Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date: 19990805

Dossier: 97-3715-IT-G

ENTRE :

IAN KATZ,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Hamlyn, C.C.I.

[1] L'appelant, un résident canadien, interjette appel de la cotisation établie à son égard pour l'année d'imposition 1995. Employé de Standard Securities Capital Corporation (“ SSCC ”), une société résidant au Canada, l'appelant détenait, en 1995, 16 557 actions ordinaires (les “ actions ”) de SSCC. Le coût de base rajusté total des actions qu'il détenait était de 75 978 $. Outre ces actions, l'appelant était propriétaire d'une créance de second rang de 250 920 $ à l'égard de SSCC.

[2] Vers le mois de juillet 1995, l'appelant a accepté de remettre sa démission en tant qu'employé. Il a alors vendu ses actions 91 641 $, et il a cédé 142 561 $ de sa créance de second rang à Winthrope Investments Ltd., sans contrepartie, en plus de rembourser une tranche de 108 359 $ de la créance de second rang moyennant une contrepartie de 108 359 $. SSCC a remis à l'appelant un feuillet T5 faisant état d'un dividende imposable résultant de la vente des actions.

[3] L'appelant soutient avoir compris qu'il vendait les actions directement à d'autres actionnaires et que cette vente allait donner lieu à un gain en capital de 15 641 $ (plutôt qu'à un dividende imposable). L'appelant soutient que, parce que SSCC lui a remis un feuillet T5, il a été contraint de produire sa déclaration de revenus de 1995 en tenant compte du fait que les actions avaient été acquises pour annulation, qu'il avait obtenu un dividende réputé et qu'il avait subi une perte déductible au titre d'un placement d'entreprise (“ PDTPE ”) par suite de la disposition de ses actions. L'appelant a été en mesure de démontrer au ministre du Revenu national (le “ ministre ”) que le feuillet T5 était erroné parce qu'il ne tenait pas compte du total du capital versé relatif aux actions. Le ministre a réduit le dividende réputé pour tenir compte du total du capital versé relatif aux actions, mais il a refusé la déduction de la PDTPE réclamée par l'appelant.

[4] Le ministre soutient que l'appelant a obtenu un dividende réputé lorsque SSCC a acquis la totalité de ses actions. Conformément à l'alinéa 84(3)b), l'appelant aurait reçu un dividende réputé de 84 815 $ et un produit de disposition de 6 826 $. Le ministre a conclu que, puisque le coût de base rajusté des actions rachetées était de 75 978 $, l'appelant avait subi une perte en capital de 69 152 $ par suite de la disposition. L'intimée soutient que l'appelant a réclamé des déductions pour gains en capital en 1986, 1987, 1988 et 1990 et que, par conséquent, conformément au paragraphe 39(9), toute perte au titre d'un placement d'entreprise par ailleurs calculée conformément à l'alinéa 39(1)c) était nulle.

QUESTIONS EN LITIGE

[5] La vente des actions de SSCC par l'appelant donne-t-elle lieu à un dividende ou à un gain en capital?

[6] L'appelant a-t-il droit à une perte au titre d'un placement d'entreprise (“ PTPE ”)?

PREUVE PRODUITE AU PROCÈS

[7] L'appelant est dans les affaires depuis de nombreuses d'années; il était un employé chevronné de SSCC, notamment pendant un certain temps à titre d'administrateur.

[8] Au terme de discussions difficiles et par suite de négociations avec SSCC, l'appelant a convenu de vendre à SSCC la totalité de sa participation dans cette dernière. L'appelant a déclaré que, aux termes du texte initial de l'entente, il devait transférer ses actions à certains actionnaires. Il a toutefois fait changer cette clause parce qu'il estimait que les actionnaires n'étaient pas tous traités équitablement dans le cadre de l'opération. En conséquence, l'appelant a signé une entente où l'on retrouve les clauses qui suivent :

[TRADUCTION]

M. Katz souhaite vendre la totalité de sa participation dans SSCC et SSCC désire acheter la participation en question, selon les modalités prévues aux présentes.

[...]

2. M. Katz accepte de transférer ses actions ordinaires suivant les instructions écrites de SSCC.

[...]

5. M. Katz accepte de signer tous les procès-verbaux de l'entreprise existant à ce jour, à la demande du procureur de SSCC, et tous les documents nécessaires aux fins de l'application des modalités de la présente entente.

6. Les parties conviennent de signer et d'échanger des libérations mutuelles relativement à toute réclamation, de quelque nature que ce soit, que l'une pourrait avoir contre l'autre, à l'exception de toute réclamation relative à une question prévue par la présente entente[1].

[9] L'entente a été mise à exécution et les fonds ont été versés. Les actions ont été acquises par SSCC et, apparemment, elles ont par la suite été émises de nouveau à d'autres personnes.

[10] L'appelant a affirmé que la décision de SSCC de délivrer un feuillet T5 faisant état d'un dividende imposable du fait de l'application du paragraphe 84(3) ne correspondait pas à ce qu'il avait cru être la nature de toute l'opération, c'est-à-dire une vente d'actions uniquement au compte capital.

[11] Il met en doute la compétence des conseillers professionnels de SSCC et les actions de certains dirigeants de SSCC. Il soutient également que SSCC n'a jamais enregistré l'opération de rachat ou de nouvelle émission des actions.

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES —

QUALIFICATION DU PRODUIT

DE DISPOSITION D'ACTIONS À UNE SOCIÉTÉ

[12] La disposition de la Loi de l'impôt sur le revenu (la “ Loi ”) qui s'applique est le paragraphe 84(3) :

Lorsque, à un moment donné après le 31 décembre 1997, une société résidant au Canada a racheté, acquis ou annulé de quelque façon que ce soit (autrement que par une opération visée au paragraphe (2)) toute action d'une catégorie quelconque de son capital-actions :

la société est réputée avoir versé au moment donné un dividende sur une catégorie distincte d'actions constituée des actions ainsi rachetées, acquises ou annulées, égal à l'excédent éventuel de la somme payée par la société lors du rachat, de l'acquisition ou de l'annulation, selon le cas, de ces actions sur le capital versé relatif à ces actions, existant immédiatement avant ce moment;

chacune des personnes qui détenaient au moment donné une ou plusieurs actions de cette catégorie distincte est réputée avoir reçu à ce moment un dividende égal à la fraction de l'excédent déterminé en vertu de l'alinéa a) représentée par le rapport existant entre le nombre de ces actions que détenait cette personne immédiatement avant ce moment et le nombre total des actions de cette catégorie distincte que la société a rachetées, acquises ou annulées, à ce moment.

[13] Bref, une société résidant au Canada est réputée avoir versé un dividende si elle rachète, acquiert ou annule toute action d'une catégorie quelconque de son capital-actions et paie un montant supérieur au capital versé relatif à ses actions.

PERTE EN CAPITAL À TITRE DE “ PTPE ”

[14] Aux termes de l'alinéa 38c) de la Loi, la PDTPE est égale aux trois quarts de la PTPE, dont la définition se retrouve à l'alinéa 39(1)c) de la Loi. Les passages pertinents de cet alinéa sont libellés dans les termes suivants :

Pour l'application de la présente loi :

[...]

une perte au titre d'un placement d'entreprise subie par un contribuable, pour une année d'imposition, résultant de la disposition d'un bien quelconque s'entend de l'excédent éventuel de la perte en capital que le contribuable a subie pour l'année résultant d'une disposition, après 1977 :

soit à laquelle le paragraphe 50(1) s'applique,

soit en faveur d'une personne avec laquelle il n'avait aucun lien de dépendance,

d'un bien qui est :

soit une action du capital-actions d'une société exploitant une petite entreprise,

[...]

sur le total des montants suivants :

[...]

le montant calculé à l'égard du contribuable en vertu du paragraphe (9) ou (10), selon le cas.

[15] Aux termes de l'alinéa 39(1)c), la PTPE est la perte en capital résultant de la disposition, après 1977, d'actions d'une société exploitant une petite entreprise. L'objet de la PTPE et de la PDTPE est d'accorder au contribuable un traitement préférentiel pour certains types de pertes en capital. Contrairement aux autres pertes en capital, qui peuvent seulement être utilisées pour réduire des gains en capital (conformément à l'alinéa 3b)), les pertes en capital qui répondent à la définition de PTPE peuvent être déduites du revenu tiré de toute source (conformément à l'alinéa 3d) de la Loi).

[16] Aux termes du paragraphe 39(9) de la Loi, sont déduites de la PTPE d'un contribuable les pertes au titre d'un placement d'entreprise subies par le contribuable, jusqu'à concurrence du montant des gains en capital des années d'imposition antérieures qui sont admissibles à l'exemption pour gain en capital prévue à l'article 110.6.

ANALYSE

[17] Après discussions et consultations, et après que le texte de l'entente eut été modifié, l'appelant a signé celle-ci. Il en est résulté une relation contractuelle. Le texte de l'entente est clair. SSCC a acheté les actions de l'appelant.

[18] La prétention de l'appelant concernant son interprétation de l'entente au sujet de la question de savoir qui était l'acheteur des actions n'est appuyée ni par le texte de l'entente, ni par les actions de SSCC ou les siennes.

[19] Comme SSCC a acheté les actions de l'appelant, ce dernier est réputé avoir reçu un dividende de 84 815 $ en application du paragraphe 84(3).

[20] L'acquisition des actions par SSCC donne lieu à un produit de disposition pour l'appelant. Cependant, conformément à l'article 54, les dividendes réputés ne sont pas inclus dans le produit de disposition. Celui-ci était de 6 826 $, c'est-à-dire la différence entre le montant reçu (91 641 $) et le montant réputé être un dividende (84 815 $). L'appelant a par conséquent subi une perte en capital de 69 152 $[2] et une perte en capital déductible de 51 864 $[3].

[21] Dans certaines circonstances, la perte en capital est aussi une PTPE[4]. En ce qui concerne la prétention subsidiaire de l'appelant selon laquelle il devrait avoir le droit de déduire une PDTPE[5], il n'aurait que faire d'une telle déduction, semble-t-il, dans la pratique. En effet, il a déduit des exemptions pour gains en capital de 22 180 $, 25 820 $, 2 667 $ et 5 575 $ pour les années d'imposition 1986, 1987, 1988 et 1990 respectivement. Par conséquent, conformément au paragraphe 39(9), sa PTPE est réduite à zéro.

CONCLUSION

[22] Je conclus que l'appelant a vendu ses actions de SSCC à SSCC. Conformément au paragraphe 84(3), SSCC est réputée avoir versé un dividende lorsqu'elle a acheté et acquis toutes les actions de SSCC détenues par l'appelant. La cotisation établie par le ministre était légitime.

DÉCISION

[23] L'appel est rejeté.

[24] L'intimée a droit aux frais.

Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour d'août 1999.

“ D. Hamlyn ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 9e jour de juin 2000.

Philippe Ducharme, réviseur



[1]               Pièce R-1, onglet 6, pages 57 et 58.

[2]               La différence entre le coût de base rajusté total (75 978 $) et le produit de disposition (6 826 $).

[3]               Alinéa 38b).

[4]               Alinéa 39(1)c).

[5]               Alinéa 38c).

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.