Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 20000721

Dossiers: 97-1962-IT-G; 97-1799-IT-G; 97-2839-IT-G; 97-1801-IT-G

ENTRE :

DAVID H. ARMSTRONG, MICHAEL BELL, W. RICHARD LOVE, P. KIMBALL SCALES,

appelants,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

La juge Lamarre Proulx, C.C.I.

[1] Les appels en l'instance ont été entendus ensemble. Ils portent sur l'année d'imposition 1991 pour les appelants Armstrong, Love et Scales et les années d'imposition 1991 et 1992 pour l'appelant Bell.

[2] La question en litige est de savoir si l'acquisition par les appelants d'une participation dans une cotenance constituait une dépense d'entreprise ou une dépense en immobilisations. Les appelants ont prétendu qu'il s'agissait d'une dépense dans le cadre d'une opération spéculative. Le ministre du Revenu national (le “ ministre ”) est d'avis que c'était une dépense en immobilisations.

[3] Au début de l'audience, les parties ont informé la Cour qu'elles étaient parvenues à une entente sur une partie des questions en litige. Elles ont informé la Cour que l'entente intervenue s'appuyait sur la décision rendue par le juge en chef adjoint Bowman, de la C.C.I., le 15 mars 2000 dans l'affaire Patricia Ann Grant, George Grant et Brian S. Markell C.C.I., no 97-1789(IT)I (2000 DTC 1985).

[4] L'entente intervenue entre les parties est la même pour les quatre appelants, sauf pour ce qui est des montants admis. Je reproduirai donc les trois paragraphes de l'entente concernant l'appelant David Armstrong et le premier paragraphe de celle se rapportant à chacun des autres appelants :

[TRADUCTION]

A. APPEL DE DAVID ARMSTRONG

1. M. Armstrong a le droit de déduire, dans le calcul de son revenu, une perte d'entreprise de 22 415 $ dans l'année d'imposition 1991, ce montant représentant sa part de la perte subie par le Rosemount Seniors' Residence Limited Partnership (le “ Rosemount ”) au titre de la réduction de la valeur des biens figurant dans l'inventaire en 1991.

2. M. Armstrong abandonne ses prétentions, énoncées aux paragraphes 53 à 58 de son avis d'appel, concernant la validité de la renonciation et de la nouvelle cotisation relativement à son année d'imposition 1991.

3. M. Armstrong abandonne sa demande subsidiaire, énoncée au paragraphe 62 de son avis d'appel, de déduction d'une perte déductible au titre d'un placement d'entreprise (“ PDTPE ”) relativement au Wellington Centre for Seniors.

B. APPEL DE MICHAEL BELL

4. M. Bell a le droit de déduire, dans le calcul de son revenu, une perte d'entreprise de 22 843 $ dans l'année d'imposition 1992, ce montant représentant sa part de la perte subie par le Rosemount au titre de la réduction de la valeur des biens figurant dans l'inventaire en 1991.

[...]

C. APPEL DE RICHARD LOVE

7. M. Love a le droit de déduire, dans le calcul de son revenu, une perte d'entreprise de 22 415 $ dans l'année d'imposition 1991, ce montant représentant sa part de la perte subie par le Rosemount au titre de la réduction de la valeur des biens figurant dans l'inventaire en 1991.

[...]

D. APPEL DE KIMBALL SCALES

10. M. Scales a le droit de déduire, dans le calcul de son revenu, une perte d'entreprise de 22 415 $ dans l'année d'imposition 1991, ce montant représentant sa part de la perte subie par le Rosemount au titre de la réduction de la valeur des biens figurant dans l'inventaire en 1991.

[...]

[5] Il reste à trancher la question des participations détenues dans une cotenance dans le cadre d'un projet appelé le Wellington Centre for Seniors (le “ Wellington Centre ”). La question de la cotenance a été discutée dans la décision Grant, précitée, en ce qui concerne l'appelant Markell. Celui-ci avait déclaré une perte déductible au titre d'un placement d'entreprise (PDTPE) concernant le Wellington Centre. La PDTPE a été rejetée pour le motif qu'elle ne répondait pas au critère établi en vertu de la loi. Étant donné qu'une PDTPE découle d'une perte en capital, les appelants ont essayé, au cours de leur argumentation, de faire valoir qu'ils avaient plutôt subi une perte d'entreprise. Ce changement tardif n'a pas été accepté.

[6] Les faits pertinents exposés dans l'avis d'appel sont libellés comme suit :

[TRADUCTION]

6. En plus de s'occuper de la mise en marché de Rosemount, RPIM et MM. Lucas et Simpson étaient associés à au moins 17 autres sociétés immobilières en commandite, cotenances, projets de lotissement et d'aménagement, dont le Wellington Centre for Seniors (voir ci-après).

[...]

b) Le Wellington Centre for Seniors

21. En ce qui concerne le Wellington Centre for Seniors (le “ Wellington ”), il avait initialement été prévu de construire un immeuble d'habitation condominial pour personnes âgées comprenant 103 appartements et quatre unités commerciales.

22. Les âmes dirigeantes du Wellington étaient Glenn Lucas et Walter Wainman, lesquels avaient chacun, comme il est mentionné au paragraphe 2 qui précède, une longue et vaste expérience des opérations immobilières.

23. Le constructeur et gestionnaire du Wellington était RPIM, qui, comme il est mentionné au paragraphe 4 qui précède, était assujettie à l'autorité de M. Lucas et participait à de nombreux projets immobiliers.

24. Une autre âme dirigeante du Wellington était Gary Simpson, qui, comme il est mentionné au paragraphe 5 qui précède, était un actionnaire de RPIM et avait de l'expérience des opérations immobilières.

25. Le terrain sur lequel le Wellington devait être construit a été acheté par Wellington Retirement Centre Inc., qui appartenait à MM. Lucas, Wainman et Simpson, ainsi qu'à un autre particulier.

26. En outre, plusieurs personnes qui ont acquis des participations dans le Wellington avaient de l'expérience des opérations immobilières, et plusieurs autres participaient à un certain nombre d'autres opérations immobilières soit comme spéculateurs, soit comme agents immobiliers.

27. Aux termes du projet initial, chaque personne acquérant une participation dans le Wellington devait verser un dépôt relativement à une unité condominiale et détenir le titre de cette unité une fois l'immeuble enregistré; en outre, chaque acheteur devenait un tenant commun avec tous les autres acheteurs ainsi qu'avec le Wellington Retirement Centre Inc. relativement aux participations invendues dans les terrains.

28. La propriété comme telle, ou l'unité de chaque acheteur, était censée être transférée dès que la construction du Wellington serait achevée.

29. Le terrain sur lequel le Wellington devait être construit a été acquis en grande partie par emprunt.

30. Une demande de permis de bâtir a été soumise à la Ville d'Ottawa en mars 1988, et un permis de bâtir le Wellington a finalement été délivré en décembre 1988 environ.

31. Entre-temps, le gouvernement de l'Ontario avait modifié les règles régissant les projets immobiliers comme le projet Wellington, de sorte que la vente des unités du Wellington, nécessaire au financement de la construction de l'immeuble, a cessé.

32. En outre, d'autres résidences neuves pour personnes âgées avaient ouvert leurs portes et se livraient une vive concurrence entre elles.

33. Pour toutes les raisons mentionnées aux paragraphes 30 à 32 qui précèdent, et parce qu'il était impossible de trouver des fonds pour construire l'immeuble, il a été déterminé que le projet initial de construction du Wellington ne pouvait être réalisé.

34. En 1990, on a projeté de vendre la propriété à une société immobilière en commandite afin de réunir des fonds pour racheter les participations des acquéreurs initiaux et réaliser le projet; cependant, l'idée de la société en commandite a dû être abandonnée par manque d'intérêt.

35. Par la suite, en 1991, le créancier hypothécaire de premier rang a saisi le bien hypothéqué.

36. L'appelant avait acquis sa participation dans le Wellington en novembre 1987 environ, et il avait financé son achat entièrement par emprunt.

37. L'appelant comptait vendre l'unité condominiale qu'il possédait dans le Wellington dès qu'il en aurait pris le titre, si la propriété comme telle n'avait pas d'abord été vendue.

38. Pour acquérir une participation dans le Wellington et participer au projet, l'appelant s'en est remis à l'expérience et au savoir-faire de MM. Lucas, Wainman et Simpson.

39. Dans sa déclaration de revenu T1 pour l'année d'imposition 1991, l'appelant a demandé la déduction à titre de perte d'entreprise des montants qu'il avait investis dans le projet Wellington et qui s'élevaient au total à 12 609 $.

[7] Les parties pertinentes de la réponse à l'avis d'appel sont libellées de la manière suivante :

[TRADUCTION]

5. Dans la réponse au paragraphe 6 de l'avis d'appel, il admet que Real Property Investments and Management Ltd. (“ RPIM ”) et M. Lucas s'occupaient de la mise en marché de Rosemount Seniors' Residence Limited Partnership et du Wellington Centre for Seniors et que M. Simpson était associé au Wellington Centre for Seniors. Il admet également que RPIM, ainsi que MM. Lucas et Simpson étaient associés à d'autres sociétés immobilières en commandite ainsi qu'à d'autres projets d'aménagement. Par ailleurs, il n'est pas au courant des faits allégués dans ce paragraphe.

L'intimée a admis les paragraphes 21, 23, 25, 27 et 35 de l'avis d'appel.

[TRADUCTION]

9. En réponse au paragraphe 22 de l'avis d'appel, il admet uniquement que MM. Lucas et Wainman étaient associés au Wellington Centre for Seniors. Par ailleurs, il n'est pas au courant des faits allégués dans ce paragraphe.

10. En réponse au paragraphe 24 de l'avis d'appel, il admet uniquement que M. Simpson était associé au Wellington Centre for Seniors. Par ailleurs, il n'est pas au courant des faits allégués dans ce paragraphe.

11. En réponse au paragraphe 34 de l'avis d'appel, il admet uniquement qu'un projet visant à recueillir des fonds par le truchement d'une société en commandite a été mis sur pied, puis abandonné. Par ailleurs, il n'est pas au courant des faits allégués dans ce paragraphe.

12. En réponse au paragraphe 36 de l'avis d'appel, il admet uniquement que l'appelant a acquis sa participation dans le Wellington en novembre 1987 environ. Par ailleurs, il n'est pas au courant des faits allégués dans ce paragraphe.

13. En réponse au paragraphe 39 de l'avis d'appel, il admet uniquement que, dans sa déclaration de revenu pour l'année 1991, l'appelant a déduit le montant de 12 609 $ à titre de perte d'entreprise, mais il affirme que ce montant représentait la somme investie plus les dépenses.

[...]

18. Pour établir la nouvelle cotisation à l'égard de l'appelant pour l'année d'imposition 1991, le ministre s'est appuyé sur les allégations de fait suivantes :

a) RPIM a été constituée en société en juin 1984 pour faciliter l'achat et la gestion des propriétés situées dans les régions d'Ottawa et de Kingston;

b) à toutes les périodes pertinentes, RPIM était assujettie à l'autorité de Glenn Lucas;

c) RPIM et son prédécesseur, Glenn T. Lucas Financial Services, se sont occupés de la gestion de maisons individuelles, de duplex, de triplex et de maisons à logements de même que de centres de villégiature et de projets de construction;

d) RPIM et Glenn Lucas exploitent une entreprise de promotion et de gestion d'abris fiscaux;

e) à toutes les périodes pertinentes, l'appelant était employé chez Drytex et n'exploitait pas une entreprise d'achat et de vente de biens immobiliers;

[...]

Le Wellington Centre for Seniors (le “ Wellington Centre ”)

z) le projet initial, en ce qui concerne le Wellington Centre, était de construire un immeuble d'habitation condominial pour personnes âgées comprenant 103 appartements et quatre unités commerciales;

aa) le constructeur et le gestionnaire du Wellington Centre devait être RPIM;

bb) le terrain sur lequel le Wellington Centre devait être construit a été acheté par Wellington Retirement Centre Inc., qui appartenait à Glenn Lucas, Walter Wainman, Gary Simpson, ainsi qu'à un autre particulier;

cc) le terrain était situé au 951, rue Wellington à Ottawa;

dd) en novembre 1987, des participations dans le Wellington Centre ont été vendues à quatre particuliers, dont l'appelant, à titre de tenants communs;

ee) les fonds provenant de la vente de ces participations ont été utilisés pour financer l'achat du terrain et les coûts initiaux de conception et d'aménagement;

ff) les efforts déployés pour vendre des participations additionnelles à titre de tenant commun se sont soldés par un échec;

gg) des mesures ont ensuite été prises pour recueillir des fonds au moyen de la vente d'unités de commandite dans le Wellington Retirement Centre Limited Partnership;

hh) ce projet s'est également soldé par un échec;

ii) dans la notice d'offre du Wellington Retirement Centre Limited Partnership, datée du 21 juin 1991, les investisseurs éventuels étaient notamment informés de ce qui suit :

i) le Wellington Retirement Centre Limited Partnership a été constitué pour acheter des terrains dans la Ville d'Ottawa (Ontario) et aménager, construire, détenir et exploiter sur la propriété une habitation pour retraités devant s'appeler le Wellington Centre for Seniors;

ii) plus tard, la société en commandite peut décider, sans aucune obligation de sa part, d'enregistrer le projet à titre d'immeuble d'habitation condominial aux termes de la Loi sur les condominiums (Ontario). Le cas échéant, un commanditaire pourra, s'il satisfait à certaines conditions, échanger une participation contre une unité condominiale en particulier. Aux fins d'un tel échange, une unité particulière (l'“ unité désignée ”) est rattachée à chaque participation;

iii) en acquérant des participations dans la société en commandite, les commanditaires seront en mesure de tirer un revenu de l'exploitation du projet, de profiter de l'accroissement de la valeur du capital et d'invoquer les dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu (Canada) permettant le report de l'impôt et la déduction de certains montants;

iv) il n'existe pas de marché pour les participations et les investisseurs pourraient ne pas pouvoir revendre celles-ci. Ce type de placement s'adresse aux investisseurs qui sont en mesure d'investir à long terme. Les investisseurs devraient tenir compte de la valeur du placement en plus des avantages fiscaux prévus;

jj) la société en commandite prévoyait que le Wellington Centre serait considéré comme un bien en immobilisation et non pas comme un bien figurant dans l'inventaire;

kk) l'immeuble n'a jamais été construit;

ll) en 1991, le créancier hypothécaire de premier rang a saisi le bien hypothéqué;

mm) le terrain a finalement été vendu en 1993 par le détenteur du pouvoir de vente;

nn) chacun des quatre investisseurs initiaux, mentionnés au sous-alinéa dd) qui précède, a déduit de son revenu d'emploi, dans sa déclaration de revenu pour l'année d'imposition 1987, un montant équivalant à un peu moins de la moitié de son investissement, soit sa part des coûts initiaux d'aménagement;

oo) en 1991, les investisseurs ont déduit, dans leur déclaration de revenu, un montant correspondant au capital investi plus les dépenses, moins la déduction fiscale de 1987;

pp) au moment où ils ont acquis leur participation, les investisseurs, dont l'appelant, comptaient tirer un revenu de la propriété pendant une longue période.

Argumentation des appelants

[8] Les appelants n'ont produit aucune preuve. Leur avocate a soumis à la Cour un document intitulé “ Résumé des faits admis par les appelants ”. Elle s'est appuyée sur ces faits admis ainsi que sur les conclusions de fait tirées par le juge Bowman dans l'affaire Grant mentionnée précédemment pour présenter son argumentation.

[9] Bien que cela puisse sembler répétitif, je reproduirai la plupart des faits admis dans le résumé de l'avocate :

[TRADUCTION]

1. Real Property Investments and Management Ltd. (“ RPIM ”), Glenn Lucas (“ M. Lucas ”) et Gary Simpson (“ M. Simpson ”) étaient associés au projet Wellington Centre for Seniors. RPIM, ainsi que MM. Lucas et Simpson étaient également associés à d'autres sociétés immobilières en commandite ainsi qu'à d'autres projets d'aménagement.

2. RPIM était assujettie à l'autorité de M. Lucas.

3. RPIM était le constructeur et gestionnaire du Wellington Centre for Seniors.

4. Initialement, le projet concernant le Wellington Centre for Seniors était de construire un immeuble d'habitation condominial pour personnes âgées comptant 103 appartements et quatre unités commerciales.

5. Le terrain sur lequel le Wellington Centre for Seniors devait être construit a été acheté par Wellington Retirement Centre Inc., qui appartenait à MM. Lucas, Simpson, Walter Wainman, ainsi qu'à un autre particulier.

6. Le terrain était situé au 951, rue Wellington à Ottawa.

7. Initialement, chaque personne acquérant une participation dans le Wellington Centre for Seniors devait verser un dépôt relativement à une unité condominiale et détenir le titre de cette unité une fois l'immeuble enregistré; en outre, chaque acheteur devenait un tenant commun avec tous les autres acheteurs ainsi qu'avec le Wellington Retirement Centre Inc. relativement aux participations invendues dans les terrains.

8. À toutes les périodes pertinentes, les appelants étaient employés par Drytex et ils n'exploitaient pas une entreprise de vente et d'achat de biens immobiliers.

9. En novembre 1987, chaque appelant a acquis une participation dans le Wellington Centre for Seniors à titre de tenant commun.

10. Wellington Retirement Centre Inc. jouait le rôle de simple fiduciaire pour les acheteurs.

11. Les fonds provenant de la vente des participations ont été utilisés pour financer l'achat du terrain ainsi que les coûts initiaux de conception et d'aménagement.

12. Dans sa déclaration de revenu pour l'année 1987, chaque appelant a déduit de son revenu d'emploi un montant équivalant à un peu moins de la moitié de son investissement, soit sa part des coûts initiaux d'aménagement.

13. Les efforts déployés pour vendre des participations additionnelles à titre de tenant commun se sont soldés par un échec.

14. Des mesures ont ensuite été prises pour recueillir des fonds par la vente d'unités dans le Wellington Retirement Centre Limited Partnership.

15. Wellington Retirement Centre (1990) Inc. a été constituée en société le 6 février 1990 aux fins d'agir comme commandité de la société en commandite proposée.

16. Wellington Retirement Centre (1990) Inc. était un simple fiduciaire inactif.

17. Le projet visant à recueillir des fonds par le truchement d'une société en commandite s'est soldé par un échec et a été abandonné.

18. L'immeuble n'a jamais été construit.

19. Par la suite, en 1991, le créancier hypothécaire de premier rang a saisi le bien hypothéqué.

20. Le terrain a été vendu en 1993 par le détenteur du pouvoir de vente.

21. Dans sa déclaration de revenu T1 pour l'année d'imposition 1991, M. Armstrong a déduit un montant de 12 609 $ à titre de perte d'entreprise. Ce montant correspondait au montant investi plus les dépenses engagées, moins la déduction fiscale de 1987, comme il est mentionné au paragraphe 12 qui précède.

22. Dans sa déclaration de revenu T1 pour l'année d'imposition 1991, M. Bell a déduit un montant de 12 609 $ à titre de perte d'entreprise. Ce montant correspondait au montant investi plus les dépenses engagées, moins la déduction fiscale de 1987, comme il est mentionné au paragraphe 12 qui précède. M. Bell a également déduit à titre de perte d'entreprise les frais comptables et juridiques qu'il avait engagés relativement au Wellington Centre for Seniors et qui s'élevaient au total à 1 316 $.

23. Dans sa déclaration de revenu T1 pour l'année d'imposition 1991, M. Love a déduit un montant de 13 057,50 $ à titre de perte d'entreprise. Ce montant correspondait au montant investi plus les dépenses engagées, moins la déduction fiscale de 1987, comme il est mentionné au paragraphe 12 qui précède.

24. Dans sa déclaration de revenu T1 pour l'année d'imposition 1991, M. Scales a déduit un montant de 12 803 $ à titre de perte d'entreprise. Ce montant correspondait au montant investi plus les dépenses engagées, moins la déduction fiscale de 1987, comme il est mentionné au paragraphe 12 qui précède.

[10] L'avocate de l'appelant a fait référence entre autres choses aux paragraphes 8, 13, 14 et 15 de la décision rendue par le juge Bowman dans l'affaire Grant (précitée), où il a conclu que les appelants étaient des spéculateurs immobiliers compte tenu des motifs et des intentions des associés qui occupaient une position dominante :

[8] J'ai énuméré cette liste de projets, dont la plupart se sont révélés désastreux pour les investisseurs, car cela permet d'établir sans l'ombre d'un doute que MM. Lucas et Simpson et leur compagnie étaient des spéculateurs immobiliers. Ils procédaient en général selon la méthode de l'achat-revente. Peu soucieux du sort des malheureux investisseurs à qui ils vendaient un projet, ils faisaient habituellement en sorte d'empocher d'abord leurs bénéfices.

[13] Comment, donc, applique-t-on les principes bien connus énoncés dans ces affaires à une société de personnes ou à une cotenance alors que les investisseurs individuels peuvent très bien avoir des attentes et des intentions très variées? Un copropriétaire ou un associé peut espérer réaliser un bénéfice rapidement alors qu'un autre peut avoir en tête un placement à long terme.

[14] Il faut d'abord examiner la nature et la structure de la société elle-même. Dans une société en commandite, le commandité contrôle les opérations. Le commanditaire joue un rôle passif, mais, si la société exploite une entreprise, il en fait autant : La Reine c.. Robinson et al., [1998] 2 C.F. 569 (98 DTC 6065); Grocott v. La Reine, C.C.I. no 95-1936(IT)I, 26 septembre 1995 (96 DTC 1025).

[15] Pour déterminer si la société, considérée comme une personne distincte fictive, prend part à un projet comportant un risque de caractère commercial, il faut examiner ce que la société fait réellement et déterminer quels sont les motifs et les intentions des personnes qui, dans les faits, dirigent celle-ci. Je n'entends pas nécessairement par là les personnes qui détiennent le plus grand nombre de voix ou la plus grande participation dans la société. Je veux parler plutôt des associés qui occupent une position dominante dans la société et qui en sont l'âme dirigeante et les instigateurs. Dans certains cas, il peut être difficile de répondre à la question, mais, dans la présente affaire, je n'ai aucune difficulté à y répondre : de toute évidence, c'étaient MM. Lucas et Simpson et leur compagnie RPIM. Ce sont eux qui, dans les faits, prenaient les décisions relatives aux sociétés en cause. M. Lucas et RPIM, dans laquelle M. Simpson détenait une participation, étaient les promoteurs. La situation n'est pas différente de celle qui existait dans l'affaire M.N.R. v. Lane, 64 DTC 5049, où, aux pages 5054 et 5055, le juge Noël déclarait ceci :

D'après cela, il semble que les adhérents qui ne participaient pas activement à la vie du syndicat étaient très contents d'abandonner la conduite des activités de ce dernier au comité exécutif qui avait carte blanche pour gérer les affaires du syndicat de la façon qu'il jugeait la meilleure; cela permettait à cette catégorie d'adhérents d'être, en l'espèce, dans la même situation que les membres actifs du syndicat. En fait, s'il s'agissait d'opérations d'affaires, tout profit en résultant pour tout membre du syndicat était imposable.

[11] L'avocate des appelants a soutenu que le Wellington Centre constituait un projet comportant un risque de caractère commercial et qu'en conséquence la perte que chaque appelant avait subie était une perte d'entreprise pleinement déductible. Les appelants avaient tous participé au projet immobilier conçu par les trois personnes dont il est question dans la décision Grant (précitée) : Gary Simpson, Glenn Lucas et la société dont ils étaient propriétaires, à savoir Real Property Investment and Management Limited, ou RPIM. Dans l'affaire Grant (précitée), Gary Simpson, l'une des âmes dirigeantes de tous les projets immobiliers, a longuement témoigné. L'avocate des appelants a affirmé qu'il n'y avait aucune raison de demander à M. Simpson de reprendre ce même long témoignage devant la Cour. Cela équivaudrait, à son avis, à trancher à nouveau les mêmes questions et constituerait une perte de temps pour la Cour. Ces questions ont déjà été débattues à fond devant la Cour. Le juge Bowman a rendu un jugement dans lequel il a établi des conclusions de fait concernant les projets immobiliers de MM. Simpson et Lucas, ainsi que de RPIM.

[12] L'avocate des appelants a expliqué que l'appel de M. Markell, qui a été entendu et rejeté par le juge Bowman, portait sur des fonds que M. Markell avait avancés relativement au Wellington Centre et pour lesquels il avait déclaré une perte déductible au titre d'un placement d'entreprise ou PDTPE. Les appelants en l'espèce ont demandé la déduction d'une perte pleinement déductible découlant d'un projet comportant un risque de caractère commercial, non pas une PDTPE. Le juge Bowman avait rejeté la demande de déduction d'une PDTPE de M. Markell.

[13] L'avocate des appelants a renvoyé au paragraphe 34 de la décision Grant, où le juge Bowman a déclaré qu'il ne pouvait pas affirmer avec certitude si M. Markell a[vait] à quelque moment que ce soit acquis une participation dans le terrain. Elle a fait valoir que les appelants avaient acquis une participation dans le Wellington Centre en 1987 à titre de tenants communs et que tout ce qu'ils possédaient était des participations dans un terrain. L'autre cotenant principal était Wellington Retirement Centre Inc. Grâce au recrutement d'autres cotenants qui auraient acquis une participation dans le terrain, la participation de Wellington Retirement Centre Inc. en serait venue à diminuer. L'avocate des appelants a déclaré que l'intimée avait admis que les appelants étaient des tenants communs. Elle a renvoyé au Black Law Dictionary, qui définit le terme anglais tenant-in-common (tenant commun) comme [TRADUCTION] un ensemble de propriétaires qui détiennent ensemble un bien-fonds au moyen de plusieurs titres distincts, mais par unité de possession. C'est le premier point sur lequel il y avait divergence avec la thèse de M. Markell, a affirmé l'avocate des appelants, qui a fait les trois autres distinctions suivantes. La deuxième divergence est que les prétentions des appelants ne sont pas fondées sur l'existence d'une société en commandite. La prétention de M. Markell s'appuyait sur l'existence d'une société en commandite qui n'a toutefois jamais vu le jour. La troisième divergence est qu'il a été admis que les fonds des appelants ont été utilisés pour acquérir le terrain et financer les coûts initiaux de conception et d'aménagement. En outre, dans le calcul de son impôt pour l'année 1987, chaque appelant a déduit de son revenu d'emploi un montant équivalant à un peu moins de la moitié de son investissement, soit sa part des frais initiaux d'aménagement. La quatrième différence qui existe avec la thèse de M. Markell est que les appelants n'ont pas demandé la déduction d'une PDTPE. Ils ont demandé la déduction d'une perte d'entreprise pleinement déductible.

[14] L'avocate des appelants a fait valoir que les pertes de ces derniers dans le Wellington Centre découlent de leur acquisition de participations dans le terrain. Elle a prétendu que le terrain était un bien figurant dans l'inventaire et qu'il y avait lieu de rendre une décision analogue à celle rendue par le juge Bowman dans l'affaire Grant.

[15] L'avocate des appelants a fait observer que l'intimée avait tenu pour acquis que le Wellington Centre était un bien en immobilisation, c'est-à-dire un bien détenu aux fins d'un placement à long terme, pour arriver à la conclusion que la perte était une perte en capital. À son avis, cela ne correspond pas à la conclusion tirée dans l'affaire Grant (précitée), où le juge a conclu que le but des appelants était de réaliser rapidement des profits.

Argumentation de l'intimée

[16] L'avocat de l'intimée a fait valoir qu'aucune preuve n'avait été produite devant la Cour pour permettre aux appelants d'obtenir gain de cause. Les hypothèses de fait ne peuvent être démolies s'il n'y a pas de preuve. En fait, la réponse à l'appel tient en tout et pour tout dans cette phrase. L'avocat de l'intimée a renvoyé à l'hypothèse suivante énoncée dans la réponse à l'avis d'appel :

[TRADUCTION]

jj) la société en commandite prévoyait que le Wellington Centre serait considéré comme un bien en immobilisation [...]

[17] N'ayant pas produit de preuve, les appelants n'ont pas réussi à établir leur prétention et les appels doivent être rejetés. Même si l'avocat de l'intimée estimait que tout avait été dit, il a ajouté que le terrain en question avait été acquis par Wellington Retirement Centre Inc. et non pas par les quatre appelants. Ceux-ci ont acquis une participation dans Wellington Centre à titre de tenants communs, mais c'est Wellington Retirement Centre Inc. qui était propriétaire du terrain. Elle était la propriétaire inscrite du terrain et son rôle était celui d'un simple fiduciaire. En d'autres termes, elle devait transférer le titre enregistré après avoir reçu des instructions en ce sens du détenteur du droit de bénéficiaire. L'avocat de l'intimée a fait allusion à l'investissement particulier des appelants. Initialement, le Wellington Centre devait être un immeuble d'habitation condominial pour personnes âgées comportant 103 appartements et quatre unités commerciales. Si le projet avait été mené à terme, chacun des appelants serait devenu le propriétaire inscrit de l'une des 103 unités condominiales et serait un tenant commun en ce qui concerne les unités invendues et les aires communes. Aux dires de l'avocat de l'intimée, les promoteurs avaient une motivation particulière, soit acquérir le terrain, le détenir pendant une certaine période et le revendre aux cotenants en réalisant un bénéfice. Aucune preuve n'a été produite pour établir que telle était l'intention de l'appelant. L'avocat de l'intimée a conclu que, du fait de l'absence de preuve, il était absolument impossible d'infirmer l'une ou l'autre des hypothèses de fait énoncées par le ministre.

Conclusion

[18] Je commencerai par formuler deux remarques : 1) l'avocate des appelants a mentionné que ces derniers avaient déduit une partie des pertes découlant de leur placement au cours de l'année d'imposition 1987. Cependant, elle n'a pas précisé les raisons pour lesquelles les montants avaient été déduits. Il ne doit donc plus en être question. 2) Le résumé des faits admis présenté par l'avocate des appelants n'a pas été contesté par l'avocat de l'intimée et je considère qu'il est fidèle.

[19] L'avocate des appelants a fait valoir que la production d'éléments de preuve équivaudrait à trancher à nouveau les mêmes questions et constituerait une perte de temps pour la Cour. À mon avis, la meilleure façon d'éviter à la Cour de perdre du temps aurait été d'entendre ensemble les appelants et les parties dans l'affaire Grant. Cela n'ayant pas été fait, il est nécessaire de produire des preuves. Les décisions judiciaires rendues dans le cadre d'une autre instance sont inadmissibles en preuve pour étayer des faits dans le cadre d'une instance subséquente mettant en cause des parties différentes. (Cross on Evidence, sixième édition, p. 103. Voir également l'arrêt Canada c. Pompa, C.A.F., no A-309-93, 16 septembre 1994 (94 DTC 6630). Chaque appel doit être tranché en s'appuyant sur la preuve produite devant la Cour dans le cadre de l'audition d'un appel, à moins que les parties s'entendent sur les faits.

[20] Les faits admis par l'intimée étaient-ils suffisants pour que la Cour admette les appels? Il a été admis que les appelants étaient des tenants communs. L'avocate des appelants a fait référence à la définition de “ tenants-in-common ” dans le Black's Law Dictionary et citée au paragraphe 12 des présents motifs pour affirmer que les appelants avaient acquis une participation dans un terrain. Pour sa part, l'intimée n'a pas admis que les appelants avaient acquis une participation dans un terrain. L'une des hypothèses de fait énoncées dans la réponse était que le terrain était la propriété d'une personne morale et non pas celle des appelants. Comme aucune preuve documentaire du contraire n'a été produite au procès, cette hypothèse doit être maintenue. Même si les appelants avaient acquis une participation dans un terrain, ils devraient quand même produire des preuves quant au contexte dans lequel ils ont acquis et détenu cette participation.

[21] Dans son argumentation, l'avocat de l'intimée n'a mentionné qu'une seule des hypothèses de fait du ministre, à savoir que la société en commandite proposée se voulait un investissement à long terme. Cependant, cette société n'a jamais vu le jour. Je crois malgré tout que l'objectif censément visé peut revêtir une certaine importance en ce sens qu'il permet de valider la cotisation du ministre. L'avocat de l'intimée aurait pu renvoyer à l'essentiel des hypothèses de fait du ministre, à savoir que les appelants n'ont pas acquis une participation dans une cotenance à des fins de spéculation. Cette hypothèse n'a pas été contestée par l'avocate des appelants parce que ces derniers se sont appuyés sur l'intention spéculative de MM. Lucas et Simpson, qui a été admise par l'intimée.

[22] À quoi bon admettre que MM. Lucas et Simpson avaient une intention spéculative en l'absence de preuves appropriées indiquant que le contexte, en l'espèce, est tel qu'il faudrait attribuer la même intention aux appelants. Ces derniers étaient au fait du contexte dans lequel ils avaient investi, des documents qu'ils avaient signés et du rôle des autres investisseurs et participants. Ils savaient comment l'entreprise était exploitée, si tant est qu'une entreprise était exploitée. S'ils voulaient que soit tranchée la partie de l'appel à laquelle l'intimée n'avait pas consenti, ils auraient dû assister à l'audition de leurs appels et expliquer le but de l'acquisition ou de l'investissement et la manière dont l'entreprise était exploitée.

[23] Il est essentiel de disposer d'éléments de preuve pour déterminer si les appelants participaient à un projet comportant un risque de caractère commercial ou s'ils exploitaient une entreprise et avaient subi des pertes d'entreprise. Parce qu'aucune preuve appropriée n'a été présentée, et pour tous les motifs énoncés précédemment, les appelants ne peuvent obtenir gain de cause en ce qui concerne la partie des appels se rapportant à leur participation dans le Wellington Centre. Les appels sont admis pour la partie consentie par l'intimée et décrite au paragraphe 4 des présents motifs. Les dépens sont adjugés en faveur de l'intimée.

Signé à Ottawa, ce 21e jour de juillet 2000.

“ Louise Lamarre Proulx ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

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