Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date: 20000628

Dossier: 2000-1415-IT-I

ENTRE :

KENNETH R. SHEWCHUK,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Teskey, C.C.I.

[1] Dans l'avis d'appel sur le fondement duquel il a interjeté appel de la nouvelle cotisation d'impôt établie à son égard pour l'année d'imposition 1998, l'appelant a choisi la procédure informelle.

Question en litige

[2] La seule question en litige est celle de savoir si l'appelant a droit au crédit d'impôt qu'on appelle l'“ équivalent du montant pour conjoint ” de 5 380 $.

Faits

[3] Les faits, qui ne sont pas en litige, sont les suivants :

[TRADUCTION]

(1)                  Le contribuable a demandé l'équivalent du montant pour conjoint en 1998 pour l'un de ses trois enfants (âgés de 7, 10 et 13 ans) dont il a la garde physique conjointe avec son ex-conjointe.

(2)                  Dans un jugement de divorce et une mesure accessoire datés du 1er août 1998, la Cour du Banc de la Reine de l'Alberta a accordé à l'appelant et à son ex-conjointe la garde physique conjointe des trois enfants à tour de rôle pendant une semaine, donc 50 pour cent du temps.

(3)                  Conformément à l'article 9 des lignes directrices fédérales de fixation des pensions alimentaires pour enfants (21 février 1997) applicables dans les cas de garde partagée, la juge M. T. Moreau a utilisé les montants énoncés dans les tableaux applicables à chaque conjoint.

(4)                  Se fondant sur la méthode reconnue de la coordination directe, la juge Moreau a calculé le montant que chaque conjoint serait tenu de payer à l'autre conjoint s'il avait la garde physique des trois enfants la majorité du temps.

(5)                  Le revenu du contribuable étant supérieur à celui de son ex-conjointe, la différence entre les montants calculés à l'aide des tableaux figurant dans les lignes directrices a été appliquée au contribuable, de sorte que ce dernier a versé à son ex-conjointe un montant mensuel tenant compte de l'augmentation des coûts dans le cadre de l'entente sur la garde partagée.

(6)                  Le contribuable a également été autorisé par la Cour à déduire l'équivalent du montant pour conjoint de 1998 relativement aux enfants. L'ex-conjointe du contribuable avait le droit de faire cette déduction en 1997.

(7)                  Le recours à la méthode de la coordination directe entraîne la compensation des montants payables à chaque partie pendant la période au cours de laquelle ils ont la garde physique des enfants.

(8)                  Le contribuable a maintenu une résidence distincte où les enfants résident, a répondu à leurs besoins et n'a fait aucune déduction en double relativement aux enfants.

(9)                  La déduction, par le contribuable, de l'équivalent du montant pour conjoint de 1998, a fait l'objet d'une nouvelle cotisation par Revenu Canada et a été rejetée en appel le 18 février 2000.

(10)               Au cours de l'année d'imposition 1998, l'appelant a été tenu de payer une pension alimentaire pour subvenir aux besoins des enfants issus du mariage.

(11)               La pension alimentaire devait être payée à l'ex-conjointe de l'appelant, Laura Lynn Shewchuk (ci-après appelée l'“ ex-épouse ”).

(12)               La pension alimentaire devait être payée relativement aux enfants issus du mariage, soit Kristen Margaret Shewchuk, née le 18 mai 1986, Robert Louis Shewchuk, né le 22 mai 1989, et Michael David Shewchuk, né le 10 mai 1992.

(13)               Pendant toute l'année d'imposition 1998, l'appelant vivait séparé de son ex-conjointe pour cause d'échec de leur mariage.

[4] Dans le jugement de divorce qu'elle a prononcé le 1er août 1997, la juge M. T. Moreau, de la Cour du Banc de la Reine de l'Alberta, ordonne ceci au paragraphe 7 :

[TRADUCTION]

7.                     IL EST ORDONNÉ :

QUE la requérante ait le droit de déduire l'équivalent du montant pour conjoint de 1997 à l'égard des enfants, que l'intimé ait le droit de déduire l'équivalent du montant pour conjoint de 1998 à l'égard des enfants, et que, par la suite, les parties examinent la question de la déduction de l'équivalent du montant pour conjoint.

Compétence

[5] Le seul tribunal ayant compétence en première instance pour déterminer la façon dont une cotisation est établie à l'égard d'un contribuable est la Cour canadienne de l'impôt. Par conséquent, il ne sera pas tenu compte du paragraphe 7 de l'ordonnance reproduit ci-dessus car il est nul et sans effet.

Thèse de l'appelant

[6] L'appelant a fondé sa plaidoirie sur le fait que lui et sa conjointe n'avaient pas tous les deux effectué la déduction en cause puisque, dans sa déclaration de revenu, il n'a déduit de pension alimentaire que relativement à sa fille Kristen Shewchuk alors que son épouse n'a fait aucune déduction de cette nature relativement à Kristen.

[7] L'appelant soutient également que, parce que les cours provinciales ayant compétence en matière de garde et de pension alimentaire des enfants utilisent la méthode de la coordination directe, il ne devrait pas être traité de manière inéquitable par rapport à sa conjointe.

[8] L'appelant affirme en outre que les procédures de Revenu Canada ne tiennent pas suffisamment compte des cas où il y a garde physique conjointe, de l'application des lignes directrices fédérales dans de tels cas, du traitement équitable des contribuables en cause et des intérêts des enfants.

Thèse de l'intimée

[9] Le terme “ pension alimentaire ” est défini comme suit au paragraphe 56.1(4) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la “ Loi ”) :

“ pension alimentaire ” Montant payable ou à recevoir à titre d'allocation périodique pour subvenir aux besoins du bénéficiaire, d'enfants de celui-ci ou à la fois du bénéficiaire et de ces enfants, si le bénéficiaire peut utiliser le montant à sa discrétion et, selon le cas :

a) le bénéficiaire est le conjoint ou l'ancien conjoint du payeur et vit séparé de celui-ci pour cause d'échec de leur mariage et le montant est à recevoir aux termes de l'ordonnance d'un tribunal compétent ou d'un accord écrit;

b)                   le payeur est le père naturel ou la mère naturelle d'un enfant du bénéficiaire et le montant est à recevoir aux termes de l'ordonnance d'un tribunal compétent rendue en conformité avec les lois d'une province.

[10] Sous la rubrique “ Crédits d'impôt personnels ”, l'article 118 de la Loi accorde certains crédits d'impôt aux contribuables dans certaines circonstances. Dans la présente affaire, en dépit du fait que l'appelant est visé par l'alinéa 118(1)b), le paragraphe 118(5) rétire le crédit d'impôt à son égard. Voici le texte de cette disposition :

Aucun montant n'est déductible en application du paragraphe (1) relativement à une personne dans le calcul de l'impôt payable par un particulier en vertu de la présente partie pour une année d'imposition si le particulier, d'une part, est tenu de payer une pension alimentaire au sens du paragraphe 56.1(4) à son conjoint ou ancien conjoint pour la personne et, d'autre part, selon le cas :

a) vit séparé de son conjoint ou ancien conjoint tout au long de l'année pour cause d'échec de leur mariage;

b) demande une déduction pour l'année par l'effet de l'article 60 au titre de la pension alimentaire versée à son conjoint ou ancien conjoint.

Analyse

[11] Ainsi que l'a dit feu le juge John Sopinka, de la Cour suprême du Canada, “ [l]a justice et l'équité n'ont rien à voir avec le droit fiscal ”. À mon avis, la thèse de l'intimée est juste en droit, et les paragraphes 56.1(4) et 118(5) de la Loi réunis retirent à l'appelant le crédit d'impôt au titre de l'équivalent du montant pour conjoint, ainsi que le prévoit le paragraphe 118(1) de la Loi.

[12] Pour ces raisons, l'appel est rejeté.

Signé à Edmonton (Alberta), ce 28e jour de juin 2000.

“ Gordon Teskey ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 9e jour de janvier 2001.

Benoît Charron, réviseur

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.