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Date: 19980903

Dossiers: 97-965-IT-G; 97-966-IT-G

ENTRE :

SUKHSAGAR K. GILL,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL, IQBAL S. GILL,

intimé,

Motifs du jugement

Le juge Brulé, C.C.I.

[1] Les appels en l'instance sont à l'encontre d'un avis de nouvelle cotisation pour l'année d'imposition 1993. Les appels ont été réunis et entendus sur preuve commune.

Faits

[2] Les deux appelants, Sukhsagar K. Gill (SG) et Iqbal Gill (IG), sont des résidents de l'Ontario.

[3] Au cours de l'année d'imposition 1989, SG a prêté au total 613 448 $ à Homebank Investments Inc. ( « Homebank » ) à titre de placement familial, et IG, 54 448 $. SG et IG détenaient chacun 8 p. 100 des actions émises et en circulation de Homebank au cours de la période pertinente. Ils étaient des créanciers non garantis de Homebank.

[4] Homebank a été constituée en société sous le régime des lois de la province d'Ontario le 2 décembre 1988 et, pendant toutes les périodes pertinentes, elle était contrôlée par Sampuran S. Benet et son épouse Rajinder K. Benet. M. Benet contrôlait aussi Sampuran Enterprises Ltd. M. et Mme Benet étaient des résidents canadiens à l'époque pertinente. Par conséquent, Homebank était, pendant toute les périodes pertinentes, une « corporation privée dont le contrôle est canadien » au sens des paragraphes 248(1) et 125(7) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ).

[5] Au cours de l'année 1988, Homebank a acheté un bien-fonds situé au 930, chemin Upper Paradise, à Hamilton (Ontario), et elle a agi en tant que principal entrepreneur aux fins de la construction d'un centre commercial linéaire de 17 unités, dont la superficie brute de location était de 48 000 pieds carrés environ. Les travaux de construction ont été terminés en 1990. Les appelants soutiennent que M. Benet possédait les connaissances techniques requises en aménagement de complexes commerciaux et qu'il était l'âme dirigeante de Sampuran et de Homebank. Ils font valoir que Homebank a tenté de trouver des locataires et de négocier des baux dans le but de vendre le centre commercial lorsqu'il serait loué en grande partie.

[6] Les appelants soutiennent en outre que la propriété a été mise en vente par l'intermédiaire de RE/MAX Dufferin Realty Ltd., mais qu'elle n'était pas commercialisable parce qu'elle n'avait pas de locataire-clé. En ce qui concerne la propriété du centre commercial, un séquestre a été nommé le 22 octobre 1993.

[7] Les prêts accordés à Homebank n'ont jamais été remboursés et ils ont été reconnus comme étant des mauvaises créances au cours de l'année d'imposition 1993 selon le paragraphe 50(1) de la Loi.

[8] Le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a établi une nouvelle cotisation à l'égard des appelants pour l'année d'imposition 1993 pour le motif qu'ils n'avaient pas fait la preuve que les montants dont la déduction avait été demandée étaient une « perte déductible au titre d'un placement d'entreprise » au sens de l'alinéa 38c) de la Loi puisque les fonds qu'ils avaient avancés à Homebank ne répondaient pas à la définition de « perte au titre d'un placement d'entreprise » énoncée à l'alinéa 39(1)c) de la Loi.

Question en litige

[9] L'unique question en litige est de savoir si, en 1993, Homebank était une « société exploitant une petite entreprise » au sens de la Loi, et, par conséquent, si, la même année, les appelants ont subi une perte déductible au titre d'un placement d'entreprise.

Analyse

[10] Le ministre soutient que Homebank n'était pas une « entreprise exploitée activement » , mais une « entreprise de placement désignée » , selon les définitions de ces deux expressions énoncées à l'alinéa 125(7)a) de la Loi.

[11] Pour confirmer la nouvelle cotisation établie pour l'année d'imposition 1993, le ministre s'est fondé sur les hypothèses suivantes :

[TRADUCTION]

a) pendant toutes les périodes pertinentes, les appelants étaient des actionnaires de la compagnie;

b) au cours de l'année 1993, la compagnie a fait faillite;

c) au moment de la faillite, la compagnie devait 613 448 $ aux appelants;

d) pendant toutes les périodes pertinentes, le but principal de la compagnie était de tirer un revenu des loyers, et son unique source de revenu de 1987 à 1992 fut la location et l'intérêt sur les dépôts de loyer;

e) pendant toutes les périodes pertinentes, la compagnie employait moins de six employés à plein temps;

f) la société liée de la compagnie, Sampuran Enterprises Ltd., n'a jamais fourni de services de gestion ou d'administration, des services d'ordre financier, des services d'entretien ou d'autres services semblables.

[12] Malgré l'argument bien articulé de l'avocat des appelants, Homebank n'est pas une « société exploitant une petite entreprise » au sens de la Loi. Pour être une « société exploitant une petite entreprise » , Homebank doit d'abord être reconnue comme « entreprise exploitée activement » . L'expression « entreprise exploitée activement » exclut expressément une « entreprise de placement désignée » et, compte tenu de la preuve soumise à la Cour, Homebank était une « entreprise de placement désignée » . Par conséquent, la perte subie par les appelants relativement au prêt accordé à Homebank n'est pas une perte au titre d'un placement d'entreprise au sens de l'alinéa 39(1)c) de la Loi. Il ne peut donc y avoir de perte déductible au titre d'un placement d'entreprise au sens de l'alinéa 38c) de la Loi. La perte subie par les appelants est une perte en capital nette qui peut être soustraite de tout gain en capital. Conformément à l'alinéa 111(1)b) de la Loi, cette perte en capital nette peut être déduite du gain en capital des trois années d'imposition qui précèdent et des années d'imposition qui suivent.

[13] Pour expliquer le résultat qui précède, il est important d'examiner les diverses dispositions de la Loi qui sont en cause.

[14] La perte au titre d'un placement d'entreprise résulte de la disposition d'un bien en immobilisation dans les conditions énoncées à l'alinéa 39(1)c). Ces conditions sont les suivantes. Premièrement, le bien en immobilisation doit être une action du capital-actions d'une « société exploitant une petite entreprise » ou une créance du contribuable sur une telle société. Deuxièmement, à moins que le paragraphe 50(1) ne s'applique, il doit être disposé des actions ou de la créance en faveur d'une personne avec laquelle le contribuable n'a aucun lien de dépendance.

[15] En ce qui concerne les faits soumis à la Cour, le ministre ne conteste pas la question de savoir si le paragraphe 50(1) s'applique. Le paragraphe 50(1) s'applique lorsque des créances sont reconnues comme mauvaises ou lorsqu'il s'agit d'actions du capital-actions d'une société en faillite. Le ministre ne peut cependant convenir qu'il a été satisfait à la deuxième condition, à savoir que le bien en immobilisation est une action du capital-actions d'une « société exploitant une petite entreprise » ou une créance du contribuable sur une telle société.

A. « Société exploitant une petite entreprise »

[16] L'expression « société exploitant une petite entreprise » est définie au paragraphe 248(1) de la Loi :

« société exploitant une petite entreprise » Sous réserve du paragraphe 110.6(15), société privée sous contrôle canadien et dont la totalité, ou presque, de la juste valeur marchande des éléments d'actif est attribuable, à un moment donné, à des éléments qui sont :

a) soit utilisés principalement dans une entreprise que la société ou une société qui lui est liée exploite activement principalement au Canada;

b) soit constitués d'actions du capital-actions ou de dettes d'une ou de plusieurs sociétés exploitant une petite entreprise rattachées à la société au moment donné, au sens du paragraphe 186(4) selon l'hypothèse que les sociétés exploitant une petite entreprise sont, à ce moment, des sociétés payantes au sens de ce paragraphe;

c) soit visés aux alinéas a) et b).

Pour l'application de l'alinéa 39(1)c), est une société exploitant une petite entreprise la société qui était une telle société à un moment de la période de douze mois précédant le moment donné; par ailleurs, pour l'application de la présente définition, la juste valeur marchande d'un compte de stabilisation du revenu net est réputée nulle.

[les italiques sont de moi]

[17] Le terme « entreprise exploitée activement » est défini à deux endroits dans la Loi. La disposition générale des définitions, à savoir le paragraphe 248(1), définit ainsi le terme « entreprise exploitée activement » :

(1) Définitions

Dans la présente loi,

« entreprise exploitée activement » , relativement à toute entreprise exploitée par un contribuable résidant au Canada, désigne toute entreprise exploitée par le contribuable autre qu'une entreprise de placement désignée ou une entreprise de prestation de services personnels.

[18] L'alinéa 125(7)a) de la Loi définit dans les termes suivants l'expression « entreprise exploitée activement » :

« entreprise exploitée activement par une corporation » désigne toute entreprise exploitée par une corporation, autre qu'une entreprise de placement désignée ou une entreprise de prestation de services personnels et comprend un projet comportant un risque ou une affaire de caractère commercial;

[19] La différence manifeste entre les deux définitions susmentionnées tient au fait que l'alinéa 125(7)a) inclut « un projet comportant un risque ou une affaire de caractère commercial » . Aux fins de la présente affaire, cet élément a peu d'importance puisque les deux définitions prévoient que, si l'entreprise est jugée être une « entreprise de placement désignée » , elle ne peut pas être une entreprise exploitée activement. Le législateur a expressément déclaré que, si une entreprise est une « entreprise de placement désignée » , elle n'est pas une « entreprise exploitée activement » pour l'application du paragraphe 248(1) et de l'alinéa 125(7)a) de la Loi. La Cour est appelée à déterminer si Homebank était une « entreprise de placement désignée » . Bien qu'il puisse être utile de déterminer les intentions principale et secondaire du contribuable, c'est le « but principal » de Homebank qui doit être pris en considération pour déterminer si elle exploitait une « entreprise de placement désignée » . Cependant, puisque les appelants se sont donné beaucoup de mal pour établir l'existence d'un projet comportant un risque ou une affaire de caractère commercial, la Cour fera quelques remarques à ce sujet.

[20] Si la Cour comprend bien, les appelants font valoir que les définitions d' « entreprise » et d' « entreprise exploitée activement » au paragraphe 248(1) de la Loi devraient être lues conjointement. Par conséquent, un projet comportant un risque ou une affaire de caractère commercial est considéré comme une « entreprise exploitée activement » . La Cour est d'avis que la définition d' « entreprise exploitée activement » au paragraphe 248(1) de la Loi devrait être déterminante en soi dans la présente affaire, et la définition de l'expression « entreprise exploitée activement » énoncée à l'alinéa 125(7)a) devrait être lue dans le contexte de la déduction accordée aux petites entreprises. L'affaire en l'espèce porte sur une perte déductible au titre d'un placement d'entreprise et non pas sur la perte accordée aux petites entreprises. On peut se reporter à la définition de « corporation privée dont le contrôle est canadien » qui figure au paragraphe 248(1) et à celle de « corporation privée dont le contrôle est canadien » énoncée à l'alinéa 125(7)b) de la Loi. La définition énoncée au paragraphe 248(1) de la Loi prévoit ceci :

« corporation privée dont le contrôle est canadien » — « corporation privée dont le contrôle est canadien » a le sens que lui donne le paragraphe 125(7).

[21] L'alinéa 125(7)b) de la Loi est ainsi libellé :

« corporation privée dont le contrôle est canadien » — « corporation privée dont le contrôle est canadien » désigne une corporation privée qui est une corporation canadienne autre qu'une corporation contrôlée directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit, par une ou plusieurs personnes non résidantes, par une ou plusieurs corporations publiques (autre qu'une corporation à capital de risque prescrite) ou par une combinaison de celles-ci;

[22] De l'avis de la Cour, le fait que le paragraphe 248(1) renvoie directement au paragraphe 125(7) de la Loi indique que le législateur souhaitait que la définition de « corporation privée dont le contrôle est canadien » énoncée à l'alinéa 125(7)b) soit déterminante aux fins de la Loi. Ce n'est pas le cas de l'expression « entreprise exploitée activement » . Le législateur a prévu deux définitions différentes, et la Cour estime que celle qui est énoncée au paragraphe 248(1) devrait être utilisée aux fins de l'application de l'ensemble de la Loi, à part les dispositions où une définition différente est prévue relativement à une disposition particulière, comme c'est le cas de la déduction accordée aux petites entreprises énoncée à l'alinéa 125(7)a) de la Loi.

(Le même argument vaut pour la définition d' « entreprise de placement désignée » . Le paragraphe 248(1) de la Loi renvoie à l'alinéa 125(7)e) de la Loi.)

B. « Entreprise exploitée activement »

[23] Si l'on se reporte à la définition de « entreprise exploitée activement » au paragraphe 248(1) de la Loi, Homebank sera admissible à titre d' « entreprise exploitée activement » si elle exploitait une entreprise qui n'était pas une « entreprise de placement désignée » ou une « entreprise de prestation de services personnels » . Selon les faits de la présente affaire, la Cour est d'avis que Homebank n'est pas une « entreprise de prestation de services personnels » et elle sera considérée comme une entreprise exploitée activement si elle ne répond pas à la définition d' « entreprise de placement désignée » .

C. Entreprise de placement désignée

[24] L'expression « entreprise de placement désignée » est définie à l'alinéa 125(7)e) de la Loi dans les termes suivants :

« entreprise de placement désignée » exploitée par une corporation dans une année d'imposition désigne une entreprise (autre qu'une entreprise exploitée par une caisse de crédit ou une entreprise de location de biens autres que des biens immobiliers) dont le but principal est de tirer un revenu de biens (notamment des intérêts, des dividendes, des loyers ou des redevances), à moins

(i) que la corporation n'emploie dans l'entreprise tout au long de l'année plus de cinq employés à plein temps, ou

(ii) que, au cours de l'exploitation active de l'entreprise, toute autre corporation qui lui est associée ne lui fournisse, dans l'année, des services de gestion ou d'administration, des services d'ordre financier, des services d'entretien ou d'autres services semblables, et que l'on puisse raisonnablement s'attendre à ce que la corporation aurait besoin de plus de cinq employés à plein temps si ces services n'étaient pas fournis;

[25] Ainsi, une « entreprise de placement désignée » vise toute entreprise qui compte moins de six employés à plein temps et dont le but principal est de tirer un revenu de biens ou de la location de biens. Aucune preuve n'a été soumise par les appelants pour établir que Homebank avait plus de cinq employés à plein temps. Le ministre se fonde sur l'hypothèse selon laquelle, pendant toutes les périodes pertinentes, Homebank avait moins de six employés à plein temps. Compte tenu du témoignage de M. Benet, le ministre soutient que dans les premières années (en 1988) il y avait quatre ou cinq employés. Après, il y en avait encore moins.

1. But principal

[26] La définition d' « entreprise de placement désignée » nécessite l'examen du but principal de la société. Le point de vue de Revenu Canada sur la notion de « but principal » est formulé dans le bulletin d'interprétation IT-73R5, daté du 5 février 1997, aux paragraphes 12 et 14 :

12. L'expression « but principal » n'est pas définie dans la Loi pour l'application de la définition d' « entreprise de placement déterminée » donnée au paragraphe 125(7). Par contre, on la désigne comme l'objectif principal ou fondamental pour lequel l'entreprise est exploitée.

[...]

14. Pour chaque année, il faut déterminer le but principal de chaque entreprise exploitée par une société, après avoir considéré et analysé tous les faits relatifs à l'entreprise, spécialement les suivants :

a) le but pour lequel l'entreprise a été lancée initialement;

b) l'histoire et l'évolution de ses activités, y compris les changements apportés à son mode de fonctionnement et à sa raison d'être;

c) la manière dont elle est gérée.

[27] L'expression « but principal » a été examinée dans l'affaire Mayon Investments Inc. et al. v. M.N.R. [1991] 1 C.T.C. 2245, 91 D.T.C. 364, où le juge Brulé, de la C.C.I., a déclaré à la page 369 que, relativement à la définition de l'expression « entreprise de placement désignée » , ce que l'on entend par l'expression « [dont] le but principal est de tirer un revenu de biens » est « [l]orsque la source de revenu, la nature des biens détenus et le but de la corporation consistent à tirer un revenu de biens, tel le revenu en intérêts » .

[28] Dans l'affaire Ed Sinclair Construction & Supplies Ltd. et al. v. M.N.R., [1992] 1 C.T.C. 2218, 92 D.T.C. 1163, le juge Bowman, de la C.C.I., a examiné le « but principal » dans le contexte d'une « entreprise de placement désignée » relativement à la déduction accordée aux petites entreprises. Le juge a déclaré, à la page 1165, en reprenant un passage de l'affaire Ben Company Limited v. M.N.R., 89 D.T.C. 242, à la page 244 :

[TRADUCTION]

En déterminant le « but principal » d'une entreprise exploitée par une corporation, l'objectif déclaré de la personne qui l'exploite n'est pas nécessairement le seul ni même le plus important critère. Sont d'importance cruciale ce que la corporation fait effectivement et ce qui constitue ses sources de revenu.

[29] L'expression « but principal » a également été analysée dans la doctrine. Dans un article cité de David Phillip Jones, dans Reflections on Integration: The Modified Small Business Deduction, Nonqualifying Businesses, Specified Investment Income, Corporate Partnership, and Personal Service Corporations (1982) 30 Can. Tax J. 1, à la page 5, l'auteur commente l'objet de la modification de la notion de « revenu de placement désigné » . À la page 5 de son article, M. Jones écrit :

[TRADUCTION]

Dans une série d'affaires, cependant, les tribunaux ont effectivement éliminé l'idée d'une entreprise non exploitée activement et statué que presque toutes les entreprises constituaient des entreprises exploitées activement. La modification relative au « revenu de placement désigné » visait par conséquent à ce que le revenu tiré de l'entreprise de location de biens ne constitue généralement pas un revenu tiré d'une entreprise exploitée activement, mais plutôt un revenu de placement, ce qui se trouvait dans les faits à infirmer la jurisprudence sur ce point.

[30] Le seul revenu gagné par Homebank était le revenu de location obtenu des locataires du centre commercial, les intérêts sur les dépôts de location et les frais de gestion. Selon les états financiers non vérifiés de Homebank pour les années d'imposition 1990, 1991 et 1992, le revenu de location s'élevait à 5 $, à 404 065 $ et à 484 728 $ respectivement. L'intérêt sur le revenu de location pour les années en question s'établissait à 1 198 $, à 7 669 $ et à 0 $ respectivement. Des frais de gestion de 180 000 $ ont été touchés en 1991. Par conséquent, Homebank avait un revenu net pour les années en question de 1 131 277 $. En outre, dans les états financiers de Homebank, le bien était inscrit comme un bien en immobilisation et l'amortissement correspondant était déduit.

[31] La construction du centre commercial s'est achevée en 1990. Selon la preuve produite, le premier bail est entré en vigueur le 1er juillet 1990 et, le 13 janvier 1991, 13 des 17 unités avaient été louées à divers locataires. Ces 13 unités représentaient 78 p. 100 des locaux à louer. Or, le centre commercial n'a été mis en vente qu'au mois de février 1992.

[32] Par conséquent, compte tenu de la preuve soumise, la Cour est d'avis que le « but principal » de Homebank était de tirer un revenu du bien. Je crois que Homebank est une « entreprise de placement désignée » , ce qui l'exclut de la définition de « société exploitant une petite entreprise » . Par conséquent, les appelants ne peuvent déduire la perte au titre d'un placement d'entreprise prévue à l'alinéa 39(1)c) de la Loi.

[33] En aparté, la Cour estime qu'il y a lieu de faire quelques remarques sur le « but principal » . La Cour estime que c'est le « but principal » de l'entreprise, et non pas nécessairement celui du contribuable, qui doit être pris en considération pour déterminer si une société est une « entreprise de placement désignée » . SG et IG détenaient une participation de 16 p. 100 dans les activités de Homebank. M. Benet et son épouse détenaient une participation majoritaire, à savoir 52 p. 100 des actions émises et en circulation. Toute analyse du « but principal » de la société doit tenir compte de l'intention de M. et Mme Benet. M. Benet était l'âme dirigeante de sa propre société, Sampuran, de même que de Homebank. Le « but principal » de Homebank, en tant qu'entité, doit être pris en considération. Le ministre ne s'est pas informé de l'intention de M. Benet à l'égard de Homebank. La Cour estime que le profit réalisé par suite de la vente par Sampuran d'un projet antérieur de construction d'un centre commercial est pertinent en l'espèce. Le ministre, au terme de l'interrogatoire préalable de Lorraine Brugaletta, vérificatrice à Revenu Canada, n'a pas estimé que le gain de 1 924 024 $ réalisé par Sampuran, une compagnie liée, était utile quant à l'analyse de Homebank.

[34] Dans l'affaire Geropoulos v. Canada [1998] A.C.I. no 339, la Cour canadienne de l'impôt a été appelée à déterminer si l'appelant pouvait déduire une perte au titre d'un placement d'entreprise relativement à un prêt consenti à une société en faillite dont il était actionnaire. La société participait à un projet de construction d'un centre commercial sur un terrain vacant. Se prononçant sur la question de savoir si la société était une « entreprise de placement désignée » et concluant en faveur de l'appelant, le juge Sarchuk a écrit :

Il ressort de la preuve que, comme l'a dit M. Butcher, l'intention de Woodstock était « de [s']occuper de l'aménagement, de retirer de l'argent, puis de faire autre chose, d'aménager une autre propriété » , et que toute possibilité pour Woodstock d'obtenir un revenu de location de ce projet n'avait qu'un intérêt secondaire.

[35] Cependant, dans la présente affaire, la Cour ne croit pas que le revenu de location que Homebank a touché était un revenu secondaire. Le centre commercial était en grande partie loué au début de l'année 1991, mais il n'a été mis en vente qu'au mois de février 1992. Certes, le ministre n'a pas tenu compte de M. Benet et de la société liée, Sampuran, pour déterminer le « but principal » de Homebank, mais la Cour estime que cela n'aurait rien changé à la conclusion selon laquelle Homebank était une « entreprise de placement désignée » .

[36] En conséquence, les appels en l'instance sont rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 3e jour de septembre 1998.

« J. A. Brulé »

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifié conforme ce 1er jour d'avril 1999.

Mario Lagacé, réviseur

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