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Date: 19990902

Dossier: 98-1723-IT-I

ENTRE :

ROBERT G. DEBOU,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Margeson, C.C.I.

[1] L'affaire dont il s'agit a été entendue sur la foi de l'exposé conjoint des faits mentionné ci-dessous.

Exposé conjoint des faits

[2] L'exposé conjoint des faits est un document dactylographié qui figure en annexe.

Arguments de l'appelant

[3] L'avocat de l'appelant a soutenu que la cotisation établie par le ministre en vertu du paragraphe 159(3) était frappée de prescription puisqu'elle avait été établie après la période normale de cotisation.

[4] L'avocat invoquait les paragraphes 152(1), (3), et (4), 159(3) et 220(3.1) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la “ Loi ”), dans sa forme modifiée, ainsi que le Règlement de l'impôt sur le revenu. Sa thèse était que la cotisation que le ministre établit conformément au paragraphe 159(3) de la Loi à l'égard de l'exécuteur testamentaire de la succession du contribuable décédé doit être établie “ de la façon prévue à l'article 152, et cette cotisation a le même effet qu'une cotisation établie en vertu de cet article ”.

[5] Selon l'alinéa 152(4)c) de la Loi, le ministre peut établir une cotisation d'impôt seulement au cours de la “ période normale de nouvelle cotisation ”, à moins que ne s'appliquent des exceptions expresses. La cotisation établie conformément au paragraphe 159(3) ne correspond pas à l'une de ces exceptions. La “ période normale de nouvelle cotisation ” applicable à un contribuable est définie à l'alinéa 152(3.1)a) de la Loi comme étant la période qui s'étend sur trois ans suivant le jour de mise à la poste d'un avis de première cotisation pour une année d'imposition. L'avocat a fait remarquer qu'aux termes du projet de loi C-28, le législateur se propose de modifier le paragraphe 159(3) de la Loi de manière à permettre au ministre d'établir “ à tout moment ” une cotisation à l'égard d'un représentant légal. Cette modification ne s'appliquera pas aux cotisations établies avant la sanction royale du projet de loi C-28; elle ne s'applique donc pas à l'appelant dans le cas qui nous occupe.

[6] Dans la présente affaire, l'avis de 1997 a été établi après la période normale de nouvelle cotisation applicable à l'appelant selon le paragraphe 152(4) de la Loi; il est donc frappé de prescription, car : a) les actifs de la succession ont été répartis vers le 26 mars 1991, soit au cours de l'année d'imposition 1991 de l'appelant; b) la première cotisation établie à l'égard de l'appelant pour l'année d'imposition 1991 l'a été en 1992.

[7] Comme le disait l'avocat, l'article 159 de la Loi prévoit un mécanisme par lequel le représentant légal d'un contribuable, soit en l'espèce l'exécuteur testamentaire de la succession, peut dans certaines circonstances être tenu au remboursement de la dette fiscale impayée du contribuable, soit en l'occurrence la succession de Mme McKillop. Le paragraphe 159(2) exige qu'un exécuteur testamentaire obtienne un certificat de décharge du ministre avant de répartir ou d'attribuer les actifs de la succession. Le certificat est délivré lorsque le ministre est convaincu que la dette fiscale de la succession a été payée et, une fois qu'il est délivré, le certificat sert à décharger l'exécuteur testamentaire de toute responsabilité à l'égard des dettes fiscales de la succession pouvant ultérieurement être déterminées.

[8] Le paragraphe 159(3), soit une disposition d'une importance cruciale en l'espèce, confère au ministre le pouvoir d'établir une cotisation à l'égard d'un exécuteur testamentaire au titre de la dette fiscale impayée de la succession. L'exécuteur testamentaire a réparti les biens de la succession sans avoir obtenu un certificat de décharge relativement à la dette fiscale de la succession.

[9] Comme l'indique le paragraphe 16 (page 3) de l'exposé conjoint des faits, le paragraphe 159(3) a très récemment été modifié considérablement. Auparavant et pour toute la période pertinente aux fins de l'espèce, le paragraphe 159(3) se lisait comme suit : “ Le responsable qui, en cette qualité, répartit entre plusieurs personnes ou attribue à une seule des biens sous sa garde sans le certificat prévu au paragraphe (2) à l'égard des montants visés à ce paragraphe est personnellement redevable de ces montants, jusqu'à concurrence de la valeur des biens répartis ou attribués; le ministre peut alors établir une cotisation à l'égard du responsable de la façon prévue à l'article 152, et cette cotisation a le même effet qu'une cotisation établie en vertu de cet article ”.

[10] D'après l'avocat de l'appelant, il y a trois principaux points à souligner relativement au paragraphe 159(3) : 1) l'exécuteur testamentaire ou le “ responsable ” devient la personne redevable du montant de la dette fiscale impayée de la succession; 2) cette obligation fiscale prend naissance au moment de la répartition ou de l'attribution des biens du contribuable, soit en l'espèce à la répartition des biens de la succession entre les bénéficiaires de celle-ci; 3) toute cotisation établie par le ministre à l'égard d'un exécuteur testamentaire conformément à cette disposition législative doit l'être de la façon prévue à l'article 152, et cette cotisation a le même effet qu'une cotisation établie en application de cet article.

[11] Le paragraphe 152(4) confère essentiellement au ministre le pouvoir d'établir une cotisation, une nouvelle cotisation ou une cotisation supplémentaire concernant l'impôt payable pour une année d'imposition par un contribuable, pourvu que la cotisation, la nouvelle cotisation ou la cotisation supplémentaire soit établie au cours de la période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l'année. L'article 152 prévoit des circonstances pouvant justifier l'établissement d'une cotisation après la période normale de nouvelle cotisation pour l'année. De telles circonstances n'existent toutefois pas en l'espèce, et l'intimée n'a pas allégué le contraire dans sa réponse à l'avis d'appel.

[12] Selon le paragraphe 152(3.1), la “ période normale de nouvelle cotisation ” applicable à un contribuable pour une année d'imposition s'étend sur trois ans suivant le jour de mise à la poste d'un avis de première cotisation concernant le contribuable pour l'année. Se fondant sur le sens ordinaire de ces dispositions et sur les faits de l'espèce, l'avocat soutenait que la cotisation établie par le ministre était maintenant frappée de prescription, car : a) selon l'exposé conjoint des faits, l'appelant avait réparti les actifs de la succession vers le 26 mars 1991; conformément au paragraphe 159(3), en répartissant les biens de la succession, l'appelant est devenu personnellement redevable de l'impôt impayé de la succession, étant donné qu'il n'avait pas obtenu un certificat de décharge avant cette répartition; b) il s'agit d'une obligation fiscale personnelle de M. Debou qui a pris naissance dans son année d'imposition 1991; le paragraphe 152(3) crée cette obligation, qui ne dépend pas d'une cotisation; c) le ministre a établi une première cotisation à l'égard de M. Debou pour son année d'imposition 1991 par voie d'avis en date du 5 octobre 1992 (voir le paragraphe 8 de l'exposé conjoint des faits); d) conformément au paragraphe 152(3.1), la période normale de nouvelle cotisation pour l'année d'imposition 1991 de M. Debou prenait fin trois ans suivant le jour de mise à la poste de l'avis de première cotisation le concernant pour cette année-là; ainsi, la période normale de nouvelle cotisation pour l'année pertinente s'est terminée le 5 octobre 1995; e) comme l'indique le paragraphe 13 de l'exposé conjoint des faits, le ministre a, le 1er avril 1997, établi une cotisation à l'égard de l'appelant relativement à une dette fiscale impayée de la succession. La cotisation, en fait, se rapportait à une obligation fiscale personnelle de M. Debou qui a pris naissance en 1991, mais relativement à laquelle il ne pouvait être l'objet d'une cotisation après le 5 octobre 1995. La cotisation est donc frappée de prescription et doit être annulée.

[13] L'avocat n'était pas d'accord sur ce qu'il estimait être la thèse du ministre, à savoir qu'il n'est pas nécessaire qu'une cotisation établie conformément au paragraphe 159(3) soit établie au cours de la période normale de nouvelle cotisation, ou que, subsidiairement, si la période normale de nouvelle cotisation s'applique, cette période ne commence que lorsque le ministre a établi une première cotisation à l'égard d'un “ responsable ” conformément à cette disposition, de sorte que la cotisation en cause était en l'espèce une “ première cotisation ” et que la période normale de nouvelle cotisation commençait donc à la date d'établissement de cette cotisation.

[14] Cette interprétation du paragraphe 159(3) permettrait au ministre d'établir à l'égard d'un “ responsable ” une cotisation “ à tout moment ” et non pas simplement au cours de la période normale de nouvelle cotisation. On ne peut arriver à cette interprétation en lisant clairement le libellé du paragraphe 159(3) et les dispositions de l'article 152. Pour arriver à cette interprétation, il faudrait ajouter à ce paragraphe les termes “ à tout moment ” ou “ à un moment donné ”.

[15] Un principe d'interprétation législative veut que l'on ne puisse ajouter à une disposition législative des termes qui n'y figurent pas lorsque, de prime abord, une interprétation acceptable existe. À l'appui de cette proposition, l'avocat renvoyait la Cour à l'arrêt de la Cour suprême du Canada Friesen c. Canada, [1995] 3 R.C.S. 103. Il renvoyait également cette cour au jugement qu'elle a rendu dans Gregory Taylor v. The Minister of National Revenue (M.N.R.), [1986] 1 C.T.C. 2313, où le juge Rip concluait que les paragraphes 159(2) et (3) de la Loi avaient un caractère essentiellement pénal et devaient être interprétés de façon stricte.

[16] L'avocat a en outre fait valoir qu'il y a dans la Loi un certain nombre d'autres dispositions de cotisation qui précisent que le ministre peut établir une cotisation “ à tout moment ” ou “ à un moment donné ” et qui empêchent donc de soutenir qu'une cotisation est frappée de prescription parce qu'elle a été établie après la période normale de cotisation.

[17] Assurément, les termes “ à tout moment ” ou “ à un moment donné ” constituent un élément important de chaque disposition de cotisation de la Loi dans laquelle ils figurent. Ils ont pour effet de rendre inapplicable la période normale de nouvelle cotisation, ce qui élargit grandement le pouvoir de cotisation du ministre. Suivant l'arrêt Friesen, précité, les termes “ à tout moment ” ou “ à un moment donné ” ne doivent pas être ajoutés au paragraphe 159(3), pour les trois raisons suivantes : a) l'adjonction de ces termes modifie énormément le sens; b) d'autres dispositions de la Loi renferment les termes “ à tout moment ” ou “ à un moment donné ”; c) il y a une interprétation acceptable qui n'exige pas l'adjonction de termes supplémentaires.

[18] Enfin, l'avocat a répété qu'une modification – qui est entrée en vigueur le 18 juin 1998 – a été apportée au paragraphe 159(3), si bien que la formulation en vigueur actuellement inclut les termes “ à tout moment ”. Donc, le libellé de la version actuelle du paragraphe 159(3) est calqué sur le modèle des autres dispositions de cotisation de la Loi qui permettent au ministre d'établir une cotisation “ à tout moment ” ou “ à un moment donné ”. Ainsi, si la disposition actuelle avait été en vigueur à l'époque pertinente aux fins de l'espèce, l'appelant n'aurait pu faire valoir les arguments qu'il présente aujourd'hui.

[19] Pour toutes ces raisons, l'appel devrait être accueilli, avec frais, et la cotisation devrait être annulée.

Arguments de l'intimée

[20] L'avocate de l'intimée soutenait que le pouvoir du ministre d'établir une nouvelle cotisation “ à tout moment ” ou “ à un moment donné ” vient du paragraphe 152(4) et que les dispositions limitatives de ce paragraphe ne sont pas applicables compte tenu des faits de l'espèce, car la cotisation datée du 1er avril 1997 était non pas une nouvelle cotisation, mais une première cotisation. Le montant dû ne s'est matérialisé qu'après que l'on eut fini par déterminer l'obligation de la succession. Lorsque la cotisation a été établie, soit le 1er avril 1997, il s'agissait là d'une première cotisation aux termes du paragraphe 159(3). Ce n'est donc qu'à cette date que le délai a commencé à courir. Ainsi, aux termes du paragraphe 152(4), la cotisation du 1er avril 1997 n'était pas frappée de prescription.

[21] Quant à l'argument voulant que le paragraphe 159(3) doive être interprété d'une manière stricte et que des termes n'y figurant pas ne doivent donc pas y être ajoutés, l'avocate faisait valoir qu'il n'est pas nécessaire d'ajouter les termes “ à un moment donné ” au paragraphe 152(4) puisqu'ils y figurent déjà.

[22] Pour ce qui est de l'argument de l'avocat de l'appelant relatif à la version modifiée de l'article, la modification a nettement clarifié le droit, mais elle ne l'a pas changé, de sorte que l'on ne pourrait conclure que, parce que les mots “ à tout moment ” ont été ajoutés par la modification alors qu'ils ne figuraient pas dans la version antérieure, ils ne doivent pas être interprétés comme y ayant figuré.

[23] L'avocate a renvoyé la Cour au jugement Armstrong v. R., 99 DTC 61 (C.C.I.). Bien que ce jugement traite du paragraphe 159(3) de la Loi, il ne traite pas de la question particulière soulevée dans la présente espèce. L'avocate a en outre renvoyé cette cour au jugement Gregory Taylor v. Minister of National Revenue, précité, où le juge Rip traitait à la page 2316 de la nature des paragraphes 159(2) et (3), mais, encore là, il ne traitait pas de la question particulière en cause ici.

[24] L'appel devrait être rejeté, et la cotisation du ministre devrait être confirmée.

Analyse et décision

[25] La Cour examinera d'abord l'argument subsidiaire dont les deux avocats ont traité relativement à la question de savoir si la modification apportée à l'article 159 en 1998 changeait l'effet juridique de cet article, par l'adjonction des termes “ à tout moment ” au paragraphe en cause, comme le soutenait l'avocat de l'appelant, ou si elle codifiait simplement ces termes, qui de toute façon étaient présumés être là et qui ont essentiellement été ajoutés par souci de clarté, sans que cela change réellement le sens de la disposition. L'avocate de l'intimée soutenait que le fait que les termes ont été ajoutés à la version modifiée ne veut pas nécessairement dire que le droit tel qu'il était avant la version modifiée ne doit pas raisonnablement être interprété comme ayant inclus ces termes de toute façon.

[26] Quant à savoir quel but visait la modification, on n'a présenté aucune preuve à part les notes explicatives figurant à la section 3 du recueil conjoint de jurisprudence. Ces notes techniques n'apportent rien aux fins du règlement de la question que soulèvent les arguments énoncés précédemment, car elles sont muettes là-dessus.

[27] Il est toutefois évident que la version modifiée du paragraphe 159(3) est très différente de la version qui était en vigueur durant toute la période pertinente aux fins du présent appel. La modification la plus importante tient à l'adjonction des termes “ à tout moment ”. Ces termes n'existaient pas dans la version antérieure.

[28] Dans la version antérieure, ce paragraphe se terminait comme suit : “ le ministre peut alors établir une cotisation à l'égard du responsable de la façon prévue à l'article 152, et cette cotisation a le même effet qu'une cotisation établie en vertu de cet article ”. La Cour doit déterminer si l'adjonction de ces termes modifie la nature de cet article, de sorte que, en fait, un contribuable ne peut prétendre que la cotisation est frappée de prescription dans les cas où elle est établie en vertu du paragraphe 159(3).

[29] La Cour est convaincue que l'adjonction de ces termes modifie assurément le sens du paragraphe. Ce ne sont pas des termes simplement superflus. La version antérieure, qui ne renfermait pas ces termes, ne pouvait vouloir véhiculer le même sens. La Cour accepte l'argument de l'avocat de l'appelant portant que les termes “ à tout moment ” constituent un élément important de cette disposition de cotisation et que leur adjonction a pour effet de rendre inapplicable la période normale de nouvelle cotisation. La Cour est convaincue qu'on ne doit pas considérer que ces termes étaient sous-entendus dans la version antérieure du paragraphe 159(3).

[30] Il est pris bonne note de l'argument selon lequel il y a de nombreuses autres dispositions de la Loi renfermant les termes “ à tout moment ” ou “ à un moment donné ” et qu'il serait raisonnable de conclure que, si le législateur avait voulu inclure ces termes dans la version antérieure, il l'aurait fait. De plus, le paragraphe en cause peut selon la Cour facilement être interprété sans l'adjonction de termes supplémentaires.

[31] L'avocate de l'intimée faisait valoir que les termes “ à un moment donné ” figurent déjà au paragraphe 152(4) et que l'on ne peut dire que le ministre les a ajoutés et qu'il avait donc tort dans l'interprétation qu'il donnait de ce paragraphe en établissant la cotisation en cause. Cependant, il est évident à la lecture du paragraphe 152(4) que les termes “ à un moment donné ” qui y figurent doivent être interprétés à la lumière des alinéas et sous-alinéas que la disposition comporte, lesquels font que ces termes s'appliquent seulement si le contribuable a fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire ou s'il a commis quelque fraude en produisant la déclaration ou en fournissant quelque renseignement sous le régime de cette loi, ou encore s'il a présenté au ministre une renonciation, selon le formulaire prescrit, pour l'année. Il ressort de l'exposé conjoint des faits que le ministre n'invoquait ni l'un ni l'autre de ces arguments en l'espèce.

[32] Comme j'en ai décidé ainsi, la seule autre question est de savoir si la version antérieure du paragraphe 159(3), qui n'incluait pas les termes “ à tout moment ”, permettait au ministre d'établir la cotisation qu'il a établie en l'espèce.

[33] L'avocate de l'intimée soutenait essentiellement que le paragraphe 159(3) traite de la répartition ou de l'attribution des actifs de la succession, par un représentant légal, et que le ministre ne pouvait raisonnablement établir une cotisation à l'égard du représentant légal sans que tous les faits de l'espèce aient d'abord été déterminés. Le ministre pouvait ensuite établir à l'égard du représentant légal la cotisation en cause . L'avocate soutenait que la cotisation établie à l'égard de l'appelant le 1er avril 1997 était non pas une nouvelle cotisation, mais une première cotisation et que la limitation prévue au paragraphe 152(4) de la Loi n'est donc pas applicable.

[34] La Cour est convaincue qu'une interprétation raisonnable de l'article 159 est que la responsabilité du représentant légal, soit le contribuable en cause dans la présente espèce, résulte du fait que le contribuable a omis d'obtenir un certificat de décharge d'impôt avant de répartir les actifs de la succession. On a fait valoir que le paragraphe 159(3) a un caractère essentiellement pénal et doit donc être interprété de façon stricte, mais la Cour n'estime pas que cela soit révélateur, car il est clair que l'article impose une responsabilité au représentant légal qui répartit ou attribue les actifs de la succession sans avoir d'abord obtenu le certificat de décharge d'impôt. Bien que l'impôt dû ne soit pas l'impôt de l'appelant, c'est ce dernier qui est responsable, car il a omis de satisfaire à une obligation que lui imposait la loi.

[35] La Cour ne voit pas cela comme ayant un caractère particulièrement pénal ou comme étant excessivement dur, car l'appelant avait totalement le choix d'obtenir ou non le certificat. En ne l'obtenant pas, il s'exposait à la responsabilité prévue par la loi et pouvait difficilement ensuite se plaindre, vu ce que lui-même avait fait consciemment.

[36] La Cour est toutefois convaincue que la version du paragraphe 159(3) existant à l'époque pertinente n'accordait pas au ministre, ni n'entendait lui accorder, le droit d'établir la cotisation n'importe quand, indépendamment du paragraphe 152(4).

[37] La version du paragraphe 159(3) existant à l'époque pertinente relie clairement l'application de ce paragraphe au paragraphe 152(4). Le paragraphe 159(3) se lisait comme suit à l'époque : “ le ministre peut alors établir une cotisation à l'égard du responsable de la façon prévue à l'article 152, et cette cotisation a le même effet qu'une cotisation établie en vertu de cet article ”. Le paragraphe 152(4) renvoie clairement à la cotisation établie à l'égard du contribuable ainsi qu'à la “ période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l'année ”.

[38] En ce qui concerne la Cour, le ministre a établi une première cotisation à l'égard de M. Debou pour son année d'imposition 1991 par un avis en date du 5 octobre 1992. C'est la cotisation établie à l'égard d'“ un contribuable ” qui est en cause et non la cotisation établie à l'égard de la succession. Certes, la cotisation qui a été établie à l'égard du contribuable l'a été par suite d'impôt dû par la succession, mais la cotisation qui est en cause est la cotisation qui a été établie à l'égard du contribuable et non celle qui a été établie à l'égard de la succession.

[39] Au paragraphe 13 de l'exposé conjoint des faits, les parties reconnaissent que le ministre a, en vertu du paragraphe 159(3), établi à l'égard de l'appelant l'avis de nouvelle cotisation 03683 d'un montant de 10 118,24 $, relativement à des biens de la succession répartis vers le 26 mars 1991 sans qu'un certificat de décharge ait été obtenu. L'avocate du ministre soutenait au procès, ainsi que dans les actes de procédure, qu'il s'agissait non pas d'une nouvelle cotisation, mais d'une première cotisation.

[40] La Cour accepte l'argument de l'avocat de l'appelant selon lequel, le 1er avril 1997, le ministre a établi à l'égard de l'appelant une cotisation concernant une dette fiscale impayée de la succession. Cette cotisation, en fait, avait trait à une obligation fiscale personnelle de l'appelant qui a pris naissance en 1991, mais relativement à laquelle il ne pouvait être l'objet d'une cotisation après le 5 octobre 1995, car il avait été l'objet d'une première cotisation relativement à cette obligation fiscale pour l'année 1991 par un avis en date du 5 octobre 1992.

[41] La Cour est convaincue que la cotisation est frappée de prescription.

[42] L'appel est admis, avec frais, et la cotisation en cause est annulée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour de septembre 1999.

“ T. E. Margeson ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 20e jour de juin 2000.

Philippe Ducharme, réviseur

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