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Date: 19971124

Dossier: 96-1621-UI

ENTRE :

HECTOR ST-LAURENT,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifs du jugement

Le juge suppléant Prévost, C.C.I.

[1] Cet appel a été entendu à Rimouski (Québec), le 27 octobre 1997.

[2] Il s'agit d'un appel d'une décision du ministre du Revenu national (le “ Ministre ”), en date du 1er août 1996 déterminant que l'emploi de l'appelant chez 92481 Canada Ltée, propriétaire du Bon-Bois Enr., (la “payeuse ”), du 2 août au 29 octobre 1993, du 1er août au 28 octobre 1994 et du 7 août au 10 novembre 1995 n'était pas assurable parce qu'il n'était pas exercé en vertu d'un contrat de louage de services.

[3] Le paragraphe 5 de la Réponse à l'avis d'appel se lit ainsi :

“ 5. En rendant sa décision, l'intimé, le ministre du Revenu national, s'est basé, inter alia, sur les faits suivants :

a) Le payeur exploite depuis le 12 juillet 1989 une entreprise se spécialisant dans la coupe et la vente de bois de chauffage. (A)

b) Le payeur achète du bois pleine longueur et le coupe avant de le vendre au détail comme bois de chauffage. (ASAP)

c) M. Réal St-Laurent, frère de l'appelant était le seul actionnaire du payeur depuis juin 1979, compagnie inopérante depuis 1984. (A)

d) En 1989, M. Réal St-Laurent cédait prétendument ses actions aux membres de sa famille car l'appelant voulait poursuivre son entreprise personnelle de coupe de vois en s'incorporant. (NC)

e) L'appelant exploitait son entreprise depuis 6 ou 7 ans sous la raison sociale de “ Bon Bois Enr. ” et le 30 juin 1989, lors d'une réunion des prétendus actionnaires du payeur, on décidait de débuter les activités du payeur le 12 juillet 1989 sous la raison sociale de “ Bon Bois Enr. ” enregistrée personnellement au nom de l'appelant. (NC)

f) Lors de la reprise des activités du payeur, les présumés actionnaires étaient :

- Jean-Pierre St-Laurent, fils de l'appelant, avec 26 % des actions.

- L'appelant avec 25 % des actions.

- Réal St-Laurent, frère de l'appelant, avec 10 % des actions.

- Nicole Ouellet, belle-soeur de l'appelant, avec 15 % des actions.

- Réjeanne Lavoie, conjointe de fait de l'appelant, avec 14 % des actions.

- Guylaine St-Laurent, fille de l'appelant avec 10 % des actions.

* Le payeur aurait prétendument émis 100 actions d'une valeur nominale de 10 $; l'appelant est le seul actionnaire à avoir payé ses actions. (N)

g) Durant les années en litige, le payeur aurait eu les activités suivantes :

En 1993, il aurait acheté du bois à la scierie “ Bégin & Bégin ” et aurait vendu du bois coupé en 1992.

En 1994, il aurait fait de la coupe de bois sur les terrains privés de l'appelant et aurait vendu du bois coupé en 1993.

En 1995, il aurait acheté du bois à la scierie “ Bégin & Bégin ”, il aurait fait de la coupe de bois sur les terrains privés de l'appelant et aurait vendu du bois coupé en 1994. (NC)

h) L'appelant est le seul actionnaire qui a travaillé durant toute la durée des périodes en litige soit 13 semaines en 1993, 13 semaines en 1994 et 14 semaines en 1995. (NTQR)

i) Le seul autre actionnaire qui aurait aidé occasionnellement l'appelant durant ces périodes est M. Réal St-Laurent qui aurait travaillé pendant 6 semaines en 1993, 6 semaines en 1994 et 9 semaines en 1995. (N)

j) L'appelant prenait toutes les décisions concernant les opérations du payeur; il décidait du début et de la fin de l'exploitation, il déterminait où et quand il achetait et coupait le bois, il décidait de l'embauche et du congédiement et s'occupait des livraisons. (N)

k) L'appelant était le seul à encourir tous les risques d'exploitation du payeur; il est le seul à avoir garanti la marge de crédit de 25 000 $ du payeur et à avoir cautionné personnellement 2 emprunts de 6 500 $ faits par le payeur. (N)

l) En 1989, à la reprise des activités du payeur avec ses prétendus actionnaires, l'appelant a transféré une débusqueuse qu'il possédait personnellement au nom du payeur; ce dernier devait lui rembourser les paiements qu'il avait déjà effectués pour l'achat de celle-ci, mais rien n'a été fait à ce jour. (N)

m) Durant les périodes en litige, l'appelant aurait reçu une rémunération hebdomadaire fixe de 546 $ en 1993, 396 $ en 1994 et de 442 $ en 1995. (NTQR)

n) Aucun des prétendus actionnaires du payeur n'exerçait de quelconque contrôle sur le travail de l'appelant. (NC)

o) L'appelant rendait des services en dehors des périodes en litige. ”(N)

[4] Dans le texte qui précède de la Réponse à l'avis d'appel, la Cour a indiqué ainsi, entre parenthèses, après chaque sous-paragraphe, les commentaires du procureur de l'appelant à l'ouverture de l'audience.

(A) = admis

(ASAP) = admis sauf à parfaire

(NC) = nié catégoriquement

(NTQR) = nié tel que rédigé

(N) = nié

La preuve de l'appelant

Selon son témoignage

[5] Il a déjà oeuvré dans le bois de chauffage mais par après il s'est acheté deux hôtels et il les a opérés un certain temps.

[6] La récession est arrivée, il a dû faire faillite et il est subséquemment retourné à la forêt.

[7] Ses frères avaient une entreprise de blanchiment de bâtiments de ferme et de coupe de bois mais ils ne l'administraient pas à son goût et ça n'allait pas bien d'ailleurs.

[8] La payeuse a alors été utilisée car pour avoir des permis de coupe de plus de 10 cordes de bois il faut être en compagnie.

[9] Son frère Réal ne s'était d'ailleurs pas servi de “ sa ” compagnie depuis quelques années et c'est lui qui a continué à l'opérer.

[10] Ça coûtait d'ailleurs moins cher que de “ partir ” une nouvelle corporation.

[11] Son frère Réal a alors transféré ses parts dans la payeuse et il a eu en retour 10 % des actions de la compagnie ainsi réorganisée.

[12] Il avait alors de grands projets et voulait même se lancer dans le bois marchand : il a ainsi fait transférer la raison sociale “ Bon Bois Enr. ” qu'il détenait personnellement (pièce I-1) à la payeuse (pièce I-2).

[13] Toutefois les territoires de coupes de bois ont été redistribués et la payeuse a perdu complètement ses droits de coupe.

[14] Le commerce du bois de chauffage se fait sur une courte période à chaque année, du mois de juillet à la fin de novembre, soit environ 12 à 15 semaines par année : sa mise en marché n'est pas facile car il y a beaucoup de concurrence avec ce résultat que la payeuse restait avec des surplus à chaque année.

[15] Avec tous les commerces qu'il a opérés, il a bien fait sa part pour la société.

[16] Au cours des années en litige, la payeuse engageait deux ou trois employés en plus de son frère Réal et de lui-même.

[17] Dans le bois de chauffage les disponibilités d'argent sont rares et il faut toujours se débrouiller.

[18] Sa conjointe de fait, Réjeanne Lavoie, répondait au téléphone et recevait les commandes de bois de chauffage mais elle n'était pas sur la liste de paie et n'était d'ailleurs pas rémunérée; le même numéro de téléphone servait pour la payeuse et leur résidence personnelle.

[19] Sa belle-soeur Nicole Ouellet, l'épouse de son frère Réal, faisait bien la tenue des livres “ jusqu'à leur envoi au comptable ” mais elle n'était pas rémunérée non plus.

[20] Son fils Jean-Pierre, un technicien en génie civil, avait de la compétence en administration et il voulait aller de l'avant : il avait d'ailleurs déjà oeuvré avec lui dans le bois.

[21] Quand il est revenu dans ce métier les techniques avaient changé mais, lui, il a continué à utiliser les anciennes méthodes, à savoir la débusqueuse et la scie mécanique.

[22] Sa fille Guylaine oeuvre aussi pour la payeuse mais elle n'est pas rémunérée non plus : elle tient le livre de minutes.

[23] Le commerce du bois de chauffage, c'est beaucoup plus de travail que d'argent.

[24] Si la payeuse va bien un jour “ on pourra rémunérer tous les bénévoles qui ont oeuvré à son service ”.

[25] Son frère Réal travaille surtout au sciage : l'an dernier, il a pu “ faire ” 12 semaines de travail mais cette année, il en a moins “ fait ” : il travaille seulement quand il a besoin de lui.

[26] Lui, l'appelant, il fait surtout la livraison.

[27] Il y a des réunions des actionnaires de la payeuse mais la plupart du temps c'est son fils Jean-Pierre, Nicole et lui qui prennent la plupart des décisions, Réal en étant toutefois informé.

[28] Même si le sous-paragraphe g) précité a été nié catégoriquement par son procureur, son dernier alinéa est vrai.

[29] Même si le sous-paragraphe k) a été ainsi nié, il est bien vrai que le gérant de la Caisse populaire locale était son ami et qu'il l'avait amené à garantir par hypothèque sur son chalet la marge de crédit de la payeuse pour 25 000 $; il est bien possible aussi qu'il ait cautionné personnellement à cette institution deux emprunts de 6 500 $ chacun faits par la payeuse.

[30] Eu égard au sous-paragraphe l) la débusqueuse a été payée en partie par la payeuse et en partie par lui qui avait versé à son achat un acompte de l'ordre de quelques milliers de dollars.

[31] En ce qui concerne le sous-paragraphe m), il aurait pu recevoir, il est vrai, un plus gros salaire mais la payeuse n'aurait pu l'absorber et au surplus sa condition physique ne lui permettait pas d'en faire plus.

[32] Dans un tel commerce les gens veulent leur bois de chauffage surtout le samedi et il faut s'organiser en conséquence pour les bien servir.

[33] Son père est mort lorsqu'il avait seulement 15 ans et il a connu la grosse misère : aujourd'hui “ le monde est plus gâté ”; il a toujours été honnête, il a payé ses cotisations et il a droit à ses prestations d'assurance-chômage.

[34] Il a dû annuler une police d'assurance et retirer ses R.E.E.R. pour survivre et sa conjointe aussi d'ailleurs.

[35] En 1996, il a travaillé au moins 15 semaines et en 1997, de 15 à 17 semaines.

[36] C'est le 25 avril 1988 qu'il a enregistré Bon Bois Enr. et le 18 août 1989 qu'il l'a transféré à la payeuse; celle-ci a d'ailleurs son siège social à son domicile.

[37] Son fils Jean-Pierre travaille à l'extérieur et sa femme aussi : c'est en conséquence plutôt rare que les clients appelaient chez eux.

[38] La documentation de la payeuse est tenue à sa résidence mais il peut aussi arriver qu'il y en ait “ en traitement ” chez Nicole Ouellet.

[39] Il est vraiment le seul qui a payé ses actions dans la payeuse.

[40] Dans les états financiers de la payeuse (pièce I-3) il peut être lu que pour l'année terminée le 31 juillet 1995, 100 actions avaient été émises mais que seulement 25 actions à 10 $ avaient été payées et qu'il restait à recevoir 75 actions à 10 $. Le solde aurait pu facilement être éliminé en assemblée vu les nombreux services rendus, mais les papiers corporatifs ne sont pas parfaits, la payeuse n'ayant pas les moyens de faire appel à de véritables professionnels pour sa tenue de livres.

[41] C'est aux termes d'un cautionnement hypothécaire notarié (pièce I-4) qu'il a cautionné la payeuse et s'il a dû le faire c'est que les “ autres ” n'avaient pas assez d'équité pour y arriver; c'est aussi parce qu'il fallait absolument acheter du bois pour pouvoir en vendre ensuite.

[42] Dans sa famille il y eut à un moment donné quatre frères dans l'hôtellerie mais dans la même année ils ont tous dû fermer leurs portes vu la grande récession.

[43] Le 15 février 1995 il a dû cautionner à nouveau (pièce I-5) la payeuse jusqu'à concurrence de 6 500 $ pour l'achat d'un camion toujours à la demande du gérant de la Caisse populaire qui voulait encore des valeurs en garantie de sa part.

[44] Pour pouvoir bénéficier des prestations d'assurance-chômage lors de ses mises à pied, il lui fallait des périodes complètes de travail, mais en dehors des périodes en litige il lui arrivait de temps en temps de faire une livraison et de répondre au téléphone à l'année longue même s'il n'était pas rémunéré; il pouvait ainsi oeuvrer bénévolement pour la payeuse quelques heures par mois.

[45] Pour ce qui est de la débusqueuse il n'a pas été remboursé par la payeuse des versements qu'il a faits après son achat; les scies mécaniques utilisées par lui au service de la payeuse lui appartenaient bien en propre.

[46] Le rendement est faible dans le commerce du bois de chauffage car si une corde devrait se vendre 55 $, il faut souvent la sacrifier à 45 $ étant donné la concurrence terrible dans ce commerce.

[47] Il était bien propriétaire de terrains à bois mais lorsque son bois était coupé les profits allaient à la payeuse et il ne recevait aucune compensation.

[48] S'il choisissait les employés à embaucher c'était seulement à cause de sa vaste expérience dans le domaine.

[49] Il a bien signé une déclaration statutaire (pièce I-6) le 20 octobre 1995. Il peut y être lu (p. 1) : “ ...En 1994 j'ai fait de la coupe de bois sur mes terrains privés à St-Guy et de la vente de bois de l'année 1993. En 1995 j'ai fait l'achat de bois à la scierie Bégin & Bégin et de la coupe de bois sur mes terrains privés à St-Guy et de la vente de bois de l'année 1994 ” et (p. 2) “ C'est moi qui contrôle la période d'entrée au travail des employés et qui leur dit quoi faire au travail ... c'est moi qui supervise la bonne marche de l'entreprise ”.

[50] Pour la gouverne de l'entreprise il discute cependant avec son fils Jean-Pierre qui en est d'ailleurs le président.

[51] Confronté avec une liasse de factures adressées à lui-même ou à la payeuse (pièce I-7) il voit bien que la première date du 31 juillet 1994, que les huit suivantes datent de novembre 1994 et que la neuvième date du 7 décembre 1994, à l'extérieur des périodes en litige; il explique que s'il a ainsi acheté de l'essence, c'était pour aller faire des livraisons sans rémunération cependant.

[52] Confronté ensuite avec une liasse de dépôts de la payeuse (pièce I-8) il voit bien que le 9 septembre 1993 celle-ci a déposé un chèque émanant de lui au montant de 3 000 $; il explique qu'il a dû alors investir cette somme parce que la marge de crédit de l'entreprise “ n'arrivait pas ”.

[53] Quant au bordereau du 3 septembre 1993 montrant comme dépôt un chèque de 1 800 $ avec la mention “ Hector St-Laurent ” c'est peut être parce qu'un client avait fait le chèque à son nom au lieu de celui de la payeuse et qu'il l'a endossé ensuite en faveur de celle-ci aux fins de dépôt.

[54] Si dans sa demande de prestations d'assurance-chômage (pièce I-9) suite à la première période en litige il a répondu “ Non ” à la question 41 se lisant ainsi : “ Êtes-vous uni à l'un ou l'autre de vos employeurs par des liens de parenté, de mariage (ou union de fait) ou d'adoption ”, c'est parce que la question est ambiguë car on ne peut être parent avec une compagnie : il ne s'est cependant pas informé avant de répondre ainsi et il ne peut vraiment dire que c'est une bonne réponse.

[55] Dans sa demande pour de telles prestations (pièce I-10) suite à la dernière période en litige il a bien répondu qu'il n'avait pas de relations d'affaires avec son employeur alors que dans la précédente (pièce I-9) il avait répondu par l'affirmative.

[56] Les autres employés de la payeuse qui oeuvrent au sciage du bois fournissent aussi leurs scies mécaniques.

[57] Son salaire est généralement fixé une à deux semaines avant le début des opérations et par après il ne varie plus pour le reste de la saison.

[58] En 1993 et en 1994 la payeuse a utilisé son bois dans une proportion de 20 % et en 1995 de 40 %.

[59] Le terrain appartenant à la payeuse a une façade de 206 pieds et une profondeur de 900 pieds.

Selon Jean-Pierre St-Laurent

[60] C'est bien lui qui est le président de la payeuse.

[61] S'il s'y est intéressé avec les autres, c'est qu'ils avaient des projets d'obtenir des coupes de bois mais les lois et les règlements ont été modifiés et ces projets n'ont pu se réaliser; au départ, ils avaient même l'intention d'aller dans le bois de sciage.

[62] Il avait des problèmes où il travaillait et il voulait aussi de cette manière sécuriser son emploi; tout récemment, ils ont même discuté d'un projet d'érablière.

[63] Il s'occupe de l'administration, des décisions techniques et des travaux à réaliser sur les équipements.

[64] Le conseil d'administration se réunit deux fois par année, une fois avant les travaux et une autre fois vers la fin de ceux-ci; pour le reste, les décisions se prennent par appels téléphoniques ou par de brèves rencontres.

[65] Les administrateurs décident du début des travaux mais il s'agit d'une décision plus naturelle qu'humaine étant donné les caprices de la température.

[66] Les achats d'équipement “ viennent ” évidemment suivant les besoins.

[67] Lui, il n'a pas eu à endosser la payeuse car la Caisse populaire décidait qui devait le faire et c'était toujours évidemment le plus solvable qui écopait.

[68] C'est Nicole Ouellet qui préparait généralement les chèques de la payeuse mais c'est lui qui les signait la majorité du temps.

[69] L'assemblée générale annuelle a lieu en novembre chaque année.

[70] Il est possible que la payeuse n'ait pas encore remboursé intégralement son père pour les versements qu'il avait faits personnellement lors de l'achat de la débusqueuse.

[71] Le chiffre d'affaires de l'entreprise est de 25 000 $ à 28 000 $ à chaque année et des bénéfices il n'y en a vraiment pas : la scierie Bégin & Bégin est le principal fournisseur de bois de la payeuse.

[72] Il n'a pas payé ses actions en argent mais par sa participation à certains travaux dans l'entreprise.

[73] Il a bien signé une déclaration statutaire (pièce I-11) le 19 décembre 1995.

[74] S'il y est écrit (p. 1) que “ l'entreprise consiste à acheter du bois en longueur ... de différents fournisseurs ”, maintenant c'est Bégin & Bégin qui en est le principal fournisseur.

[75] S'il y est écrit aussi (p. 1) que “ le lieu de travail de l'entreprise est situé ... sur le terrain privé de son père Hector ”, c'est une erreur car ce terrain appartient bien à la compagnie payeuse.

[76] Il peut aussi y être lu (p. 2) “ ... c'est mon père ... qui s'occupe du bon fonctionnement de l'entreprise ... Pour l'embauche des employés c'est mon père qui s'en occupe ainsi que de la durée du travail ... Hector St-Laurent s'occupe un peu de tout ... C'est moi qui signe les relevés d'emploi et c'est mon père qui complète les relevés ... ”

[77] Son père n'a pas donné la débusqueuse à la payeuse car celle-ci a fait des paiements à l'institution financière qui l'avait financée au départ.

[78] Il ne se rappelle cependant pas du solde dû par son père à cette institution lorsqu'il a transféré à la compagnie cette pièce d'équipement.

Selon Nicole Ouellet

[79] Elle est secrétaire, elle détient bien 15 % des actions de la payeuse et elle les a obtenues à titre gratuit à condition de s'occuper de la tenue des livres trois à quatre heures par mois et elle y a vu.

[80] Elle “ fait ” le livre de paies, l'appelant fait les chèques et elle “ fait ” les relevés d'emploi.

[81] À ce stade de l'enquête le procureur de l'appelant produit de consentement sous les cotes :

A-1 : les livres de paies de la payeuse pour les années en litige et qui établissent bien les salaires mentionnés au sous-paragraphe m) précité;

A-2 : les certificats d'actions de la payeuse et qui concordent bien avec la nomenclature faite au sous-paragraphe f) précité;

A-3 : le certificat de constitution de la payeuse et,

A-4 : en liasse diverses résolutions de la payeuse dont une en date du 30 juin 1989 à l'effet que la partie payée par l'appelant sur la débusqueuse lui soit remboursée lorsque la compagnie pourra le faire seulement.

Selon l'appelant en preuve additionnelle

[82] Au départ, il croyait vraiment n'avoir endossé que pour 25 000 $ mais après avoir vu la pièce I-5 il a bien réalisé qu'il avait alors endossé pour une autre somme de 6 500 $.

[83] À bien y penser il y a très probablement eu un autre endossement de sa part pour une somme additionnelle de 6 500 $.

La plaidoirie du procureur de l'appelant

[84] Son client aura 65 ans bientôt.

[85] Si le chapeau corporatif a été utile c'est qu'il fallait être une compagnie pour pouvoir obtenir des permis de coupe de bois de plus de 10 cordes.

[86] Même le gouvernement du Québec engage des occasionnels en été et d'autres en hiver de manière à les qualifier aux prestations d'assurance-chômage.

[87] Il n'y a rien de parfait dans l'organisation corporative de la payeuse et si tout l'était d'ailleurs l'audience n'aurait vraiment pas été nécessaire.

[88] Si tout était parfait au surplus on pourrait dire que c'est délibéré.

[89] Son client peut être l'âme dirigeante de la payeuse mais il a toujours été de bonne foi : il est le seul à avoir la compétence spécifique pour agir à titre de directeur général et rien n'empêche d'ailleurs un tel officier à avoir droit à des prestations d'assurance-chômage.

[90] La payeuse n'est pas une compagnie bidon; elle a des états financiers, elle tient ses assemblées d'actionnaires et administrateurs et son registre des certificats d'actions est bien tenu.

[91] Si l'appelant a dû endosser la payeuse, c'est parce que la Caisse populaire l'exigeait; si la compagnie coupait du bois sur ses terres sans le rémunérer, ce n'était pas un gros cadeau car il fallait le faire pour régénérer la forêt.

[92] L'appelant a contribué à la création d'emplois et tous les employés de la payeuse n'ont pas “ fait ” le nombre minimum de semaines pour se qualifier aux prestations d'assurance-chômage.

[93] Après les périodes en litige son client a cessé de cotiser à l'assurance-chômage mais il fait pourtant le même travail qu'au préalable.

[94] Dans sa Réponse à l'avis d'appel l'intimé utilise les mots “ présumés ” ou “ prétendument ” lorsque les faits rapportés par son client ne font pas son affaire.

[95] L'appelant n'est pas présumé actionnaire, il l'est vraiment.

[96] Il est permis d'acquérir des actions en rendant des services à une corporation.

[97] Rien de délibéré n'a été fait pour qualifier l'appelant aux prestations et il les mérite bien d'ailleurs.

La plaidoirie du procureur de l'intimé

[98] Il n'a jamais prétendu qu'il s'agissait d'une compagnie bidon, mais dans les faits elle était contrôlée entièrement et exclusivement par l'appelant.

[99] Il avait d'ailleurs enregistré sa raison sociale avant de la transférer à la payeuse.

[100] Aux termes des états financiers, il est encore dû 750 $ sur les actions de la payeuse.

[101] L'article 25 de la Loi sur les sociétés par actions se lit ainsi :

“ 25. (1) [Émissions d'actions] Sous réserve des statuts, des règlements administratifs et de toute convention unanime des actionnaires et de l'article 28, les administrateurs peuvent déterminer la date des émissions d'actions, les personnes qui peuvent souscrire et l'apport qu'elles doivent fournir.

(2) [Limite de responsabilité] L'émission d'une action est libératoire quant à l'apport exigible de son détenteur.

(3)) [Contrepartie] Les actions ne peuvent être émises avant d'avoir été entièrement libérées soit en numéraire, soit en biens ou en services rendus dont la juste valeur ne peut être inférieure à la somme d'argent que la société recevrait si la libération devait se faire en numéraire.

(4) [Idem] Pour établir la juste équivalence entre un apport en biens ou en services rendus et un apport en numéraire, les administrateurs peuvent tenir compte des frais normaux de constitution et de réorganisation, ainsi que des bénéfices qu'entend normalement en tirer la société.

(5) [Définition de “ biens”] Pour l'application du présent article, “ biens ” ne comprend ni le billet à ordre ni la promesse de paiement. ”

et son alinéa 3 n'a pas été respecté : on aurait pu faire, il est vrai, une résolution de régularisation mais on ne l'a pas fait.

[102] Dans In The Matter of Javelin International Limitée : Michel Robert, requérant c. Suzanne Hillier, intimée, et Frederick H. Sparling and Melvin c. Zwaig, (1988) R.J.Q. 1846, l'honorable juge John H. Gomery de la Cour supérieure écrit (p. 1853) : “ The issuance of the shares for an inadequate consideration made them a nullity, and the certificates in Respondent's possession are worthless pieces of paper. ”

[103] Il n'y a pas de preuve que le versement initial fait par l'appelant sur la débusqueuse lui a été remboursé par la payeuse.

[104] Les cautionnements fournis par l'appelant au soutien de la payeuse, 25 000 $, 6 500$ et 6 500 $, sont considérables et il est d'ailleurs le seul à en avoir fournis.

[105] Les factures (pièce I-7) font bien voir que l'appelant fait du bénévolat à l'extérieur des périodes en litige; dans les faits, il reçoit des téléphones et fait de la livraison de bois de chauffage à longueur d'année.

[106] Il fournit à titre gratuit du bois à la payeuse et il lui fait ainsi un gros cadeau.

[107] Lorsque l'intimé doute des informations données par l'appelant, il utilise, il est vrai, les mots “ prétendument ” ou “ présumés ” mais il n'y a pas de mal à cela.

[108] Au sous-paragraphe f) précité, le mot “ présumés ” a été utilisé car même en 1995 les actions des autres actionnaires n'avaient pas encore été payées.

[109] Au sous-paragraphe j), l'appelant a bien admis à l'audience que c'est lui qui embauchait et congédiait le personnel; au surplus, dans sa déclaration statutaire (pièce I-11) Jean-Pierre St-Laurent dit que c'est l'appelant qui s'occupait du bon fonctionnement de l'entreprise.

[110] Il est évident que la payeuse ne pouvait exister sans l'appelant et pour décider il faut regarder l'ensemble des faits.

[111] Dans Carmelo Scalia et M.R.N. (A-222-93), l'honorable juge Marceau écrit pour la Cour d'appel fédérale (p. 2) :

“ À l'analyse de la preuve, cependant, on constate que le requérant avait sur la compagnie, sur ses activités, sur les décisions de son bureau de direction composé de lui-même, de son neveu et de sa belle-soeur, un ascendant tel qu'entre lui-même et la compagnie ne pouvait exister ce rapport d'indépendance nécessaire à la création d'un véritable lien de subordination. ”

Selon le procureur de l'appelant en réplique

[112] Il est à se demander s'il y eut vente d'actions par Réal St-Laurent aux autres actionnaires ou émission de nouvelles actions par le trésor lorsque la payeuse a été restructurée.

[113] Un directeur général peut avoir du contrôle sur les employés et pour le surplus il y avait des réunions du conseil d'administration.

Le délibéré

[114] La preuve dont l'appelant avait le fardeau ne révèle pas avec précision de quelle manière Réal St-Laurent a cédé ses actions aux autres actionnaires, mais pour décider ci-après la Cour retiendra seulement que sur papier l'appelant avait 25 % des actions.

[115] Il est évident que l'appelant a voulu continuer son entreprise sous chapeau corporatif mais avec la même raison sociale et que les autres actionnaires n'ont pas payé leurs actions.

[116] Même si le sous-paragraphe h) est nié tel que rédigé, il semble bien que c'est ainsi que les choses se sont passées.

[117] Le sous-paragraphe i) est nié, mais il n'y a aucune preuve à l'encontre.

[118] Le sous-paragraphe j) est aussi nié, mais l'ensemble de la preuve est à l'effet qu'il contient bien la vérité.

[119] Le sous-paragraphe k) est nié, mais en cours d'audience l'appelant l'a admis volontiers.

[120] Eu égard au sous-paragraphe l) aucune preuve n'a été faite que l'appelant a été remboursé pour les paiements qu'il avait faits sur la débusqueuse et au surplus la résolution précitée fait bien voir que ce remboursement aurait lieu seulement lorsque la compagnie pourrait le faire.

[121] Le sous-paragraphe m) est nié, mais les livres de paies confirment bien ce qui y est écrit.

[122] Le sous-paragraphe n) est aussi nié, mais aucune preuve n'a été faite que les autres actionnaires avaient un contrôle quelconque sur le travail de l'appelant.

[123] Même si le sous-paragraphe o) est nié il est amplement prouvé que l'appelant rendait à la payeuse des services en dehors des périodes en litige.

[124] Il est malheureux que l'appelant et ses frères n'aient pas réussi dans l'hôtellerie, mais ce n'est évidemment pas ce que la Cour a à décider pour conclure ci-après.

[125] Les buts visés au départ par l'appelant et les siens importent peu car c'est l'ensemble de la véritable opération qui doit être examinée pour dire si l'emploi était assurable ou non.

[126] Il est évident que le commerce du bois de chauffage ne se fait pas à l'année longue et que suivant la preuve non contredite il y a beaucoup de concurrence dans ce domaine où les disponibilités d'argent sont rares et où il y a peu de profit à réaliser.

[127] L'appelant a paru à la Cour un brave type qui a fait sa part pour la société, entre autres, en créant des emplois, mais encore là ce n'est pas ce qu'il y à déterminer pour trancher ci-après.

[128] Le travail de Réjeanne Lavoie, de Nicole Ouellet, de Guylaine St-Laurent, de Jean-Pierre St-Laurent et de Réal St-Laurent n'est pas en cause et il n'y a pas lieu d'élaborer là-dessus.

[129] Il y eut certes des réunions des actionnaires et des administrateurs de la payeuse mais comme dans Scalia l'appelant avait un ascendant tel qu'entre lui-même et la compagnie ne pouvait exister ce rapport d'indépendance nécessaire à la création d'un véritable lien de subordination.

[130] Les cautionnements faits par l'appelant seul au bénéfice de la payeuse font bien voir aussi qu'il était vraiment le maître à bord.

[131] Les circonstances du transfert de la débusqueuse démontrent également qu'il en était bien ainsi.

[132] Le salaire de l'appelant dans ces circonstances est sans intérêt pour la solution du présent litige.

[133] Le fait de payer des cotisations n'entraîne pas automatiquement le droit de percevoir des prestations d'assurance-chômage car il faut que l'emploi soit assurable pour y avoir droit et en l'instance il ne l'est pas du tout.

[134] Les emplois de l'appelant après les périodes en litige sont sans importance pour le dispositif ci-après.

[135] Le bénévolat de l'appelant au service de la payeuse en dehors des périodes en litige fait bien voir que son emploi n'était pas exercé en vertu d'un véritable contrat de louage de services.

[136] Il donnait son bois à la payeuse et même s'il ne valait peut-être pas cher, il s'agissait quand même d'un don.

[137] Jean-Pierre St-Laurent ne peut vraiment diriger l'entreprise car il ne sait même pas combien celle-ci peut encore devoir à son père suite au transfert de la débusqueuse.

[138] Les factures (pièce I-7) prouvent bien que l'appelant oeuvre à l'année longue pour le compte de la payeuse.

[139] Un véritable salarié n'avancerait d'ailleurs pas 3 000 $ à son employeure dans l'attente de sa marge de crédit.

[140] L'explication de l'appelant quant au dépôt du 3 septembre 1993 au montant de 1 800 $ n'est pas certaine et au surplus, est-il nécessaire de le répéter, c'est lui qui avait le fardeau de la preuve.

[141] L'appelant a bien raison de ne pas croire que sa réponse à la question 41 de la pièce I-9 était appropriée.

[142] Ses réponses à une autre question dans les pièces I-9 et I-10 démontrent bien le peu de respect qu'il avait pour la Loi sur l'assurance-chômage.

[143] Il est normal que les employés fournissent leurs scies mécaniques dans le bois et il n'y a pas de conclusion à tirer là-dessus.

[144] La propriété par la payeuse d'un terrain de 206 pieds par 900 pieds ne rend évidemment pas à elle seule l'emploi de l'appelant assurable.

[145] La possibilité pour la payeuse d'avoir une érablière n'est pas chose faite et au surplus elle n'a pas pris naissance au cours des périodes en litige.

[146] Le témoignage de Jean-Pierre St-Laurent fait bien voir qu'il n'est peu ou pas au courant des activités de la payeuse même s'il en est, sur papier, le président.

[147] L'appelant vieillit, il est vrai, mais il en est d'ailleurs de même pour tout le monde.

[148] Si l'appelant n'avait pas utilisé le chapeau corporatif il n'aurait certes pas même eu la possibilité de se qualifier aux prestations d'assurance-chômage.

[149] Il peut y avoir, il est vrai, des emplois occasionnels mais pour que leurs titulaires puissent être admissibles aux prestations il faut vraiment qu'ils soient assurables et en l'instance l'emploi concerné ne l'est pas.

[150] L'organisation corporative de la payeuse est là, il est vrai, mais elle ne permet pas de rendre l'emploi concerné assurable.

[151] La bonne foi de l'appelant n'est aucunement mise en doute et la payeuse n'est pas une compagnie bidon.

[152] Les semaines faites par les autres employés de la payeuse sont sans intérêt pour la solution de l'affaire sous étude.

[153] Après les périodes en litige l'appelant a bien réalisé qu'il n'était pas admissible aux prestations d'assurance-chômage et il a en conséquence cessé d'en payer les cotisations.

[154] Les autres actionnaires de la payeuse ne sont pas en règle car ils n'ont pas acquitté leurs actions avant leur émission contrairement à l'article 25 précité de la Loi sur les sociétés par actions et au jugement dans Javelin.

[155] Il n'y a pas de mal pour l'intimé à utiliser les mots “ présumés ” ou “ prétendument ” lorsqu'il doute des informations à lui fournies par l'appelant.

[156] L'appel doit donc être rejeté et la décision entreprise confirmée.

“ A. Prévost ”

J.S.C.C.I.

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