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Date: 19990924

Dossier: 1999-2390-IT-I

ENTRE :

JOHN MCKELVIE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Bowman, C.C.I.

[1] Les présents appels portent sur les cotisations des années d’imposition 1995, 1996 et 1997 de l’appelant. Il s’agit de savoir si l’utilisation par le ministre du Revenu national du “ prix courant conseillé par le fabricant ” dans la formule prévue à l’alinéa 67.3d) de la Loi de l’impôt sur le revenu est appropriée, étant donné que l’automobile louée est, au début de la location, un véhicule d’occasion.

[2] Au cours des années en question, l’appelant exerçait des activités commerciales comme conseiller financier. Aux fins de ses activités, il a loué une Jaguar XJ6 1992 de la société Anglo Canadian Motors (1989) Inc. Les frais de location mensuels étaient de 645,51 $ et, avec les sommes de 45,19 $ au titre de la TPS et de 38,73 $ au titre de la TVP, atteignaient un total de 729,43 $. Le contrat de location couvrait une période de 24 mois, mais a été prorogé de 12 autres mois, c’est-à-dire jusqu’au 25 juillet 1995. Le 14 août 1995, l’appelant a signé un nouveau contrat de location concernant le véhicule pour une autre période de 24 mois; les versements mensuels étaient alors de 758,52 $ plus 53,10 $ au titre de la TPS et 53,10 $ au titre de la TVP, ce qui donnait un total de 864,72 $.

[3] À la fin du deuxième contrat de location, en 1997, l’appelant a acheté le véhicule pour la somme de 17 754,36 $.

[4] Lorsqu’il a produit sa déclaration de revenus pour l’année 1995, l’appelant a déduit la somme de 9 719,82 $ au titre des coûts de location d’une automobile, soit le total des versements effectués dans cette année aux termes du contrat de location initial et du nouveau contrat de location, moins, il semble, environ 10 p. 100 pour son usage personnel. Pour l’année 1996, il a déduit la somme de 10 376 $ au titre des frais de location, moins 10 p. 100 pour son usage personnel. Pour l’année 1997, il a déduit la somme de 6 053,04 $ au titre des frais de location pour la période précédant la date d’acquisition, soit le 14 août 1997. Il a demandé une DPA après cette date, mais cette demande ne fait pas partie du litige.

[5] Le désaccord entre l’appelant et l’intimée repose principalement sur le fait que, selon l’appelant, l’utilisation, dans la formule, du prix courant conseillé par le fabricant, soit 59 900 $, est injuste étant donné qu’au début de la location, le véhicule loué est un véhicule d’occasion.

[6] L’article 67.3 impose une restriction sur le montant des frais de location qui peut être déduit dans le calcul du revenu tiré d’une entreprise. Cet article semble viser deux objectifs. Le premier est de limiter la déduction qui peut être effectuée lorsque le contribuable choisit d’utiliser une voiture de luxe dispendieuse pour exercer ses activités commerciales. À cet égard, cet article remplit la même fonction que l’alinéa 13(7)g) de la Loi dans le cas où le véhicule est acheté. Le deuxième objectif consiste à tenter de placer le locataire dans plus ou moins la même position à l’égard du véhicule loué, qu’à l’égard d’un véhicule qui lui appartiendrait. En règle générale, lorsque le véhicule est la propriété du contribuable, celui-ci tiendra compte de la déduction pour amortissement et des paiements d’intérêt, sous réserve de la limite imposée par l’alinéa 13(7)g).

[7] La limite imposée par l’article 67.3 est beaucoup plus compliquée, mais elle vise à peu près le même résultat économique au moyen de deux formules plutôt complexes. Le montant déductible est le moins élevé des montants suivants : le résultat du calcul effectué au moyen de la formule prévue à l’alinéa 67.3c) :

(A x B)-C-D-E

30

où on attribue aux lettres une valeur particulière déterminable, et le résultat du calcul effectué au moyen de la formule prévue à l’alinéa 67.3d) :

(A x B)-D-E

0,85C

où on attribue aux lettres des valeurs différentes. La formule prévue à l’alinéa 67.3c) ne nous concerne pas. Dans la présente affaire, il s’agit du chiffre le plus élevé.

[8] Dans la formule prévue à l’alinéa 67.3d) :

A représente les frais réels payables pour la location au cours de l’année;

B représente 20 000 $ ou un autre montant qui peut être fixé par règlement;

C le plus élevé de 23 529 $ (ou un montant qui peut être fixé par règlement) et le prix courant conseillé par le fabricant;

D et E tiennent compte des intérêts gagnés sur les montants remboursables et des remboursements. Ces montants n’ont aucun intérêt particulier dans la présente affaire.

[9] En l’espèce, le vrai problème se trouve en C; il est illustré par une comparaison du calcul effectué par le comptable de l’appelant et Mme Shirley M. Ladret, la vérificatrice du ministère du Revenu national.

[10] Le calcul effectué par le comptable de l’appelant est le suivant :

Coûts de location admissibles pour une voiture de tourisme

(Pour 1996)

Ligne

Inscrire le total des frais engagés pour

le véhicule en 1996 10 376,00 $ 1

Inscrire le total des versements déduits au titre de

la location du véhicule avant 1996 3 884,38 $ 2

Nombre total de jours de location du véhicule

en 1996 et au cours des années précédentes 490 3

Inscrire le prix courant conseillé par le fabricant 28 890,00 $ 4

Le plus élevé de 28 235 $ + TPS et TVQ ou 85 % du

prix courant conseillé par le fabricant 32 187,90 $ 24 556,50 $ 32 187,90 $ 5

650 $ + TPS et TVP x le nombre de jours

de location – total des frais de location (ligne 2) /30 11 973,52 $ 6

24 000 $ + TPS et TVP x le total des frais de location

divisé par la ligne 5 8 819,69 $ 7

Les coût de location admissibles équivalent au montant

le moins élevé entre la ligne 6 et la ligne 7 Coûts de location admissibles 8 819,69 $

[11] Le calcul de Mme Ladret est le suivant :

Coûts de location admissibles pour une voiture de tourisme

Inscrire le total des frais de location engagés pour

le véhicule en 1996 10 376,00 $      1

Inscrire le total des versements déduits au titre de

la location du véhicule avant 1996 31 191,69 $      2

Nombre total de jours de location du véhicule

en 1996 et au cours des années précédentes 1618      3

Inscrire le prix courant conseillé par le fabricant 59 900,00 $      4

Inscrire le plus élevé de la ligne 4 ou

(28 235 $ + TPS et TVP sur 28 235 $)

59 900x 85 % 50 915,00 $      5

[(650 $ + TPS et TVP sur 650 $) x ligne 3) – ligne 2]38 924,91 $      6

       30

[(24 000 $ + TPS et TVP sur 24 000 $ x ligne 1)]5 575,71 $      7

       ligne 5

Les coûts de location admissibles équivalent au montant le moins élevé entre la ligne 6 et la ligne 7

Ligne 7, les coûts de location admissibles s’élèvent à 5 575,71 $

[12] Plusieurs différences ressortent de ces calculs. À la ligne 2, Mme Ladret utilise tous les versements déduits au titre de la location au cours des années précédentes, depuis le début du premier contrat de location, (division 67.3c)C) et, à la ligne 3, le nombre total de jours de location du véhicule depuis le début du premier contrat de location jusqu’à la fin de la location (division 67.3c)B). Ce calcul me semble conforme à l’article 67.3. Par ailleurs, elle a utilisé le prix courant conseillé par le fabricant, soit la somme de 59 900 $, comme montant à la division C de la formule prévue à l’alinéa 67.3d). L’appelant utilise le prix de l’option (qui, selon lui, est la juste valeur marchande) à la fin du contrat de location précédent.

[13] L’appelant souligne, avec raison dans une certaine mesure, que le prix courant conseillé par le fabricant n’est pas nécessairement le prix auquel le concessionnaire vendrait l’automobile. Je suis d’accord.

[14] Cette anomalie est particulièrement manifeste dans un exemple suggéré par l’appelant.

[15] Admettons que le concessionnaire a une Honda 1999 neuve dont le prix courant conseillé par le fabricant est de 25 000 $ et dont la juste valeur marchande est de 25 000 $ ainsi qu’une Mercedes 1990 d’occasion dont le prix courant conseillé par le fabricant est de 75 000 $ et dont la juste valeur marchande est de 25 000 $. Supposons de plus que le coût de la location de chaque véhicule s’élève à 600 $ par mois. Le dénominateur dans la formule prévue par l’alinéa 67.3d) pour la Honda est de 0,85 x 25 000 $ et pour la Mercedes est de 0,85 x 75 000 $.

[16] Cet exemple est un peu exagéré et il ne devrait pas se produire trop souvent, mais il illustre bel et bien l’anomalie. En général, lorsque l’interprétation particulière d’une loi donne lieu à une anomalie ou à une absurdité, on applique le principe établi dans la décision Corporation of The City of Victoria v. Bishop of Vancouver Island, [1921] 2 A.C. 384 (C.P.). Cette affaire est habituellement citée pour illustrer la proposition selon laquelle, lorsqu’il y a deux interprétations possibles d’une loi, une qui mène à une absurdité et l’autre pas, le tribunal devrait adopter cette dernière interprétation. Le Conseil privé a également observé à la page 388 que, lorsque le libellé de la loi est clair, même s’il conduit à une absurdité, on doit lui donner effet.

[17] C’est le cas en l’espèce. Le “ prix courant conseillé par le fabricant ” désigne le prix courant passé d’un véhicule neuf; le fait qu’il s’agisse d’un véhicule d’occasion ou que sa juste valeur marchande puisse être très inférieure au prix courant conseillé par le fabricant n’est pas pertinent. Le libellé est clair et je dois lui donner effet.

[18] Les appels sont rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour de septembre 1999.

“ D. G. H. Bowman ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 5e jour de juillet 2000.

Mario Lagacé, réviseur

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