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Date: 19991210

Dossier: 98-2277-IT-I

ENTRE :

DESMOND FRIEDLAND,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge suppléant Rowe, C.C.I.

[1] L’appelant a interjeté appel à l’encontre de la cotisation établie à son endroit pour l’année d’imposition 1996. En effectuant le calcul de sa cotisation pour l’année d’imposition, l’appelant a inclus dans ses crédits d’impôt non remboursables des frais de scolarité de 8 250 $, versés au Comité national sur les équivalences des diplômes de droit (“ CNÉDD ”). Le ministre du Revenu national (le “ ministre ”) a refusé de considérer ces frais de scolarité comme des crédits d’impôt, alléguant que le CNÉDD n’était pas une université, un collège ou un autre établissement d’enseignement offrant des cours de niveau postsecondaire, et que le CNÉDD n’était pas reconnu par le ministre du Développement des ressources humaines comme un établissement d’enseignement offrant des cours qui visent à donner ou à augmenter la compétence nécessaire à l’exercice d’une activité professionnelle.

[2] Lors de son témoignage, l’appelant a indiqué être avocat et pratiquer le droit à Richmond (Colombie-Britannique). Il résidait en Afrique du Sud jusqu’à ce qu’il émigre au Canada, en 1993. Diplômé d’une université sud-africaine en 1987, il a été admis au barreau de ce pays en 1990 à titre d’attorney (l’équivalent de notre solicitor). Il a trouvé un poste d’assistant juridique à Richmond et s’est informé auprès du Comité conjoint sur les équivalences des diplômes de droit (le “ Comité conjoint ”), selon l’ancien nom de cette association, quant aux procédures permettant de devenir membre d’un barreau provincial. Il a appris que le Comité conjoint se composait de représentants de tous les barreaux du Canada et qu’il avait pour objectif d’évaluer les compétences de tout avocat ayant suivi une formation à l’étranger. Le Comité conjoint a avisé l’appelant qu’il aurait à se soumettre à des examens en procédure civile, en droit de la famille, en droit fiscal, en droit administratif, en droit constitutionnel et dans trois autres domaines. L’appelant a alors réalisé qu’il pouvait soit s’inscrire dans une faculté de droit pour compléter la scolarité requise, soit étudier, par correspondance, certains sujets selon des normes établies à l’Université d’Ottawa, puis se soumettre aux examens portant sur les matières qu’il aurait étudiées. Comme l’appelant devait entre-temps gagner sa vie, il a conclu qu’il ne pouvait étudier à plein temps, même si cette façon de faire aurait été la plus efficace puisqu’elle lui aurait permis de terminer les cours requis en un an. Il a entamé l’étude des domaines de droit requis par l’entremise du programme par correspondance et a réussi à compléter tous les cours en 12 mois. Il a passé les examens au cours d’une période de quatre mois et les a tous réussis. Par conséquent, il a obtenu un certificat professionnel (pièce A-1) en date du 5 novembre 1996 en provenance du Comité, maintenant appelé le Comité national sur les équivalences des diplômes de droit. Après avoir obtenu ce certificat, l’appelant a contacté le barreau de la Colombie-Britannique et a reçu la permission de suivre un stage, puis de s’inscrire au cours de formation professionnelle du barreau. Le 1er décembre 1997, l’appelant était reçu au barreau de la Colombie-Britannique. L’appelant a indiqué avoir déclaré la somme de 8 250 $ à titre de crédits d’impôt pour frais de scolarité étant donné que les cours qu’il a suivis par l’entremise du CNÉDD étaient des cours de niveau universitaire du programme de LL.B. et qu’ils étaient reconnus par le barreau de la Colombie-Britannique.

[3] En contre-interrogatoire, l’appelant a précisé avoir payé la somme de 500 $ au CNÉDD afin que ce dernier évalue ses compétences. Le montant versé pour les divers cours a totalisé 4 000 $ et le reste de la somme se rapporte aux livres et aux fournitures. L’appelant a convenu que le formulaire qu’il avait rempli était sensiblement le même que celui déposé en preuve sous la cote R-1. Lorsque l’appelant a eu besoin des résultats de ses examens dans le cadre de sa demande auprès du barreau de la Colombie-Britannique, il a appelé l’adjointe administrative du CNÉDD, qui lui aurait indiqué que les professeurs désignés pour la correction des examens s’affairaient à terminer la correction le plus rapidement possible. Tout au long du processus, l’appelant s’est toujours adressé au CNÉDD pour obtenir la liste des lectures de références requises ou des copies des examens antérieurs et a toujours versé les frais requis au CNÉDD. Il n’a jamais obtenu de crédits d’une faculté de droit canadienne pour les cours qu’il a suivis. Il se rappelle avoir reçu une lettre datée du 4 septembre 1997 (pièce R-2) de la part de Fran Russo, assistante administrative, et était au courant des faits mentionnés au second paragraphe de cette lettre, qui se lit comme suit :

[TRADUCTION]

Le Comité national ne fournit aucun reçu officiel aux fins de l’impôt; en effet, nous ne sommes pas un établissement d’enseignement puisque les candidats se préparent aux examens par autoformation (une approche similaire à celle des cours par correspondance). Tous les examens du Comité sont préparés et évalués par des professeurs de droit qualifiés, dont la plupart travaillent actuellement dans des facultés de common law au Canada.

[4] La déclaration faite sous serment par Pierrette Thibodeau a été déposée pour démontrer que le Comité national sur les équivalences des diplômes de droit n’était pas reconnu par le ministre du Développement des ressources humaines en 1996 en vertu des clauses 118.5 ou 118.6 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la “ Loi ”). L’appelant a fait valoir que cette disposition n’avait jamais été soulevée dans le cadre de son appel.

[5] L’appelant a soutenu que le CNÉDD offrait des cours de niveau postsecondaire, qu’il fournissait une liste de lectures de référence et que ses examens étaient préparés et les copies évaluées par des professeurs qui travaillaient dans des facultés de droit d’universités canadiennes. L’appelant est d’avis que le résultat est le même, à toutes fins pratiques, que s’il s’était inscrit à plein temps dans un établissement d’enseignement au Canada.

[6] L’avocat de l’intimée a soutenu que le CNÉDD n’était pas un établissement d’enseignement en vertu de la Loi et que le processus d’équivalence offert par ce Comité ne différait pas tellement de celui que doivent suivre les gens qui se soumettent à l’examen d’admission d’une faculté de droit avant de pouvoir s’inscrire à cette faculté universitaire.

[7] Le texte de loi pertinent se lit comme suit :

Clause 118.5 : Crédit d’impôt pour frais de scolarité.

(1) Les montants suivants sont déductibles dans le calcul de l’impôt payable par un particulier en vertu de la présente partie pour une année d’imposition :

(a) si le particulier est inscrit au cours de l’année à l’un des établissements d’enseignement suivants situés au Canada :

(i) établissement d’enseignement – université, collège ou autre – offrant des cours de niveau postscondaire,

(ii) établissement d’enseignement reconnu par le ministre du Développement des ressources humaines comme offrant des cours – sauf les cours permettant d’obtenir des crédits universitaires – qui visent à donner ou à augmenter la compétence nécessaire à l’exercice d’une activité professionnelle,

le produit de la multiplication du taux de base pour l’année par les frais de scolarité payables à l’établissement pour l’année si le total de ces frais dépasse 100 $, à l’exception des frais [...]

[8] L’appelant doit prouver que trois conditions préalables ont été respectées pour pouvoir réclamer un crédit d’impôt pour frais de scolarité en vertu de l’alinéa 118.5(1)a)ii). Tout d’abord, le particulier doit être inscrit à un établissement d’enseignement situé au Canada. Ensuite, l’établissement d’enseignement doit être une université, un collège ou un autre établissement d’enseignement qui, finalement, offre des cours de niveau postsecondaire.

[9] Nous devons avant tout décider si le Comité national sur les équivalences des diplômes de droit est ou non un établissement d’enseignement. Il semble n’y avoir aucune définition normalisée de ce qu’est un établissement d’enseignement dans les diverses lois fédérales et provinciales qui ont trait aux écoles, aux prêts aux étudiants et à l’enseignement.

[10] Le Oxford English Dictionary définit le mot “ enseignement ” (education) de la façon suivante :

[TRADUCTION]

3. Instruction, étude ou formation systématiques données aux jeunes gens afin de les préparer à une vie de travail; par extension, instruction ou formation obtenue à l’âge adulte. Désigne également le processus complet de l’instruction scolaire dont un individu a bénéficié. Souvent utilisé avec des mots restrictifs qui indiquent la nature ou l’objet principal de l’instruction ou le genre de vie auquel elle prépare, comme classique, juridique, médical, technique, commercial, artistique.

et définit le mot “ établissement ” (institution) ainsi :

[TRADUCTION]

7. Institution, organisation ou association fondée pour la promotion d’un certain objectif, particulièrement un objectif d’utilité publique ou générale, religieux, charitable, d’enseignement, etc., comme une église, une école, un collège, un hôpital, un asile, une maison de correction, un poste de missionnaire; [...] Ce mot est souvent familièrement utilisé pour désigner les édifices utilisés par un établissement de bienfaisance ou d’enseignement.

[11] Dans l’affaire Seafarers Training Institute and Township of Williamsburg (1982), 138 D.L.R. (3d) 407, le juge Smith a conclu qu’il était nécessaire de définir le mot “enseignement” (education), ce que les tribunaux n’avaient jamais fait auparavant dans le cadre de l’application de la Loi sur l’évaluation foncière, et fait à la page 414 la réflexion suivante :

[TRADUCTION]

... Le mot “enseignement” devrait recevoir l’interprétation large qu’il reçoit dans le langage courant. Si un endroit a des étudiants, des installations matérielles, des professeurs ou des instructeurs, un programme dont l’objectif est d’encourager la progression dans la vie de ceux qui le fréquentent de façon à ce qu’ils puissent accéder à une profession ou à un métier, cet endroit devrait être considéré comme une institution (séminaire) à des fins d’enseignement. [1]

[12] Le Black's Law Dictionary définit un “établissement d’enseignement” (educational institution) de la façon suivante :

[TRADUCTION]

École, séminaire, collège, université ou autre institution d’enseignement, qui ne détient pas nécessairement de charte. Tel qu’il est utilisé dans les ordonnances de zonage, ce terme peut inclure les édifices ainsi que tous les terrains nécessaires pour mener à bien l’enseignement éducatif dans son ensemble, y compris les aspects essentiels du développement mental, moral et physique.[2]

[13] Le Dictionary of Canadian law, quant à lui, définit un “établissement d’enseignement” (educational institution) ainsi :

[TRADUCTION]

1. Institution d’apprentissage qui offre des cours de niveau post-secondaire. 2. École technique ou professionnelle, université, collège ou autre école d’enseignement supérieur. Voir DÉSIGNÉ; SPÉCIFIQUE.

[14] Le Canadian Tax Reporter indique, à propos des “établissements d’enseignement” (educational institutions), que :

[TRADUCTION]

Un établissement d’enseignement désigne en général, entre autres choses, un collège ou une université, une organisation professionnelle qui offre des cours à ses membres qui sont tous diplômés d’une école secondaire, et un établissement qualifié d’“ établissement d’enseignement agréé ” par la Loi fédérale sur les prêts aux étudiants ou d'institution d'enseignement reconnue en vertu de la Loi sur les prêts et bourses aux étudiants du Québec.[3]

[15] De toute évidence, le CNÉDD ne se considère pas comme un établissement d’enseignement; son nom (en anglais) est National Committee on Accreditation.

[16] Je suis d’avis que le nom français de ce comité, le Comité national sur les équivalences des diplômes de droit, indique plus adéquatement qu’en anglais les fonctions qu’il exerce. De plus, le CNÉDD ne possède aucun autre nom qui pourrait le désigner comme étant un établissement d’enseignement en vertu de la Loi.

[17] Il me faut maintenant décider si le CNÉDD offrait des cours de niveau postsecondaire. À mon avis, le mandat du CNÉDD est de certifier qu’un candidat comprend et connaît suffisamment les lois canadiennes, et qu’il a bénéficié de cours et d’une formation équivalant à ceux offerts par les facultés de droit canadiennes. Le CNÉDD évalue les étudiants au cas par cas et tient compte de divers facteurs, comme la nature de l’établissement d’enseignement fréquenté, le nombre de cours compris dans le programme de droit suivi, les résultats obtenus et l’expérience juridique professionnelle acquise. Après avoir examiné ces facteurs, le CNÉDD recommande au candidat de se soumettre à des examens dans des domaines spécifiques du droit canadien, de suivre des cours spécifiques auprès d’une faculté de droit canadienne ou de compléter un LL.B. au Canada. L’appelant a indiqué que le CNÉDD lui avait offert tout l’encadrement et l’aide qu’il espérait, mais cela n’équivaut pas à “offrir des cours” de niveau postsecondaire. De l’avis de Revenu Canada, les frais d’examen versés au Conseil médical du Canada et à l’Educational Commission for Foreign Medical Graduates ne sont pas considérés comme des frais de scolarité. Dans son Interprétation technique, Division des déclarations d’entreprises et déclarations générales, en date du 20 juin 1994, Revenu Canada précise que :

[TRADUCTION]

Revenu Canada est d’avis que les frais d’examen seraient admissibles au titre de frais de scolarité uniquement s’ils étaient versés dans le cadre d’études. Le Conseil médical du Canada exige des frais pour “ faire passer des examens servant à évaluer les connaissances médicales et éventuellement à obtenir le permis de pratique des Conseils médicaux des provinces ou des collèges ” et ces frais ne sont pas versés dans le cadre d’études.

[18] Bien que je ne sois pas tenu de le faire, je considère que cet argument est raisonnable et je le fais mien dans la mesure où il s’applique au présent appel. Le fait que l’appelant ait suivi des études par correspondance n’est pas déterminant puisque ce genre de cours peut ouvrir droit à un crédit d’impôt s’ils sont donnés par un établissement d’enseignement au Canada. Néanmoins, le CNÉDD était la porte d’entrée obligatoire pour toute personne désireuse d’entreprendre une carrière juridique au Canada, dans la mesure où la formation et l’expérience professionnelle du candidat dans le domaine du droit ainsi que le respect de toute recommandation (je souligne) du CNÉDD sont des exigences obligatoires pour accéder au programme de formation professionnelle du barreau de l’une des provinces du Canada, à l’exception de l’Alberta, qui possède son propre processus d’évaluation. Le fait de faire passer des examens, et d’évaluer les copies, était inclus dans le processus d’évaluation initial dont le CNÉDD avait le mandat.

[19] Il serait étonnant que l’appelant ait été “inscrit” au sens du paragraphe 118.5(1)a). Dans son Interprétation technique, Division des déclarations d’entreprises et déclarations générales, en date du 19 décembre 1991, Revenu Canada soutient qu’un étudiant est considéré comme inscrit dans un établissement d’enseignement lorsqu’il est inscrit auprès du registraire de l’établissement de façon à être contractuellement responsable de tous les frais de scolarité qui doivent être versés à l’établissement relativement aux études qu’il poursuit. Un dépôt à l’égard des frais de scolarité ne serait pas accepté à titre de crédit d’impôt pour frais de scolarité si l’étudiant décidait de ne pas fréquenter l’établissement, même si le dépôt n’était pas remboursable.

[20] Selon moi, l’appelant ne s’est pas inscrit à des études et l’argent qu’il a versé au CNÉDD ne représentait pas des frais de scolarité, mais plutôt un paiement relatif à l’analyse, à l’évaluation, à la recommandation quant aux cours nécessaires et au matériel didactique, à la préparation des examens et à l’évaluation des copies.

[21] Pour les motifs mentionnés précédemment, la cotisation établie par le ministre est exacte et l’appel est rejeté.

Signé à Sidney (Colombie-Britannique), ce 10e jour de décembre 1999.

“ D. W. Rowe ”

J.S.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 30e jour de juin 2000.

Mario Lagacé, réviseur



[1]                La Cour divisionnaire de la Haute Cour de justice de l’Ontario devait décider si une société constituée dans le but d’offrir une formation à des matelots pouvait bénéficier d’une exonération fiscale en tant que “séminaire d’enseignement éducatif” au sens de la Loi sur l’évaluation foncière de l’Ontario.

[2]               Commissioners of District of Columbia v. Shannon & Luchs Const. Co., 57 App. D.C. 67, 17 F. 2d 219, 220.

[3]               Canadian Tax Reporter (North York : CCH Canadian Limited, 1998) au paragraphe 18,415.

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