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Date: 19980924

Dossier: 97-940-UI

ENTRE :

GINETTE DUFOUR,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

2976994 CANADA INC.,

intervenante.

Motifs du jugement

Le juge suppléant Charron, C.C.I.

[1] Cet appel a été entendu à Montréal (Québec), le 13 juillet 1998, dans le but de déterminer si l'appelante exerçait un emploi assurable au sens de la Loi sur l'assurance-chômage (la « Loi » ), du 17 octobre 1995 au 17 octobre 1996, lorsqu'elle était au service de 2976994 Canada Inc., le payeur.

[2] Par lettre du 20 mai 1997, l'intimé informa l'appelante que cet emploi n'était pas assurable pour le motif qu'il n'existait pas de relation employeur/employée entre elle et le payeur.

Exposé des faits

[3] Les faits sur lesquels s'est basé l'intimé pour rendre sa décision sont énoncés au paragraphe 5 de la Réponse à l'avis d'appel comme suit :

« a) Le payeur, constitué en corporation le 29 novembre 1993, s'occupe de gérer 5 immeubles de 24 logements chacun dont il est propriétaire et 10 autres immeubles appartenant à d'autres entreprises ou particuliers. (admis)

b) Les actionnaires du payeur étaient :

M. Claude Madore, vice-président, avec 50 % des actions.

M. Léo Maher, président, avec 25 % des actions.

Mme Claire Jodoin Maher, secrétaire-trésorière, avec 25 % des actions. (admis)

c) Le payeur a embauché l'appelante à titre de travailleuse autonome en lui faisant signer un « contrat de services » dès le début de son travail. (nié)

d) L'appelante a été embauchée à titre d'agent de location et de perception et devait s'occuper des tâches suivantes : la correspondance, les saisies de salaire, les représentations auprès de la Régie des loyers, prendre les appels téléphoniques, prendre les plaintes de locataires et fixer des rendez-vous pour des visites et/ou des signatures de baux. (nié tel que rédigé)

e) L'appelante était payée à la pièce, c'est-à-dire selon le genre de service qu'elle rendait et selon le nombre de ses services. (nié)

f) L'appelante travaillait en partie dans les bureaux du payeur et en partie sur la route. (admis)

g) L'appelante avait pleine gestion de son temps de travail; elle planifiait ses heures de travail en fonction de ses rendez-vous. (nié)

h) L'appelante recevait un remboursement pour l'essence et les frais de stationnement encourus dans le cadre de son travail. (admis)

i) L'appelante a quitté d'elle-même son travail le 17 octobre 1996. (nié tel que rédigé) »

[4] L'appelante a reconnu la véracité de tous les alinéas du paragraphe 5 de la Réponse à l'avis d'appel, sauf ceux qu'elle a niés ou déclaré ignorer, ainsi qu'il est indiqué entre parenthèses à la fin de chacun.

[5] Malgré qu'il soit indiqué dans la Réponse à l'avis d'appel que l'intimé a déterminé qu'il s'agissait d'un emploi non assurable, ce dernier aurait été prêt à consentir à jugement, sans la présence de l'intervenante.

Témoignage de Ginette Dufour

[6] Cette dernière déclare qu'elle a été embauchée par le payeur à titre d'agent de location et de perception, mais nie qu'elle avait mandat pour signer les baux. Elle exécutait son travail partiellement au bureau du payeur et partiellement sur la route. Ses dépenses d'automobile, telles que stationnement et consommation d'essence, lui étaient remboursées en sus par le payeur. L'appelante était rémunérée à raison de 350 $ par semaine au début et 370 $ plus tard. Son horaire de travail lui était imposé par le payeur. Elle travaillait cinq jours par semaine de 12 h à 20 h. Plus tard, le payeur réduisit son temps d'une journée par semaine. À la fin, on lui fit comprendre qu'elle n'était plus indispensable et elle remit sa démission. L'appelante affirme que le contrat de louage de services qu'elle a signé (pièce I-1) lui a été imposé sous menace de renvoi en septembre 1996 et n'a pas été signé en mars 1995 et le 4 octobre 1996 elle remit sa démission pour prendre effet le 17 (pièce I-2). Avant son départ, le payeur lui avait signifié que son horaire de travail était modifié à 13 h pour finer à 21 h. Son bureau était situé dans l'appartement 2 du 8121-24ième Avenue. Son pupitre, ses classeurs, son télécopieur étaient la propriété du payeur. Ginette Dufour a reçu son salaire régulièrement et sans faute.

Témoignage de Claire Jodoin Maher

[7] Selon madame Jodoin Maher, les instruments et meubles de l'appelante étaient fournis par le payeur : téléphone, pupitre, chaises, classeurs, crayons, papeterie et télécopieur. C'est le payeur qui fixait l'horaire de l'appelante afin de s'assurer que « ses rendez-vous seraient honorés » . L'appelante devait avoir fait la perception de ses loyers avant le 23 du mois et rapporté son dépôt tous les soirs, selon la consigne de madame Jodoin Maher. Le poste occupé par l'appelante était absolument indispensable à l'entreprise parce que madame Jodoin Maher était débordée de travail. L'appelante avait un bureau à sa disposition dans le local du payeur. Le payeur surveillait le travail de l'appelante pour s'assurer qu'il était bien fait.

Analyse des faits en regard du droit

[8] Il y a lieu maintenant de déterminer si l'activité de l'appelante est incluse dans la notion d'emploi assurable, c'est-à-dire s'il existe un contrat de travail ou non.

[9] La jurisprudence a énoncé quatre critères indispensables pour reconnaître un contrat de travail. La cause déterminante en cette matière est celle de City of Montreal c. Montreal Locomotive Works Ltd. [1947] 1 D.L.R. 161. Ces critères sont les suivants : 1) le contrôle; 2) la propriété des instruments de travail; 3) la possibilité de profit et 4) le risque de perte. La Cour d'appel fédérale y a ajouté le degré d'intégration dans l'arrêt Wiebe Door Services Ltd. c. M.R.N., mais cette énumération n'est pas exhaustive.

[10] Or, la preuve a démontré que le travail exécuté par l'appelante l'était sous la direction du payeur et qu'il existait un lien de subordination entre eux. C'est le payeur qui possède l'entreprise nécessaire à son exploitation. C'est le payeur qui seul peut réaliser des bénéfices ou des pertes dans l'exploitation de son entreprise et non l'appelante qui ne reçoit qu'un salaire fixe. Enfin, l'appelante exécutait son travail chez le payeur et était bien intégrée dans son entreprise. J'en conclus donc que le payeur exploitait une entreprise et l'appelante était à son service durant la période en cause.

[11] Il me semble que l'appelante a renversé le fardeau de la preuve et que son emploi était assurable.

[12] En conséquence, l'appel de cette dernière est accueilli et la décision de l'intimé est annulée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour de septembre 1998.

« G. Charron »

J.S.C.C.I.

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