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Date: 19991112

Dossiers: 98-802-IT-G; 98-948-GST-I

ENTRE :

BRUCE T. MARTINUZZI,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Rip, C.C.I.

[1] Bruce Martinuzzi a interjeté deux appels devant notre cour : un sous le régime de la procédure générale, à l'encontre d'une cotisation d'impôt sur le revenu pour 1995, l'autre sous le régime de la procédure informelle, à l'encontre d'une cotisation établie en vertu de la partie IX de la Loi sur la taxe d'accise (la “ LTA ”). Les deux cotisations découlent de la même opération.

[2] M. Martinuzzi avait acheté un terrain en mai 1994 et y avait construit une résidence. Lui et son épouse avaient emménagé dans la résidence en octobre 1994, puis, en juin 1995, ils avaient vendu ce bien. M. Martinuzzi avait rempli sa déclaration d'impôt sur le revenu pour 1995 en se fondant sur le fait que le produit de la vente du bien était exonéré d'impôt parce que la résidence était sa résidence principale : alinéa 40(2)b) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la “ LIR ”). Il avait en outre demandé relativement à sa résidence un remboursement pour habitations neuves en vertu du paragraphe 256(6) de la LTA.

[3] Le ministre du Revenu national (le “ ministre ”) a établi une cotisation à l'égard de M. Martinuzzi en vertu des dispositions de la LIR pour 1995 en se fondant sur le fait que M. Martinuzzi exploitait une entreprise consistant à vendre des maisons et que le produit de la vente du bien était un revenu. Pour une raison semblable, le ministre a refusé le remboursement pour habitations neuves demandé par M. Martinuzzi. La cotisation établie en vertu de la LTA était une cotisation de taxe, avec intérêts et pénalité, sur la vente de la résidence, le ministre considérant que la vente n'était pas exonérée de la taxe sur les produits et services (“ TPS ”); le ministre a toutefois accordé à M. Martinuzzi un crédit de taxe sur les intrants relativement à l'opération.

[4] Avant et pendant 1995, M. Martinuzzi travaillait pour un fournisseur de systèmes d'armature pour immeubles commerciaux, et c'est ainsi qu'il avait appris à connaître M. Frank Silvestri. Il avait en outre été un locataire de M. Silvestri. Une des sociétés de M. Silvestri, la 897551 Ontario Ltd., avait subdivisé en lots un terrain du secteur Port Arthur de Thunder Bay (Ontario) et, en 1994, avait commencé à commercialiser les lots. M. Silvestri a témoigné qu'il avait “ brossé un beau tableau ” du secteur pour convaincre M. Martinuzzi d'acheter un lot. M. Silvestri a dit qu'il avait fait à l'appelant “ un baratin commercial ” selon lequel tout était “ rose ”. M. Silvestri savait que M. Martinuzzi était sur le point de se marier et il l'avait convaincu d'acheter un lot moyennant un petit acompte. Apparemment, aucun lot n'avait encore été vendu. M. Silvestri a dit qu'il avait montré à M. Martinuzzi des plans du lotissement et qu'il espérait que “ les choses seraient faites à temps et conformément aux plans).

[5] Lorsque M. Martinuzzi s'était pour la première fois entretenu avec M. Silvestri au sujet de l'achat du lot, il devait se marier à la fin de septembre 1994. Lui et sa fiancée avaient examiné les plans du lotissement et avaient convenu d'acheter un des lots en pointe de tarte les plus profonds, soit un lot situé sur Vintage Crescent (le “ bien de Vintage Crescent ”), à un prix de 60 000 $. M. Martinuzzi avait versé 5 500 $ comptant, et le solde du prix d'achat, 54 000 $, était garanti par une hypothèque en faveur du vendeur. L'opération s'est conclue le 3 mai 1994.

[6] Un dénommé Michael Cupello avait agi comme avocat pour M. Martinuzzi et pour le vendeur. Apparemment, M. Cupello n'avait informé l'appelant d'aucun problème potentiel, juridique ou autre, concernant le bien de Vintage Crescent.

[7] Lorsqu'il avait acheté le lot, M. Martinuzzi s'était rendu compte que le “ lotissement n'avait pas encore reçu l'approbation finale ” des autorités municipales, mais il ne s'était pas rendu compte qu'il ne pourrait commencer immédiatement la construction de la maison. Toutefois, il “ connaissait des gens ” à l'hôtel de ville et avait communiqué avec eux. La construction de la maison avait commencé en juin 1994 et s'était terminée à la fin de septembre 1994. M. Martinuzzi avait emménagé un jour après son mariage, le 1er octobre 1994. L'intérieur de la maison était alors peint, et lui et sa fiancée y avaient installé le mobilier et les appareils ménagers.

[8] M. Martinuzzi avait construit la maison avec des parents et des amis, se faisant notamment aider par M. John Michelli, un entrepreneur, et le fils de ce dernier. (L'appelant a dit qu'il avait surtout fait fonction de “ coursier ”.) L'appelant n'a pas payé M. Michelli pour les services que ce dernier avait fournis. M. Michelli était un ami de la famille, savait que M. Martinuzzi se mariait et voulait aider, a dit M. Martinuzzi.

[9] M. et Mme Martinuzzi ont vécu sur Vintage Crescent jusqu'au 2 août 1995, date à laquelle ils ont vendu le bien, à un prix de 187 500 $. Le bien avait été mis en vente (service interagences) en janvier 1995. M. Martinuzzi avait signé un contrat d'achat à l'égard d'une autre propriété le 23 juin 1995.

[10] M. Martinuzzi a dit que, au cours des trois premiers mois où il avait vécu dans le lotissement, il avait commencé à remarquer qu'il se produisait des “ choses ” qui n'étaient pas censées arriver d'après ce que M. Silvestri lui avait dit. Il était “ déçu ” du lotissement; ce n'était pas ce que M. Silvestri lui avait décrit. Les bordures ainsi que les lampadaires, par exemple, n'avaient pas été installés à la date à laquelle M. Silvestri avait dit qu'ils le seraient. M. Martinuzzi pensait que le lotissement aurait été plus “ chic ”. Les maisons situées sur certains des autres lots n'étaient pas “ haut de gamme ”. Les lots étaient “ raboteux ” et en désordre. Les maisons en construction sur d'autres lots étaient plus petites que la sienne. C'était des maisons carrées, rudimentaires et “ hideuses ”. La maison de l'appelant avait une superficie d'environ 1 500 pieds carrés; les maisons voisines étaient des maisons d'environ 1 200 pieds carrés. M. Silvestri lui avait dit que la superficie moyenne des maisons serait d'environ 1 400 pieds carrés. Le lotissement “ avait l'air d'un dépotoir ”. Un des employés de M. Silvestri avait construit une maison sur un des lots et gardait de vieilles voitures le long de la maison. M. Martinuzzi n'était pas content.

[11] Le zonage du lotissement, d'après l'appelant, prévoyait la construction de maisons unifamiliales. Toutefois, un certain temps après que M. Martinuzzi eut acheté le bien, M. Silvestri l'avait informé de la possibilité que des habitations bon marché soient construites dans une partie du lotissement.

[12] M. Silvestri a reconnu que, lorsque l'appelant avait acquis le bien, il restait beaucoup de travail à faire dans le lotissement, qui n'avait pas encore reçu l'approbation finale de la municipalité. Il restait notamment à asphalter les rues et à installer des bordures ainsi que des lampadaires.

[13] Ce lotissement était le premier de M. Silvestri et, “ les premières années, une foule de choses n'ont pas marché ”. L'avocat de l'appelant a demandé à M. Silvestri quelle partie de la situation qu'il avait “ dépeinte en rose ” à l'appelant était vraie et quelle partie ne l'était pas. M. Silvestri a répondu qu'il croyait que ce serait tout “ rose ”, mais l'appelant “ avait connu la partie qui ne s'était pas réalisée ”. Le travail a fini par se faire, a-t-il dit, mais pas conformément à l'échéancier initial.

[14] M. Silvestri a dit qu'il pensait convertir une partie du lotissement en un “ système de condos ”, soit des logements à loyer modique ou des habitations subventionnées par l'État. Il prévoyait qu'une proportion de 25 p. 100 du lotissement serait consacrée à des habitations à prix abordable. Cela nécessitait l'approbation de la ville de Thunder Bay. M. Silvestri s'était rendu compte qu'il serait difficile de vendre des lots devant accueillir des maisons de 160 000 $ s'il y avait à un pâté de maisons de là des habitations subventionnées. “ Les gens déménagent s'ils ne sont pas contents ”. Il a dit que l'appelant n'avait pas demandé s'il y aurait des habitations subventionnées dans le lotissement et que lui-même n'en avait pas parlé.

[15] Au cours du contre-interrogatoire, M. Martinuzzi a nié que le bien de Vintage Crescent ait été à vendre avant la première chute de neige à l'automne 1994. Il a bel et bien confirmé que, durant la construction de la maison de Vintage Crescent, il avait mis un écriteau “ À vendre ” sur la propriété. Il a expliqué qu'il essayait de vendre un camion et qu'il avait mis sur la propriété l'écriteau “ À vendre ”, qui concernait le camion, parce qu'il était fâché du fait que, à mesure que progressait la construction de la maison, les promesses de M. Silvestri n'étaient pas tenues. L'écriteau était resté sur la propriété plusieurs semaines. Il a dit qu'une fois sa colère passée, il avait retiré l'écriteau. Il insistait sur le fait que l'écriteau était une “ blague ”.

[16] M. Martinuzzi a dit qu'il n'avait jamais montré la maison de Vintage Crescent en vue de la vendre durant la construction. Des personnes demandaient à la voir pendant la construction, et il le leur permettait. Au début, il était fier de la maison, puis il était devenu mécontent, car trop de personnes demandaient à voir la maison. Avant que les fenêtres et les portes ne soient installées, les gens étaient libres d'aller et venir à leur guise. M. Martinuzzi a dit qu'il n'avait jamais autorisé un agent immobilier ou qui que ce soit d'autre à montrer la maison en vue de la vendre.

[17] C'est en novembre 1997 que l'appelant avait pour la première fois parlé à Mme Diane Lee, agente des appels de Revenu Canada, au sujet de l'écriteau “ À vendre ” mis sur la propriété de Vintage Crescent. Mme Lee a témoigné que l'appelant lui avait dit qu'il voulait au début mettre le bien en vente à 192 000 $ et que, toutefois, le prix effectivement demandé avait été de 189 900 $.

[18] Dans son avis d'opposition, l'appelant disait : “ Nous avons même baissé notre prix plus d'une fois, simplement pour pouvoir partir de là le plus vite possible ”. En fait, M. Martinuzzi n'a jamais “ baissé ” le prix demandé, mais il a bel et bien présenté des contre-propositions à l'égard de plusieurs offres d'achat que lui avait soumises M. Belluz, son agent.

[19] Après avoir vendu le bien de Vintage Crescent, l'appelant et son épouse ont loué une maison plus petite “ de l'autre côté de la ville ”. Le 23 juin 1995, l'appelant a consenti à acheter un lot sur Falconcrest Drive, dans le secteur Fort William de Thunder Bay, à un prix de 45 000 $; le vendeur devait prendre une hypothèque de 39 999 $. La construction de la maison a commencé à la fin de septembre 1995, et l'appelant et son épouse ont emménagé en janvier 1996. M. Martinuzzi a dit que ce terrain était situé dans un lotissement plus beau et presque entièrement bâti. “ Nous savions dans quoi nous nous engagions ”, a-t-il dit.

[20] La maison de Falconcrest Drive a été construite “ comme nous le voulions ”, a dit l'appelant. C'était une maison plus haut de gamme, une maison de 2 000 pieds carrés avec garage. Encore là, la maison a été construite par des membres de la famille et des amis de M. Martinuzzi. M. Michelli s'est rendu sur place “ à quelques reprises ”.

[21] Le 10 avril 1996, l'appelant a mis en vente le bien de Falconcrest Drive (le “ bien de Falconcrest Drive ”), à un prix de 234 900 $. L'inspection finale de l'immeuble n'avait pas encore eu lieu. M. Martinuzzi a expliqué que, durant la construction, “ de nombreux agents immobiliers se présentaient ” et demandaient à ce que la vente de la maison leur soit confiée. “ Une foule de personnes me harcelaient. ” Il a communiqué avec M. Anthony Belluz, l'agent immobilier qui avait vendu le bien de Vintage Crescent. L'appelant et M. Belluz s'étaient connus à l'école. M. Belluz a dit à M. Martinuzzi qu'il était fréquent que des agents immobiliers essaient de dénicher une inscription pour avoir une commission. M. Martinuzzi a accepté que la maison soit mise en vente par l'intermédiaire de M. Belluz le 16 avril 1996. Ces deux personnes ont témoigné qu'une inscription réduisait les risques que d'autres agents immobiliers harcèlent l'appelant. Si un autre agent se présentait, M. Martinuzzi lui disait simplement que le bien était déjà inscrit auprès d'un agent. L'inscription confiée à M. Belluz était une inscription exclusive. D'après M. Martinuzzi, cela voulait dire qu'il n'entendait pas sérieusement vendre et qu'il voulait simplement qu'on le laisse tranquille. L'appelant a témoigné que M. Belluz “ n'avait jamais montré la maison à qui que ce soit ”, car elle n'était pas à vendre.

[22] M. Belluz a déclaré que M. Martinuzzi lui avait dit : “ Si je dois vendre [le bien de Falconcrest Drive], je veux que tu la vendes pour moi ”. M. Belluz a dit : “ Nous sondions le marché ”; d'après M. Belluz, lui et l'appelant voulaient voir s'il y aurait des offres sérieuses.

[23] L'appelant a dit que, à l'époque où il avait acquis le bien de Falconcrest Drive, il cherchait également une propriété pour son père dans le même lotissement. Lui et son père avaient convenu qu'une fois la maison de l'appelant construite, une maison serait construite pour le père. La raison pour laquelle l'appelant voulait que sa maison soit construite en premier tenait au fait que lui et son épouse étaient locataires à cette époque. Le père de l'appelant avait accepté d'attendre. M. Martinuzzi s'était entretenu avec le promoteur du lotissement au sujet de l'intérêt de son père ainsi que de leurs projets. D'après l'appelant, le directeur du promoteur avait accepté de ne pas vendre le lot intéressant le père tant que ce dernier ne serait pas prêt à acheter. Le second lot n'a jamais été acheté, car le père de l'appelant est décédé en octobre 1996. L'appelant a dit que le lot avait été remis en vente lorsque le promoteur avait appris le décès du père.

[24] On n'a jamais consigné par écrit que le père ou encore l'appelant avait une option ou un droit d'achat à l'égard du second lot. D'après l'appelant, il n'y avait qu'une entente verbale entre lui et le directeur du promoteur.

[25] M. Martinuzzi a reconnu que M. Belluz avait fait paraître dans le journal local des annonces comportant une photo du bien de Falconcrest Drive. M. Martinuzzi a dit que M. Belluz n'était pas intéressé à vendre le bien, mais utilisait la photo comme outil de vente pour une maison semblable, que M. Martinuzzi était en train de construire dans le lotissement.

[26] M. Martinuzzi a déclaré qu'il avait reçu diverses offres non sollicitées à l'égard du bien de Falconcrest Drive, y compris une offre de 234 000 $. Il avait refusé toutes les offres. Il avait dit à Mme Lee qu'il vendrait ce bien s'il pouvait obtenir “ une grosse somme ”. Les offres “ piquaient ma curiosité ”, a-t-il déclaré. La maison avait été mise en vente par l'intermédiaire de M. Belluz à un prix de 234 900 $.

[27] L'appelant a retiré du marché le bien de Falconcrest Drive après que Mme Carol Voth, vérificatrice de Revenu Canada, l'eut informé que Revenu Canada était en train d'examiner sa déclaration d'impôt sur le revenu pour 1995. Il “ n'avait pas poursuivi l'affaire ”. Mme Voth a témoigné qu'elle s'était entretenue avec M. Martinuzzi le 27 mai 1996, puis le 9 avril 1997. À leur dernière réunion, M. Martinuzzi lui avait dit que l'écriteau “ À vendre ” mis sur la propriété était une “ blague ”.

[28] Au moment du décès de son père, M. Martinuzzi et son épouse avaient emménagé dans le bien de Falconcrest Drive. En avril 1996, M. Martinuzzi avait commencé à déblayer le terrain prévu pour son père. Lorsque son père est décédé, le lot était “ raisonnablement ” déblayé.

[29] Durant la construction du bien de Vintage Crescent, M. Silvestri avait montré ce bien à au moins un autre couple. Il a dit qu'il avait montré la maison non pas pour la vendre, mais pour permettre à un couple de comparer la maison de l'appelant avec une maison semblable, qui était également en construction. Il a nié avoir dit au couple que la maison pouvait être peinte de couleurs de leur choix ou qu'un mur pouvait être abattu. M. Silvestri a dit qu'il n'avait lui-même jamais construit de maisons pour revente. Il réunit des terrains, les subdivise en lots et vend les lots non bâtis.

[30] Cheryl Yamashita, soit la dame qui, avec son conjoint, s'était fait montrer le bien de Vintage Crescent par M. Silvestri, a témoigné qu'elle avait vu cette maison en juin 1995, pendant que la maison était en construction. Elle a dit qu'elle et son conjoint de fait avaient rencontré M. Silvestri à un café-restaurant. Son conjoint et M. Silvestri se connaissaient. M. Silvestri leur avait parlé du lotissement, ainsi que d'une maison en construction, et avait offert de leur montrer la maison. Il s'agissait de la maison que l'appelant était en train de construire. Mme Yamashita a dit qu'elle croyait comprendre que M. Silvestri “ vendait ” la maison. Il y avait des aspects de la maison qu'elle n'aimait pas, et M. Silvestri avait dit qu'il pourrait apporter divers changements, selon ce qu'elle souhaitait. Au procès, elle a dit qu'elle ne savait pas si M. Silvestri parlait de la maison qu'il était en train de lui montrer ou d'une autre maison. Au bout du compte, Mme Yamashita et son conjoint ont acheté une autre maison sur Vintage Crescent, soit une maison semblable à celle de M. Martinuzzi.

[31] Au cours du contre-interrogatoire, M. Silvestri a nié avoir déjà mis dans le lotissement une pancarte disant que les ventes de lots n'étaient pas assujetties à la TPS. Il a dit toutefois qu'il offrait de payer la TPS sur la vente d'un lot. Mme Yamashita a témoigné qu'il leur avait dit, à elle et son conjoint, qu'ils n'auraient pas à payer de TPS sur la maison qu'ils achèteraient. Comme la maison avait été occupée, aucune TPS n'était exigible, a-t-il expliqué. Mme Yamashita croyait comprendre que M. Silvestri obtiendrait un permis d'occupation à l'égard de la maison. En d'autres termes, il alléguerait que quelqu'un vivait là avant que la vente ait lieu, et aucune TPS ne serait exigible. Mme Yamashita ne pouvait dire avec certitude si la maison devant être occupée, puis vendue, était la maison de l'appelant ou une autre maison en construction à cette époque.

[32] Mme Yamashita et son conjoint ont fini par acheter une maison complètement achevée, au 105, Vintage Crescent. Cette maison était semblable au bien de Vintage Crescent. Mme Yamashita croit avoir vu le vendeur de la maison une fois; il était en train de travailler comme ouvrier à l'une des maisons en construction dans le lotissement. Elle a également dit que M. Silvestri les avait emmenés voir environ quatre maisons dans le lotissement avant qu'ils acceptent d'acheter la maison qu'ils ont achetée.

[33] Aucune TPS n'a été payée par Mme Yamashita ou son conjoint quand ils ont acheté la maison du 105, Vintage Crescent. Mme Yamashita a dit que l'homme qui avait construit la maison avait “ censément, mais pas réellement, vécu là ”.

[34] Selon Mme Yamashita, le bien de Vintage Crescent était situé dans un “ beau quartier ”. Le secteur était paisible, et les gens étaient gentils. Elle a dit que la maison qu'elle avait achetée avait à peu près la même superficie que d'autres maisons du secteur, mais elle a bel et bien admis qu'elle n'est pas bon juge en matière de superficie. Mme Yamashita a dit que le lotissement était propre, mais pas très avancé. Elle a en outre reconnu que des matériaux de construction traînaient dans diverses parties du quartier.

[35] M. Silvestri a dit qu'il essayait de créer de l'activité dans le lotissement parce que “ les affaires étaient au point mort ”. Il n'entendait pas vendre la maison de l'appelant quand il la montrait à Mme Yamashita.

[36] M. Belluz a dit que l'appelant lui avait demandé de vendre le bien de Vintage Crescent parce que Mme Martinuzzi, son épouse depuis peu, n'aimait pas le secteur Port Arthur de la ville de Thunder Bay. Elle voulait vivre dans le secteur Fort William. Mme Martinuzzi, a dit M. Belluz, travaillait jusqu'au soir, et il n'y avait pas de lampadaires, de trottoirs ni de bordures, ce qui faisait que c'était dangereux pour elle de longer la rue en rentrant à la maison.

[37] Le bien de Vintage Crescent a été mis en vente trois mois seulement après que la maison fut achevée. La maison était à vendre durant la construction; pour ce qui est du bien de Falconcrest Drive, il a également été mis en vente trois mois seulement après que la maison fut achevée, et l'appelant avait un intérêt dans un deuxième terrain du lotissement. Mme Voth a reconnu que l'appelant n'avait pas par le passé acheté et revendu des maisons et qu'il n'avait pas personnellement fait visiter le bien de Vintage Crescent.

[38] L'avocat de M. Martinuzzi a fait valoir très habilement que le produit que son client avait obtenu de la vente du bien de Vintage Crescent correspondait à la vente de la résidence principale de M. Martinuzzi et était donc exonéré d'impôt. En acquérant la maison construite sur ce terrain, M. Martinuzzi avait droit à un remboursement pour habitations neuves en vertu de la LTA, a ajouté l'avocat de M. Martinuzzi.

[39] Je ne saurais être d'accord avec l'avocat. Tout d'abord, le témoignage de l'appelant me fait problème. Il y a certaines choses que l'appelant a dites au procès ou qu'il avait écrites dans son avis d'opposition et qui, considérées isolément, pourraient peut-être jouer en sa faveur, mais qui, considérées ensemble, me font douter du témoignage que l'appelant a présenté. Je ne crois pas que l'installation d'un écriteau “ À vendre ” sur la propriété durant la construction était une “ blague ”. À qui l'appelant essayait-il de faire une blague? “ Nous avons baissé notre prix plus d'une fois ”, écrivait-il dans son avis d'opposition, mais, en fait, il ne l'a jamais baissé; il a simplement présenté des contre-propositions à l'égard de certaines offres d'achat que son agent lui avait soumises.

[40] Je ne crois pas non plus que M. Martinuzzi ait pensé un seul instant que la construction d'une maison, d'abord dans un nouveau quartier, puis dans un quartier établi, n'attirerait pas les curieux. Comme il l'a témoigné, la maison qui était en construction, sur Vintage Crescent à tout le moins, était supérieure aux autres maisons du lotissement, et les acheteurs potentiels de terrains de lotissement ont tendance à visiter les maisons en construction. Je ne suis pas non plus en accord avec l'appelant quand il dit qu'il avait mis en vente le bien de Falconcrest Drive parce qu'il était harcelé par des personnes voulant voir la maison.

[41] M. Martinuzzi a témoigné qu'à l'époque de la conclusion de l'opération relative au bien de Vintage Crescent, il ignorait qu'il ne pourrait immédiatement entreprendre la construction de la maison et n'était au courant d'aucun problème potentiel quant à ce bien. M. Michael Cupello avait agi comme avocat pour M. Martinuzzi dans l'achat de ce bien; M. Cupello avait également agi comme avocat pour le vendeur. Ultérieurement, lorsque M. Martinuzzi a acquis le bien de Falconcrest Drive, M. Cupello a de nouveau agi pour lui comme avocat. M. Cupello ne l'a-t-il pas avisé de problèmes possibles? Pour accepter le témoignage de M. Martinuzzi, je devrais conclure que M. Cupello n'avait pas avisé l'appelant de quelque problème que ce soit concernant le bien de Vintage Crescent, alors que, d'après l'appelant, il y avait au moins un problème majeur : il ne pouvait immédiatement construire sa maison. Même après qu'il eut exprimé des difficultés relativement au bien de Vintage Crescent, il a retenu les services de M. Cupello pour que ce dernier agisse pour lui dans l'achat subséquent. M. Cupello n'a pas témoigné au procès.

[42] Sur la foi de la preuve dont j'ai été saisi, je considère que M. Martinuzzi avait à l'esprit, à l'époque de l'acquisition du bien de Vintage Crescent, la possibilité de revendre comme motif le poussant à faire cette acquisition[1]. Il se peut bien que lui et son épouse aient eu l'intention d'habiter là et, en fait, la résidence située sur ce lot a été leur seule résidence à l'époque où ils habitaient là. Le coût de construction, pour M. Martinuzzi, a été relativement faible, et le lot était lourdement hypothéqué; ce bien était mûr pour une revente, et M. Martinuzzi s'était rendu compte du potentiel de vente lorsqu'il avait entrepris le projet. Je ne suis pas convaincu que M. Martinuzzi ait acquis le lot seulement dans l'intention de construire une résidence pour lui et son épouse ou que cela ait été le seul motif le poussant à faire cette acquisition.

[43] À mon avis, le produit de la disposition du bien de Vintage Crescent est attribuable à un projet à risques ou à une affaire de caractère commercial; l'achat d'un lot non bâti, la construction d'un immeuble d'habitation sur ce lot et la vente du bien sont des éléments qui étaient tous prévus à l'époque de l'acquisition du bien par l'appelant. Le bien de Vintage Crescent n'était pas un bien en immobilisation pour l'appelant.

[44] Le produit de la vente du bien de Vintage Crescent doit donc être inclus dans le revenu de l'appelant pour 1995 conformément à l'article 3 et au paragraphe 9(1) de la LIR.

[45] La définition de “ constructeur ” figurant au paragraphe 123(1) de la LTA est libellée comme suit :

“ constructeur ” [...] d'un immeuble d'habitation [...]

N'est pas un constructeur :

f) le particulier visé aux alinéas a) [...] qui, en dehors du cadre d'une entreprise, d'un projet à risques ou d'une affaire de caractère commercial :

(i) soit construit [...] l'immeuble d'habitation [...]

[46] Bien que seule l'intention secondaire de l'appelant ait été de construire une maison pour la revendre à profit et que son intention première ait été de vivre dans cette maison, l'appelant entre dans le cadre de la définition de “ constructeur ”. L'appelant s'était lancé dans une entreprise ou dans un projet à risques ou une affaire de caractère commercial. Le motif qui le poussait à acquérir le lot de Vintage Crescent et à y construire une maison était la perspective de les revendre à profit. L'appelant était un constructeur au sens de l'alinéa 123(1)f) de la LTA[2].

[47] Le fait que le principal but de M. Martinuzzi ait été de vivre dans la maison qu'il avait construite sur Vintage Crescent ne signifie pas qu'il a construit cette maison pour l'utiliser comme “ résidence habituelle ” pour lui et son épouse, de sorte que cela lui donnerait droit à un remboursement pour habitations neuves en vertu des dispositions du paragraphe 256(2) de la LTA. Lorsque la maison est à la fois une maison destinée à la revente et devant servir de résidence, elle n'est pas considérée comme une maison devant servir de résidence habituelle[3].

[48] Les appels sont rejetés. L'intimée aura droit à ses frais pour ce qui est de l'appel contre la cotisation d'impôt sur le revenu.

Signé à Ottawa, Canada, ce 12e jour de novembre 1999.

“ Gerald J. Rip ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 28e jour de juillet 2000.

Benoît Charron, réviseur



[1] Racine et al. v. M.N.R., 65 DTC 5098, à la p. 5103, juge Noël (titre qu'il portait alors).

[2] Genge v. M.N.R., [1996] G.S.T.C., juge en chef adjoint Christie, C.C.I., et Raj (P.) v. M.N.R., [1998] G.S.T.C. 61.

[3] Voir, par exemple : Burrows v. M.N.R., [1998] G.S.T.C. 78, Lacina v. M.N.R., [1996] G.S.T.C. 11, conf. par [1997] G.S.T.C. 69 (C.A.F.), et Nagra v. M.N.R., [1997] G.S.T.C. 78. Voir aussi les observations relatives à ces jugements dans les G.S.T.C.

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