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Date: 19991028

Dossier: 96-2863-GST-I

ENTRE :

BRUCE HEGERAT,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

(Rendus oralement à l'audience le 12 février 1997 à Edmonton (Alberta))

Le juge Mogan, C.C.I.

[1] L'appel en l'instance est interjeté sous le régime des dispositions de la Loi sur la taxe d'accise (la taxe sur les produits et services), en vertu desquelles l'appelant a choisi la procédure informelle. Les années civiles 1991 à 1994 sont en cause. Au cours de ces années, l'appelant a demandé certains crédits de taxe sur les intrants en vertu de l'article 170 de la Loi et, dans une nouvelle cotisation, le ministre du Revenu national (le ministre) en a refusé une partie. De plus, le ministre a réclamé à l'appelant un montant au titre de la taxe sur les produits et services sur ce qui sera appelé plus loin la “ gestion immobilière ”. Les deux questions en litige dans l'appel en l'instance sont celles de savoir si le ministre aurait dû réduire les crédits de taxe sur les intrants et s'il pouvait réclamer un montant au titre de la taxe sur les produits et services relativement à l'élément de gestion immobilière.

[2] L'appelant a obtenu son titre de comptable agréé en 1985 et a, à l'occasion, fourni des services de comptabilité, bien que, si je comprends bien, il ne soit plus membre de l'Institut des comptables agréés de l'Alberta. En preuve, l'appelant a décrit un certain nombre des activités qu'il exerce ou qu'il a exercées au fil des ans. L'appelant a des intérêts divers, il possède de nombreux talents et, à mon avis, il se considère aujourd'hui comme un entrepreneur.

[3] En 1985, lorsqu'il a obtenu le titre de comptable agréé, il savait qu'il voulait être dans les affaires. Il ne voulait pas être un simple comptable de profession qui fournirait des services comptables le reste de ses jours. Au cours de la plaidoirie, je lui ai demandé s'il se considérait comme un inventeur, et il a répondu par l'affirmative. J'ai posé cette question après avoir pris connaissance de certains éléments de preuve de quelques-unes des idées que l'appelant a conçues et réalisées et, dans certains cas, tenté de commercialiser.

[4] L'appelant consacre le gros de son temps à concevoir des produits et à en faire la promotion. Certains exemples ont été donnés en preuve. Il a conçu ce qu'il a appelé un gant super-isolant, ainsi qu'un couvercle qui, une fois placé sur le moteur d'un véhicule, peut en contenir la chaleur pendant plusieurs heures grâce au type d'isolant utilisé. Il a conçu un jeu de table. Ayant remarqué que les gens s'intéressaient aux sciences occultes, il a décidé de concentrer son attention sur le tarot. Il a produit des preuves des différents modèles de cartes qu'il a conçus et de la façon dont il a tenté d'exploiter certains d'entre eux. Il a aussi travaillé à une poudre désodorisante spéciale pour les gens qui ont des problèmes de transpiration des pieds et a expliqué comment ce produit pourrait être mis en marché sous forme de savon ou de poudre. Il a produit en cour une boîte que lui et une autre personne avaient conçue pour commercialiser le produit en question.

[5] Il semble que l'appelant ne puisse s'empêcher de constater, dans la vie de tous les jours, des besoins qu'un produit dont il serait le concepteur pourrait combler. Abstraction faite de cet intérêt particulier, cependant, il a d'autres activités qui, comme on le dit, lui permettent de mettre du pain sur la table, sauf que, ainsi que je l'expliquerai plus loin, l'appelant n'a pas de table. Plus précisément, il a un cabinet modeste qui, pendant la période de préparation des déclarations de revenus, c'est-à-dire de février à avril, offre des services de préparation de déclarations de revenus. Il compte un nombre considérable de clients dont il prépare les déclarations de revenus. Un certain nombre de petites entreprises ont également recours à ses services pour dresser leurs états financiers, mais l'appelant dit de cette entreprise qu'il s'agit d'un service de préparation de déclarations de revenus et non d'un service de comptabilité publique ou de vérification.

[6] L'appelant a accepté, contre honoraires, la gestion d'un immeuble situé à Edmonton pour le compte d'un propriétaire non gérant vivant à Vancouver. Il lui est arrivé d'investir de l'argent dans certains des projets et inventions mentionnés précédemment et de subir des pertes financières considérables, de l'ordre peut-être de 20 000 $, plus ou moins. À d'autres moments, lorsque les pertes ont été de cet ordre, il a accepté des emplois spécifiques, mettant ses connaissances comptables à profit pour gagner un bon revenu et rembourser ses dettes. Dans un cas en particulier, il avait travaillé à des projets spéciaux pour le vérificateur général de la province de l'Alberta afin de rembourser une dette de 26 000 $ environ qu'il avait subie en tentant de faire la promotion d'un des produits mentionnés précédemment. Il a fait appel à ses talents au besoin afin de se tenir à flot pendant qu'il imagine, invente et conçoit des produits et des services, réfléchit sur ceux-ci et essaie de les commercialiser.

[7] Au cours de la période pertinente, il était un inscrit aux fins de la taxe sur les produits et services car il fournissait des biens ou des services, et il était donc tenu de percevoir et de remettre la taxe sur les recettes tirées de ses entreprises. En outre, il avait droit à des crédits de taxe sur les intrants relativement à certains produits et services qu'il utilisait.

[8] Sur la question principale en l'espèce, c'est-à-dire la réduction des crédits de taxe sur les intrants, j'ai eu de la difficulté à bien comprendre le fondement sur lequel le ministre avait refusé les crédits en question car je croyais que ce refus était basé sur le temps que l'appelant consacre à ce que j'appelle ses activités relatives à l'invention et à la conception de produits par opposition au temps qu'il consacre à d'autres activités commerciales. Cependant, tant dans la preuve qu'au cours des plaidoiries, on a mentionné ce que j'appellerais l'usage à des fins personnelles de son logement d'habitation, mais on n'a pas précisé de quelle façon le ministre s'était fondé sur l'usage du logement d'habitation à des fins personnelles ou autres. J'entends résoudre l'appel en l'instance selon ma propre interprétation des cotisations du ministre et du fondement de celles-ci en fonction des circonstances dans lesquelles l'appelant vit et fonctionne.

[9] Donald Sager, vérificateur principal chez Revenu Canada, a témoigné pour le compte de l'intimé. Il était agent des appels principal au moment où l'appelant a déposé ses avis d'opposition. Par conséquent, c'est lui qui a dû examiner les objections soulevées par l'appelant et y répondre. À mon avis, M. Sager a témoigné très clairement; il a produit un tableau (pièce R-1) pour illustrer les calculs qu'il a effectués. De plus, il a produit sous la cote R-2 une version modifiée des calculs de la pièce R-1 car il a reconnu que certains d'entre eux étaient erronés.

[10] Je me pencherai d'abord sur les calculs effectués par M. Sager, puis sur le témoignage de l'appelant. L'appelant a indiqué à M. Sager qu'il travaillait approximativement 2 835 heures par année et que, sur ce total, il consacrait 900 heures à la conception, à l'invention et au développement de produits, pour ne mentionner que ces activités. Sur ce fondement, M. Sager a déterminé que l'appelant consacrait 31,75 p. 100 de ses heures de travail annuelles à la création et à la conception de produits. Si je comprends bien, le ministre a examiné les activités commerciales de l'appelant, soit le service de préparation de déclarations de revenus, la gestion immobilière à Edmonton et d'autres activités productrices de revenus, et il a comparé ces activités à son activité de création et de conception de produits, qui ne produisait aucun revenu puisqu'aucun de ces produits n'a été mis en marché avec succès. Certains ont été suffisamment intéressants pour que l'on crée des prototypes, mais aucun d'entre eux n'a donné lieu à un brevet ou à des ventes en quantités commerciales. Le ministre a par conséquent conclu, si je comprends bien sa thèse, que cette activité de mise en valeur et de conception de produits n'était pas une “ activité commerciale parce qu'elle ne donnait pas lieu à une attente raisonnable de profit ”. En conséquence, il s'agissait d'une activité semblable à un passe-temps à laquelle la TPS ne s'appliquait pas, et tout ce qui était lié à cette activité ne donnait lieu à aucun crédit de taxe sur les intrants.

[11] Comme en font foi les pièces R-1 et R-2, le ministre a ensuite appliqué la proportion de 31,75 p. 100 à ce que M. Sager a appelé les postes de frais généraux. Ce sont des dépenses autres que des dépenses en capital, comme les frais d'automobile, les frais de promotion et de représentation, les services publics et les frais de déplacement, etc. Le ministre a tenu pour acquis que ces postes, qui figuraient dans les registres de l'appelant, donnaient lieu à des crédits de taxe sur les intrants. Il a refusé dans une proportion de 31,75 p. 100 les crédits de taxe sur les intrants demandés.

[12] Je vais prendre l'année 1992 comme modèle car la même formule a été appliquée aux années 1991, 1993 et 1994. En appliquant la proportion de 31,75 p. 100 aux différents postes composant les frais généraux de 594,95 $ à l'égard desquels l'appelant avait demandé des crédits de taxe sur les intrants, le ministre a obtenu un résultat de 188,90 $. Il a effectué un autre calcul en utilisant les crédits de taxe sur les intrants demandés à l'égard de toutes les autres opérations de l'année (1 128 $) et établi une nouvelle proportion sur le fondement de la proportion de tous les crédits de taxe sur les intrants (1 128,81 $) que les crédits de taxe sur les intrants inadmissibles (188,90 $) représentaient. La nouvelle proportion était de 16,73 p. 100. Le ministre a adopté celle-ci pour déterminer le montant des crédits de taxe sur les intrants non admissibles.

[13] Pour 1992, le ministre a utilisé cette nouvelle proportion de 16,73 p. 100 et l'a appliquée à toutes les périodes de déclaration. Par exemple, pour les trois premiers mois de 1992, l'appelant avait demandé des crédits de taxe sur les intrants de 67,30 $. Le ministre a refusé 16,73 p. 100 de ce montant, ou 11,26 $. En appliquant cette formule à chacune des quatre périodes de déclaration trimestrielles de 1992, il a confirmé le montant initial de 188,90 $ car, au regard des montants initiaux, le résultat obtenu était de 188,85 $, ce qui revient presque au même montant. Par conséquent, le ministre a fait valoir que, parce qu'il n'y avait aucune attente raisonnable de profit relativement à l'activité de création et de conception de produits, il était approprié de refuser cette portion des crédits de taxe sur les intrants.

[14] Avant d'examiner le témoignage de l'appelant, je me pencherai brièvement sur ce que je considère être une diversion dans l'appel en l'instance, soit les soi-disant articles personnels dont, à mon avis, tant l'appelant que l'intimée ne voulaient pas démordre. L'appelant s'est donné énormément de mal pour rendre son style de vie presque exclusivement commercial, faisant fi à toutes fins utiles de ses besoins personnels en matière de confort, comme un logement d'habitation ou une automobile pour son usage personnel. Il a décrit l'appartement spartiate où il travaille presque tout le temps. Il s'est donné beaucoup de mal pour expliquer qu'il avait distribué tous ses meubles à ses soeurs et à d'autres parents, qu'il s'était départi de la coutellerie dont il avait peut-être hérité de sa mère. Il a pour tout bien un matelas posé à même le sol, une harmonica, une guitare, un réfrigérateur qui contient uniquement de l'eau et sur lequel quelques fruits ont été déposés. Ce sont là les seules commodités de son appartement car le reste est consacré à ses activités commerciales.

[15] Il me semble que l'appelant s'est donné cette peine dans le but d'établir que tout ce qui concerne son appartement est déductible aux fins de l'impôt sur le revenu ou peut être utilisé aux fins des crédits de taxe sur les intrants en ce qui concerne la taxe sur les produits et services car l'appartement est un lieu d'affaires au même titre que le serait une usine dont il serait propriétaire. Relativement à ces articles personnels, bien qu'il exerce trois activités différentes, l'appelant n'a qu'un seul compte bancaire. Il a expliqué comment il procédait à l'inverse de la méthode habituelle pour produire des états financiers consolidés. Nous savons tous ce que sont des états financiers consolidés. L'appelant affirme que son compte bancaire représente en soi un état financier consolidé duquel, parce qu'il est prudent, il est capable de dégager des données pour préparer des états financiers relativement à ses diverses activités, parce qu'il tient des registres soignés. Je suis moi aussi d'avis qu'il tient des registres soignés. Il semble être le genre de personne qui conserve coupons et reçus, et il peut démontrer qu'il a donné à une personne une cartouche de cigarettes ou quoi que ce soit d'autre. Parce qu'il est si méticuleux relativement à de menus articles et qu'il a tenté de se défaire de ses effets personnels, il semble que le ministre se soit d'une certaine façon laissé prendre au jeu. En définitive, je crois que ce n'est qu'un faux-fuyant et que la question véritable dans l'appel en l'instance porte sur le temps que l'appelant consacre à ses activités d'invention, de conception et de création de produits.

[16] L'appelant a appelé un certain nombre de personnes qui, toutes, comme lui-même, étaient crédibles. La plupart des témoins ont simplement corroboré la description faite par l'appelant de son style de vie, avec l'exception possible de M. James Granger, qui s'est décrit comme un conseiller en arts visuels. Au bout du compte, cependant, il me semble que M. Granger était simplement un employé de AMS Plastics. Il a expliqué que son employeur était capable de fabriquer des contenants destinés à la pommade pour les pieds que l'appelant pourrait éventuellement commercialiser s'il pouvait la fabriquer en quantité commerciale. Je n'accorde pas beaucoup de poids au témoignage de M. Granger. Je crois que le témoin est crédible, mais son témoignage était sans grande pertinence alors que les autres témoins ont semblé véritablement corroborer la version de l'appelant. Non pas qu'il ait été nécessaire de la corroborer.

[17] Sur la question principale, c'est-à-dire le refus des crédits de taxe sur les intrants de 713,97 $, comme en fait foi la pièce R-2, j'estime que l'appelant n'a aucun espoir. Il ne peut obtenir gain de cause relativement à la décision du ministre de refuser ces crédits de taxe sur les intrants, pour les motifs suivants. Dans les dispositions sur la taxe sur les produits et services, la définition d'activité commerciale à l'article 123 est libellée en partie dans les termes suivants :

123 (1) Constituent des activités commerciales exercées par une personne :

l'exploitation d'une entreprise (à l'exception d'une entreprise exploitée sans attente raisonnable de profit par un particulier [...]), sauf dans la mesure où [...]

D'après cette définition, une activité commerciale exercée par une personne s'entend à mon avis d'une entreprise exploitée par la personne, à l'exception de l'entreprise exploitée par un particulier sans attente raisonnable de profit. Si une activité qui est censée être une entreprise est exercée sans attente raisonnable de profit, elle n'est pas une entreprise aux fins de la définition d'activité commerciale et, par conséquent, elle n'est pas une entreprise relativement à laquelle peuvent être demandés des crédits de taxe sur les intrants.

[18] Se pose alors la question de savoir si cette activité — invention, conception et création de produits — est une activité exercée dans l'espoir raisonnable de réaliser un profit. Je conclus qu'elle n'en est pas une. C'est une activité qui n'a produit aucune recette. Il ne fait aucun doute que l'appelant manifeste énormément d'intérêt pour cette activité, qu'il a, c'est le moins que l'on puisse dire, beaucoup d'imagination, et qu'il est déterminé à mettre sur le marché des produits de meilleure qualité. Cependant, en l'absence de recettes, de ventes, je peux difficilement voir dans cette activité une entreprise. Si je pouvais la comparer à une mine, je dirais que l'appelant est la personne qui a découvert un gisement de minerai et qui y travaille avant de produire une première once de minerai. L'appelant se consacre à la réalisation d'idées, sans qu'aucune idée ne puisse encore être commercialisée.

[19] Dans l'affaire Knight v. M.N.R., 93 DTC 1255, M. Knight était un mécanicien extrêmement talentueux. Il est devenu enseignant dans une école secondaire de l'Ontario, donnant des cours en atelier d'usinage aux élèves inscrits au programme de formation professionnelle. Il a commencé à s'intéresser à l'énergie cinétique, comme celle produite par une éolienne. Après avoir beaucoup travaillé sur le sujet, il est finalement arrivé à la conclusion que, s'il pouvait adapter un programme informatique à certaines pièces de sa machinerie, il pourrait, facilement et à peu de frais, fabriquer les ailes et les pales de ce que j'appellerais le ventilateur ou la partie de l'éolienne qui ressemble à une hélice. Il s'est pris d'une telle passion pour cette idée qu'il a demandé un congé sabbatique comme enseignant pour se consacrer pendant un an au projet. Les recettes et les dépenses au cours d'une période de trois ans ont été les suivants : il n'a tiré aucun recette en 1986, mais il a engagé des dépenses de 12 500 $; en 1987, il n'a tiré aucune recette et ses dépenses se sont élevées à 67 000 $; enfin, en 1988, il n'a tiré aucune recette et ses dépenses se sont élevées à 41 000 $. À l'expiration du congé sabbatique d'un an, il est retourné à l'enseignement, de sorte que, dans l'une des années susmentionnées, il a subi une perte considérable et, dans les autres années, il a subi des pertes qu'il a tenté de déduire de son salaire d'enseignant. Le ministre a refusé la déduction des pertes, et j'ai été saisi de l'appel. Je vais lire certains passages de mon propre jugement car je crois qu'ils ont une incidence sur l'activité que l'appelant en l'espèce exerce relativement à l'invention, la conception et la création de produits. Aux pages 1258 et 1259, après avoir reproduit les états financiers relatifs à l'activité exercée par M. Knight pendant les années en cause, j'ai fait les remarques suivantes :

Il est significatif dans les renseignements financiers précités qu'il n'y ait pas eu de ventes ni de recettes d'aucune sorte au cours des années 1986, 1987 ou 1988. S'il n'y avait pas de ventes, il n'y avait pas de clients. Et s'il n'y avait pas de clients, on doit se demander s'il y avait une entreprise à exploiter. [...]

L'appelant était comme un inventeur amateur qui a une bonne idée, mais qui n'a pas encore aplani toutes les difficultés pour la rendre commercialement viable. Tant qu'il n'a pas quelque chose à lancer sur le marché, il reste simplement un inventeur amateur en train de matérialiser une idée ou de concevoir un produit. En 1986 et 1987, l'appelant n'avait pas de produit à vendre. Il n'avait pas de clients. Il n'a pas conclu de ventes, ni touché de recettes d'aucune sorte. Il ne pouvait pas faire de publicité et n'en a pas fait. Il n'y a pas eu d'échanges. En résumé, il n'y avait pas de commerce ou d'entreprise.

Cette situation ne ressemble pas à celle d'une entreprise existante qui vend au public, mais qui subit des pertes d'exploitation parce qu'elle a besoin d'une période de démarrage pour trouver assez de clients pour devenir rentable. Vu la situation de l'appelant en 1986 et 1987, celui-ci ne pouvait pas ouvrir ses portes au public, ni conclure de ventes parce qu'il n'avait aucun produit à vendre. Même quatre ans plus tard, en 1991, lorsqu'il a passé un contrat de 19 500 $ avec un conseil scolaire en vue de la fourniture d'une fraiseuse, il n'a pas été en mesure de respecter le contrat parce que son procédé n'avait pas été homologué par l'ACNOR. Même si l'appelant avait sincèrement l'intention d'être dans les affaires et qu'il avait une idée précise de ce que serait son entreprise, et même s'il avait déjà consacré beaucoup de temps et d'argent à cette intention et à cette idée, je suis arrivé à la conclusion que l'entreprise qu'il projetait en était encore au stade de la préparation en 1986 et 1987.

J'ai lu ces passages parce que, à mon avis, ils s'appliquent directement à l'appelant dans l'appel en l'instance. Ce dernier a beaucoup d'imagination et des idées en abondance, mais il n'est pas dans les affaires. En fait, à quelques reprises dans son témoignage il a mentionné en quoi consistait la recherche et l'expérimentation de ces produits. Dans l'affaire Knight, j'ai dit ceci à la page 1259 au sujet de la recherche et de l'expérimentation :

[...] La recherche et l'expérimentation sont des activités essentielles à la création de n'importe quel nouveau produit, mais, en tant que telles, elles n'ont rien à voir avec l'exploitation d'une entreprise. Comme l'appelant ne prenait part à aucun autre projet commercial dans le cadre duquel il tentait de vendre au public un produit ou un service qu'il était prêt à livrer, il lui était impossible de faire des recettes. S'il lui était impossible de faire des recettes, il lui était impossible de faire un profit. Il s'ensuit évidemment que s'il lui était impossible de faire un profit, alors il n'avait aucune expectative raisonnable de profit.

[20] Il n'est pas très indiqué pour un juge de citer sa propre décision. Il est préférable de trouver une décision d'un autre juge qui dit exactement ce qui est pertinent, mais je ne connais aucune autre décision qui porte aussi directement sur la situation de l'appelant. Par conséquent, j'applique simplement ces passages à l'activité d'invention et de conception de l'appelant dans la présente affaire. Dans la mesure où il a consacré 31,75 p. 100 de son temps à cette activité, il n'exploitait aucune entreprise parce qu'il n'y avait aucune entreprise à exploiter. Par conséquent, il n'y avait aucun profit, aucune attente raisonnable de profit et, pour reprendre le libellé de la disposition législative sur la taxe sur les produits et services, ce n'était pas une activité commerciale. Ce n'était pas une activité relativement à laquelle il pouvait s'attendre à demander des crédits de taxe sur les intrants. Par conséquent, je rejette l'appel sur la première question car je suis convaincu que les calculs faits par le ministre dans la pièce R-1, particulièrement ceux qui ont été modifiés dans la pièce R-2, sont raisonnables dans les circonstances, et que la loi est appliquée raisonnablement à la situation de l'appelant.

[21] La deuxième question en litige est très simple; elle porte sur le montant de 299 $ qui a été imposé relativement aux honoraires réclamés pour services de gestion immobilière. L'appelant était inscrit aux fins de la TPS à l'époque pertinente. C'est dans le cadre d'une activité commerciale qu'il a accepté d'assurer la gestion d'un gros immeuble pour un propriétaire non gérant qui vivait à Vancouver. Il touchait des honoraires et, à titre d'inscrit aux fins de la TPS, toute “ activité commerciale ” relativement à laquelle il touchait des honoraires était une activité pour laquelle il était tenu de réclamer à son client une taxe sur les produits et services et d'en remettre le montant à Revenu Canada. Il s'agissait clairement d'une opération taxable.

[22] Sur ce point en particulier, l'appelant a fait valoir en défense qu'il avait l'intention de constituer en société une compagnie de gestion immobilière et que, à cette époque, il avait à l'encontre du gouvernement du Canada une réclamation qu'il faisait valoir sous le régime d'une loi qui n'a rien à voir avec la taxe sur les produits et services ou la Loi de l'impôt sur le revenu. Il s'agissait d'un litige auquel l'appelant était partie devant une cour ou un tribunal véritable et dans le cadre duquel il a finalement obtenu gain de cause. Mais, à ce moment-là, il avait subi des pertes substantielles relativement à ses activités de création et de conception et il était à court d'argent. Il a dit ceci : “ J'avais une réclamation valide à l'encontre du gouvernement fédéral; il me devait de l'argent. Il l'a finalement reconnu, mais il était alors trop tard et toute l'activité de gestion immobilière était chose du passé. Mais si j'avais eu l'argent à temps, j'aurais constitué la compagnie en société à responsabilité limitée, celle-ci n'aurait pas été inscrite aux fins de la TPS, et je n'aurais pas été tenu de payer ”.

[23] Je ne peux accepter cet argument car je devrais alors examiner la notion de compensation, ce qu'aucune loi fiscale, tant fédérale que provinciale, n'autorise. Le montant dû à l'appelant a pu causer un préjudice ou engendrer chez l'appelant un sentiment d'injustice, mais, en cour, je ne peux tenir compte de ce qu'un contribuable estime injuste même si une personne objective pourrait être d'accord. Je dois appliquer la loi telle qu'elle a été adoptée par le législateur. Compte tenu des faits de la présente affaire, l'appelant était inscrit aux fins des dispositions législatives portant sur la taxe sur les produits et services et il était tenu de payer 299,83 $ relativement aux honoraires de gestion. Par conséquent, je rejette l'appel sur la deuxième question.

Signé à Ottawa, Canada, ce 28e jour d'octobre 1999.

“ M. A. Mogan ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 7e jour de juillet 2000.

Mario Lagacé, réviseur

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