Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date: 19990713

Dossier: 97-3394-GST-G

ENTRE :

VINCENT CHOW WHITE CRANE MARTIAL ARTS LTD.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Beaubier, C.C.I.

[1] Il s'agit d'un appel, interjeté sous le régime de la procédure générale, qui a été entendu à Vancouver (Colombie-Britannique) le 6 juillet 1999. Vincent Chow, l'unique actionnaire et gérant de l'appelante, Leo Cheng, c.a., l'associé principal du cabinet d'experts-comptables de l'appelante à l'époque, ainsi que Sharon MacGougan et Margaretta Suarez ont témoigné pour l'appelante. Rowena Chow, c.g.a., la vérificatrice à qui le dossier a été confié, a témoigné pour l'intimée.

[2] L'appelante a interjeté appel d'une cotisation de TPS de 30 925,36 $ relative à des fournitures vendues qui, prétend l'intimée, étaient des médicaments. L'appelante affirme que ces fournitures étaient détaxées en vertu du paragraphe 165(1) de la partie IX de la Loi sur la taxe d'accise (“ Loi ”) parce qu'elles étaient des “ fourniture[s] d'aliments et de boissons destinés à la consommation humaine [...] ” au sens de l'annexe VI, partie III de la Loi. Il y a lieu de noter que la partie III est intitulée “ Produits alimentaires de base ”.

[3] Le paragraphe 11 de la réponse contient les hypothèses de l'intimée et le paragraphe 12 énonce ce qui est, selon l'intimée, la question en litige. Ces paragraphes sont reproduits ci-après :

[TRADUCTION]

Pour ainsi établir une cotisation à l'égard de l'appelante, le ministre s'est fondé, notamment, sur les hypothèses suivantes :

les faits énoncés et admis précédemment;

l'appelante est inscrite aux fins de la TPS et son numéro d'inscription est le 120373915;

l'appelante était une société dont l'entreprise consistait à enseigner les arts martiaux, à vendre des herbes chinoises, à offrir des services de massothérapie et à vendre des médicaments prêts à consommer en poudre ou sous forme liquide;

aux termes de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15, et ses modifications (la “ Loi ”), l'appelante est tenue de produire ses déclarations de TPS trimestriellement;

l'appelante a demandé des crédits de taxe sur les intrants (“ C.T.I. ”) de 9 531,17 $ au cours de la période en question;

la nouvelle cotisation du 19 juillet 1996 a modifié le montant des C.T.I. de 5 400 $ et celui de la TPS payable de 35 056,10 $;

Vincent Chow (“ M. Chow ”) est l'unique actionnaire de l'appelante;

M. Chow menait les activités de l'entreprise pour le compte de l'appelante;

M. Chow détient un permis d'exploitation d'une d'herboristerie et il est instructeur du style de la Grue Blanche dans les arts martiaux;

pour le compte de l'appelante, Chow prescrit, prépare et vend aux clients de l'appelante des herbes pour usage interne ou externe;

l'appelante achète ces herbes en vrac dans des pays de l'Asie;

Chow et l'appelante affirmaient aux clients que les herbes chinoises amélioraient la force physique et aidaient à guérir les blessures;

les herbes chinoises étaient prescrites, préparées et vendues pour leurs propriétés médicinales réelles ou perçues;

le mélange d'herbes prescrit et préparé variait selon la maladie ou la blessure du client;

l'appelante ne vend pas ces herbes chinoises au détail à des clients qui se présentent simplement chez elle;

les herbes chinoises ne sont pas des aliments, ni des boissons, ni des produits d'alimentation générale;

les herbes chinoises sont consommées comme un produit alimentaire de base non pas pour se nourrir, mais pour leurs propriétés médicinales réelles ou perçues;

les herbes chinoises pour usage externe représentaient 90 p. 100 des ventes de l'appelante, les herbes chinoises pour usage interne, 5 p. 100, les services de massothérapie, 2 p. 100, et les cours d'arts martiaux, 1 p. 100;

l'appelante ne percevait aucune TPS sur les herbes chinoises vendues, qu'elles fussent pour usage externe ou pour usage interne;

l'appelante ne demande aucun paiement pour les services de prescription des herbes chinoises fournis par M. Chow, mais elle fait payer pour les herbes chinoises;

les registres tenus par l'appelante étaient insatisfaisants.

Il s'agit de déterminer si l'appelante doit payer le montant réclamé au titre de la TPS du fait que les produits en question n'étaient pas des produits alimentaires de base détaxés.

[4] Les hypothèses énoncées aux alinéas b), d), e), f), g), h), i), j), o), s), t) et u) n'ont pas été réfutées par la preuve. L'hypothèse énoncée à l'alinéa c) est correcte, à l'exception de la dernière partie, qui dit “ [...] et à vendre des médicaments prêts à consommer en poudre ou sous forme liquide ”, qui est l'objet du litige. L'hypothèse formulée à l'alinéa k) est inexacte; la grande majorité, sinon la totalité des fournitures en question étaient achetées par l'appelante à des grossistes canadiens. Plus particulièrement, le principal fournisseur de l'appelante était Kiu Shun Trading Co. Ltd. de Vancouver. L'hypothèse énoncée à l'alinéa l) est juste, mais certains clients étaient envoyés par leurs amis et ne se fiaient pas aux affirmations de M. Chow ou de l'appelante.

[5] L'hypothèse formulée à l'alinéa m) est correcte dans le sens général énoncé dans le Oxford Dictionary, où le terme anglais “ medicinal ” (“ médicinal ”) se rapporte à “ medicine ” (“ médecine ”), qui, à son tour, est défini comme étant [TRADUCTION] “ la branche de la connaissance et de la pratique qui s'intéresse à la guérison et à la prévention des maladies et à l'apaisement des souffrances chez les êtres humains ainsi qu'au rétablissement et à la conservation de la santé ”. L'appelante ne vendait pas à la communauté chinoise de Vancouver. Certains clients de l'appelante achetaient simplement des fournitures qu'ils lui commandaient, sans qu'elles leur aient été recommandées ou prescrites par elle ou par M. Chow. L'hypothèse contenue à l'alinéa n) est incorrecte car ni l'appelante ni M. Chow ne préparait les fournitures en question; elles étaient achetées préemballées à des grossistes ou à d'autres fournisseurs. Certaines étaient prescrites par l'appelante ou M. Chow, d'autres ne l'étaient pas. Elles variaient effectivement selon la maladie ou la blessure des clients pour qui M. Chow rédigeait des prescriptions. Le litige porte sur les hypothèses énoncées aux alinéas p) et q).

[6] L'hypothèse énoncée à l'alinéa r) est une estimation que Vincent Chow a donnée à Mme Chow, la vérificatrice, lors d'une rencontre portant sur la cotisation ici en cause, qui a eu lieu au bureau du comptable de l'appelante le 18 mai 1995. Vincent Chow a témoigné qu'il avait donné [TRADUCTION] “ le chiffre de 90 p. 100 pour usage externe ” parce qu'il craignait de perdre son permis d'exploitation d'un commerce s'il disait qu'une partie importante des herbes qu'il vendait étaient destinées à l'usage interne. Il a ensuite témoigné que de 30 à 40 p. 100 des herbes vendues étaient pour usage externe et que de 60 à 70 p. 100 étaient consommées pour des raisons de santé.

[7] Les produits vendus par l'appelante étaient préemballés sous forme solide ou liquide. Parmi ces produits, on retrouvait l'aubépine, le ginseng et les pétales de chrysanthèmes qui, tous, sont considérés comme ayant des propriétés médicinales dans la phytothérapie chinoise. M. Chow se présente comme un herboriste chinois, et le permis d'exploitation de l'appelante prévoyait expressément la vente d'herbes. Sur la recommandation de M. Chow, Sharon MacGougan et Margaretta Suarez ont toutes deux acheté de telles herbes pour des raisons de santé. Elles en ont acheté certaines pour les consommer comme toniques et d'autres pour les utiliser comme ingrédients dans des soupes ou encore pour supprimer la douleur; toutes devaient être ingérées. Toutes deux ont aussi acheté des fournitures à base d'herbes de l'appelante pour application externe comme cataplasme ou comme baume afin d'apaiser la douleur, de faire guérir les coupures et les ecchymoses ou de calmer des douleurs musculaires. La méthode de l'appelante en ce qui concerne la TPS était simple : si le grossiste lui faisait payer la TPS sur un produit, elle faisait payer la TPS à son client. Sinon, elle n'exigeait pas le paiement de la TPS.

[8] L'alinéa k) exprime l'hypothèse selon laquelle l'appelante importait ses fournitures, mais M. Chow a témoigné que l'appelante achetait des produits préemballés à des grossistes locaux de produits chinois à base d'herbes médicinales, qu'elle enlevait les étiquettes et vendait les produits au détail. Ainsi, ses clients (qui ne faisaient pas partie de la communauté chinoise de Vancouver) ne pouvaient acheter directement aux grossistes à moindre coût. Ce témoignage a un tel accent de vérité que la Cour l'accepte.

[9] Dans de telles circonstances, ces produits à base d'herbes étaient-ils des “ aliments et [des] boissons destinés à la consommation humaine ”? Le terme anglais “ consumption ” (“ consommation ”) est défini dans le Oxford Dictionary comme étant [TRADUCTION] “ l'action ou le fait de consommer ou de détruire ”. Dans le contexte des mots utilisés dans la partie III, l'application externe de ces herbes comme cataplasme ou baume n'équivaut pas à consommer ou à détruire les herbes comme cela arrive lorsque l'on mange de la nourriture. Pour cette raison, les produits à base d'herbes utilisés pour application externe ne pourraient être détaxés. En outre, les produits à base d'herbes vendus sous forme liquide n'étaient pas vendus comme boissons. Ils étaient vendus comme concentrés. Le terme anglais “ food ” (“ aliment ”) est défini dans le Oxford Dictionary comme étant [TRADUCTION] “ ce qui est absorbé par le système pour garder en vie et favoriser la croissance et pour pallier la dégradation des tissus; vivres, nourriture, provisions, victuailles ”. Bref, l'aliment vise à garder en vie alors que les produits médicinaux visent à rétablir ou à conserver la santé.

[10] Les herbes de l'appelante étaient vendues et achetées pour rétablir ou conserver la santé. Il se peut qu'on puisse dire de certains produits utilisés dans des soupes qu'ils servent à garder en vie, mais ce n'est pas la raison pour laquelle ils étaient vendus par l'appelante ou achetés par les clients de celle-ci. Ces produits formaient une partie infime des ventes de l'appelante, et leur valeur n'a jamais été prouvée.

[11] Mme Chow, la vérificatrice, a déterminé que toutes les herbes vendues par l'appelante étaient des herbes médicinales et qu'elles n'étaient ni des aliments ni des boissons. Compte tenu de la preuve, elle avait raison. Pour ce motif, l'appel interjeté contre la cotisation de taxe est rejeté.

[12] Conformément à l'article 280 de la Loi, la pénalité dont il a été interjeté appel a été imposée parce que l'appelante avait omis de verser la taxe. De la même façon, des intérêts se sont accumulés sur le solde impayé. Les appels à l'égard de la pénalité et des intérêts sont en conséquence également rejetés.

[13] Les frais entre parties sont accordés à l'intimée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 13e jour de juillet 1999.

“ D. W. Beaubier ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 19e jour d'avril 2000.

Erich Klein, réviseur

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.