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Date: 20000823

Dossier: 98-1593-IT-G

ENTRE :

BRIAN ROY FINCH,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Beaubier, C.C.I.

[1] Le présent appel, régi par la procédure générale de notre cour, a été entendu à Saskatoon (Saskatchewan) les 8 et 9 août 2000. M. Finch et sa conjointe, Brenda, ont témoigné.

[2] L’appelant a interjeté appel des cotisations établies pour ses années d’imposition 1992, 1993 et 1994, qui limitaient ses pertes agricoles aux termes de l’article 31 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la “ Loi ”). Les passages de l’article 31 qui sont importants en l’espèce sont les suivants :

31. (1) Lorsque le revenu d’un contribuable, pour une année d’imposition, ne provient principalement ni de l’agriculture ni d’une combinaison de l’agriculture et de quelque autre source, pour l’application des articles 3 et 111, ses pertes pour l’année, provenant de toutes les entreprises agricoles exploitées par lui, sont réputées être le total des montants suivants : [...]

[...]

(2) Pour l’application du présent article, le ministre peut déterminer si le revenu d’un contribuable, pour une année d’imposition, ne provient principalement ni de l’agriculture ni d’une combinaison de l’agriculture et de quelque autre source.

Le paragraphe 9(2) de la Loi est ainsi rédigé :

(2) Sous réserve de l’article 31, la perte subie par un contribuable au cours d’une année d’imposition relativement à une entreprise ou à un bien est le montant de sa perte subie au cours de l’année relativement à cette entreprise ou à ce bien, calculée par l’application, avec les adaptations nécessaires, des dispositions de la présente loi afférentes au calcul du revenu tiré de cette entreprise ou de ce bien.

[3] M. Finch est né le 11 avril 1949 et a été élevé à la ferme de ses parents au nord de Kelvington (Saskatchewan), où il a exploité les terres de ses parents en compagnie de son père et de son frère. Mme Finch est née le 6 mars 1953 et a été élevée à la ferme de ses parents, au sud de Kelvington (Saskatchewan), et elle y a également travaillé depuis sa tendre enfance. M. Finch a vécu avec ses parents à la ferme familiale jusqu’en juin 1971, époque à laquelle il s’est marié avec Brenda. Après leur mariage, Brian et Brenda ont vécu à la ferme des parents de M. Finch, dans une roulotte sans eau courante ni toilette.

[4] M. Finch a occupé un emploi de novembre 1968 à mai 1969 en tant que manoeuvre, travaillant à un barrage dans le nord du Manitoba. Grâce à son salaire, il a acheté une tondeuse pour faire les foins ainsi qu’une machine à souder, outils qu’il a utilisés à la ferme de ses parents. Il y a travaillé durant l’été et l’automne 1969. Au cours de la période comprise entre novembre 1969 et mai 1970, il a de nouveau travaillé dans le nord du Manitoba puis est retourné à la ferme de ses parents en mai 1970, où il a travaillé avec son père jusqu’à ce que la récolte soit terminée, à l’automne. Grâce à ses gains de l’hiver précédent, il a acheté la moitié d’une part d’un tracteur IHC 706. En septembre 1970, en prévision du mariage et en raison de la nécessité d’avoir lui-même une ferme, M. Finch a négocié l’achat d’une demi-section (320 acres) d’une terre agricole, soit le lot E1/2 26-39-12-W2, pour un prix de 15 500 $. Comme M. Finch n’avait que 7 500 $, il a demandé un prêt à la Société du crédit agricole. Celle-ci, le considérant admissible aux termes de la loi, lui a prêté le solde du prix d’achat; le prêt était garanti par une hypothèque sur la terre et les paiements s’échelonnaient sur 29 ans. Au cours de l’hiver 1970-1971, M. Finch a encore une fois occupé un emploi dans le nord du Manitoba, avant de retourner à la ferme de ses parents en mai. Durant la période de mai à novembre, il y a de nouveau travaillé, et il a répandu ses premières semences sur la terre achetée en 1970.

[5] Après leur mariage, M. Finch a continué de travailler sur la terre de ses parents et Mme Finch a continué de travailler à la ferme de ses parents. Ils ont acheté une écrémeuse et ont commencé à traire les vaches de M. Finch et à vendre la crème. Au cours de l’hiver 1971-1972, ils ont laissé leurs animaux aux soins du père de M. Finch et ils ont trouvé un emploi à The Pas (Manitoba), où Brian a travaillé comme préposé à l’entretien de la patinoire et Brenda, comme secrétaire dans une boutique. Au printemps 1972, ils sont retournés à la ferme, où M. Finch a encore une fois aidé son père et où Mme Finch a aidé le sien. Au cours de cette saison-là, ils ont ensemencé sa terre, et les vaches, au nombre de six, ont été traites, et la crème a été vendue. M. Finch, utilisant son argent ainsi que celui de Brenda, a acheté un semoir IHC 100 de 14 pieds avec un semoir sous gazon et des rouleaux.

[6] Au cours de l’hiver 1972-1973, ils ont cherché un emploi à Edmonton et en ont tous les deux trouvé un; ils ont travaillé pendant cet hiver-là. En mai 1973, ils sont retournés à la ferme, et encore une fois, M. Finch a aidé son père, et Brian ainsi que Brenda ont exploité leur terre. Ils ont de nouveau trait les vaches et commercialisé la crème. En juillet 1973, M. Finch a acheté le lot SE1/4 19-39-11-W2 pour 12 000 $ et la Société du crédit agricole lui a avancé un montant supplémentaire de 6 000 $, la garantie hypothécaire s’appliquant à cette terre et à la demi-section achetée antérieurement. Le paiement de 6 000 $ était un cadeau du père de Brenda. En 1973, M. Finch a acheté un tracteur Deutz 1965 avec un chargeur à benne frontale, une herse à disque à sens unique, des herses, des vis à grain, une boîte à trémie et une remorque à grains. Leur troupeau se composait à ce moment-là de vingt bêtes. Comme le beau-père de M. Finch avait vendu sa terre, Brenda était libre d’aider son mari pour tous les aspects de leur ferme familiale. En décembre, ils ont eu leur premier enfant, Clint.

[7] M. Finch et sa conjointe sont demeurés à la ferme au cours de l’hiver suivant, et au printemps 1974, ils ont commencé à construire une maison et, pour ce faire, ils ont emprunté de la Kelvington Credit Union. En septembre 1974, M. Finch a acheté deux parcelles de terre, totalisant 15 acres, attenantes à sa terre. En 1974, la crémerie à laquelle ils vendaient la crème ayant fermé ses portes, ils ont perdu leur marché pour la crème. Par la suite, le lait a servi à nourrir les porcs. Cette année-là, ils ont ajouté des porcs et des poulets à leur exploitation.

[8] En 1975, M. et Mme Finch ont exploité les trois quarts de section de Brian et ont aidé le père de ce dernier dans ses travaux agricoles. Un cultivateur à dents vibrantes IHC de 18 pieds et un cultivateur en profondeur IHC de 14 pieds ont été achetés. Leur deuxième enfant, Brandy, est née en mars. Au cours de l’été et de l’automne 1975, Mme Finch a manoeuvré le matériel agricole et a aidé son mari à s’occuper des animaux.

[9] En 1976, M. Finch a acquis un multiculteur Case 460 et un extirpateur. M. Finch et sa conjointe ont exploité leur ferme et aidaient toujours le père de M. Finch. Le troupeau se composait de 13 vaches, et ils avaient des porcs, des chèvres et des poulets. En 1977, ils avaient 15 vaches ainsi que des porcs, des chèvres, des poulets et des chevaux. Un puits a été creusé, et la maison y a été reliée ainsi que les bols d’abreuvoir pour le bétail. M. Finch continuait d’aider son père. En 1978, un troisième enfant, Neil, est né. M. Finch possédait 11 vaches, et son épouse et lui trayaient les vaches ainsi que les chèvres. Un camion de trois tonnes de l’année 1954 a été acheté. M. Finch continuait de travailler avec son père.

[10] En 1979, ils ont commencé à exploiter leur propre entreprise agricole. M. Finch a acheté une faux à foin de neuf pieds en échange d’un multiculteur tracté IHC 1969. Pendant toutes ces années, le matériel qu’ils achetaient était toujours vieux et d’occasion. Ensemble, ils l’ont entretenu et réparé. En termes familiers, cela s’appelait un “ apport de compétences ”.

[11] En janvier 1980, M. Finch a acheté 169,9 acres supplémentaires pour un montant de 20 000 $ financé par la Société du crédit agricole. Les prêts combinés ont été renouvelés pour une autre période de 29 ans. Au cours de cette année-là, M. Finch a occupé un emploi pendant 28 jours en tant qu’aide-foreur au diamant. Un tracteur IHC 856 de l’année 1968 a été acheté et financé par la Banque Canadienne Impériale de Commerce. Un pulvérisateur de 50 pieds, une ramasseuse-presse à balles rectangulaires MF no 12 et un cultivateur de jardin ont également été achetés. Leur quatrième enfant, Earl, est né en octobre.

[12] En 1981, M. Finch a occupé un emploi de foreur au diamant pendant trois mois, soit de janvier à mars. Pendant l’absence de Brian, sa conjointe et ses enfants effectuaient les corvées. Le troupeau se composait alors de 17 vaches, plus les autres animaux. Une pompe à eau pour les mares-réservoirs et une remorque à balles ont été achetées. En raison des problèmes de santé de M. Finch, l’ensemencement était effectué par sa conjointe et ses enfants. Il convient ici de souligner que, depuis 1981, c’est Mme Finch a exploité la ferme et s’est occupée du bétail pendant toute la période où M. Finch a été absent. Pendant la saison de mise bas, qui durait deux mois et se terminait en mai, on devait surveiller les vaches toutes les quatre heures, jour et nuit, faire entrer une vache qui s’apprêtait à accoucher dans un hangar de vêlage qui n’était guère chauffé mais qui constituait un abri contre le froid, tirer le veau à mains et à bras nus et humides, et continuer à suivre ce modèle. Si Mme Finch travaillait dans les champs, leurs jeunes enfants surveillaient les vaches et couraient dans les champs pour la prévenir s’il y avait un problème. En 1981, il y avait 17 vaches; il y en a maintenant 101. Elles doivent être nourries à la ferme avec du foin pendant l’hiver; les veaux doivent être sevrés et nourris d’aliments broyés et être rassemblés en troupeau et surveillés dans le pré pendant l’été. Pendant tout ce temps, le travail au champ, le maniement du matériel et l’entretien devaient se poursuivre. À l’occasion, il a fallu attendre le retour de M. Finch avant d’effectuer les réparations importantes du matériel, mais Mme Finch exploitait la ferme et réparait et entretenait le matériel. Ils exploitaient la ferme de concert et prenaient ensemble les décisions relatives aux pratiques agricoles. Pour eux, et pour tout le monde se trouvant dans la salle d’audience, ils forment une équipe. Tout leur matériel était vieux, d’occasion et bon marché. Ils ont acquis d’autres vieilles machines pour récupérer les pièces, et ont réparé celles qu’ils possédaient. Par conséquent, la déduction pour amortissement, les coûts de réparation et les coûts en capital étaient maintenus bas. Il n’y a pas d’étable, seulement un hangar de vêlage; ils protègent leur bétail avec de la paille et des balles de foin. À cette époque, et jusqu’à ce qu’il commence à travailler à la mine de Cominco, près du pôle Nord, en 1990, M. Finch avait couché dans des tentes, dans le nord de la Saskatchewan et aux Territoires du Nord-Ouest, pendant les mois de janvier, de février et de mars et travaillé à l’extérieur, forant au diamant. Il faisait souvent 50 degrés au-dessous de zéro. Il s’agissait d’une vie dure, difficile pour toute la famille et, depuis ce jour, la situation ne s’est pas améliorée puisque, depuis 1990, M. Finch est absent tout au long de l’année, pendant que la famille tente de poursuivre l’exploitation agricole et de lutter pour s’adapter au marché agricole. Il s’agit d’un mode de vie que les salariés qui jouissent d’avantages et qui travaillent dans un bureau moins de 40 heures par semaine ne peuvent comprendre et, dans de nombreux cas, ils ne peuvent même imaginer que cela existe au Canada.

[13] En 1982, le troupeau se composait de quinze vaches. M. Finch a acheté un chargeur à benne frontale pour manipuler les balles empilées. En 1983, il a acheté un tracteur IHC 1086 avec cabine, financé par Financement John Deere. En 1984, M. Finch a trouvé un emploi en tant que foreur au diamant à l’extérieur de la ferme; il a travaillé près de trois mois, de janvier à mars. En 1985, il a exercé un emploi de janvier à mars aux Territoires du Nord-Ouest en tant qu’aide-foreur. La conjointe de M. Finch et leurs enfants s’occupaient du troupeau en son absence. Il a acheté un Kello Disc de 14 pieds qui a été financé par la Banque Canadienne Impériale de Commerce. Il a également acheté une boîte à trémie et une remorque utilitaire. Des conditions de gel précoces ont entraîné des pertes de récoltes et une réalisation selon l’assurance-récolte de 2 166,92 $ au lieu de la récolte normale. Aucune récolte n’a été faite par moissonneuse-batteuse; elle a été coupée et mise en balle pour servir d’aliments aux animaux.

[14] En 1986, M. Finch a acheté un terrain de 160 acres (NE 13-18-12) pour 54 000 $. La Société du crédit agricole a approuvé l’acquisition et a prêté à M. Finch le montant de l’achat plus une somme supplémentaire lui permettant d’acquitter la dette qu’il avait envers la Banque Canadienne Impériale de Commerce relativement au disque qu’il avait acheté l’année précédente. Les montants avancés totalisaient 63 000 $. M. Finch a également acheté 320 acres pour un montant de 160 000 $, financé par la Société du crédit agricole. Les divers prêts que la Société du crédit agricole lui avaient accordés ont été consolidés. Le terrain acheté en 1986 était jachéré. Pour exploiter la ferme qui comptait maintenant sept quarts de section, M. Finch a acheté un tracteur IHC 1086 de 1979 muni d’un chargeur. Le tracteur a été financé par Financement John Deere. M. Finch a également acheté un bac de trémie à 2 000 boisseaux. La sécheresse et des conditions de gel précoces ont sévi. En raison de la perte de la récolte de 1985 et de la perte de 1986, M. Finch a commencé à éprouver des difficultés pour ce qui est de respecter ses obligations financières. En 1986, M. Finch a occupé un emploi pendant trois mois, de janvier à mars, au nord de la Saskatchewan.

[15] En 1987, M. Finch a occupé un emploi à l’extérieur de la ferme, de février à mai, et a utilisé ses gains pour acquérir un multiculteur IHC 402 et un semoir avec des rouleaux. Les agriculteurs de la région de Kelvington ont souffert de la sécheresse, et un montant de 20 937,79 $ a été reçu au titre de l’assurance-récolte. Pour rembourser les prêts que la Société du crédit agricole lui avait accordés, M. Finch devait payer environ 36 000 $ par année. Il devait en outre rembourser le prêt du Kelvington Credit Union. En 1987, il a entrepris des négociations avec les divers créanciers. En 1988, M. Finch a exercé un emploi à l’extérieur de la ferme pendant trois mois, soit de janvier à mars.

[16] Au cours de la période allant du 1er janvier 1972 au 31 décembre 1988, M. Finch a réalisé des profits agricoles nets et, pendant 12 des 17 années, son revenu provenant de l’agriculture a excédé son revenu provenant de ses autres activités, même après que le paiement des intérêts eut été débité comme une dépense. Les calculs de Mme Finch sont les suivants :

ANNÉE

REVENU AGRICOLE AVANT DÉDUCTION DE L’INTÉRÊT

INTÉRÊT

DÉDUIT

PROFIT AGRICOLE NET

REVENU PROVENANTD’AUTRES ACTIVITÉS

1972

1 323,27 $

922,63 $

400,64 $

2 508,49 $

1973

646,12 $

91,02 $

555,10 $

--

1974

2 193,57 $

1 143,85 $

1 049,72 $

--

1975

2 172,95 $

1 316,26 $

856,69 $

--

1976

4 555,52 $

2 045,95 $

2 509,57 $

--

1977

5 450,96 $

3 150,41 $

2 300,55 $

--

1978

4 501,38 $

3 260,23 $

1 241,15 $

--

1979

10 325,60 $

3 371,45 $

6 954,15 $

--

1980

7 113,12 $

4 811,46 $

2 301,66 $

7 569,50 $

1981

16 473,77 $

9 188,87 $

7 284,90 $

4 920,18 $

1982

16 998,50 $

7 619,42 $

9 379,08 $

28,01 $

1983

10 169,60 $

8 465,44 $

1 704,16 $

--

1984

17 170,23 $

9 329,20 $

7 841,03 $

6 502,51 $

1985

11 207,84 $

10 157,27 $

1 050,37 $

13 133,00 $

1986

7 940,87 $

6 914,07 $

1 026,80 $

2 858,84 $

1987

7 062,00 $

6 500,00 $

562,00 $

11 342,33 $

1988

5 314,03 $

3 653,77 $

1 660,26 $

12 712,53 $

130 619,13 $

48 677,83 $

61 575,39 $

[17] Au début de 1989, la Société du crédit agricole a menacé d’exécuter la garantie grevant les terrains et de saisir et vendre le matériel agricole donné en garantie. M. Finch a présenté une demande aux Bureaux d'examen de l'endettement agricole, apparemment en vertu à la fois de la Loi sur l'examen de l'endettement agricole (Canada), L.C. 1986, ch. 33 et de la Farm Land Security Act (Saskatchewan), S.S. 1984-1985-1986, C.F. 8.01. Mme Finch a effectué presque toutes les négociations, tous les calculs et toute la correspondance. Avec un médiateur, les parties ont convenu d’un réaménagement de la dette, alors que la Société du crédit agricole exigeait que M. Finch paie sans délai un montant de 45 000 $; le refinancement était soumis à la condition que M. Finch cherche et trouve un emploi à plein temps à l’extérieur de la ferme jusqu’à ce que la dette soit éteinte, et qu’il gagne au moins 20 000 $ par année, somme qu’il injecterait dans la ferme. La clause relative au montant de 20 000 $ était une condition que les représentants de la Société du crédit agricole avaient imposée verbalement en mai 1989, lors des premières négociations. Selon eux, sans un revenu provenant d’activités non agricoles qui permettrait de rembourser le prêt, la ferme ne pouvait être viable. Cette preuve a été présentée sous forme de ouï-dire, sans objection. Toutefois, la Cour conclut qu’à la suite de la réunion de mai, les Finch avaient clairement compris que cela constituait une condition de l’entente de 1989. Le père de M. Finch a prêté à ce dernier la somme de 45 000 $, qui a été versée à la Société du crédit agricole en remboursement des intérêts dus. (Son père l’a en bout de ligne dispensé de rembourser ce prêt.) M. Finch a occupé un emploi à court terme en tant qu’aide-foreur aux Territoires du Nord-Ouest, jusqu’à la fin de mars; c’est à ce moment-là que la Cominco lui a offert un emploi. L’emploi obligeait M. Finch à vivre dans des camps de foreurs dans les Territoires, lesquels camps changeaient d’endroit en fonction de la modification des programmes de forage. M. Finch a obtenu un congé pour semer avec l’aide de la famille et, le 1er septembre, il en a obtenu un autre pour aider à la récolte. Tous les gains étaient consacrés au remboursement de la dette.

[18] En janvier 1990, M. Finch a obtenu auprès de Cominco un emploi à plein temps dans une mine; il devait travailler pendant huit semaines dans un camp et pendant quatre semaines dans la mine située sur l’île Cornwallis, à 600 milles du pôle Nord, l’île faisant aujourd’hui partie du Nunavut. Les membres de la famille se sont acquittés des tâches agricoles à la ferme en l’absence de M. Finch. Une partie des gains de M. Finch a été utilisée pour acheter une moissonneuse-andaineuse tractée White 601. Brian n’a pas de congés, mais après avoir occupé l’emploi pendant cinq ans, il pouvait prendre des congés prolongés, ce qu’il a fait de temps à autre pour travailler à la ferme. Il travaille sept jours par semaine, 11 heures par jour, et il vit dans des logements du type motel.

[19] En janvier et en décembre 1992, des shorthorn de race pure ont été achetés et ajoutés au troupeau et, pour que Brenda et les enfants puissent s’occuper du bétail, une trémie de vêlage ainsi qu’un broyeur d’aliments ont été achetés. En 1992, la récolte au complet a été perdue en raison du gel et, en 1993, la récolte a été couverte de neige et ne s’est pas rendue à maturité. Après que d’autres demandes de mesures de redressement eurent été présentées au Bureau d'examen de l'endettement agricole, les Finch et la Société du crédit agricole en sont arrivés à un nouveau compromis en décembre 1992.

[20] Chaque année, les Finch ont laissé en jachère à tour de rôle des moitiés de terres à grains, une pratique normale en Saskatchewan. Toutefois, à partir de 1987, les mauvaises conditions météorologiques ont causé des dégâts. Voici ce qui s’est produit :

1987 gel

1988 sécheresse

1989 sécheresse

1990 sécheresse

1991 sécheresse

1992 sécheresse

1993 deux vieux multiculteurs sont tombés en panne et, avant que le moissonnage-battage à l’entreprise ait pu commencer, la récolte a été couverte de neige

1994 récolte tardive humide dans le champ au cours de l’hiver

1995 gel

1996 gel

1997 gel

1998 léger gel

Les prix du grain ont continué à être bas, et même à descendre au fil des ans.

[21] La pièce R-1 expose en détail les antécédents financiers de l’appelant de 1987 à 1999. (La colonne “ perte agricole après rajustement ” indique l’évaluation faite par Revenu Canada des chiffres relatifs à la perte avant que la cotisation fasse état de la restriction prévue à l’article 31.) Elle est ainsi rédigée :

BRIAN ROY FINCH

TABLEAU DES REVENUS ET PERTES

Année

Salaire

Recettes agricoles brutes

Dépenses agricoles totales

Ratio des dépenses sur le revenu

Intérêts relatifs aux terrains inclus

DPA incluse

Note

Perte agricole après rajustement

Perte agricole réelle enregistrée

1987

11 842 $

54 627 $

54 065 $

1,0

6 500 $

8 868 $

562 $

562 $

1988

12 712

61 963

60 303

1,0

3 653

15 522

1 660

1 660

1989

32 808

73 392

110 369

1,5

69 065

(a)

(21 977)

(36 977)

1990

86 563

55 994

97 264

1,7

12 626

24 468

(a)

(56 270)

(41 270)

1991

75 083

78 775

130 449

1,7

19 902

18 438

(a)

(29 557)

(51 673)

1992

74 507

51 331

88 405

1,7

16 759

(b)

(50 110)

(37 074)

1993

72 601

101 479

132 512

1,3

42 820

15 199

(c)

(28 264)

(31 033)

1994

89 272

24 941

90 065

3,6

16 549

11 872

(d)

(60 099)

(65 124)

1995

87 228

20 477

90 605

4,4

15 304

6 546

(e)

(70 128)

(70 128)

1996

103 092

26 523

102 202

3,9

26 691

8 082

(f)

(75 679)

(75 679)

1997

104 620

24 938

90 832

3,6

6 989

6 222

(g)

(65 894)

(65 894)

1998

97 288

42 381

112 831

2,7

16 355

9 828

(70 450)

(70 450)

1999

81 661

58 413

122 158

2,1

(63 745)

(63 745)

929 277 $

675 234 $

1 282 060 $

236 454 $

141 804 $

(589 951 $)

(606 825 $)

Notes :

1989-1990 (a) La perte rajustée inclut 15 000 $ au titre du choix du cheptel bovin

1991-1992 (a) La perte rajustée inclut 22 116 $ au titre du choix du cheptel bovin

1992 (b) Rajustements après vérification et appels de 9 080 $. Perte limitée

1993 (c) Rajustements après vérification et appels de 2 769 $. Perte limitée

1994 (d) Rajustements après vérification et appels de 5 025 $. Perte limitée

1995 (e) Perte limitée

1996 (f) Perte limitée

1997 (g) Perte limitée

[22] La situation de M. et Mme Finch était très difficile. Ils ont été forcés de traiter avec un certain nombre d’organismes gouvernementaux, étant incapables de payer leurs créanciers et leurs impôts fonciers. Voici une liste des organismes gouvernementaux, avec les années en cause et les avis qu’ils ont donnés ou les ordonnances qu’ils ont rendues :

Année

Organisme

Résultat

1986

(Pièce A-1)

Société du crédit agricole (organisme gouvernemental fédéral prêteur) Services consultatifs

A offert un service de planification financière et agricole à l’appelant

1986

(Pièce A-2)

Saskatchewan Farm Purchase Program (ministère de l’Agriculture de la Saskatchewan)

A offert une subvention pour la diminution du taux d’intérêt sur l’argent emprunté pour l’achat de la terre agricole

1987

(Pièce A-3)

Bureau d'examen de l'endettement agricole (constitué sous le régime de la Loi sur l'examen de l'endettement agricole, étant par conséquent un bureau régi par la Farm Land Security Act (Saskatchewan))

3 novembre 1987

Les Finch ont demandé de l’aide parce qu’ils étaient en retard pour les paiements qu’ils devaient verser à la SCA

1989

(Pièces A-10 et A-11)

Farm Land Security Board

16 janvier 1989

A offert un service de médiation à l’appelant

1989

(Pièce A-13)

Proposition de la Société du crédit agricole acceptée par M. et Mme Finch

7 juin 1989

conditions :

1. (Oral) Injecter dans la ferme un revenu supplémentaire de 20 000 $ par année provenant d’activités non agricoles.

2. Injecter 45 000 $ avant le 1er juillet 1989.

3. Autres conditions.

1992

(Pièce A-23)

Proposition de la Société du crédit agricole acceptée par M. et Mme Finch

24 décembre 1992, après une autre médiation, de nouvelles conditions acceptées et appliquées.

Le programme d'aide à l'achat de fermes de la Saskatchewan et un programme semblable pour les acheteurs de maisons ont été institués afin d’offrir une bonification du taux d’intérêt aux acheteurs de terres agricoles et de maisons de la Saskatchewan pendant les années 80, période pendant laquelle les taux d’intérêt étaient élevés. Il s’agissait de programmes généraux offerts à tout le monde. De même, le Farm Land Security Board et le Bureau d'examen de l'endettement agricole ont été constitués au milieu des années 80, époque à laquelle les gouvernements se sont aperçus à quel point la crise financière agricole était devenue générale et étendue.

[23] En 1999, le père de Brian est décédé et lui a laissé un quart de section de terrain ainsi que 80 000 $, lequel montant a été utilisé pour réduire son endettement. En conséquence, le 8 août 2000, la seule dette de l’appelant envers la Société du crédit agricole s’élevait à environ 21 000 $. Il n’y a plus de retard à l’égard des impôts fonciers. En 1998, les Finch ont acheté une nouvelle botteleuse mécanique et l’ont financée pour un montant de 18 500 $; ils ont également acheté un nouveau bac de trémie et de traitement; en janvier 2000, ils ont acheté un camion à grain d’occasion pour 10 000 $.

[24] En 1992, les Finch sont passés à l’agriculture biologique dans le but d’obtenir de meilleurs prix du grain. Le prix du grain biologique est plus du double du prix du grain ordinaire. (Le processus d’agrément du grain biologique pour transformer la terre et la débarrasser des engrais et des produits chimiques nécessitait cinq ans en 1992. L’agriculture biologique réduit radicalement les coûts en soustrayant les dépenses en engrais et en produits chimiques.) Ils ont également commencé à acheter des bovins shorthorn de race pure, achetant quinze vaches en janvier 1992 et douze en décembre 1992, afin de transformer la ferme en une exploitation de naissage. Cette conversion a eu lieu au cours du processus de médiation de 1992 et avant la présentation de la proposition de la Société du crédit agricole du 10 décembre 1992, qui a été acceptée le 24 décembre 1992. Les Finch sont maintenant céréaliculteurs biologiques accrédités et vont bientôt devenir éleveurs de bovins de boucherie biologiques. Ils possèdent maintenant 101 vaches et 65 veaux. Tout est au nom de M. Finch.

[25] Ces innovations ont été entreprises en 1992 par suite des mauvaises conditions météorologiques qui ont considérablement nui à l’exploitation céréalière.

[26] Leur fils Clint est maintenant compagnon monteur de lignes de haute puissance en Australie; Brandy possède un baccalauréat en éducation et vit aussi en Australie; Neil possède un baccalauréat en éducation et est actuellement en Saskatchewan; et Earl est diplômé du secondaire depuis 1998 et vit actuellement à la maison. Tous les enfants ont payé leurs propres études au moyen de prêts étudiants.

[27] Tout le revenu d’emploi de M. Finch a été consacré à la ferme, ainsi que tous les cadeaux et héritages qu’il a reçus de ses parents. Jusqu’en 1998, tout l’équipement que les Finch achetaient était d’occasion, et souvent très vieux. Toutefois, il était bon marché, et les coûts de réparation et d’entretien étaient très bas à tous points de vue, y compris les coûts de réparation et d’entretien du nouveau matériel. D’après les témoignages et l’argumentation présentés par les représentants de l’intimée au cours de l’audience, il semble que Revenu Canada estimait que le vieux matériel était inadmissible et réduisait la DPA. Toutefois, certaines personnes, dont les Finch, tentent d’acheter ce qu’ils peuvent se permettre et tentent de payer le matériel tant bien que mal. Ce niveau de responsabilité est devenu rare au Canada. Néanmoins, les gens ont le droit d’exploiter leur entreprise comme ils l’entendent. La Cour conclut que leurs achats de matériel étaient raisonnables et faits dans une optique commerciale, et qu’ils représentent des achats ordinaires et modestes aux fins de leur exploitation.

[28] Les faits survenus en 1992 à la ferme des Finch doivent être détaillés pour qu’on puisse souligner leur importance en tant que tournants pour l’appelant et la ferme. Les voici en ordre chronologique :

1. Janvier : début de l’achat de bovins biologiques shorthorn de race pure, menant à une exploitation de naissage. Cela, ajouté à l’achat en décembre de bovins shorthorn, constitue le début d’une ferme d’élevage-naissage de bovins de race pure et la fin de la vieille ferme mixte. C’était le commencement d’une étape d’apprentissage.

2. Mai-juin : début d’une exploitation céréalière biologique sans engrais ni pulvérisateurs dans le but d’obtenir de meilleurs prix du grain. Il s’agissait également du début d’un processus d’apprentissage et une transition, qui à l’époque nécessitait un intervalle de cinq ans pour obtenir la certification biologique. En outre, leurs grains de foin et grains fourragers nécessitaient également une saison quelque peu plus courte que le blé, de façon à éviter les gels précoces.

(Ces changements, mis ensemble, étaient semblables à la situation d’un avocat fiscaliste qui devient plaideur en droit pénal. Ces deux changements étaient connus et compris par le médiateur du Bureau et par la Société du crédit agricole quand, en décembre 1992, l’entente a été conclue.)

3. Les Finch, leurs créanciers et le médiateur se sont aperçus qu’après six ans de mauvaises conditions météorologiques et de faibles prix des marchandises, on connaissait une dépression agricole importante (qui s’est inopinément poursuivie jusqu’en 2000), de sorte qu’un important revenu provenant d’activités non agricoles était nécessaire à la survie de la ferme et de l’agriculteur. Pour que cela se produise, le revenu de M. Finch provenant d’activités non agricoles, qu’il a commencées en 1990 sur l’insistance de la Société du crédit agricole, et le revenu provenant de la ferme ont été traités par les créanciers, le médiateur et les Finch comme la principale source de revenu pour que les Finch puissent s’acquitter de leurs obligations agricoles dans les années à venir. L’objectif de toutes les parties en 1989 et en 1992 était de redonner à la ferme une viabilité économique (voir la pièce A-24, document de la Société du crédit agricole). Toutes ces parties bien informées ont considéré que M. Finch était un agriculteur ayant un revenu provenant d’activités non agricoles, à la fois en droit et en fait.

4. Le 24 décembre 1992, les Finch ont accepté la proposition de la Société du crédit agricole.

[29] La situation en l’espèce est différente des autres arrêts rapportés puisque M. et Mme Finch sont nés et ont été élevés dans une ferme, ont exploité une ferme toute leur vie active et l’ont fait ensemble pendant toute leur vie conjugale dans leur propre ferme. M. Finch avait dû faire autre chose que de l’exploitation agricole afin d’obtenir le revenu nécessaire pour exploiter la ferme pendant ce que la Cour estime avoir été une dépression agricole provoquée par les conditions météorologiques inhabituelles et persistantes et les faibles prix constants des marchandises. Ordinairement, l’article 31 s’applique lorsqu’une personne à revenu élevé acquiert une ferme qui perd de l’argent.

[30] Depuis 1990, c’est en grande partie Mme Finch qui se livrait à l’exploitation agricole et effectuait le travail. Elle s’est occupée des récoltes et du bétail sans être payée. Les enfants ont apporté leur contribution en contrepartie d’une paye modique totalisant environ 10 000 $ par année. Ils ont commencé les corvées à l’âge de trois ans, se sont acquittés de tâches de confiance à l’âge de six ans et s’occupaient eux-mêmes d’une partie de l’exploitation à l’âge de onze ans, tous dans un district qui connaît régulièrement des hivers de 40 degrés sous zéro. Simultanément, M. Finch s’est consacré à la ferme lorsqu’il n’était pas sur le site minier et a pris tous les congés qu’il pouvait afin de participer à l’exploitation de la ferme. Un certain nombre de questions ont été posées relativement au temps passé par M. Finch à la mine située dans l’Arctique. Ces questions sous-entendaient qu’il ne pouvait passer tout ce temps dans l’Arctique et se trouver à la ferme en même temps. Toutefois, M. Finch et la famille (ainsi que les autorités du secteur agricole du gouvernement) ont compris à partir de 1989 que M. Finch devait occuper cet emploi afin de permettre à l’exploitation agricole de survivre et, également, que lui-même, Mme Finch et les enfants devaient se consacrer entièrement à la ferme. C’est ce qu’ils ont fait.

[31] À la lumière de ces faits, la définition d’“ agriculture ” figurant au paragraphe 248(1) de la Loi est ainsi rédigée :

“ agriculture ” Sont compris dans l’agriculture la culture du sol, l’élevage ou l’exposition d’animaux de ferme, l’entretien de chevaux de course, l’élevage de la volaille, l’élevage des animaux à fourrure, la production laitière, la pomoculture et l’apiculture. Ne sont toutefois pas visés par la présente définition la charge ou l’emploi auprès d’une personne exploitant une entreprise agricole.

Il n’existe pas de définition d’agriculteur dans la Loi. Toutefois, la Loi sur l'examen de l'endettement agricole, 1986, ch. 33, décrit un “ agriculteur ” à l’article 2 comme une “ personne [...] exerçant une activité agricole ”. Elle définit ensuite l’“ agriculture ” comme “ la production des végétaux de plein champ, [...] l’élevage du bétail, de la volaille [...] ”.

Le Black's Law Dictionary, 7e éd., définit “ agriculteur familial ” comme suit :

[TRADUCTION]

Une personne ou une entité dont le revenu et les dettes découlent principalement d’une ferme exploitée et possédée par une famille; [...]

L’appelant, Mme Finch et leurs enfants vivaient à la ferme. Tous, dès le jeune âge, ont produit des végétaux de plein champ et ont élevé du bétail et de la volaille. La ferme est encore la résidence de Brian et Brenda Finch. (Cela est notable parce que l’impôt sur le revenu de Brian serait moindre aux Territoires du Nord-Ouest qu’en Saskatchewan.) C’était la résidence de tous leurs enfants pendant la période où ils grandissaient et où ils effectuaient leurs corvées. L’agriculture constituait le principal métier de chacun d’eux pendant qu’ils résidaient à la ferme, qu’ils aient été payés ou non. Brenda a renoncé à un emploi à l’extérieur de la ferme, à un salaire et à d’éventuels avantages afin d’exploiter la ferme. Toutes les dettes de Brian découlaient de l’exploitation d’une ferme exploitée et possédée par la famille. Brian a exercé des emplois et touché un salaire dans l’unique but d’exploiter la ferme et de rembourser ses dettes. Son salaire a été consacré au paiement de ces dettes et à l’exploitation de la ferme. Les Finch ne possèdent pas de régimes enregistrés d'épargne-retraite ni d’économies semblables. Dans ces circonstances, le revenu de Brian et ses dettes découlent principalement d’une ferme exploitée et possédée par la famille, tout comme l’absence de revenu de Brenda et l’absence apparente d’intérêt de quelque sorte dans la ferme pendant les nombreuses années de son exploitation. Il s’agit d’une ferme dans laquelle et pour laquelle toute la famille travaille. C’est, et cela a toujours été, une ferme familiale.

[32] Il était évident à l’audience que Revenu Canada a mal compris le concept d’une ferme familiale tel qu’il se rapporte aux Finch au moment où il a établi une nouvelle cotisation à leur égard en vertu de l’article 31. Dans l’affaire Rathwell c. Rathwell, [1978] 2 R.C.S. 436, le juge Dickson, s’exprimant pour la majorité, y compris le juge en chef Laskin, a adopté le raisonnement que ce dernier tenait dans sa dissidence importante et solitaire dans l’affaire Murdoch c. Murdoch, [1975] 1 R.C.S. 423, à la page 439. M. le juge Bora Laskin n’a pas réussi à convaincre ses collègues cette journée-là. Toutefois, il a amené toutes les assemblées législatives provinciales à modifier leurs lois de façon à accorder aux conjointes la moitié des biens de leurs conjoints. En adoptant la pensée du juge Laskin pour la majorité de la Cour suprême du Canada en 1978, le juge Dickson a décrit l’opinion traditionnelle portant sur la femme mariée et l’homme marié, lorsqu’il a dit à la page 443, dans l’affaire Rathwell :

Dans le passé, on avait adopté le point de vue que dans le mariage “ le mari et la femme sont une seule personne, et cette personne, c'est le mari ”. La promulgation des Married Women's Property Acts a permis aux femmes mariées de posséder des biens propres mais n'a pas fait grand-chose pour améliorer leur sort. La coutume voulant que les biens immobiliers acquis par un couple soient mis au nom du mari, ajoutée au respect inspiré par le titre de propriété enregistré, militait contre elles. L'opinion exprimée dans l'arrêt Rimmer, selon laquelle les biens matrimoniaux ne doivent pas être soumis aux considérations strictes généralement appliquées aux autres litiges, a survécu aux arrêts Gissing et Pettitt, mais, dans l'arrêt Thompson c. Thompson, cette Cour l'a reçue avec réserve.

L’opinion indifférente mentionnée ci-dessus est reflétée par les cotisations établies en l’espèce à l’égard du revenu d’emploi de M. Finch. La réponse du ministre démontre l’importance accordée au montant du chèque d’emploi de M. Finch. Toutefois, les cotisations n’ont pas tenu compte de la raison pour laquelle M. Finch avait travaillé à l’extérieur, soit la situation désespérée de la ferme familiale des Finch et de la famille qui y vit et y travaille.

[33] Dans l’affaire La Reine c. Andrew Donnelly, (C.A.F.) 97 DTC 5499, le juge d’appel Robertson a déclaré ce qui suit à la page 5503 :

En fin de compte, l'arrêt Graham est un cas d'espèce. Il est toutefois possible de tirer au moins une leçon de cette affaire. Il me semble que l'arrêt Graham s'apparente davantage à une affaire dans laquelle un agriculteur à temps complet est contraint d'aller chercher un revenu supplémentaire à la ville afin d'absorber les pertes subies à la ferme. L'agriculteur de deuxième génération qui est incapable de subvenir convenablement aux besoins de sa famille peut bien se tourner vers un autre emploi pour absorber des pertes annuelles répétées. Voilà le genre d'affaires dont les tribunaux ne sont jamais saisis. Vraisemblablement, le ministre du Revenu national a pris la décision de principe de reconnaître l'existence d'une expectative raisonnable de profit dans les situations où la famille d'un contribuable a toujours compté sur l'agriculture pour gagner sa vie, encore qu'avec un succès financier limité. Les mêmes considérations générales permettent d'accorder plus d'importance aux facteurs des capitaux investis et du temps consacré à l'agriculture en vertu de l'article 31 de la Loi, et d'accorder moins d'importance à la rentabilité. Je n'ai encore jamais vu d'affaire dans laquelle le ministre refuse à un tel contribuable le droit de déduire la totalité de ses pertes agricoles à cause de l'existence d'une autre source de revenu. C'est peut-être parce qu'il est peu probable qu'un éleveur de porcs comme M. Graham exercerait cette activité comme un passe-temps.

Il est bien établi que l'article 31 de la Loi vise à empêcher les “ gentlemen-farmers ” qui disposent d'un revenu considérable de déduire la totalité des pertes agricoles qu'ils subissent : voir l'arrêt La Reine c. Morrissey, supra, aux pp. 5081 et 5082. Plus souvent qu'autrement, cet arrêt est invoqué par les agriculteurs qui sont disposés à poursuivre l'exploitation de leur entreprise en demeurant ouvertement indifférents aux pertes subies. Concrètement et sur le plan juridique, ces agriculteurs sont des agriculteurs amateurs, mais le ministre leur accorde la déduction limitée prévue à l'article 31 de la Loi. Ces affaires concernent presque toujours des éleveurs de chevaux qui achètent ou élèvent des chevaux en vue de les faire courir. En vérité, ces entreprises ont rarement même une expectative raisonnable de profit, encore moins les éléments essentiels pour constituer la principale source de revenu de leur propriétaire.

[34] Les Finch ne sont pas des propriétaires-cultivateurs. En réalité, la situation en l’espèce est en contradiction directe avec la décision du juge Robertson dans le premier paragraphe cité. En outre, le travail effectué à l’extérieur de la ferme par M. Finch était le résultat direct de l’exigence de la Société du crédit agricole selon laquelle M. Finch devait obtenir un revenu de 20 000 $ provenant d’activités non agricoles en 1989. Ce revenu a été connu et reconnu lors de la médiation qui a suivi, particulièrement en 1992, par les organismes gouvernementaux fédéraux et provinciaux. Selon eux, l’emploi était subordonné à la ferme, et M. Finch était un agriculteur au sens de la Loi sur l'examen de l'endettement agricole (Canada).

[35] En outre, cette médiation de 1992 et la proposition de la Société du crédit agricole de décembre 1992 indiquent que M. Finch s’attendait subjectivement à réaliser un profit et que les autorités gouvernementales s’attendaient objectivement à ce que la ferme elle-même soit viable grâce au revenu provenant d’activités extérieures en 1992. Ces décisions étaient prises pour l’avenir et ne constituaient pas une analyse a posteriori des années de sécheresse et de gel qui ont suivi et qui ont été marquées, comme l’a souligné Mme Finch, par de très faibles prix des marchandises agricoles. Aucun de ces désastres incessants ne pouvait être prévu. De plus, les Finch ont en 1993 et en 1994 respecté les modalités de la proposition de décembre 1992 en dépit de leurs vicissitudes subséquentes. Pour la Cour, cela signifie qu’ils s’attendaient à un profit et pensaient, comme l’a indiqué Mme Finch dans son témoignage, que deux ou trois ans après décembre 1992, ils seraient libres des dettes arriérées, et que M. Finch pourrait quitter son emploi à la mine et se consacrer à l’exploitation de la ferme. La Cour croit que cela est vrai pour chacune des années 1992, 1993 et 1994. Si les choses s’étaient passées comme les Finch s’y étaient attendus, le profit tiré de la ferme aurait été important, parce qu’il aurait subvenu aux besoins de la famille de la même manière qu’il l’avait fait au cours des années de rentabilité antérieures. Le profit aurait peut-être été modeste, mais leur mode de vie était ainsi, et ils auraient pu vivre grâce à lui sur la ferme sans revenu extérieur. Toutefois, cela ne pouvait se produire en raison de la sécheresse et du gel qui, chaque année, avaient entraîné une réduction des ventes de grains, qui s’établissaient comme suit :

1989 41 493 $

1990 21 688 $

1991 19 764 $

1992 17 249 $

1993 6 021 $

1994 zéro

1995 7 326 $

(Pièce R-2)

[36] Pour les mêmes raisons, les problèmes d’alimentation du bétail causés par le mauvais temps ont entraîné une augmentation du coût des aliments, et leurs achats de matériel agricole d’occasion (puisqu’ils ne pouvaient s’en permettre du nouveau) ont entraîné des coûts de réparation variant de 10 000 $ à 15 000 $, ce que la Cour considère être très modeste pour une exploitation agricole de cette taille.

[37] On a demandé à Mme Finch (la teneuse de livre de la ferme) d’estimer le revenu que la ferme pouvait générer grâce à la céréaliculture biologique. Voici les chiffres qu’elle a fournis pour la production de blé, en moyenne :

Acres ensemencés 240

Boisseau par acre x 25

6 000

Prix par boisseau

5 à 8 $ (moyenne calculée par la Cour) 6,50 $

39 000 $

Les Finch prévoyaient que leur troupeau de shorthorn (actuellement 100 vaches) compterait un total de 120 vaches. La production annuelle de veaux devrait alors être de 100 veaux qui, avec un report à l’hiver, sont actuellement vendus à environ 750 $ par tête selon le témoignage de Mme Finch. Cela donnerait

75 000 $

Total : 114 000 $

114 000 $, ce qui constitue selon la Cour un revenu moyen, conservateur, pour la ferme selon les dires de Mme Finch. Les dépenses moyennes de la ferme qui ont été déclarées de 1992 à 1999 inclusivement se situent entre 103 000 $ et 104 000 $ par année, y compris environ 10 000 $ par année au titre des intérêts et de la déduction pour amortissement. (Les frais d’intérêts sont maintenant considérablement réduits.) Pour la Cour, cela donne l’image d’une ferme viable générant un revenu “ important ”. S’attendre à cela revient à s’attendre à un profit raisonnable. Il est évident que le Bureau d'examen de l'endettement agricole et la Société du crédit agricole ont cru cela en 1992, sinon ils n’auraient jamais permis qu’on donne suite à l’entente.

[38] Toutefois, la Cour doit déterminer objectivement si l’appelant avait une attente raisonnable de profit important en 1992, en 1993 et en 1994, compte tenu de son revenu pour ces années.

[39] À cette fin, la Cour conclut que c’était en réalité une exploitation de céréales biologiques et une exploitation de naissage de bovins shorthorn qui démarraient en 1992. Par conséquent, l’appelant a droit à une période de démarrage. Bien que les critères du juge Dickson aient été conçus pour le “ contribuable ”, il s’agit en l’espèce d’une véritable ferme familiale. M. et Mme Finch forment et ont toujours formé une équipe. Ainsi, l’affaire Moldowan et d’autres critères élaborés par les tribunaux devraient être appliqués à eux conjointement. Suivant les critères décrits par le juge Dickson dans l’arrêt Moldowan v. The Queen, 77 DTC 5213, les Finch ont réalisé des profits et subi des pertes au cours de leurs vingt années précédentes pour ce qui est de leur exploitation agricole; ils ont eu une formation pratique complète; leur plan d’action consistait à mettre sur pied une exploitation de naissage, à exploiter une ferme céréalière biologique avec le matériel et la terre existants et à utiliser le revenu provenant d’activités non agricoles pour aider à rembourser les dettes et à exploiter la ferme conformément aux ententes qu’ils avaient conclues et qu’ils concluaient en 1992 avec l’approbation du Bureau d'examen de l'endettement agricole et de la Société du crédit agricole. Comme on l’a calculé, l’entreprise avait une attente raisonnable de profit raisonnable.

[40] La question revient maintenant à se demander si le revenu d’emploi de l’appelant et le revenu provenant de la ferme constituaient, ensemble, une source principale de revenu. Le juge Bowman a examiné cette question dans l’affaire Dr. John V. Hover v. The Minister of National Revenue, 93 DTC 98, une “ ancienne ” affaire fiscale de 1990. Après avoir abondamment cité l’affaire Moldowan, le juge déclarait ceci :

Le terme “ combinaison ” me préoccupe. Nous tenons d'une instance supérieure que rien ne justifie qu'il doive exister un rapport entre l'agriculture et une autre source de revenu à laquelle elle est combinée pour créer une source principale de revenu. Nous tenons également d'une instance supérieure que le terme “ combinaison ” ne peut signifier la simple addition de deux sources (voir également The Queen v. Poirier). Je suis donc saisi du problème conceptuel de déterminer si deux sources de revenu non liées qui n'ont aucun rapport matériel entre elles peuvent être combinées pour former une source principale. La Cour suprême du Canada a traité de la question dans l'extrait suivant, fréquemment cité, de l'arrêt Moldowan, à la page 5216 :

[VERSION FRANÇAISE OFFICIELLE]

À mon avis, la Loi de l'impôt sur le revenu envisage dans son ensemble trois catégories d'agriculteur :

(1) le contribuable qui peut raisonnablement s'attendre à tirer de l'agriculture la plus grande partie de son revenu ou à ce que ce soit le centre de son travail habituel. Ce contribuable, dont l'agriculture est le gagne-pain, est exempté de la limite imposée par le par. 13(1) pour les années où il subit des pertes provenant de son exploitation agricole;

(2) le contribuable qui ne considère pas l'agriculture, ou l'agriculture et une source secondaire de revenu, comme son gagne-pain mais pour qui l'exploitation d'une ferme est une entreprise secondaire. Ce contribuable a droit aux déductions prévues au par. 13(1) au titre des pertes provenant d'une exploitation agricole;

(3) le contribuable qui ne considère pas l'agriculture, ou l'agriculture et une source secondaire de revenu, comme son gagne-pain et qui poursuit une activité agricole comme passe-temps. Les pertes de ce contribuable provenant de son exploitation agricole qui ne constitue pas une entreprise, ne sont pas déductibles.

Le paragraphe 13(1) suppose l'existence d'un contribuable qui tire son revenu de l'agriculture et de quelqu'autre source et il renvoie donc à la 1re catégorie. Il vise une personne dont l'agriculture est la préoccupation majeure, tout en tenant compte de ses autres intérêts pécuniaires, comme un revenu provenant d'un investissement, d'un emploi ou d'une entreprise secondaire. L'article prévoit que ces intérêts subsidiaires ne placent pas le contribuable dans la 2e catégorie : le montant déductible pour perte n'est donc pas limité à 5 000 $. Bien que la proportion du revenu provenant de l'agriculture soit pertinente, elle n'est pas en elle-même décisive. Le test est à la fois relatif et objectif et on peut utiliser les critères indicatifs de la principale “ source ” de revenu pour discerner s'il s'agit ou non d'un intérêt auxiliaire. Une personne qui a exploité une ferme toute sa vie ne cesse pas d'appartenir à la 1re catégorie uniquement parce qu'elle reçoit un héritage. D'autre part, une personne qui change de travail et concentre ses forces et ses capitaux dans l'agriculture avec l'espoir d'en tirer son revenu principal ne perd pas son droit de déduire la totalité de ses frais d'établissement.

La partie de la citation qui me préoccupe est contenue dans la description de l'agriculteur de la deuxième catégorie, soit :

l'agriculture et une source secondaire de revenu

(C'est moi qui souligne.)

ainsi que ce qui suit :

Il vise une personne dont l'agriculture est la préoccupation majeure, tout en tenant compte de ses autres intérêts pécuniaires, comme un revenu provenant d'un investissement, d'un emploi ou d'une entreprise secondaire.

(C'est moi qui souligne.)

On retrouve la même formulation dans la décision The Queen v. Roney, 91 DTC 5148, aux pages 5153 et 5154. Le juge Desjardins, de la Cour d'appel fédérale, déclare au nom de celle-ci, à la page 5155 :

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Compte tenu de la preuve dont la Cour est saisie, je ne crois pas que la partie intimée était, en 1975, une personne dont la préoccupation majeure était l'agriculture. C'était une personne qui tâtait le terrain, pour ainsi dire. Pour elle, l'agriculture était une entreprise secondaire.

On ne peut dire de même du Dr Hover. L'agriculture ne représentait pas pour lui une entreprise secondaire et il ne tâtait pas simplement le terrain. Il s'est lancé à fond et sans réserve dans l'entreprise. Dès 1984, et de plus en plus par après, l'agriculture est devenue pour lui une préoccupation majeure. Si les agriculteurs de la deuxième catégorie sont ceux pour qui l'agriculture est une entreprise secondaire, comme le laissent entendre les décisions Moldowan et Roney, je ne puis conclure que le Dr Hover fait partie de cette catégorie. Le temps, les capitaux, l'énergie et les efforts qu'il a consacrés à l'agriculture m'empêchent d'en arriver à une telle conclusion.

La Loi ne stipule pas expressément que l'autre source de revenu doit être secondaire ou accessoire. Il semble que, si l'agriculture peut être combinée à une autre source de revenu, avec laquelle elle a ou non un rapport, elle peut tout aussi bien être combinée à un emploi ou à une entreprise important qu'à un emploi ou à une entreprise secondaire. De fait, si l'autre source de revenu n'était que secondaire ou accessoire, elle n'empêcherait pas que l'agriculture soit considérée à elle seule comme la principale source de revenu du contribuable, sans que celle-ci ne soit combinée à quelque autre source secondaire avec laquelle elle n'a aucun rapport.

[41] À la lumière de ces commentaires et d’autres commentaires, les éléments suivants devraient être soulignés en l’espèce :

1. L’agriculture constituait la seule entreprise de l’appelant, et il s’agissait d’une ferme familiale dans tous les sens de cette expression.

2. M. Finch a trouvé un emploi permanent en 1990 afin d’aider à exploiter la ferme, selon les directives de la Société du crédit agricole et du Bureau d'examen de l'endettement agricole, pour la sauver, s’attendant à ne devoir occuper cet emploi que pendant deux ou trois ans, période pendant laquelle il ferait un profit raisonnable, ce qui lui permettrait de quitter son emploi. En outre, tout le revenu et tous les cadeaux que M. Finch a obtenus ont été consacrés à la ferme. Dans ces circonstances, la question devient : “ Combien d’autres “ combinaisons ” pouvez-vous obtenir? ”

3. Les événements continus et de longue durée, pour ce qui est des conditions météorologiques et des bas prix qui ont été mentionnés, sont réels et de notoriété publique. Ils ont touché des agriculteurs, généralement en Amérique du Nord, et ont entraîné une dépression agricole qui, selon la Cour, excède en importance le désastre agricole des années 30 qui a suivi la Crise de 1929 : cette opinion est généralement et publiquement répandue dans toute l’industrie agricole de l’Amérique du Nord. Chaque année, quelque chose de différent et d’inattendu s’est produit, empêchant une reprise - la perte du tarif du Nid-de-Corbeau dans l’Ouest canadien, le retrait des voies ferrées et du transport bon marché, la sécheresse, le gel, les bas prix, les coûts plus élevés (M. Finch a indiqué dans son témoignage que dans les cinq dernières années au cours desquelles les prix du bétail ont augmenté, les prix du matériel agricole associé à l’élevage du bétail ont doublé), les coûts d’essence plus élevés et le regroupement des fournisseurs et des clients agricoles pour former des oligopoles. Plus de 80 p. 100 des agriculteurs de la Saskatchewan occupent des emplois à l’extérieur de la ferme dans le but de survivre.

4. L’analogie avec l’eau des juges Desjardins et Bowman est plutôt jolie dans ces affaires en comparaison avec la situation de l’appelant : il a trouvé un emploi afin de tenter de maintenir sa tête d’agriculteur hors de l’eau.

[42] En l’espèce, les Finch considéraient l’agriculture et le revenu d’emploi comme un moyen de subsistance. La ferme a été leur moyen de subsistance pendant presque vingt ans avant qu’un emploi à plein temps soit nécessaire à leur survie et à celle de la ferme. Mme Finch a exploité la ferme pendant que son conjoint se trouvait à la mine, d’une manière qui ferait honte à l’employé moyen. Les Finch forment une équipe et Brian revenait à la ferme toutes les fois qu’il pouvait le faire et, ensemble, ils y ont consacré tout son revenu d’emploi comme ils l’avaient convenu. Il ne s’agissait d’une entreprise secondaire ni pour l’un ni pour l’autre, c’était leur vie entière, et ils y ont consacré toute leur vie. Il s’agissait d’une opération de travail pour tous les deux et la préoccupation principale de chacun d’eux. Tout leur avoir et leur revenu y a été consacré ainsi que tout leur temps. M. Finch n’a accepté un emploi que pour continuer l’exploitation de la ferme. Grâce à cette aide, et compte tenu du fait que l’entreprise démarrait, l’exploitation agricole avait une attente raisonnable de réaliser un profit important (à la suite de la conversion en 1992) pour chacune des années 1992, 1993 et 1994. La combinaison du revenu provenant de la ferme et de celui provenant de l’emploi de M. Finch constituait la source principale de revenu en l’espèce. L’appel est admis.

[43] Selon la Cour, la cotisation en cause et le présent appel n’avaient aucune raison d’être, pour les raisons suivantes :

1. la décision du juge d’appel Robertson telle qu’elle a été citée dans l’affaire Donnelly décrivait une politique gouvernementale raisonnable concernant les agriculteurs professionnels;

2. le fait qu’il ne s’agisse pas d’affaires dont le gouvernement canadien a saisi les tribunaux et dans lesquelles des agriculteurs se trouvaient placés dans cette situation;

3. les médiations de 1989 et de 1992 par les organismes des gouvernements fédéral et provincial et les conditions imposées à l’appelant, soit obtenir un emploi, qui ont été répétées à l’intimée;

4. la grande majorité des agriculteurs se trouvent partout au Canada dans des situations semblables et produisent des déclarations de revenus où ils en font état à l’intimée;

5. la dépression agricole qui est de notoriété publique et sûrement connue du gouvernement canadien;

6. le fait que le démarrage de la conversion biologique et de naissage se soit produit en 1992.

Cette opinion ne vise pas à pointer un doigt accusateur vers le vérificateur de la cotisation ou vers l’avocat du ministère de la Justice. La preuve révèle que les Finch ont fait des copies des différentes lettres échangées avec des hauts fonctionnaires et des représentants du gouvernement au sujet de ces cotisations. Ainsi, il semble que Revenu Canada puisse avoir ce qu’on pourrait appeler un certain nombre d’années au plan administratif au-delà desquelles de nouvelles cotisations sont établies à l’égard des pertes, ce qui a été appliqué en l’espèce.

[44] Dans ces circonstances, il s’agit en l’espèce d’un abus à l’égard de l’appelant et du processus judiciaire. Cela a obligé M. Finch à embaucher un avocat très compétent et connu exerçant le droit commercial et le droit agricole, possédant environ 45 ans d’expérience et beaucoup d’expérience en matière de contestation fiscale. Il a bien mené l’affaire, avec efficacité. L’appelant a droit à l’équivalent des frais sur la base procureur-client. L’affaire a commencé en 1998, et le procès a duré une journée et demie à Saskatoon, même si deux journées complètes ont été correctement prévues pour l’audience. Le présent juge a exercé le droit en pendant plus de 25 ans. La préparation et la conduite d’un procès de deux jours, par un avocat adjoint de Me Sanderson, auraient entraîné des honoraires modestes d’environ 30 000 $ pour un procès de deux jours en 1990. La présente audience n’a duré qu’une journée et demie en raison de la préparation minutieuse et de l’efficacité de l’avocat. Pour ces motifs, l’appelant se voit adjuger les dépens, lesquels sont fixés au montant forfaitaire de 25 000 $.

Signé à Vancouver (Colombie-Britannique), ce 23e jour d'août 2000.

“ D. W. Beaubier ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 22e jour de février 2001.

Philippe Ducharme, réviseur

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