Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 20001102

Dossier: 2000-1401-IT-I

ENTRE :

MICHAEL G. WETZEL,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

(Rendus oralement à l'audience à St-John's (Terre-Neuve), le 21 juin 2000.)

Le juge Mogan, C.C.I.

[1] Dans le présent appel, l’avis d’appel a été produit le 27 mars 2000, et le timbre de la Cour canadienne de l’impôt indique qu’il a été reçu le 28 mars 2000. L’appelant interjette appel des cotisations établies pour les années d’imposition 1984, 1985 et 1986. La principale question concerne le fait que l’appelant prétend être un Indien de plein droit. À cette époque, il était membre de la bande indienne Miawpukek à Terre-Neuve. Il prétend qu’il était par conséquent exonéré de l’impôt pendant ces années.

[2] L’intimée, au nom du ministre du Revenu national et de Revenu Canada, a produit un avis de requête présentable à St. John’s en vue d’obtenir une ordonnance rejetant l’appel ou, subsidiairement, une ordonnance prorogeant le délai de production d’une réponse à l’avis d’appel. Les motifs de la requête sont (i) que l’appelant n’a jamais produit d’opposition valide, comme l’exige la Loi de l’impôt sur le revenu, pour les années 1984, 1985 et 1986; et (ii) que les redressements demandés par l’appelant ne relèvent pas de la compétence de la Cour de l’impôt. Au soutien de la requête, on a présenté une déclaration sous serment d’Hélène Dahl, de Revenu Canada, qui déclare qu’elle n’a pu trouver d’avis d’opposition concernant les années en litige.

[3] L’avis de requête a été signé le 13 juin 2000 par Caitlin Ward, une avocate du ministère de la Justice à Halifax. La requête est présentable à Cabot Place, St. John's (Terre-Neuve), le 21 juin, de sorte qu’il y avait à peine huit jours entre la signature de la requête et la date d’audition. L’appelant vit à Conne River, mais a également un cabinet d’avocat à Grand Falls. Il a informé la Cour qu’il y avait environ 120 milles entre Conne River et Grand Falls. Comme le trajet en voiture de Grand Falls à Gander prend environ deux heures, la requête aurait dû être présentable à Gander, et non à St. John's, pour raison de commodité pour l’appelant. Comme cette Cour siégeait à la fois à St. John's et à Gander pendant la semaine du 19 juin 2000, on a grandement et inutilement désavantagé l’appelant en décidant de présenter la requête à St. John's plutôt qu’à Gander.

[4] L’appelant a communiqué avec le bureau de la Cour canadienne de l’impôt à Ottawa le mardi 20 juin et a demandé un ajournement au motif qu’il s’était trouvé à l’extérieur de la réserve et n’avait appris l’existence de la requête que le lundi 19 juin. Le bureau de la Cour a communiqué avec moi vers 17 h (heure de St. John's) le 20 juin, alors que je me trouvais dans ma chambre d’hôtel, et on m’a informé de la demande d’ajournement. Je n’avais aucun dossier avec moi, puisqu’ils se trouvaient dans mon bureau, à la Cour, à St. John's. J’ai dit à l’agent du greffe à Ottawa que j’estimais que l’appelant devait se présenter en cour afin de demander l’ajournement, vu qu’il était tard ce jour-là, et tard pour demander un ajournement, l’avis de requête ayant été signifié plus d’une semaine plus tôt. J’ai également demandé à l’agent du greffe de me télécopier, à l’hôtel, tous les documents que l’appelant avait envoyés au soutien de sa demande d’ajournement. Ces documents me sont parvenus tard dans la soirée du 20 juin, et je me suis alors aperçu, en les regardant, que l’appelant avait un bureau à Grand Falls, qui était beaucoup plus près de Gander que de St. John's. Il était trop tard dans la soirée pour communiquer avec qui que ce soit, mais j’ai téléphoné chez l’appelant à 8 h, le matin du 21 juin, pour l’informer qu’il n’était pas nécessaire qu’il se présente à St. John's et que nous pourrions entendre la requête à Gander le 22 juin, puisque j’y aurais été les jeudi et vendredi 22 et 23 juin. L’épouse de l’appelant m’a informé que ce dernier était déjà en route pour St. John's, et il s’est donc présenté lorsque la Cour a commencé l’audience, à 9 h 30, le 21 juin.

[5] L’appelant a longuement expliqué l’histoire du peuple autochtone de Terre-Neuve, ce qui avait été modifié lorsque Terre-Neuve avait fait son entrée au sein de la Confédération et la manière dont le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien avait élaboré une politique à l’égard du peuple autochtone de Terre-Neuve. En particulier, l’appelant a fait référence à un décret de remise qui pourrait s’appliquer aux membres de la bande, dont il prétend être membre, à l’égard du revenu gagné dans la réserve pour les périodes allant de 1972 à 1984 et pour les années 1985 et 1986.

[6] J’ai interrogé l’appelant pour savoir s’il se trouvait devant le bon tribunal; s’il devait plutôt demander un jugement déclaratoire, peut-être à la Section de première instance de la Cour fédérale, au sujet de sa qualité de membre d’une bande autochtone; et si, relativement à un tel jugement, il devait également obtenir un jugement déclaratoire visant à déterminer s’il était visé par un décret de remise qui avait apparemment été pris par le ministre du Revenu national à l’égard des membres de la bande.

[7] L’appelant m’a informé qu’il avait déjà introduit une instance devant la Section de première instance de la Cour fédérale, pour laquelle il avait retenu les services d’un avocat. Étant donné la manière détachée dont l’appelant a décrit l’instance, il semblait qu’il l’introduisait en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés ou sur la base de la discrimination et de l’équité relativement à la manière dont le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien a établi les qualités pour être membre de la bande ou les critères d’admissibilité à ce statut. L’appelant prétend que les critères d’admissibilité ont été établis précisément de façon à l’exclure en raison de sa bonne réputation et de son rôle actif pour ce qui est de l’obtention de mesures de redressement pour son peuple et pour lui-même. Je ne peux d’aucune façon déterminer si les déclarations de l’appelant sont vraies, mais il a formulé d’inquiétantes allégations.

[8] Je n’accorderai pas la requête pour trois raisons. D’abord, pour une requête comportant ce genre de conséquence, l’appelant aurait dû se voir accorder plus de temps que le strict minimum prévu par les Règles. Parfois, les conséquences d’une requête sont tellement importantes que la signification de l’avis effectuée en respectant le délai minimum ne suffit pas. Ensuite, l’intimée n’a pas suffisamment tenu compte de ce qui convenait le mieux à l’appelant quant au lieu de l’audience. On lui a donné un court avis, et il a dû parcourir un trajet qui a duré six heures, alors qu’avec un minimum de réflexion, on aurait pu fixer l’audition de la requête à Gander plus tard au cours de la semaine, auquel cas le trajet n’aurait été que de deux heures. Troisièmement et par-dessus tout, je suis peu disposé à supprimer les recours que l’appelant peut avoir contre Revenu Canada, puisqu’il a déclaré en cour ce matin qu’il croyait avoir produit des avis d’opposition pour certaines années au cours des années 80 et qu’il avait besoin de plus de temps pour examiner ses documents et ses dossiers afin de voir s’il avait des exemplaires de quoi que ce soit qui pouvait être rattaché à des déclarations de revenus, à des avis de cotisation ou à des avis d’opposition qu’il pouvait avoir produits au cours de ces années. Par conséquent, je rejetterai la requête.

[9] Je vais également prévoir dans mon ordonnance ce que j’appellerais un sursis de l’instance d’au moins quatre mois. Il sera interdit à l’intimée de renouveler sa requête pendant cette période, afin que l’appelant puisse poursuivre certaines des recherches qu’il a décrites en cour ce matin. L’appelant doit étudier la question de savoir s’il se trouve devant le bon tribunal et si l’action qui, selon son témoignage, était en instance devant la Section de première instance de la Cour fédérale, devrait être modifiée afin d’inclure certains des recours dont il a été question en cour ce matin dans le but de savoir si un jugement déclaratoire devrait être rendu au sujet de son statut et peut-être également au sujet du fait que, s’il est décidé qu’il est membre de la bande autochtone en question, il est visé ou non par le décret de remise qu’il a mentionné. Je ne sais rien au sujet de ce décret de remise, je ne sais même pas s’il existe, mais s’il existe et qu’il soit tel que l’appelant l’a décrit, s’il vise certains membres d’une bande autochtone de Terre-Neuve et si, à la suite de la procédure intentée devant la Section de première instance de la Cour fédérale, il s’avère exact que l’appelant fait partie de la bande et qu’il semble visé par le décret de remise, il s’agit peut-être d’une question qu’un juge de la Section de première instance de la Cour fédérale devrait examiner pour savoir si tout redressement qui sera accordé, s’il est accordé par la Section de première instance de la Cour fédérale, tient compte de cette question.

[10] Pendant que l’appelant mène ce genre de recherches, je crois qu’il n’est pas juste de la part de l’intimée de renouveler sa requête à l’intérieur d’un délai de quatre mois. Si l’intimée est toujours d’avis, après quatre mois, que le présent avis d’appel n’est pas justifié, une nouvelle requête pourra être signifiée, et présentable à Gander, à moins que l’appelant n’indique qu’il accepte qu’elle soit entendue dans une collectivité qui lui convienne moins. Je n’ajourne pas à une date particulière l’audition de la requête; je la rejette, de sorte que, si l’intimée cherche à obtenir ce genre de résultat après quatre mois, il devra présenter une nouvelle requête. Je suggère que, pour fins d’équité, plus de temps que le délai minimum prévu par les Règles de la Cour soit accordé. Parfois, dans des régions éloignées du Canada situées loin des grandes villes comme Ottawa, Montréal, Toronto, Halifax et Vancouver, il n’est pas commode pour des personnes de se déplacer dans le but de convenir à la personne qui signe l’avis de requête.

[11] De plus, si la requête n’est pas renouvelée après quatre mois, l’intimée disposera alors d’un délai de six mois à partir de la date de la présente ordonnance pour produire une réponse à l’avis d’appel.

[12] La requête de l’intimée est rejetée avec dépens en faveur de l’appelant, lesquels sont fixés à 300 $.

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour de novembre 2000.

“ M. A. Mogan ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 30e jour de mars 2001.

Philippe Ducharme, réviseur

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