une entreprise agricole au Canada ”. L’intimée soutient que les terrains ont été utilisés dans le cadre de l’exploitation d’une entreprise forestière et non d’une entreprise agricole.

[4] Aux fins de la cotisation établie pour l’année d’imposition 1995 de M. Camille Desrosiers, le Ministre a tenu pour acquis les faits énoncés aux alinéas a) à t) du paragraphe 9 de la Réponse à l’avis d’appel. Ces alinéas se lisent :

a) M. Camille Desrosiers est décédé le 20 octobre 1995.

b) M. Desrosiers était propriétaire de terrains boisés, dont     certains avaient été acquis avant 1987; le gain en capital réputé au décès de M. Desrosiers, à l’égard de l’ensemble de ces terrains, est le suivant :

PD(JVM)

PBR

GC

Terrains acquis avant 1987

8

147 034 $

40 050 $

106 984 $

Terrains acquis après 1986

6

320 081 $

191 046 $

129 035 $

TOTAL

14

467 115 $

231 096 $

236 019 $

c) Jusqu’à son décès, M. Desrosiers avait capitalisé les terrains boisés qu’il avait acquis, à titre de concessions forestières.

d) M. Desrosiers avait ainsi réclamé des déductions pour amortissement à l’égard de ces concessions forestières en application de l’alinéa 1100(1)e) du Règlement de l’impôt sur le revenu et de l’annexe VI de ce règlement, notamment 10 000 $ en 1992, 8 000 $ en 1993 et 31 500 $ en 1994, déductions qui lui avaient été accordées par le ministre du Revenu national.

e) M. Desrosiers exploitait des terrains boisés depuis une quinzaine d’années, et le dernier lot avait été acheté en 1991. Il en faisait l’aménagement, la coupe et le reboisement.

f) Les travaux sur les terrains boisés de M. Desrosiers étaient effectués sous la surveillance de techniciens ou d’ingénieurs forestiers.

g) M. Desrosiers avait deux débusqueuses, qu’il faisait fonctionner lui-même avec deux employés.

h) Les terrains boisés appartenant à M. Desrosiers étaient à maturité.

i) Jusqu’à son décès, M. Desrosiers avait toujours déclaré ses revenus comme étant des revenus provenant d’opérations forestières, et non pas comme des revenus d’agriculture.

j) Les revenus d’entreprise de M. Desrosiers étaient, chaque année, principalement constitués de revenus de coupes de bois.

k) Les principales dépenses réclamées, chaque année, par M. Desrosiers étaient reliées à l’utilisation des débusqueuses.

l) En 1995, les revenus d’entreprise de M. Camille Desrosiers avant son décès provenaient aussi essentiellement de ventes de bois (60 646 $) auxquelles s’ajoutaient des subventions (8 995 $).

m) M. Desrosiers était identifié ou se faisait identifier comme travailleur forestier, et non pas comme un agriculteur, lors de l’achat des terrains boisés, dans les actes de prêts bancaires, dans ses demandes de subventions et dans les conventions d’aménagement forestier qu’il avait passées.

n) De son vivant, M. Desrosiers a été président du Syndicat des producteurs de bois du Bas-St-Laurent.

o) M. Desrosiers s’était vu attribuer des prix au titre du Mérite forestier québécois, en 1993.

p) Durant plusieurs années, M. Desrosiers a participé à différents programmes destinés aux producteurs de bois, programmes parrainés par le gouvernement fédéral ou par le gouvernement provincial (Programme forestier de l’Est du Québec notamment).

q) Pour 1994 et 1995, l’appelante a payé à Revenu Québec l’impôt provincial sur les opérations forestières; une déduction a été demandée au ministre du Revenu national pour les années d’imposition 1994 et 1995 à cet égard en application du paragraphe 127(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu.

r) À toute époque pertinente au présent litige, les terrains boisés en cause n’ont pas été utilisés dans le cadre de l’exploitation d’une entreprise agricole, mais ont été utilisés dans le cadre d’opérations forestières.

s) En conséquence, le ministre du Revenu national a refusé la déduction de 158 160 $ pour gain en capital réclamée par l’appelante pour l’année d’imposition 1995, au titre du gain en capital imposable de 177 014,25 $ (236 019 $ x 75%) réalisé à la disposition réputée des terrains boisés au décès de M. Camille Desrosiers.

t) Une récupération d’amortissement de 49 500 $, suite à la disposition réputée des terrains boisés sur lesquels une déduction pour amortissement avait antérieurement été prise par M. Camille Desrosiers, a par ailleurs été incluse dans le calcul du revenu pour l’année d’imposition 1995 conformément à l’article 13 de la Loi de l’impôt sur le revenu.

[5] Monsieur Frédéric Morneau, technicien forestier et M. Jean-Batiste Desrosiers, frère du défunt, ont témoigné pour l’appelante. Madame Isabelle Guévin, vérificatrice à Revenu Canada à l’époque pertinente, a témoigné pour l’intimée.

[6] Monsieur Morneau travaille pour la Société des ressources de la Métis (la “ Société ”) depuis 1989. Il s’agit d’un organisme de gestion des ressources forestières pour les propriétaires de boisés privés. C’est à compter de 1990 qu’il a pris en charge le dossier de M. Camille Desrosiers qui faisait déjà affaires avec la Société depuis 1987.

[7] De 1990 à 1995, M. Morneau s’est occupé d’environ 200 propriétaires qui font des travaux d’aménagement soit des coupes d’éclaircies, des activités de reboisement et des plantations sur leurs terrains boisés.

[8] Selon M. Morneau, M. Camille Desrosiers était l’un des plus grands propriétaires possédant de 28 à 31 lots dans la municipalité de Sainte-Jeanne-d’Arc (Québec). La superficie totale des terrains boisés possédés par M. Camille Desrosiers était de 1,200 hectares.

[9] Monsieur Morneau a signalé que M. Camille Desrosiers faisait plus de travaux que la majeure partie des propriétaires et il a soumis en preuve un rapport préparé à la demande de la succession et présenté comme un bilan des travaux d’aménagement réalisés depuis 1987 et jusqu’à 1996 sous la supervision de la Société. Le sommaire à la fin du rapport est dans les termes suivants :

Sommaire

Travaux de coupe : 43,7 ha

Eclaircies : 23,1 ha

Préparations de terrain : 55,3 ha

Reboisements : 75,2 ha

Entretiens de plantation : 37,5 ha

Débroussaillements : 9,4 ha

Coupe avec protection de regénération : 11,7 ha

Voiries forestières : 5,8 ha

Sur un total de 261,7 hectares de travaux réalisés dans le cadre des programmes forestiers, seulement 43,7 hectares de coupe ont été réalisés. Le reste des travaux sylvicoles effectués relèvent des travaux reliés au reboisement, à l’entretien des plantations ou aux travaux d’éducation de peuplements. Le pourcentage de travaux de coupe est de seulement 17%...ce qui fait de l’ancien propriétaire un sylviculteur très impliqué dans l’aménagement de ses boisés, sans compter son implication dans le milieu de la mise en marché.

[10] Selon M. Morneau les peuplements des lots acquis par M. Desrosiers étaient en voie d’atteindre leur maturité en 1990.

[11] Monsieur Morneau a décrit son travail comme consistant essentiellement à orienter les interventions en forêt selon un plan d’aménagement en fonction de l’inventaire des lots. À la suite d’une rencontre avec M. Camille Desrosiers au printemps pour préparer les travaux à être effectués dans l’année, M. Morneau affirme qu’il visitait ensuite les lieux toutes les semaines ou toutes les deux semaines car tous les travaux entrepris étaient sous sa supervision.

[12] Lors de son témoignage, M. Morneau a notamment décrit de façon détaillée les travaux d’éclaircies, les travaux de préparation du terrain pour le reboisement ou de préparation de terrain dans le cas d’anciennes friches, le débroussaillement, le reboisement, l’entretien de plantations par traitement chimique ainsi que les travaux de voiries nécessaires pour l’accès aux lots. Monsieur Morneau a notamment expliqué que les coupes d'éclaircies permettent de récolter du bois, jusqu'à 35% dans le cas d'éclaircies commerciales, mais que l'objectif est avant tout d'améliorer la qualité des peuplements en retirant les tiges qui nuisent à la croissance des meilleurs éléments.

[13] Monsieur Morneau a également expliqué que M. Desrosiers n’avait jamais acheté de droits de coupe, que tout le bois coupé venait de ses lots et qu’il s’agissait de bois parvenu à maturité sauf pour celui provenant des coupes d’éclaircies. Les coupes étaient faites en fonction du plan d’aménagement sur des superficies moyennes d’environ deux hectares. Il y avait toujours plantation au printemps suivant. Je signale ici que le rapport de M. Morneau fait état de la plantation de plus de 166,000 arbres au cours de la période de 1987 à 1995. J'exclus ici les plantations réalisées en 1996 soit après le décès de M. Camille Desrosiers.

[14] Si on examine en détail le rapport de M. Morneau au regard des terrains considérés comme “ biens agricoles admissibles ” dans la déclaration de revenu de M. Camille Desrosiers pour 1995 (Pièce I-7) on se rend compte que des travaux ont été effectués sur la très grande majorité des terrains en question au cours de la période de 1987 à 1995.

[15] Selon M. Morneau tous les travaux ont été effectués selon les critères établis dans les programmes d’aménagement forestier fédéral et provincial et ont donc été subventionnés en majeure partie.

[16] En contre-interrogatoire M. Morneau a expliqué que c’est dans le cadre du Programme de développement forestier de l’Est du Québec (“ le Programme ”) que les subventions fédérales sont obtenues par les producteurs (voir Pièce A-1). Dans le cadre de ce programme le mandat de gestion ou de supervision est donné au Syndicat des producteurs de bois (“ le Syndicat ”) qui le confie à son tour à la Société. Le Syndicat est un organisme qui voit à la mise en marché du bois en dirigeant les producteurs vers les acheteurs.

[17] Selon M. Morneau, les subventions, elles, sont accordées dans la mesure où les producteurs présentent un plan d’aménagement dont les coûts sont payés dans le cadre du Programme. Selon M. Morneau le plan d’aménagement autorise une certaine forme de récolte. Le plan d’aménagement donne également droit au remboursement de 85% des taxes foncières.

[18] Lors du contre-interrogatoire, M. Morneau a affirmé qu’en 1990 la majorité des lots possédés par M. Desrosiers étaient à maturité ou à quasi-maturité et que la superficie agricole constituait en réalité une petite partie des lots soit 10% ou même un peu moins de la superficie totale.

[19] Quant à son rapport indiquant des coupes réalisées par M. Desrosiers sur un total de 43.7 hectares, M. Morneau a signalé que cela ne tient évidemment pas compte du volume du bois coupé et qu’il y avait aussi des coupes d’éclaircies lesquelles produisaient toutefois moins de bois. M. Morneau a admis aussi que, dans le sommaire des travaux présenté dans son rapport, il est possible que certaines étendues aient été comptées deux fois puisqu’on plante là où on a préparé. Je remarquerai simplement ici que s'il s'agit des mêmes superficies, il n'en reste pas moins qu'elles ont fait l'objet de travaux distincts.

[20] Monsieur Morneau estime que M. Desrosiers faisait véritablement de la sylviculture ce que tous ne faisaient toutefois pas. Selon lui, la différence dépend de la justification des coupes. Il a souligné également que les gens qui faisaient des coupes abusives et à grande échelle n’avaient pas accès au Programme.

[21] Monsieur Jean-Batiste Desrosiers, l’un des frères du défunt a également témoigné. Monsieur Jean-Batiste Desrosiers a insisté sur le fait que la philosophie de son frère Camille avait toujours été d’avoir une belle forêt pour l’avenir et ainsi de la protéger et de la conserver. Selon lui, son frère Camille faisait beaucoup d’aménagement et de plantations de sorte que toutes les superficies coupées et les anciennes friches avaient été reboisées. Monsieur Jean-Batiste Desrosiers qui, avec ses frères et soeurs, a reçu les lots en héritage au décès de son frère Camille a affirmé continuer les travaux forestiers avec la même philosophie et avoir refusé systématiquement de vendre à des individus ou des sociétés dont la seule préoccupation était de couper.

[22] Monsieur Jean-Batiste Desrosiers a affirmé que certains lots avaient été acquis par son frère dans les années 1960 puis dans les années 1980 et même 1990 et qu’il n’avait jamais revendu de lots. Il a aussi mentionné que son frère avait été président du Syndicat des producteurs de bois du Bas-St-Laurent depuis 1990 et qu’il avait obtenu en 1992 un deuxième prix en aménagement forestier.

[23] Quant à l’utilisation des débusqueuses par son frère Camille, M. Jean-Batiste Desrosiers a affirmé qu’il fallait procéder à des éclaircies et couper également le bois parvenu à maturité puisque autrement il serait perdu. Il a mentionné également l’utilisation des débusqueuses pour les opérations d’arrosage.

[24] Monsieur Jean-Batiste Desrosiers a reconnu que dans la déclaration de transmission au décès, son frère Camille est décrit comme travailleur forestier et qu’il a, de son vivant, toujours déclaré ses revenus comme producteur forestier et non comme entrepreneur agricole.

[25] Madame Isabelle Guévin, vérificatrice à Revenu Canada en 1996 et 1997 a procédé à l’examen de l’ensemble des opérations de M. Camille Desrosiers. Après avoir obtenu les documents pertinents de la succession, elle a analysé l’achat des lots, leur potentiel forestier de même que les opérations forestières pour les années antérieures.

[26] S’attardant d’abord sur ce dernier point, Mme Guévin a fait l’analyse des déclarations de revenus de 1987 à 1994 de même que celle de 1995, l’année du décès. Elle a noté que ce n’est qu’en 1995 que le revenu est déclaré comme étant du revenu d’agriculture et non plus comme du revenu d’entreprise forestière comme antérieurement. En réalité pour toutes les années antérieures à 1995, le revenu provenait de la vente de bois et de subventions.

[27] La pièce I-9 est un sommaire des revenus de 1989 à 1995 sauf pour l’année 1991 pour laquelle les données ne sont pas disponibles. On y constate que les ventes de bois et les subventions ont été les suivantes au cours de ces années :

Année

Vente de

bois

Subventions

1989

25 127 $

0

1990

17 212 $

3 356 $

1991

N.D.

N.D.

1992

41 890 $

4 430 $

1993

15 305 $

11 134 $

1994

65 790 $

19 136 $

1995

60 646 $

8 995 $

[28] Parmi les autres éléments examinés, Mme Guévin a signalé que les dépenses réclamées comprenaient principalement le salaire d’employés et des dépenses relatives à la machinerie utilisée, notamment deux débusqueuses. Le revenu a toujours été déclaré en utilisant la méthode de comptabilité d’exercice ce qui est, selon elle, une méthode rarement utilisée pour comptabiliser des revenus provenant de l’agriculture. Madame Guévin a aussi noté que M. Camille Desrosiers avait également réclamé une déduction pour épuisement à l’égard de ses terrains boisés en 1993 et en 1994.

[29] À l’aide des plans d’aménagement et autres documents fournis par la succession, Mme Guévin a également fait une étude de la composition des lots. Sa conclusion est que la majorité des lots possédés était à maturité. La pièce I-10 soumise en preuve établit la localisation des lots et les résultats de l’étude réalisée pour en arriver à cette conclusion.

[30] Enfin, Mme Guévin a souligné que M. Camille Desrosiers s’était lui-même toujours décrit comme bûcheron ou travailleur forestier dans les contrats portant sur l’achat de ses terrains. À une occasion seulement il s’est décrit comme cultivateur et à une autre occasion comme homme d’affaires (voir Pièce I-11).

[31] Lors de son contre-interrogatoire, Mme Guévin a semblé convenir que M. Camille Desrosiers faisait de la sylviculture. Toutefois elle a qualifié l’activité comme ayant été de l’exploitation forestière plutôt que de l’agriculture. L’élément principal qui ressort de son témoignage est le fait que les arbres sur les lots qui ont en réalité été acquis par M. Desrosiers depuis le début des années 1980 étaient déjà à maturité et que l’activité principale a alors consisté dans la coupe du bois plutôt que la plantation sur des terres en friche. À cet égard, Mme Guévin signale que le revenu provenant de la coupe a augmenté d’année en année et qu’il est beaucoup plus élevé que les subventions reçues.

[32] Par ailleurs, Madame Guévin a reconnu que les travaux de coupe, à l’exception des coupes d’éclaircies, ne représentent que 17% des travaux effectués et que la superficie coupée ne correspond qu’à un faible pourcentage de celle de l’ensemble des terrains possédés par M. Desrosiers.

[33] Selon Mme Guévin, c’est l’examen de l’ensemble des éléments qui l’a porté à conclure qu’il s’agissait d’une exploitation forestière plutôt que d’une exploitation agricole. Outre les éléments déjà mentionnés ci-haut elle a réitéré avoir tenu compte des dépenses réclamées qui étaient principalement reliées à l’utilisation des débusqueuses, de la réclamation d’une déduction pour épuisement, de l’identification de M. Desrosiers comme travailleur forestier et finalement du fait qu’il ait déclaré ses revenus comme étant du revenu d’entreprise et non comme du revenu provenant d’une exploitation agricole.

Position de l’appelante

[34] L’avocat de l’appelante a rappelé d’abord la conclusion de M. Morneau dans son rapport selon laquelle M. Camille Desrosiers était “ un sylviculteur très impliqué dans l’aménagement de ses boisés ”. De plus, dit-il, selon le témoignage de M. Morneau, M. Desrosiers était l’un de ceux, parmi les quelques 200 propriétaires dont il s’était occupé, qui faisait le plus d’aménagement. Selon l’avocat de l’appelante, cette activité correspond précisément avec ce que l’on entend par sylviculture. En effet, selon le Petit Robert, dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, la sylviculture est définie de la façon suivante :

Sylviculture n.f. (1935; de sylvi-, de silva “ forêt ”, et culture). Exploitation rationnelle des arbres forestiers (conservation, entretien, régénération, reboisement, etc.).

[35] L’avocat de l’appelante insiste aussi sur le fait que M. Desrosiers avait acquis ses lots depuis plusieurs années, et sur le fait qu’il n’en avait jamais revendu aucun. Monsieur Desrosiers n’a jamais non plus acquis de droits de coupe et n’en a jamais accordé. Il n’a jamais non plus obtenu de concession forestière.

[36] De plus, les travaux de coupe ont été effectués sur des superficies minimes par rapport à l’ensemble des terrains possédés et toujours sur de très petites superficies à la fois.

[37] L’avocat de l’appelante insiste également sur le fait que tous les travaux ont été supervisés et que les coupes ont été effectuées aux endroits où la forêt était mature et en pleine santé. Il souligne l’importance des autres travaux dont le nombre important de plantations. Il mentionne également que les revenus de coupe ne sont quand même pas considérables et que si M. Desrosiers avait voulu exploiter ses boisés commercialement il aurait concédé des droits de coupe ce qu’il n’a jamais fait alors même que la forêt était en partie mature.

[38] L’avocat de l’appelante soutient également que l’utilisation des débusqueuses n’est pas significative puisqu’elles servent à autre chose qu’à couper. De même, il ne voit pas dans la désignation de M. Desrosiers comme travailleur forestier de connotation négative puisque l’activité consistait effectivement en du travail en forêt.

[39] Quant à la qualification de l’activité comme en étant une qui participe de l’agriculture, l’avocat de l’appelante se réfère à un certain nombre de Bulletins d’interprétation dans lesquels le Ministère du revenu expose sa position sur certains aspects touchant l’agriculture et notamment sur les circonstances dans lesquelles on reconnaît que des travaux forestiers constituent l’exploitation d’une entreprise agricole.

[40] Il s’agit des Bulletins d’interprétation IT-322R (25 octobre 1978) Pertes agricoles, IT-373R (14 mars 1985) Boisés de ferme et fermes forestières, IT-373R2 (16 juillet 1999) Boisés et IT-433R (4 juin 1993) Agriculture ou pêche – Utilisation de la méthode de comptabilité de caisse.

[41] L’avocat de l’appelante souligne le fait que dans le Bulletin IT-433R au paragraphe 8., on se réfère plus particulièrement à la décision de la Section de première instance de la Cour fédérale du Canada dans l’affaire La Reine c. Douglas C. Mattews, 74 DTC 6193, [1974] CTC 230 pour affirmer que l’agriculture comprend, outre les activités déjà énumérées au paragraphe 248(1), la sylviculture (“ tree farming ”).

[42] De même, malgré le fait que le Bulletin d’interprétation IT-373R2 soit de publication récente, l’avocat de l’intimée souligne la distinction établie aux numéros 12 et 13 aux fins de déterminer si certains travaux forestiers se qualifient comme étant de l’agriculture, distinction qui est basée sur le but premier des activités. En effet, ces paragraphes se lisent :

No. 12. Pour l’application de la Loi, le terme “ agriculture ”, au sens qui lui est donné au paragraphe 248(1), englobe un certain nombre d’activités. De manière générale, l’agriculture comprend la culture de diverses plantes et l’élevage de différents animaux dans un environnement contrôlé. Elle comprend aussi la culture du sol, l’élevage ou l’exposition d’animaux de ferme, l’entretien de chevaux de course, l’élevage de la volaille, l’élevage des animaux à fourrure, la production laitière, la culture des arbres fruitiers et l’apiculture. Toutefois, le mot “ agriculture ” exclut l’exercice d’une charge ou d’un emploi au service d’un contribuable qui exploite une entreprise agricole. Cette liste n’est pas exhaustive, et les tribunaux ont d’ailleurs décidé que le terme “ agriculture ” pouvait s’étendre à la production d’arbres. Dans certaines circonstances précises, on considère que l’agriculture inclut l’exploitation de pépinières et la culture en serre.

No. 13. Ce sont les faits entourant chaque cas qui déterminent si un boisé constitue une exploitation agricole, une exploitation forestière ou une quelconque entreprise commerciale. Si les activités d’une entreprise exploitée avec un espoir raisonnable de profit (un BOISÉ COMMERCIAL) n’ont pas comme principal objet d’abattre ou de débiter du bois mais plutôt de planter, de soigner et de récolter des arbres dans le cadre d’un plan de gestion forestière ou d’un autre plan semblable de gestion des ressources, et si l’on a apporté beaucoup de soin à la croissance, à la santé, à la qualité et à la composition des peuplements, on considère en général qu’il s’agit d’une entreprise agricole (un BOISÉ DE FERME COMMERCIAL). En revanche, si la principale activité de l’entreprise est l’exploitation forestière (boisé commercial non agricole) et qu’elle ne consiste pas à planter, soigner et récolter des arbres, le fait que des activités de reboisement ont cours ne transforme pas l’entreprise en une exploitation agricole.

[43] L’avocat de l’appelante soutient donc qu’il faut examiner la finalité des activités afin de pouvoir qualifier celles-ci. Dans le cas présent, il soutient que la longue période de détention, le fait de n’avoir jamais vendu malgré les nombreuses offres d’achat, le fait d’avoir attendu que les arbres aient atteint leur maturité avant de procéder à des coupes de même que l’ensemble des travaux exécutés démontre que le but premier n’était pas l’abattage des arbres mais essentiellement de la sylviculture laquelle a été reconnue comme activité agricole.

[44] L’avocat de l’appelante insiste également sur le fait qu’on ne peut restreindre, comme l’intimée veut le faire, l’interprétation du mot agriculture à des activités en rapport avec les seuls boisés de ferme et les toutes nouvelles plantations “ à partir de zéro ”.

[45] Selon l’avocat de l’appelante, les autres éléments soulevés tel la désignation de M. Desrosiers comme travailleur forestier n’ont au fond pas beaucoup d’importance.

Position de l’intimée

[46] L’avocate de l’intimée souligne d’abord que la référence au paragraphe 8. du Bulletin d’interprétation IT-433R à la décision dans l’affaire Mattews (précitée) selon laquelle la sylviculture est considérée comme étant de l’agriculture est erronée et que dans certaines décisions tout comme dans certains Bulletins d’interprétation on a, à tort, tenu pour acquis que tel était le cas (voir entre autres les décisions dans les affaires Malone v. M.N.R., 84 DTC 1798 et Madronich v. The Queen, 89 DTC 5093).

[47] L’avocate de l’intimée se réfère également à la décision dans l’affaire Kirkpatrick v. M.N.R., 72 DTC 1120 dans laquelle il a été établi que le reboisement ne constituait pas de l’agriculture. Toutefois, elle souligne que dans d’autres décisions, il a été reconnu que des plantations pour produire des arbres de Noël ou des arbres ou arbustes ornementaux constituaient de l’agriculture. Il s’agit de décisions dans les affaires Sobczak v. The Queen, 93 DTC 963, [1993] A.C.I. no. 314 (Q.L.), Solotorow, 88 DTC 1667 et Wong et al v. M.N.R., 90 DTC 1710. L’avocate de l’intimée souligne également que des terrains boisés ont été considérés comme biens agricoles admissibles aux fins de la déduction pour gain en capital du paragraphe 110.6(2) de la Loi dans l’affaire Larsen c. Canada, [1998] A.C.I. no. 594 (Q.L.).[1] Dans cette affaire où il s'agissait de la vente d'un profit à prendre sur un terrain boisé, le terrain en question avait été utilisé par des bovins comme abri au cours de certaines périodes où ils paissaient à cet endroit.

[48] L’avocate de l’intimée soutient que toutes les sociétés qui font de l’exploitation forestière font du reboisement et que cette activité n’est pas suffisante pour établir qu’il s’agit là d’agriculture.

[49] L’avocate de l’intimée souligne également le fait que M. Camille Desrosiers a réclamé une déduction pour épuisement à l’égard de ses terrains boisés au cours de certaines années. De plus, elle remarque que même si on a fait état de travaux importants, ils n’ont été effectués que sur environ 20% de la superficie des terrains et qu’en réalité ces travaux ont été réalisés sur les boisés déjà parvenus à maturité.

Analyse

[50] L’appelante prétend que les terrains boisés laissés par M. Camille Desrosiers à son décès étaient utilisés dans le cadre d’une entreprise agricole alors que l’intimée soutient qu’ils l’étaient dans le cadre d’opérations forestières. Aucune des deux parties n’a tenté de faire porter le débat sur l’utilisation de certains terrains particuliers à une fin plutôt qu’à une autre. La preuve a été présentée concernant les activités sur l’ensemble des terrains d’une superficie totale de 1,200 hectares.

[51] Le paragraphe 248(1) de la Loi n’établit pas une définition véritable du terme agriculture. Toutefois, il indique ce qui suit :

“ agriculture ” Sont compris dans l’agriculture la culture du sol, l’élevage ou l’exposition d’animaux de ferme, l’entretien de chevaux de course, l’élevage de la volaille, l’élevage des animaux à fourrures, la production laitière, la pomoculture et l’apiculture. Ne sont toutefois pas visés par la présente définition la charge ou l’emploi auprès d’une personne exploitant une entreprise agricole.

[52] Évidemment, une telle définition ne se veut pas exhaustive. Le recours au sens ordinaire du terme semble donc approprié pour en circonscrire la portée.

[53] Dans le Grand Robert, Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, 2e édition, 1988 (“ Le Grand Robert ”), le terme agriculture est défini dans son sens premier de la manière suivante :

Culture, travail de la terre; par ext., production des plantes et des animaux utiles fournissant les denrées alimentaires et les matières premières d’autres industries. & Culture; apiculture, arboriculture, aviculture, horticulture, pisciculture, sériciculture, sylviculture, viticulture; élevage; primaire (secteur primaire).

[54] Si une telle définition n’établit pas les limites absolues du terme elle n’en indique pas moins un certain nombre d’activités qui lui sont associées et qui dépassent celles qui sont déjà énumérés dans la Loi. Les termes arboriculture et sylviculture sont évidemment ceux qui nous intéressent dans la présente affaire. Ces termes ne sont aucunement définis dans la Loi. Le grand Robert les définit respectivement ainsi :

ARBORICULTURE

...

Partie de l’agriculture qui a pour objet la culture des plantes ligneuses. & Arbre. Arboriculture forestière. & Foresterie, sylviculture. – Spécialt. Production de fruits. Arboriculture fruitière. & Agrumiculture, horticulture, pomoculture (ou pomologie), viticulture. Arboriculture d’ornement. & Jardinage; horticulture.

SYLVICULTURE

...

Didact. Exploitation rationnelle des arbres forestiers (conservation, entretien, régénération, reboisement, etc.). & Arboriculture.

[55] Dans le même ouvrage on donne au verbe “ exploiter ” dans l'expression “ exploiter un bois ” le sens d'“ en abattre et débiter les arbres ”.

[56] Où nous mènent ces définitions ? Si elles ne tracent pas une ligne de démarcation absolue entre les termes “ agriculture ” d’une part et “ opérations forestières ” ou “ exploitation forestière ” d’autre part, elles indiquent de façon assez claire les activités qui sont plus précisément associées à l’une ou à l’autre et dont il convient de mesurer l’ampleur respective dans la mesure où elles coexistent. Dans un cas limite comme le cas présent, c’est donc ultimement en fonction de la nature des activités et de leur importance relative que la solution doit être recherchée.

[57] On aura déjà remarqué ici que cette démarche est précisément celle suggérée au paragraphe 13. du Bulletin d’interprétation IT-373R2 portant sur les “ Boisés ” et publié en date du 16 juillet 1999. Comme on le sait, ces bulletins ne lient pas les tribunaux mais peuvent s’avérer très utiles lorsque certaines difficultés d’interprétation se présentent. La date récente de publication ne saurait, à mon avis, constituer un obstacle au regard de la présente affaire dans la mesure ou il y est exprimée une démarche logique, réaliste et nuancée. J’ajouterai que pour la question qui nous concerne, les idées exprimées ne sont aucunement le résultat de changements législatifs ou jurisprudentiels récents. Pour fins de commodité, je reproduis à nouveau le paragraphe 13. du Bulletin d’interprétation IT-373R2 qui se lit ainsi :

No. 13. Ce sont les faits entourant chaque cas qui déterminent si un boisé constitue une exploitation agricole, une exploitation forestière ou une quelconque entreprise commerciale. Si les activités d’une entreprise exploitée avec un espoir raisonnable de profit (un BOISÉ COMMERCIAL) n’ont pas comme principal objet d’abattre ou de débiter du bois mais plutôt de planter, de soigner et de récolter des arbres dans le cadre d’un plan de gestion forestière ou d’un autre plan semblable de gestion des ressources, et si l’on a apporté beaucoup de soin à la croissance, à la santé, à la qualité et à la composition des peuplements, on considère en général qu’il s’agit d’une entreprise agricole (un BOISÉ DE FERME COMMERCIAL). En revanche, si la principale activité de l’entreprise est l’exploitation forestière (boisé commercial non agricole) et qu’elle ne consiste pas à planter, soigner et récolter des arbres, le fait que des activités de reboisement ont cours ne transforme pas l’entreprise en une exploitation agricole.

[58] En ce qui concerne la jurisprudence pertinente à la question, le paragraphe 13. reproduit ci-dessus n’en trahit pas le sens. Toutefois, je signale qu’aucune décision n’a à ce jour directement porté sur un litige tel qu’il se présente ici.

[59] Au sujet de la décision de la Section de première instance de la Cour fédérale dans l’affaire Mattews, sur laquelle on s’appuie au paragraphe 8. du Bulletin d’interprétation IT-433R pour affirmer que l’agriculture comprend également la sylviculture, il importe d’apporter deux précisions. D’abord, l’expression anglaise “ tree farming ” est traduite dans la version française du jugement par l’expression “ exploitation arboricole ” (voir [1974] A.C.F. no. 204 (Q.L.)). Quant à la question de savoir si une telle exploitation constituait une entreprise agricole, le Juge Mahoney s’est tout simplement abstenu d’y répondre puisque cela ne lui semblait pas nécessaire pour décider de la question soumise même si dans la décision antérieure de la Commission de révision de l’impôt on en était venu à la conclusion que tel était le cas (voir 72 DTC 1526 à la page 1528).

[60] Au paragraphe 6. du Bulletin d'interprétation IT-322R on va encore plus loin puisqu'on affirme en ce qui concerne l'énumération des activités comprises dans la définition d'agriculture que l'on retrouve au paragraphe 248(1) de la Loi ce qui suit :

Cette liste n'est pas complète et nos cours ont décidé que le mot “ agriculture ” comprendrait également l'exploitation forestière ...

[61] Par ailleurs, dans une autre décision de la Commission de révision de l’impôt à laquelle s'est référée l'avocate de l'intimée datant de la même époque, il s'agit de la décision dans l'affaire Kirkpatrick, il avait été décidé que la plantation d’arbres sur 25 acres de terrain pour produire du bois à abattre ou débiter dans quelques 25 à 40 ans dans le futur ne constituait pas une entreprise agricole mais du reboisement (“ reforestation ”).

[62] Il est un peu étonnant de constater que l'avocate de l'intimée se soit référée à cette décision pour appuyer sa position alors que l'on sait que le contraire a été énoncé dans la première partie du paragraphe 7. du Bulletin d'interprétation IT-373R qui porte d'ailleurs le titre “ Plantation forestière ”.

[63] À tout événement, les circonstances de l'affaire Kirkpatrick et celles décrites au paragraphe 7. du Bulletin d'interprétation IT-373R ont peu à voir avec la présente situation. Comme je l'ai souligné plus haut, le paragraphe 13. du Bulletin d'interprétation IT-373R2 m'apparaît apporter les nuances qui s'imposent quant à l'orientation des activités pour permettre de répondre à la question qui se pose ici.

[64] Quant à ces activités, justement, je me réfère d'abord au “ Rapport d'activité sylvicole ” de M. Morneau (Pièce A-1). Le sommaire des activités couvre la période de 1987 à 1996. Si on exclut les activités de 1996 sur une superficie de 13.1 hectares et qui ne comprennent aucune activité de coupe, les activités totales pour la période de 1987 à 1995 ont été effectuées sur 248.6 hectares soit sur l'équivalent de 20.7% de la superficie totale de 1,200 hectares. Les travaux de coupe ont été réalisés sur 43.7 hectares. Ces travaux ne représentent que 17.6% de tous les travaux effectués durant la période et ce, sur une superficie de seulement 3.6% des terrains possédés. Il est assez évident que les activités de M. Camille Desrosiers n'avaient pas comme “ principal objet d'abattre ou de débiter du bois mais plutôt de planter, de soigner et de récolter des arbres dans le cadre d'un plan de gestion forestière ou d'un autre plan semblable de gestion des ressources ” pour reprendre les termes utilisés au paragraphe 13. du Bulletin d'interprétation IT-373R2.

[65] Voudrait-on ajouter aux coupes commerciales les coupes d'éclaircies et les coupes avec protection de régénération, que l'on obtiendrait des coupes sur un total de 78.5 hectares soit 6.5% de la superficie totale des terrains. Même en considérant les choses sous cet angle, les travaux de coupe ne représenteraient alors que 31.6% de l'ensemble des travaux au cours de la période de 1987 à 1995. C'est donc sur les autres travaux que l'accent a été mis.

[66] D'ailleurs, M. Morneau a affirmé lors de son témoignage que M. Camille Desrosiers était le propriétaire, parmi les quelques 200 dont il s'était occupé, qui faisait le plus d'aménagement.

[67] Certes, les coupes d'éclaircies permettent de récolter du bois. Toutefois, leur objectif premier est de dégager les meilleures tiges et d'améliorer la qualité du boisé comme le souligne M. Morneau dans son rapport.

[68] Quant au reboisement, on constate qu'il a été effectué sur des superficies sensiblement plus grandes que celles qui ont fait l'objet de coupes. Les autres travaux ont aussi été importants et ne font que confirmer l'orientation prise par M. Desrosiers dans la réalisation de son objectif d'améliorer la qualité de ses boisés.

[69] Malgré le fait que les boisés de M. Camille Desrosiers aient été en grande partie à maturité en 1990 comme l'a fait remarquer M. Morneau, il ne faut pas oublier que certains terrains avaient été acquis cinq et même dix ans auparavant. On constate aussi, non seulement que les travaux de sylviculture ont été poursuivis à chaque année, mais qu'ils ont même été considérablement augmentés au cours de la période de 1993 à 1995. De plus, tel qu'il a été mentionné plus haut, le rapport de M. Morneau indique qu'au cours de la période de 1987 à 1995, des travaux ont été réalisés sur la très grande majorité des terrains considérés comme “ biens agricoles admissibles ” dans la déclaration de revenu de M. Camille Desrosiers pour 1995.

[70] Quant aux revenus tirés de la vente de bois par M. Desrosiers au cours de la période de 1989 à 1995 on peut sans mal imaginer ce qu'ils auraient pu être si M. Desrosiers avait eu comme objectif principal d'abattre et de débiter du bois.

[71] L'examen de l'ensemble des activités sylvicoles de M. Camille Desrosiers me porte à conclure que les travaux effectués participent de l'agriculture.

[72] En conséquence de ce qui précède, je suis d'avis que les terrains boisés en question ont été utilisés dans le cadre d'une entreprise agricole et que la déduction pour gains en capital de l'article 110.6 de la Loi peut être réclamée à leur égard.

[73] L'appel est admis et la cotisation est déférée au Ministre du revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant pour acquis que le montant de 49 500,00 $ inclus dans le revenu de M. Camille Desrosiers à titre de récupération doit être réduit de 46 665,00 $ et que M. Camille Desrosiers a droit à la déduction pour gains en capital de l'article 110.6 de la Loi pour un montant de 158 100,00 $ dans le calcul de son revenu imposable pour cette année. Le tout avec dépens en faveur de l'appelante.

Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour de mars 2000.

“ P.R. Dussault ”

J.C.C.I.



[1]               Cette décision a été confirmée par la Cour d'appel fédérale, [1999] F.C.I. no. 1665 (Q.L.).

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