Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date: 20001023

Dossier: 98-2647-IT-G

ENTRE :

LAWRENCE WOLF,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

(Jugement rendu oralement le 31 août 2000 à Montréal (Québec) et révisé à Ottawa (Ontario), le 23 octobre 2000.)

Le juge Lamarre, C.C.I.

[1] Les présents appels sont interjetés contre des cotisations que le ministre du Revenu national (le “ ministre ”) a établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu (la “ Loi ”) pour les années d'imposition 1990 à 1995 inclusivement. En établissant ces cotisations à l'égard de l'appelant, le ministre a refusé la déduction de dépenses d'entreprise (soit plus particulièrement la déduction de frais de logement et de déplacement) parce qu'il considérait que l'appelant avait gagné un revenu d'emploi (et non un revenu d'entreprise) au cours de ces années-là. Le ministre considérait en outre que l'appelant était un résident du Canada durant toute cette période.

[2] L'appelant conteste ces cotisations en faisant valoir qu'il est citoyen et résident des États-Unis d'Amérique et qu'en vertu de l'article IV de la Convention entre le Canada et les États-Unis d'Amérique en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (la “ Convention Canada-États-Unis en matière d'impôts ”), dans sa forme modifiée, il ne devrait pas, aux fins de l'impôt, être considéré comme ayant été un résident du Canada au cours des années en question. L'appelant soutient en outre qu'il travaillait au Canada comme entrepreneur indépendant durant ces années-là. Il invoque l'article XIV de la Convention Canada-États-Unis en matière d'impôts à l'appui de son argument selon lequel son revenu était imposable aux États-Unis et non au Canada pour le motif qu'il ne disposait pas de façon habituelle d'une base fixe au Canada.

[3] L'appelant est un ingénieur mécanicien spécialisé en aérospatiale. Il est né en 1961 à Huntington, dans l'État de New York, et a obtenu un diplôme d'ingénieur d'une université des États-Unis. Toute sa famille vit aux États-Unis. En 1986, il a commencé à travailler pour Grumman, une société américaine, à Long Island. En 1988, Grumman l'a transféré en Floride, où il a acheté une unité condominiale au cours de cette année-là. En 1989, il a commencé à chercher un travail de consultant, et un membre de sa famille lui a dit de s'adresser à une entreprise de conseillers en esthétique industrielle du Canada, Kirk-Mayer of Canada Ltd. (“ Kirk-Mayer ”).

[4] Kirk-Mayer a embauché l'appelant pour la première fois en janvier 1990, pour qu'il travaille comme consultant auprès de Canadair Limitée (“ Canadair ”). Un contrat a été signé le 31 janvier 1990 entre l'appelant et Kirk-Mayer.

[5] En vertu de ce contrat (pièce A-9), Kirk-Mayer retenait les services professionnels de l'appelant en tant qu'entrepreneur indépendant à compter du 26 février 1990, pour une durée prévue d'un an renouvelable à la discrétion du client (Canadair). Dans le même contrat, il est indiqué que l'appelant devait relever de quelqu'un de l'établissement de Canadair à Montréal. Il est également dit que le consultant (l'appelant) devait fournir des services à Kirk-Mayer, en fonction des besoins de l'entreprise de cette dernière, selon les règles de l’art et d'une façon professionnelle. S'il ne fournissait pas les services selon les règles de l’art et d'une manière professionnelle de l'avis de Kirk-Mayer ou du client, Kirk-Mayer pouvait résilier le contrat. L'appelant était payé selon un taux horaire de base de 32 $ CAN pour les services qu'il fournissait à Kirk-Mayer. Au-delà de 40 heures de travail par semaine, le taux horaire devait être de 48 $ CAN. Le consultant avait également droit à une indemnité journalière représentant 190 $ CAN par semaine, soit 38 $ CAN par jour pour cinq journées de travail, pendant qu'il était au Canada, si sa résidence permanente était à plus de 50 milles des locaux du client.

[6] Le consultant était en outre payé pour les jours fériés, au fur et à mesure, selon le taux normal pour huit heures. Il pouvait également recevoir une prime, basée sur les heures travaillées, s'il exécutait le contrat à la satisfaction du client et de Kirk-Mayer. Il avait également droit à une prime de vacances de 4 p. 100 de la rémunération brute à la résiliation du contrat par Kirk-Mayer. Il devait en outre être remboursé de ses frais de déplacement sur présentation d'un talon. De plus, pour un renouvellement de visa, il devait être remboursé de ses frais au prix coûtant et être rémunéré au taux normal pour une période pouvant aller jusqu'à quatre heures. Pendant qu'il était au Canada, il devait toutefois souscrire à ses propres frais une assurance pour soins médicaux et rapatriement.

[7] En outre, le contrat stipulait que, pour protéger la position de Kirk-Mayer auprès de clients (comme Canadair), le consultant acceptait de ne pas accomplir de travaux semblables pour un client pendant trois mois une fois terminé le travail pour ce client.

[8] Au bout du compte, l'appelant a travaillé à divers projets pour Canadair durant toutes les années en question. Son contrat a été périodiquement révisé de manière à augmenter le taux horaire normal et le taux pour les heures supplémentaires, ainsi que l'indemnité journalière. D'autre part, il n'a plus eu droit à une paye de vacances, comme l'indique le contrat signé le 23 août 1993 (pièce A-20), et il n'a plus été payé pour les jours où le client fermait ses portes pour cause de vacances, sauf s'il était autorisé à rendre des services ces jours-là (pièces A-21 et A-22). L'appelant a cependant témoigné qu'il était encore payé pour tous les jours fériés.

[9] Durant toutes les années en question, Kirk-Mayer a déduit de la rémunération de l'appelant des cotisations au Régime de pensions du Canada ainsi que des cotisations d'assurance-chômage et a effectué la retenue d'impôt sur des non-résidents de 15 p. 100. Kirk-Mayer a établi pour chaque année un feuillet T-4 faisant état du revenu d'emploi de l'appelant.

[10] L'appelant a témoigné qu'il avait loué son unité condominiale de la Floride, avec tous ses meubles, lorsque, en 1990, il était venu au Canada. Un préavis de 30 jours était requis pour la résiliation du bail (pièce A-10). L'appelant avait mandaté un agent de location de la Floride pour la conclusion des arrangements locatifs. Il était venu au Canada avec ses vêtements, sa chaîne stéréophonique et ses appareils vidéo. Durant les années en question, il louait une chambre à Dollard-des-Ormeaux (Québec), pour 375 $ par mois. Il n'avait pas d'entrée particulière ni de ligne téléphonique privée. Il a toujours gardé son assurance américaine pour sa voiture, qui était immatriculée aux États-Unis. Son assurance-maladie et son assurance de biens étaient souscrites aux États-Unis. Il avait laissé ouverts tous ses comptes bancaires américains et avait ouvert un compte bancaire au Canada pour le dépôt direct de ses chèques de paye. Il virait toutes ses économies sur ses comptes bancaires américains, par télégraphe. Il faisait affaire avec un courtier des États-Unis. Il n'a jamais demandé le statut d'immigrant reçu au Canada ni la citoyenneté canadienne. Il voyageait avec son passeport américain. Il détenait quelques cartes de crédit américaines, ainsi qu'une carte canadienne MasterCard pour ses dépenses au Canada, et il était membre de clubs et d'associations professionnelles aux États-Unis, mais pas au Canada.

[11] Concernant son travail, l'appelant a témoigné qu'il avait toujours relevé d'un superviseur de Canadair à Montréal, qui lui attribuait des tâches. Il était tenu de travailler à différents projets : conception, essai et production. Personne ne lui disait comment accomplir ses tâches, mais divers comités de Canadair signaient des approbations à l'égard de son travail. Il n'avait pas de délais précis à respecter, mais les tâches devaient être accomplies aussitôt que possible. Dans son travail, il utilisait un ordinateur — auquel il n'avait accès que dans les locaux de Canadair — ainsi que des diagrammes et dessins appartenant à Canadair. Il avait une carte permettant d'accéder aux immeubles de Canadair et s'en servait pour travailler le soir et la fin de semaine. Aucun bureau, pupitre ou ordinateur ne lui était assigné à Canadair; il utilisait un ordinateur de la salle des ordinateurs lorsqu'il y en avait un de disponible. Aucune ligne téléphonique ne lui était assignée; il utilisait n'importe quelle ligne de disponible.

[12] Il remplissait des relevés de temps qu'il envoyait à Kirk-Mayer — et dont une copie allait au client — pour la facturation de l'ensemble de ses heures travaillées.

[13] Les employés de Canadair étaient invités à des réunions et pouvaient profiter de possibilités de formation, ce qui n'était pas le cas des consultants.

[14] L'appelant a fini par obtenir un brevet américain, mais il n'en a jamais tiré d'argent durant les années en question.

[15] L'appelant a admis qu'il avait séjourné au Canada pendant plus de 183 jours au cours de chacune des années en question. Toutefois, il a toujours déclaré son revenu et payé son impôt sur le revenu aux États-Unis.

Analyse

I. Résidence

[16] L'avocat de l'appelant admet que l'appelant a double résidence, canadienne et américaine. Il soutient toutefois que l'appelant devrait être considéré comme un résident des États-Unis en vertu de la Convention Canada-États-Unis en matière d'impôts et que celle-ci l'emporte sur la Loi. Il invoque le paragraphe 3(2) de la Loi de 1984 sur la Convention Canada-États-Unis en matière d'impôts et le paragraphe 2 de l'article IV de la Convention Canada-États-Unis en matière d'impôts tels que ces paragraphes sont applicables pour les années d'imposition en question, soit :

LOI DE 1984 SUR LA CONVENTION CANADA-ÉTATS-UNIS

EN MATIÈRE D'IMPÔTS

APPROBATION

3.(1) La Convention est approuvée et a force de loi au Canada pendant la durée de validité prévue par son dispositif.

INCOMPATIBILITÉ

(2) Les dispositions de la présente loi et la Convention l'emportent sur les dispositions incompatibles de toute autre loi.

CONVENTION CANADA-ÉTATS-UNIS

EN MATIÈRE D'IMPÔTS

ARTICLE IV

Résidence

1. Au sens de la présente Convention, l'expression “résident d'un État contractant” désigne toute personne qui, en vertu de la législation de cet État, est assujettie à l'impôt dans cet État, en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction, de son lieu de constitution ou de tout autre critère de nature analogue mais, dans le cas d'une succession ou d'une fiducie, seulement dans la mesure où les revenus que tire cette succession ou cette fiducie son assujettis à l'impôt dans cet État, soit dans ses mains soit dans les mains de ses bénéficiaires.

2. Lorsque, selon les dispositions du paragraphe 1, une personne physique est un résident des deux États contractants, sa situation est réglée de la manière suivante:

(a) Cette personne est considérée comme un résident de l'État contractant où elle dispose d'un foyer d'habitation permanent; si elle dispose d'un foyer d'habitation permanent dans les deux États ou ne dispose d'un tel foyer dans aucun des États, elle est considérée comme un résident de l'État contractant avec lequel ses liens personnels et économiques sont les plus étroits (centre des intérêts vitaux);

(b) Si l'État contractant où cette personne a le centre de ses intérêts vitaux ne peut pas être déterminé, elle est considérée comme un résident de l'État contractant où elle séjourne de façon habituelle;

(c) Si cette personne séjourne de façon habituelle dans les deux États ou si elle ne séjourne de façon habituelle dans aucun des États, elle est considérée comme un résident de l'État contractant dont elle possède la citoyenneté; et

(d) Si cette personne possède la citoyenneté des deux États ou si elle ne possède la citoyenneté d'aucun d'eux, les autorités compétentes des États contractants tranchent la question d'un commun accord.

[17] Je conviens avec l'avocat de l'appelant que la Convention Canada-États-Unis en matière d'impôts réglera la question de la résidence de l'appelant. Je reconnais également que l'appelant est résident à la fois du Canada (du fait qu'il y a séjourné plus de 183 jours) et des États-Unis (du fait qu'il est citoyen des États-Unis) et qu'il est assujetti à l'impôt dans les deux pays en raison de l'un des critères énumérés au paragraphe 1 de l'article IV. Il est de notoriété publique que les citoyens américains sont imposables sur leurs revenus de toutes provenances. À mon avis, il n'est pas nécessaire que l'appelant prouve ce point, contrairement à ce que soutenait l'avocat de l'intimée.

[18] Cela dit, le statut de l'appelant doit être déterminé conformément aux règles décisives énoncées au paragraphe 2 de l'article IV de la Convention Canada-États-Unis en matière d'impôts.

[19] En vertu de l'application de ces règles, l'appelant sera considéré comme un résident de l'État où il dispose d'un foyer d'habitation permanent; s'il dispose d'un foyer d'habitation permanent dans les deux États, il sera considéré comme un résident de l'État contractant avec lequel ses liens personnels et économiques sont les plus étroits (centre des intérêts vitaux) ou dans lequel il séjourne de façon habituelle.

[20] Je suis d'avis que l'appelant disposait d'un foyer d'habitation permanent dans les deux pays. En fait, il avait un endroit où habiter au Canada et, avec seulement un mois de préavis, il pouvait retourner dans son condo de la Floride. Je conclus toutefois que le centre des intérêts vitaux de l'appelant était davantage aux États-Unis qu'au Canada. L'appelant n'est pas marié, mais toute sa famille était aux États-Unis. Ses comptes bancaires et ses économies étaient aux États-Unis, tout comme son courtier. Exception faite d'un compte bancaire et d'une carte de crédit qu'il avait au Canada pour ses frais quotidiens de subsistance, l'appelant ne maintenait pas de relations économiques avec le Canada. Il a obtenu son brevet aux États-Unis et il y envoyait par télégraphe toutes ses économies. Les États-Unis étaient le pays où il retournait fréquemment et régulièrement. Bien que le lieu de travail de l'appelant ait été au Canada, je ne pense pas que cela l'emporte sur le fait que le centre des intérêts vitaux de l'appelant était demeuré aux États-Unis. L'appelant était venu au Canada pour travailler temporairement parce que le travail était ici. Son contrat a en fait été prolongé, ce qui ne signifie toutefois pas que ses liens personnels et économiques étaient avec le Canada. Sa source de revenus était au Canada, mais il n'existait aucun autre lien avec le Canada. En fait, la façon dont l'appelant a agi montre plutôt qu'il n'a jamais eu l'intention de rester au Canada de façon permanente ou d'y séjourner de façon habituelle. Il ne s'est jamais réellement établi au Canada. Il passait tout son temps libre avec sa famille aux États-Unis, souscrivait toutes ses assurances aux États-Unis, n'était pas assuré au Canada et ne conservait ici qu'un pied-à-terre, soit une chambre à Dollard-des-Ormeaux (Québec). Il n'a jamais demandé le statut d'immigrant reçu ni la citoyenneté canadienne. Il est citoyen des États-Unis et n'a qu'un passeport américain. Il a déclaré ses revenus de toutes provenances et payé son impôt sur le revenu aux États-Unis pour toutes les années en question. C'est suffisant pour que je puisse dire que l'appelant est considéré comme un résident des États-Unis au sens du paragraphe 2 de l'article IV de la Convention Canada-États-Unis en matière d'impôts.

II. Employé ou travailleur autonome

[21] Il s'agit maintenant de savoir si l'appelant a tiré ses revenus d'une profession indépendante au Canada et, dans l'affirmative, si ces revenus étaient imputables à une base fixe dont il disposait de façon habituelle au Canada. L'article XIV de la Convention Canada-États-Unis en matière d'impôts se lit comme suit :

Article XIV — Professions indépendantes

Les revenus qu'une personne physique qui est un résident d'un État contractant tire d'une profession indépendante sont imposables dans cet État. Ces revenus sont aussi imposables dans l'autre État contractant si la personne physique dispose, ou a disposé, de façon habituelle d'une base fixe dans cet autre État mais uniquement dans la mesure où les revenus sont imputables à la base fixe.

[22] Les parties reconnaissent que la principale question à trancher est de savoir si l'appelant travaillait comme employé ou comme entrepreneur indépendant. Les deux parties reconnaissent que, si l'appelant est considéré comme un employé, l'article XIV de la Convention Canada-États-Unis en matière d'impôts ne s'applique pas et la cotisation doit être confirmée.

[23] L'article 2085 du Code civil du Québec définit un contrat de travail comme étant un contrat par lequel une personne, le salarié, s'oblige, pour un temps limité et moyennant rémunération, à effectuer un travail sous la direction ou le contrôle d'une autre personne, l'employeur. L'article 2098 définit un contrat d'entreprise ou de service comme étant un contrat par lequel une personne, selon le cas l'entrepreneur ou le prestataire de services, s'engage envers une autre personne, le client, à réaliser un ouvrage matériel ou intellectuel ou à fournir un service moyennant un prix que le client s'oblige à lui payer. L'article 2099 dispose que l'entrepreneur ou le prestataire de services a le libre choix des moyens d'exécution du contrat et qu'il n'existe entre lui et le client aucun lien de subordination quant à son exécution.

[24] Ces dispositions du Code civil du Québec réitèrent le critère suprême établi par la jurisprudence pour déterminer s'il existe une relation employeur-employé, soit le critère du contrôle. Pour ce qui est de la rémunération, il semble établi dans la jurisprudence que le fait que des services soient payés sur la base de relevés de temps n'exclut pas l'existence d'un contrat de travail. La fixation du montant de la rémunération est un élément qui peut indiquer l'existence aussi bien d'un contrat d'entreprise que d'un contrat de louage de services.

[25] Quoique l'appelant soit un professionnel ayant été embauché pour ses connaissances et son expertise, je suis d'avis qu'un certain type de contrôle était exercé sur son travail. L'appelant a témoigné que ses tâches lui étaient attribuées par un superviseur à son lieu de travail et qu'il pouvait passer d'un projet à un autre à la demande du superviseur. Il a également témoigné que son travail devait être approuvé par divers comités et que, pour des projets difficiles particuliers, Canadair exerçait une surveillance plus étroite.

[26] C'étaient les services professionnels personnels de l'appelant qui étaient mis à la disposition de Canadair (aucun élément de preuve n'indique que l'appelant pouvait déléguer son travail à quelqu'un d'autre). Le travail de l'appelant était accompli sur une base continue, quotidienne, et aucune quantité de travail fixe ou déterminée ne lui était attribuée par contrat. En appliquant le critère particulier du résultat, on ne peut que conclure que l'appelant était un employé. De plus, il est admis que, malgré le fait que l'appelant pouvait choisir ses heures de travail, on s'attendait qu'il soit là durant les heures de travail normales, pour qu'il ait des contacts avec des gens de Canadair.

[27] Il est vrai que l'appelant ne bénéficiait pas d'avantages comme une assurance-santé ou un régime de retraite et qu'il n'était pas payé pour les jours de congé (sauf les jours fériés). À mon avis, toutefois, cela n'est pas suffisant pour l'emporter sur la conclusion selon laquelle l'appelant était en fait un employé. De plus, il y a d'autres aspects qui tendent à indiquer l'existence d'une relation employeur-employé. L'appelant était payé pour l'ensemble de ses heures travaillées et le travail supplémentaire était rémunéré à un taux supérieur en vertu de son contrat. Tous les jours fériés étaient rémunérés, malgré le fait que l'appelant ne travaillait pas ces jours-là. L'appelant avait droit à une prime d'exécution de contrat s'il travaillait bien. Aucun de ces aspects n'est caractéristique d'un contrat d'entreprise. Un prestataire de services fixe son prix et n'est pas rémunéré à un taux supérieur pour des heures supplémentaires. Il doit courir le risque de réaliser un profit inférieur s'il doit faire des heures supplémentaires. Dans la présente espèce, l'appelant ne courait pas un tel risque. Il était payé pour toutes les heures travaillées. Le fait qu'il signait des contrats temporaires ne change pas ma conclusion, car ce n'est pas la durée du contrat qui détermine s'il existe un emploi.

[28] Enfin, l'appelant travaillait dans des bureaux ou ateliers de Canadair et se servait d'instruments qui appartenaient à Canadair. L'ensemble de ses allées et venues et de ses heures et jours de travail était intégré aux activités du client. On ne peut dire en l'espèce que l'appelant exploitait sa propre entreprise. Comme il le déclarait lui-même dans la police d'assurance qu'il a consignée en preuve (pièce A-11), il travaillait sur commande et son employeur était Kirk-Mayer. Il ne se considérait pas comme un entrepreneur indépendant. Avant de venir au Canada, il était un employé de Grumman et, à mon avis, quand il travaillait auprès de Canadair, il était un employé de Kirk-Mayer (voir le jugement Hinkley c. M.R.N., C.C.I., no 90-1015(IT), 23 octobre 1991 (91 DTC 1336), cité par l'avocat de l'intimée). Je suis confortée dans cette conclusion par le fait que Kirk-Mayer considérait aussi l'appelant comme son employé. En effet, Kirk-Mayer a délivré des feuillets T-4 à l'appelant, qui a déclaré un revenu d'emploi, et toutes les retenues à la source étaient effectuées. Si j'applique le raisonnement de l'avocat de l'appelant selon lequel, d'un point de vue juridique, c'est l'intention des parties qui doit dominer, un élément indique ici que Kirk-Mayer traitait l'appelant comme un employé et non comme un entrepreneur indépendant.

[29] Je conclus donc que l'appelant n'a pas démontré selon la prépondérance des probabilités qu'il agissait comme entrepreneur indépendant durant les années en question. L'appelant était un employé. Vu cette conclusion, il n'est pas nécessaire que je détermine si l'appelant disposait de façon habituelle d'une base fixe au Canada au sens de l'article XIV de la Convention Canada-États-Unis en matière d'impôts, car cet article ne s'applique pas à des employés.

[30] Les appels sont rejetés, et les cotisations sont confirmées.

Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour d'octobre 2000.

“ Lucie Lamarre ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 28e jour de mars 2001.

Isabelle Chénard, réviseure

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.