Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 19990114

Dossier: 97-739-UI

ENTRE :

STUART CAMPBELL,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

JOHN (JACK) A. ANDERSON,

intervenant.

Appel entendu le 16 décembre 1998 à Toronto (Ontario) par l'honorable juge suppléant W.E. MacLatchy

Motifs du jugement

Le juge suppléant MacLatchy, C.C.I.

[1] Le présent appel a été entendu à Toronto (Ontario) le 16 décembre 1998.

[2] L'appelant a demandé à l'intimé de régler la question suivante : John (Jack) A. Anderson, le travailleur, exerçait-il un emploi assurable au sens de la Loi sur l'assurance-chômage (la “ Loi ”) lorsqu'il était au service de l’appelant du 18 juillet 1994 au 21 décembre 1995?

[3] L'intimé a répondu à l'appelant qu'il avait été décidé que le travailleur exerçait un emploi assurable durant la période en question parce que ce dernier n'était pas le propriétaire immatriculé du véhicule et qu'il n'exploitait pas une entreprise.

[4] Toutes les parties ont convenu que la plaque d’immatriculation de taxi no 472 était délivrée au nom de l'appelant par la Corporation de la Ville de London et qu'il s'agissait d'une plaque probatoire qui ne pouvait être transférée ou louée selon les règlements de la Ville de London relatifs à la délivrance des licences. Le taxi était immatriculé au nom de l'appelant, qui exploitait une entreprise de taxis au sens de l'alinéa 12e) du Règlement sur l'assurance-chômage. Le travailleur gagnait sa vie en conduisant le taxi de l'appelant, mais il ne possédait pas de licence de la Ville de London pour diriger ou exploiter une entreprise de taxis.

[5] L'appelant a fait preuve de beaucoup de franchise dans son témoignage. Il a admis les faits suivants :

- il était le propriétaire enregistré de la plaque probatoire no 472;

- selon les règlements de la Ville de London relatifs à la délivrance des licences, il ne pouvait ni louer ni transférer la plaque d'immatriculation durant la période de probation;

- en dépit des règlements mentionnés ci-dessus, il avait loué au travailleur, sur entente verbale, non seulement la plaque d'immatriculation, mais également le véhicule qu'il possédait et utilisait comme taxi, le taximètre et l'émetteur-récepteur pour les communications avec le bureau de répartition;

- l'appelant avait signé, sans autrement compléter, les documents relatifs à l'immatriculation du véhicule et les avait donnés au travailleur; les deux parties ont reconnu qu'elles ne pouvaient pas enregistrer légalement le transfert du véhicule, car cette transaction annulerait la plaque d'immatriculation selon les règlements de la Ville de London;

- le véhicule était assuré par le travailleur, ce qui était contraire aux dits règlements;

- le travailleur était responsable de l’entretien du véhicule et du coût des services offerts par le bureau de répartition;

- l'appelant désirait que la licence du taxi demeure valide et que le taxi continue d'être utilisé jusqu'à l’expiration de la période de probation, apparemment le 31 décembre 1995, moment où la licence appartiendrait entièrement à lui;

- l'appelant savait de plus qu’il ne pourrait plus utiliser la licence pour le véhicule en question en 1996 puisque les règlements de la Ville de London précisaient qu'on ne pouvait utiliser comme taxi un véhicule de plus de 8 ans : or, le véhicule datait de 1988;

- l'appelant s'est laissé persuader de prendre sa retraite à Antigua dans les Antilles ; il serait par conséquent incapable de conduire lui-même son taxi;

- l'appelant a désigné le travailleur son mandataire qui se chargerait de la plaque pendant la période débutant le 13 novembre 1995 et terminant le 31 mars 1996, et il était entendu que le travailleur paierait les frais annuels à la Ville afin de maintenir la validité de la plaque jusqu'à l’expiration de la période de probation en 1996.

[6] Pour une raison quelconque - mésaventure, erreur ou inobservation des règlements -, les frais annuels n'ont pas été payés ; la licence a donc été suspendue et le travailleur n'a pu se servir du véhicule comme taxi.

[7] L'appelant a été contrarié de cette situation et a demandé à l'entreprise de répartition de cesser de desservir le taxi ; par conséquent, le travailleur n’a pu recevoir aucun appel l’envoyant chercher des clients et a été effectivement privé de son moyen de subsistance dans le domaine du taxi.

[8] Bien que ceci ne soit pas pertinent aux questions soulevées au cours de cette audience, on a divulgué que l'appelant avait finalement reçu une plaque d'immatriculation à son nom propre qu'il avait par la suite vendue, et que le travailleur a pu continuer à travailler comme chauffeur de taxi à la Ville de London au début de 1996.

[9] L'alinéa 12e) du Règlement sur l'assurance-chômage précise :

12. Sont inclus dans les emplois assurables, s'ils ne sont pas des emplois exclus en vertu du paragraphe 3(2) de la Loi ou d'une disposition du présent règlement, les emplois suivants :

[...]

e) l'emploi exercé par une personne à titre de chauffeur de taxi, d'autobus commercial, d'autobus scolaire ou d'un autre véhicule utilisé par une entreprise privée ou une administration publique pour le transport de passagers, lorsque cette personne n'est pas la propriétaire du véhicule ni l'exploitant, ni le patron de l'entreprise privée ou de l'administration publique [...]

[10] Il est clair que cet énoncé correspond aux circonstances de l’espèce. Le travailleur était un chauffeur de taxi et n'était pas le propriétaire ou le patron de cette entreprise. Qui était alors le propriétaire? Les faits allégués par l'appelant appuient son affirmation que, quoiqu'il était le propriétaire légitime de la plaque et du véhicule, il les avait transférés au travailleur “ sous la table ”. D’après lui, cette pratique commerciale était courante dans le domaine du taxi. Pour le monde extérieur ou les simples citoyens de London, l'appelant était toujours le propriétaire de l'entreprise. La Cour conclut que l'appelant était le propriétaire et le patron de l'entreprise de taxis, et elle n’a pas été convaincue du transfert de cette propriété au travailleur. Le fait que la plaque continue d'être valide jusqu'à la fin de la période de probation et que son vieux modèle de véhicule soit utilisé comme taxi jusqu'en 1996, moment où il serait trop vieux pour être utilisé ainsi selon les règlements de la Ville de London, convenait à l'appelant.

[11] L'appelant demeurait à Antigua et voulait limiter à rien, ou presque rien, sa responsabilité en ce qui concerne ces questions pendant qu’il était à l'extérieur du Canada. Ce plan compliqué qu'il avait conçu satisfaisait ses besoins immédiats. Il avait besoin de voir à ce que sa plaque d'immatriculation et son taxi continuent d’être utilisés jusqu'en 1996. Le projet en question atteindrait ces buts.

[12] Cette conclusion est fondée en droit, vu la décision dans l’affaire 715341 Ontario Ltd. v. M.N.R., [1993] A.C.F. no 1064, et encore davantage, celle de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Attorney General v. Skyline Cabs (1982) Ltd., [1986] A.C.F. no 335.

[13] Le paragraphe 17(1) du Règlement sur l'assurance-chômage (perception des cotisations) se lit comme suit :

Le propriétaire ou l'exploitant d'une entreprise privée ou d'un établissement public qui occupe une personne à un emploi visé à l'alinéa 12e) du Règlement sur l'assurance-chômage est réputé, aux fins de la tenue des registres, du calcul de la rémunération assurable et du paiement des cotisations aux termes de la Loi et du présent règlement, être l'employeur de toute personne qu'il occupe ainsi et dont l'emploi est inclus dans les emplois assurables en vertu dudit alinéa.

[14] Il s'ensuit que l'appelant est la bonne personne à évaluer et qu'il lui revient de retenir et de verser des cotisations d'assurance-chômage. Dans ces circonstances, le chauffeur n'est pas un entrepreneur indépendant.

[15] L'appel est rejeté et la décision du ministre est confirmée.

Signé à Toronto (Ontario) ce 14e jour de janvier 1999.

“ W.E. MacLatchy ”

J.S.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 8e jour de juillet 1999.

Stephen Balogh, réviseur

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