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Date: 19971222

Dossier: 96-2177-UI

ENTRE :

RÉJEAN GAGNÉ,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifs du jugement

Le juge Tardif, C.C.I.

[1] Il s’agit de l’appel d’une détermination en date du 7 octobre 1996. En vertu de cette détermination, l’intimé a conclu que l’emploi de l’appelant pour le compte et bénéfice de Garage Alain Gagné Inc. constituait un contrat de louage de services pour la période du 10 janvier au 18 avril 1996.

[2] Par contre, l’intimé a déterminé que la semaine du 18 avril au 25 avril de la même année n’était pas une semaine assurable, étant donné que l’appelant n’avait pas, à la demande du payeur, physiquement travaillé; le payeur devait assumer le coût du salaire de l’appelant pour cette semaine d’avis, selon les lois applicables lors du licenciement d’un employé.

[3] La totalité des faits à l’origine de la détermination ont été admis par l’appelant; ils sont les suivants :

a) l’appelant a commencé à travailler pour le payeur le 10 janvier 1996;

b) le payeur a congédié l’appelant le 18 avril 1996;

c) l’appelant n’a pas travaillé pour le payeur après le 18 avril 1996;

d) le 2 mai 1996, le payeur a versé à l’appelant deux chèques, l’un représentant sa paie de vacances (4%), et l’autre étant son indemnité de préavis;

e) du 10 janvier au 18 avril 1996, il y avait une relation employeur-employé entre l’appelant et le payeur.

[4] Conséquemment, les parties ont essentiellement argumenté au soutien de leurs prétentions respectives.

Position de l'appelant

[5] L’appelant s’est référé à la décision Hélène Boulianne c. M.R.N., 96-46(UI) où l’honorable juge suppléant Somers avait décidé que la période de temps où Madame Boulianne avait siégé comme jurée constituait des semaines assurables. L’honorable juge Somers avait alors affirmé :

Dans la cause sous étude, l’appelante a conservé son emploi et sa rémunération a été payée dans le cadre d’un contrat de travail. La convention collective permet à l’appelante de remplir une obligation légale face à la société. L’appelante a été rémunérée sans pénalité comme si elle avait rempli ses heures régulières en tant qu’employée à l’usine du payeur.

Par inférence selon l’interprétation de l’article 27.02 de la convention collective, le payeur gardait un contrôle sur l’appelante; celle-ci devait se rapporter au travail le plus tôt possible si elle n’était pas retenue comme jurée. Elle devait nécessairement se rapporter au travail dès que ses fonctions comme jurée étaient terminées. Le contrôle d’un employeur sur l’employé est un élément essentiel, entre autres, pour déterminer s’il y a un lien contractuel.

[6] Pour compléter et parfaire son raisonnement, le procureur de l’appelant s’est également référé à la Loi sur les normes du travail et tout spécifiquement aux articles 57 et 82 qui se lisent comme suit :

57. Un salarié est réputé être au travail lorsqu’il est à la disposition de son employeur sur les lieux du travail et qu’il est obligé d’attendre qu’on lui donne du travail.

82. Un employeur doit donner un avis écrit à un salarié avant de mettre fin à son contrat de travail ou de le mettre à pied pour six mois ou plus.

Cet avis est d’une semaine si le salarié justifie de moins d’un an de service continu, de deux semaines s’il justifie d’un an à cinq ans de service continu, de quatre semaines s’il justifie de cinq à dix ans de service continu et de huit semaines s’il justifie de dix ans ou plus de service continu.

L’avis de cessation d’emploi donné à un salarié pendant la période où il a été mis à pied est nul, sauf dans le cas d’un emploi dont la durée n’excède habituellement pas six mois à chaque année en raison de l’influence des saisons.

Le présent article n’a pas pour effet de priver un salarié d’un droit qui lui est conféré par une autre loi.

[7] Le procureur de l’appelant a soutenu que la Loi sur les normes du travail constituait une sorte de protection minimale que le législateur provincial avait établi pour soutenir les travailleurs dans certaines circonstances. Il a aussi plaidé que cette Loi assurait à certains travailleurs une protection minimale faisant habituellement l’objet de conventions collectives de travail.

[8] Selon l’appelant, cette période d’une semaine faisait partie intégrante du contrat de travail et cela, par la seule application de la Loi sur les normes du travail.

[9] Il a plaidé que le payeur avait conservé son autorité et le lien de subordination existait toujours au cours de la semaine en litige et ce, bien que l’appelant n’ait pas effectivement physiquement travaillé. Le fait de ne pas avoir exécuté son travail habituel était en soi quelque chose en dehors de la volonté de l’appelant, l’employeur s’étant prévalu de son droit d’exiger qu’il demeure chez lui.

Position de l'intimé

[10] L’intimé a soutenu que le jugement Somers était une décision d’équité dans un dossier très particulier et surtout très sympathique, concluant finalement que le précédent n’était pas pertinent.

[11] Le Ministre s’est appuyé sur une décision du juge-arbitre Pierre Denault, dans l’affaire Rachel Lamontagne en date du 31 mai 1988, où l’honorable juge concluait comme suit :

Il reste maintenant à voir si le Conseil arbitral a eu raison de considérer “que la semaine de préavis de départ pourrait être considérée comme une semaine d’emploi assurable.”

L’alinéa 36(6) du Règlement édicte ceci :

Art. 36(6) Nonobstant le paragraphe 35(4), aux fins de la partie II de la Loi, un prestataire n’est pas censé, relativement à une période d’emploi quelconque, avoir eu un nombre de semaines d’emploi assurable supérieur au nombre de semaines ou parties de semaines tombant entre le premier et le dernier jour de cette période d’emploi.

L’application pratique de cet article m’amène à conclure que le montant versé à l’employée à titre de préavis mais sans qu’elle n’ait effectivement travaillé sert à augmenter la rémunération assurable de cette dernière période de paie mais ne peut compter comme une semaine d’emploi assurable additionnelle.

[12] S’appuyant sur cette décision, l’intimé a soutenu que cette semaine n’était pas assurable; le procureur a indiqué que l’assurabilité d’un emploi nécessitait l’exécution d’une prestation de travail. L’appelant n’ayant pas exécuté physiquement son travail habituel au cours de ladite semaine, elle concluait au rejet de l’appel.

Analyse

[13] L’assurabilité d’un emploi découle de l’existence ou non d’un contrat de louage de services, lequel est tributaire d’un certain nombre de conditions. Il doit y avoir une prestation de travail et une rémunération fixée en fonction de la qualité de la prestation de travail; le tout doit se réaliser à l’intérieur d’une relation caractérisée par la subordination de celui qui exécute la prestation de travail à l’endroit de celui qui assume l’obligation de la rétribution.

[14] L’exécutant du travail doit subir et se soumettre aux instructions et directives de celui qui détient le pouvoir de contrôler son travail; en d’autres termes, le travail doit être exécuté suivant les ordres, les directives et le bon vouloir du payeur.

[15] Par travail ou prestation de travail, l’on entend généralement l’accomplissement d’actions physiques et/ou intellectuelles dont l’exécution est utile et contributive d’un résultat souhaité et recherché par le payeur, donneur d’ouvrage. L’harmonisation ou la coordination et planification du travail relèvent de celui qui détient le pouvoir de contrôle; ce dernier peut avoir toutes sortes d’exigences qu’il croit utiles ou nécessaires au but recherché.

[16] Qu’arrive-t-il si le détenteur de ce pouvoir de contrôle décide d’exiger de son subalterne qu’il ne soit associé à la réalisation d’aucune tâche physique ou intellectuelle pour ce qu’il croit être le bien de l’entreprise. Il est possible que le patron décide que la bonne marche de l’entreprise commande que la personne subordonnée soit écartée des composantes dites productrices. Il s’agit là essentiellement d’une véritable manifestation concrète de l’autorité du payeur. Le travailleur ne peut être pénalisé de s’être conformé à l’autorité à laquelle il est assujetti. L’appelant n’a pas à subir de sanctions découlant d’un choix auquel il n’a pas été associé. Quant à moi, je crois que l’appelant s’est essentiellement conformé aux ordres, directives de son employeur.

[17] Pour ces motifs, l’appel est accueilli en ce que la semaine du 18 au 25 avril constitue une semaine assurable.

Signé à Ottawa, Canada, ce 22e jour de décembre 1997.

« Alain Tardif »

J.C.C.I.

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