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Date: 19980612

Dossier: 97-16-UI

ENTRE :

GIUSEPPE SIDOTI,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifs du jugement

Le juge suppléant Porter, C.C.I.

[1] Cet appel a été entendu à Toronto (Ontario) le 23 février 1998.

[2] L'appelant interjette appel contre le règlement par lequel le ministre du Revenu national (le “ Ministre ”) a conclu, le 6 novembre 1996, que l'emploi exercé par l'appelant auprès de Bennington Construction Ltd. (la “ compagnie ”) du 15 mai 1995 au 19 janvier 1996 n'était pas un emploi assurable en vertu de la Loi sur l'assurance-chômage (ci-après appelée la “ Loi ”). Le motif énoncé à l'appui du règlement était le suivant :

[TRADUCTION]

[...] il y avait entre Bennington Construction Ltd. et vous un lien de dépendance.

[3] Les faits qui ont été établis révèlent que, pendant toute la période pertinente, l'appelant détenait 40 p. 100 des actions en circulation de la compagnie. Un compagnon de travail de l'appelant, Salvatore Natale, qui, comme le concède le Ministre, n'est pas une personne liée et qui avait conclu un contrat de travail similaire, détenait également 40 p. 100 des actions en circulation de la compagnie. Le reste des actions (20 p. 100) étaient détenues par le père de Salvatore Natale, Antonio Natale. Ces derniers étaient donc des personnes liées l'une à l'autre ainsi qu'à la compagnie.

[4] Le Ministre a décidé qu'“ en fait ”, il y avait un lien de dépendance entre l'appelant et la compagnie et que l'emploi était donc un “ emploi exclu ” en vertu de l'alinéa 3(2)c) de la Loi, c'est-à-dire qu'il ne s'agissait pas d'un emploi qui donne lieu au paiement de prestations d'assurance-chômage au moment de la cessation d'emploi. L'appelant a interjeté appel contre cette décision.

Le droit applicable

[5] Dans le régime établi en vertu de la Loi, le législateur a prévu que certains emplois seraient assurables, c'est-à-dire qu'ils donneraient lieu au versement de prestations au moment de la cessation, et que d'autres seraient des emplois “ exclus ”, soit des emplois qui, au moment de la cessation, ne donneraient pas droit à des prestations. Un arrangement conclu entre personnes traitant l'une avec l'autre comme des personnes ayant un lien de dépendance entre dans la catégorie des “ emplois exclus ”. Il est bien clair que l'objet de cette loi est d'empêcher que, dans le cadre du système, on doive verser une multitude de prestations fondées sur des contrats de travail artificiels ou fictifs.

[6] Le paragraphe 3(2) de la Loi sur l'assurance-chômage se lit en partie comme suit en anglais :

“ 3(2) Excepted employment is

...

c) subject to paragraph (d), employment where the employer and employee are not dealing with each other at arm’s length and, for the purposes of this paragraph,

(i) the question of whether persons are not dealing with each other at arm’s length shall be determined in accordance with the provisions of the Income Tax Act;...

En français, ce paragraphe se lit comme suit :

“ 3(2) Les emplois exclus sont les suivants :

[...]

c) sous réserve de l'alinéa d) [qui renvoie à des personnes et à des personnes morales liées, ce qui ne s'applique pas en l'espèce], tout emploi lorsque l'employeur et l'employé ont entre eux un lien de dépendance, pour l'application du présent alinéa :

(i) la question de savoir si des personnes ont entre elles un lien de dépendance étant déterminée en conformité avec la Loi de l'impôt sur le revenu, [...] ”

[7] L'alinéa 251(1)b) de la Loi de l'impôt sur le revenu se lit comme suit en anglais :

“ it is a question of fact whether persons not related to each other were at a particular time dealing with each other at arm’s length. ” (Les caractères gras sont de moi.)

En français, cet alinéa se lit comme suit :

“ la question de savoir si des personnes non liées entre elles n'avaient aucun lien de dépendance à un moment donné est une question de fait. ”

[8] Bien que la Loi de l'impôt sur le revenu spécifie que la question de savoir si des personnes traitaient l'une avec l'autre comme des personnes sans lien de dépendance à un moment donné est une question de fait, cette question factuelle doit être tranchée dans le cadre du droit et est en réalité une question mixte de fait et de droit; voir la décision rendue par le juge Bowman, de la C.C.I., dans l'affaire R.M.M. Canadian Enterprises et al. v. The Queen, 97 DTC 302.

[9] Le sens de l'expression “ arm's length ” (lien de dépendance) a été l'objet de nombreux examens judiciaires au Canada, aux États-Unis, au Royaume-Uni et dans d'autres pays du Commonwealth, comme l'Australie, dont les lois fiscales renferment un libellé semblable. Dans la mesure où l'expression a été utilisée dans des affaires de fiducie et de succession, cette jurisprudence n'a pas été utilisée au Canada pour l'interprétation de lois fiscales; voir la décision rendue par le juge Locke dans l'affaire M.N.R. v. Sheldon's Engineering Ltd., 55 DTC 1110.

[10] Dans l'examen de la signification de “ lien de dépendance ”, il ne faut pas perdre de vue les termes de la version anglaise de la Loi de l'impôt sur le revenu que j'ai précédemment indiqués en caractères gras, soit “ were at a particular time dealing with each other at arm's length ” (qui désignent le fait, pour des parties, de traiter l'une avec l'autre comme des personnes sans lien de dépendance à un moment donné). Comme le fait remarquer le juge Bowman, de la C.C.I., dans l'affaire R.M.M., précitée, au Canada, la jurisprudence a eu tendance à insister sur la nature de la relation plutôt que sur la nature des opérations. Je ne suis pas certain que, vu l'inclusion de ces termes dans la version anglaise de la Loi de l'impôt sur le revenu, cette approche soit nécessairement la seule qui doive être adoptée, car procéder de la sorte, c'est faire fi de ces termes plutôt pertinents auxquels une signification doit assurément être attribuée. Cette évolution tient peut-être aux situations factuelles considérées dans un certain nombre d'arrêts faisant autorité au Canada. En général, il s'agissait d'une seule personne (morale ou physique) qui contrôlait les deux parties à une opération particulière. Ainsi, bien que l'opération ait pu s'apparenter à une opération commerciale ordinaire conclue par des personnes sans lien de dépendance, en soi, cela n'a pas été suffisant pour que l'opération soit jugée comme n'entrant pas dans la catégorie des opérations conclues par des personnes ayant entre elles un lien de dépendance; voir par exemple l'affaire Swiss Bank Corporation et al. v. M.N.R., 72 DTC 6470 (C.S.C.).

[11] En fait, ce que disent ces jugements, c'est que si une personne transfère de l'argent d'une de ses poches dans l'autre, même si elle le fait d'une façon qui est compatible avec une opération commerciale ordinaire, elle traite néanmoins avec elle-même, et l'opération demeure de par sa nature une opération entre des personnes ayant entre elles un “ lien de dépendance ”.

[12] Cependant, le simple fait que ces arrêts faisant autorité comportaient de telles situations factuelles ne signifie pas que des personnes ayant habituellement un lien de dépendance ne peuvent en fait traiter l'une avec l'autre comme des personnes sans lien de dépendance, pas plus que cela ne signifie que des personnes n'ayant ordinairement aucun lien de dépendance ne pourraient de temps à autre traiter l'une avec l'autre comme des personnes ayant un lien de dépendance. Ces arrêts sont tout simplement des exemples de ce que n'est pas une relation entre des personnes sans lien de dépendance; elles ne définissent pas en termes positifs ce qu'est une opération entre des personnes sans lien de dépendance. Ainsi, au bout du compte, tous les faits doivent être pris en considération, et tous les critères ou tests pertinents énoncés dans la jurisprudence doivent être appliqués.

[13] La notion de “ lien de dépendance ” a été examinée par le juge Bonner, de la C.C.I., dans l'affaire William J. McNichol et al. v. The Queen, 97 DTC 111, dans laquelle il disait, aux pages 117 et 118 :

“ On utilise communément trois critères pour déterminer si les parties à une opération ont entre elles un lien de dépendance. Il s'agit des critères suivants :

a) l'existence d'une même personne qui dirige les négociations de deux parties à une transaction,

b) les parties à une transaction agissent de concert et n'ont pas d'intérêts distincts, et

c) le contrôle “de facto” (réel).

[...]

En second lieu, la décision que le juge Cattanach a rendue dans l'affaire M.N.R. v. T R Merritt Estate est également utile. Aux pages 5165-5166, voici ce que le juge a dit :

[TRADUCTION]

Selon moi, le principe fondamental sur lequel se fonde la présente analyse est le suivant : lorsque les négociations menées au nom de chacune des deux parties au contrat sont en fait dirigées par le même “cerveau”, on ne peut dire que les parties traitent à distance. En d'autres termes, lorsque la preuve révèle que la même personne “dictait” les “conditions de la transaction” au nom de chacune des deux parties, on ne peut dire que les parties traitaient à distance.

[...]

Enfin, il est à noter que l'existence d'une relation sans lien de dépendance est exclue si l'une des parties à l'opération en cause exerce un contrôle de fait sur l'autre. À cet égard, on peut mentionner la décision que la Cour d'appel fédérale a rendue dans l'affaire Robson Leather Company Ltd. v. M.N.R., 77 DTC 5106. ”

[14] Cette approche a également été adoptée par le juge Cullen dans l'arrêt Peter Cundill & Associates Ltd. v. The Queen, [1991] 1 C.T.C. 197, dans lequel il disait, à la page 203 :

“ La question de savoir si les parties en l'espèce n'avaient aucun lien de dépendance est une question qui doit être examinée selon les propres faits particuliers de l'affaire. ”

[15] Bon nombre de ces décisions, comme je l'ai dit, sont fondées sur la relation existant entre les parties, ce qui a été déterminé comme étant absolument concluant. On y trouve peu d'indications claires quant à la nature de l'opération ou de la transaction elle-même. Cette question a toutefois été abordée, bien succinctement, par la Cour fédérale d'Australie dans l'arrêt The Trustee for the Estate of the late AW Furse No 5 Will Trust v. FC of T, 91 ATC 4007/21 ATR 1123. En examinant des dispositions législatives de ce pays qui sont similaires aux nôtres, le juge Hill disait :

[TRADUCTION]

“ En ce qui a trait au problème en cause, il y a deux questions à trancher en vertu du paragraphe 102AG(3). La première est de savoir si les parties à la convention en question traitaient l'une avec l'autre comme des personnes sans lien de dépendance dans le cadre de cette convention. La seconde est de savoir si le montant du revenu imposable en cause est supérieur au montant mentionné dans le paragraphe comme étant le “ montant visé par le lien de dépendance ”.

On ne doit pas trancher la première des deux questions uniquement en déterminant si les parties à la convention pertinente n'avaient entre elles aucun lien de dépendance. Dans ce paragraphe, l'insistance est plutôt mise sur la question de savoir si ces parties, dans le cadre de la convention, traitaient l'une avec l'autre comme le feraient des personnes sans lien de dépendance. Le fait que les parties elles-mêmes aient un lien de dépendance ne signifie pas qu'elles ne peuvent, à l'égard d'une opération particulière, traiter l'une avec l'autre comme des personnes sans lien de dépendance. Ce qui ne veut pas dire que la relation entre les parties n'est pas pertinente par rapport à la question à trancher en vertu du paragraphe. [...] ”

[Le soulignement est de moi.]

[16] Le juge Bowman, de la C.C.I., a fait allusion à ce type de situation dans l'affaire R.M.M., précitée, à la page 311 :

“ Je ne crois pas que, dans tous les cas, du simple fait qu'une relation mandant-mandataire existe entre des personnes, ces dernières ont nécessairement entre elles un lien de dépendance au sens de la Loi. Je ne crois pas non plus que si l'on retient les services de quelqu'un pour accomplir une tâche particulière et qu'on verse à cette personne une rémunération pour fournir le service, cela veut nécessairement dire qu'une relation dans laquelle il y a un lien de dépendance est créée. Ainsi, le procureur qui représente un client dans une opération peut bien être le mandataire de celui-ci, mais je ne crois pas que cela veuille nécessairement dire que ces personnes ont entre elles un lien de dépendance.

Le concept du lien de dépendance a évolué. ”

[17] En Écosse, dans l'affaire Inland Revenue Commissioners v. Spencer-Nairn, 1991 SLT 594 (entendue devant un tribunal appelé “ court of Sessions ”), les lords juges écossais examinaient une affaire dans laquelle les parties avaient un lien de dépendance. Ils formulaient des observations favorables sur l'approche adoptée par Whiteman dans l'ouvrage intitulé Capital Gains Tax (4e éd.), dans lequel l'auteur disait que deux questions devaient être prises en considération relativement à la notion de “ lien de dépendance ”. Il s'agissait premièrement de savoir si chacune des parties avait accès à un représentant distinct ou à un représentant professionnel et deuxièmement, ce qui est peut-être plus pertinent aux fins de la situation considérée en l'espèce, si de véritables négociations ont eu lieu.

[18] Aux États-Unis, la notion de “ lien de dépendance ” a été définie comme suit dans l'affaire Campana Corporation v. Harrison (7 Circ; 1940) 114 F2d 400, 25 AFTR 648 :

[TRADUCTION]

“ Une vente sans lien de dépendance comporte l'idée d'une vente entre parties ayant des intérêts économiques contraires. ”

[19] Dans l'affaire Campbell et M.R.N. (96-2467(UI) et 96-2468(UI)), j'avais traité de ces jugements, ainsi que des principes qui y sont énoncés. J'adopte tout ce que j'avais dit dans cette affaire.

[20] En définitive, il me semble que la meilleure façon de décrire ce qu'on entend par les termes anglais “ dealing at arm's length ” (traiter avec quelqu'un comme des personnes sans lien de dépendance) est de donner un exemple. Disons que deux commerçants, deux étrangers, sur le marché qui négocient ensemble, l'un pour obtenir le meilleur prix possible pour ses produits ou services, l'autre pour avoir le plus grand nombre possible ou la meilleure qualité possible de produits ou de services; ces personnes, dirait-on, traitaient l'une avec l'autre comme des personnes sans lien de dépendance. Toutefois, si ces deux personnes, des étrangers, agissaient dans l'intérêt sous-jacent d'une aide mutuelle ou d'une façon différente de celle dont on traiterait avec un étranger ou si leur intérêt était de conclure une opération factice pour parvenir conjointement à un résultat ou obtenir d'un tiers quelque chose qu'elles n'auraient pu par ailleurs avoir sur le marché libre, ces personnes, dirait-on, ne traitaient pas l'une avec l'autre comme des personnes sans lien de dépendance.

[21] Si la relation elle-même — encore là, il faut se rappeler que la version anglaise de la Loi ne dit pas “ where they are in a non arm's length relationship ”, soit le fait, pour deux parties, d'être dans une relation où elles ont un lien de dépendance; elle dit “ where they are not dealing with each other at arm's length ”, soit le fait pour deux parties de ne pas traiter l'une avec l'autre comme des personnes sans lien de dépendance — est telle qu'une partie est sensiblement en mesure de contrôler ou d'influencer l'autre ou d'exercer un pouvoir sur l'autre ou que les deux parties ont une relation dans laquelle elles fonctionnent ou dirigent leur entreprise très étroitement, par exemple s'il s'agit d'amis, de parents ou d'associés en affaires, sans aucune preuve claire du contraire, la Cour pourrait bien conclure que les parties ne traitaient pas l'une avec l'autre comme des personnes sans lien de dépendance. Toutefois, cela ne signifie pas que les parties ne peuvent réfuter cette conclusion. On doit cependant à mon avis faire une distinction entre la relation et l'opération. Les parties qui sont dans ce qu'on pourrait appeler une “ relation où elles ont un lien de dépendance ” peuvent assurément traiter l'une avec l'autre comme des personnes sans lien de dépendance dans les circonstances appropriées, tout comme deux étrangers peuvent, dans certaines circonstances, s'associer et ainsi ne pas traiter l'une avec l'autre comme des personnes sans lien de dépendance.

[22] En définitive, s'il y a un doute dans l'interprétation à donner de ces termes, je ne puis que me fonder sur les propos tenus par Mme le juge Wilson dans l'affaire Abrahams c. Procureur général du Canada, [1983] 1 R.C.S., à la p. 10 :

“ Puisque le but général de la Loi est de procurer des prestations aux chômeurs, je préfère opter pour une interprétation libérale des dispositions relatives à la réadmissibilité aux prestations. Je crois que tout doute découlant de l'ambiguïté des textes doit se résoudre en faveur du prestataire. ”

[23] Au bout du compte, on en revient aux deux commerçants, aux deux étrangers, qui font des affaires sur le marché. La question pertinente est de savoir si le même genre d'indépendance d'esprit, d'indépendance quant aux objectifs, d'intérêts économiques contraires et de véritables négociations caractérisaient les opérations en cause, comme on pourrait s'y attendre dans cette situation commerciale. Si, sur la foi de l'ensemble de la preuve, tel est le genre d'opération ou de transaction qui a eu lieu, la Cour peut conclure que les parties traitaient l'une avec l'autre comme des personnes sans lien de dépendance. Si un de ces éléments était absent, ce serait l'inverse.

La preuve

[24] Il est reconnu que la compagnie s'occupait de construction et qu'elle construisait des murets et des trottoirs de béton, qu'il s'agissait d'une entreprise saisonnière et que l'appelant et l'autre actionnaire qui travaillait avec lui, Salvatore Natale, avaient chacun plus de 20 ans d'expérience dans ce domaine.

[25] Salvatore Natale était clairement lié à la compagnie. Son père et lui détenaient 60 p. 100 des actions en circulation. Initialement, Revenu Canada avait pris une décision contre l'appelant en se fondant sur le fait qu'il était lié à la compagnie. Il est maintenant clair que ce n'est pas le cas, comme le Ministre l'a reconnu.

[26] Lorsqu'ils ont d'abord créé la compagnie, Salvatore Natale et l'appelant détenaient chacun 50 p. 100 des actions de la compagnie, mais chacun a immédiatement transféré 10 p. 100 des actions à Antonio Natale. Ce dernier travaillait pour la compagnie comme cimentier. Il ne semble pas avoir été administrateur ou dirigeant de la compagnie et il n'avait pas grand-chose à voir avec l'exploitation de l'entreprise.

[27] Salvatore Natale et l'appelant étaient les deux administrateurs de la compagnie. L'appelant était président de la compagnie et Natale était secrétaire de la compagnie. D'autres personnes signaient peut-être de temps en temps des contrats au nom de la compagnie, mais c'étaient eux qui étaient autorisés à signer à l'égard du compte bancaire.

[28] Salvatore Natale et l'appelant dirigeaient chacun une équipe qui exécutait les travaux au nom de la compagnie. Chaque équipe était composée de sept ou huit hommes. Salvatore Natale et l'appelant embauchaient et congédiaient chacun les membres de leur propre équipe, mais la plupart des employés travaillaient pour eux depuis bien des années. Les employés touchaient le salaire déterminé par la convention collective, environ 24 à 26 $ l'heure, et ils effectuaient également les heures de travail déterminées par la convention collective.

[29] Salvatore Natale et l'appelant gagnaient chacun 1 700 $ aux deux semaines, soit environ 15 $ l'heure, c'est-à-dire beaucoup moins que les hommes qu'ils supervisaient. L'appelant a déclaré que si la compagnie avait été plus rentable, ils se seraient attribués une rémunération plus élevée. Ils ne se versaient pas de dividendes et ils avaient investi environ 70 000 $ chacun dans la compagnie au moyen de prêts consentis par des actionnaires.

[30] En 1995, leurs conjointes respectives gagnaient environ 30 000 $ chacune. La Cour ne sait pas trop combien de travail, le cas échéant, elles faisaient pour cette rémunération. Il importe de noter que chacune gagnait autant ou plus que son mari, qui effectuait un grand nombre d'heures et exécutait des travaux manuels.

Conclusion

[31] Il ressort clairement de la preuve que c'étaient l'appelant et Salvatore Natale qui, légalement et dans les faits, contrôlaient la compagnie. L'appelant et Salvatore Natale s'entendaient sur le salaire accordé à leurs conjointes et sur leur propre salaire. Les conjointes touchaient peut-être un salaire trop élevé, cela n'est pas clair, mais de toute façon, pour une raison ou une autre, l'appelant et Salvatore Natale étaient sous-payés. L'appelant et Salvatore Natale ne fixaient pas de normes à l'égard des heures de travail et ils ne tenaient pas de registre des présences comme ce serait normalement le cas. Ensemble, ils dirigeaient les activités de la compagnie. Ils en étaient l'âme dirigeante et ils se traitaient et traitaient leurs familles de la même façon. On ne laisse pas entendre qu'il y a quelque chose de mal ou d'illégal à agir comme ils l'ont fait. Ils pouvaient arranger leurs affaires comme ils l'entendaient. L'appelant est de toute évidence un travailleur acharné, et je ne doute pas de son honnêteté. Toutefois, telle n'est pas la question en litige.

[32] J'ai examiné toute la preuve qui a été présentée en l'espèce et j'estime que l'appelant ne traitait pas avec la compagnie comme s'il n'y avait pas de lien de dépendance. Il n'y avait pas réellement d'intérêts économiques contraires entre l'appelant et Salvatore Natale d'une part et la compagnie d'autre part. L'entente, dans son ensemble, ne semblait pas découler de véritables négociations, en particulier s'il est tenu compte de la situation des conjointes. Je me demande pourquoi l'appelant et Salvatore Natale auraient versé autant d'argent à leurs conjointes tout en touchant un salaire inférieur à celui de leurs employés. Je ne crois pas que les commerçants dont j'ai parlé précédemment auraient conclu ce genre d'entente sur le marché libre. À mon avis, l'appelant et Salvatore Natale considéraient en réalité la compagnie comme s'il s'agissait d'eux-mêmes et ils ne faisaient pas de distinction entre leurs propres affaires et celles de la compagnie. L'appel doit donc être rejeté.

[33] Par conséquent, l'appel est rejeté et la décision du Ministre est confirmée.

Signé à Calgary (Alberta) ce 12e jour de juin 1998.

“ Michael H. Porter ”

J.S.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 16e jour de décembre 1998.

Mario Lagacé, réviseur

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