Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 19990108

Dossier: 97-2864-IT-G

ENTRE :

GENERAL MOTORS ACCEPTANCE CORPORATION

DU CANADA LIMITÉE,

requérante/appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs de l'ordonnance

Le juge Bell, C.C.I.

[1] La requérante a présenté une requête afin d'obtenir, conformément aux paragraphes 93(3) et (4) des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale) (les « Règles » ), une ordonnance contraignant l'intimée à libérer M. Donald Frattaroli ( « M. Frattaroli » ) ou, subsidiairement, M. Robert L. Coker ( « M. Coker » ) pour qu'ils soient interrogés au préalable au nom de l'intimée.

[2] Les paragraphes 93(3) et (4) sont libellés dans les termes suivants :

(3) Lorsque la Couronne est la partie interrogée, le sous-procureur général du Canada doit choisir un officier, un fonctionnaire ou un employé bien informé qui sera interrogé en son nom; toutefois, si la partie interrogatrice n'est pas satisfaite de cette personne, elle peut demander à la Cour de nommer une autre personne.

(4) Si un dirigeant, un administrateur ou un employé d'une personne morale ou de la Couronne a été interrogé, aucun autre ne peut l'être sans l'autorisation de la Cour.

[3] Le paragraphe 93(2) des Règles, qui traite de l'interrogatoire, porte que :

(2) Lorsque la partie interrogée n'est pas une personne physique ou la Couronne, elle doit choisir un dirigeant, un administrateur, un membre ou un employé bien informé qui sera interrogé en son nom; toutefois, si la partie interrogatrice n'est pas satisfaite de cette personne, elle peut demander à la Cour de nommer une autre personne.

[4] Les motifs de la requête énoncés dans l'avis de requête de la requérante sont les suivants :

[TRADUCTION]

il y a entre les parties un litige très important au sujet du fondement des nouvelles cotisations en cause;

Mme Susan Miyazaki, nommée par l'intimée aux fins de l'interrogatoire préalable tenu le 18 septembre et les 7, 8 et 9 octobre 1998, n'était pas suffisamment informée sur le fondement des nouvelles cotisations en cause;

MM. Donald Frattaroli et Robert L. Coker ont joué un rôle primordial dans l'établissement des nouvelles cotisations en cause.

[5] La transcription de l'interrogatoire préalable révèle que la représentante, Susan Miyazaki ( « Mme Miyazaki » ), comptable agréée, nommée par l'intimée pour être interrogée, a discuté avec neuf employés de Revenu Canada[1], dont Robert L. Coker ( « M. Coker » ) et Donald Frattaroli ( « M. Frattaroli » ), en préparation de l'interrogatoire préalable.

[6] Les avocats ont posé 1 588 questions au cours des quatre jours qu'a duré l'interrogatoire. Approximativement 159 questions ont donné lieu à des engagements. Essentiellement, il semble y avoir 92 engagements, dont un certain nombre sont généraux ou se rapportent, par exemple, à des questions de procédure. Parmi ces engagements, il semble que les réponses à cinq des questions ressortissaient à la connaissance particulière de M. Coker, que les réponses à dix d'entre elles relevaient de la connaissance particulière de M. Frattaroli, et que les réponses à neuf questions relevaient de la connaissance soit de M. Frattaroli soit de M. Coker. Ces engagements se rapportaient pour la plupart à des activités mettant en cause M. Coker ou M. Frattaroli ou le Comité des RGAÉ[2]. Soixante-huit engagements se rapportaient à l'examen de documents, à la production de documents, à des tentatives de trouver des documents, à certaines politiques et procédures, à la nécessité de parler à des personnes désignées, aux membres du Comité des RGAÉ, pour ne nommer que ceux-là. Il semble que si M. Coker ou M. Frattaroli étaient interrogés, ils devraient, à l'égard de ces questions, fournir les mêmes efforts que Mme Miyazaki.

[7] L'avocat de l'appelante a dit de Mme Miyazaki qu'elle était « manifestement mal informée » . Il a qualifié certaines explications de l'intimée de « manifestement nébuleuses » . Il a dit de l'intimée qu'elle n'était « manifestement pas en mesure de répondre aux questions pour lesquelles elle aurait dû être préparée » . Il affirme en outre que toute personne « à moitié préparée » aurait su que l'appelante aurait cherché à savoir si certaines hypothèses avaient été faites.

[8] Dans son EXPOSÉ DES ARGUMENTS, l'appelante indique que le procureur-général adjoint :

[TRADUCTION]

fait valoir que les montants en cause sont à juste titre inclus dans le revenu de l'appelante conformément, notamment, aux alinéas 12(1)c) et 12(1)x) et au paragraphe 56(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu [...] et il allègue que le ministre a fait certaines hypothèses de fait sur lesquelles repose l'application de ces dispositions législatives. Par conséquent, la personne que la Couronne a nommée peut à juste titre être interrogée au préalable sur la question de savoir si les hypothèses ont effectivement été faites et sur les circonstances et les faits particuliers qui ont mené à ces hypothèses.

[9] L'avocat a soutenu que Mme Miyazaki avait été incapable de répondre aux questions sur ces hypothèses. Il y a cependant un certain nombre de réponses qui ont été acceptées par l'avocat de l'appelante sans qu'il n'ait cherché à obtenir ces réponses à l'aide de questions qui auraient pu donner lieu à des engagements et à des réponses. Il ne fait aucun doute que les réponses données par l'avocat de l'intimée à certaines questions n'étaient pas claires. Cependant, dans un tel cas, la solution consiste à continuer de poser des questions, lesquelles peuvent entraîner des engagements et des réponses. L'omission de donner des réponses appropriées sur ces engagements permettrait d'étayer une demande de la nature de celle dont je suis saisi.

[10] L'avocat de l'appelante a également fait valoir qu'un interrogatoire préalable ne devait pas entraîner une quantité telle d'engagements qu'il se transforme en simple questionnaire. Il s'est plaint de l'incapacité de la personne nommée à répondre à des questions se rapportant aux dispositions législatives mentionnées précédemment, dont il avait été question au cours d'une réunion et dans une note de service manuscrite de Revenu Canada intitulée « GMAC - ÉVITEMENT DE L'IMPÔT 1989 ET 1990 » . Il est précisé à la fin de cette note qu'elle a été « préparée à partir de notes ainsi que de mémoire » . Elle traite clairement de la question de savoir si l'article 245 (RGAÉ) doit être appliqué. Bien que les articles en question y soient discutés, dans les faits l'article 245 n'a pas servi à établir la nouvelle cotisation. La RGAÉ n'ayant pas été appliquée, il n'était pas raisonnable de s’attendre de Mme Miyazaki qu'elle consacre beaucoup de temps, à supposer qu'elle en consacre, à s'informer sur ce qui s'était passé au cours de la réunion du comité.

[11] L'avocat de l'appelante a cité l'affaire Newbigging v. Loewen Group Inc., 30 C.P.C. (3d), où on peut lire ceci aux pages 355 et 356 :

[TRADUCTION]

Le demandeur a le droit d'exiger que PW, à titre d'officier acceptable nommé du consentement des parties, soit bien informé sur les questions fondamentales et primordiales que comporte le litige. L'obligation de s'informer avant un interrogatoire préalable naît du fait de la nomination comme officier acceptable et non du fait qu'une question est posée. PW avait l'obligation de consulter RL avant son interrogatoire préalable. Il ne l'a pas fait [...]

Les engagements se limitaient normalement aux faits et aux questions présentés de manière inattendue. L'interrogatoire préalable ne pouvait être converti en un questionnaire en faisant fi de l'obligation qui incombe à un officier acceptable de s'informer sur une question fondamentale et primordiale et de consigner cette question, à toutes fins pratiques dans sa totalité, afin qu'elle soit traitée au moyen d'engagements. La partie interrogatrice ne peut être forcée d'accepter la méthode de l' « engagement » sur une question cruciale de l'action par la simple échappatoire que constitue le fait pour un officier acceptable de ne pas s'informer en dépit de toute les occasions qu'il a de le faire. Le demandeur n'a pas obtenu l'interrogatoire préalable auquel il avait droit. Il avait droit à la nomination d'un officier capable de répondre aux questions à la reprise d'un interrogatoire préalable.

[12] Je ne crois pas que Mme Miyazaki ait omis de s'informer en vue de l'interrogatoire préalable dans cette affaire très complexe. La preuve indique qu'elle a fait des efforts en ce sens en consultant huit employés de Revenu Canada dans le seul but de se préparer à l'interrogatoire.

[13] À cet égard, dans l'affaire Rogers v. Bank of Montreal et al, [1986] 1 B.C.L.R. (2d) 132 (C.S. C.-B.), le juge McDonald a dit à la page 135 :

[TRADUCTION]

[...] l'interrogatoire préalable de M. Scalf n'est pas encore complet. Il y a une différence d'opinion jurisprudentielle sur la question de savoir s'il s'agit d'une condition préalable à la décision d'autoriser l'interrogatoire d'un deuxième représentant d'une partie.

L'examen des décisions publiées m'amène à conclure que l'issue dépend dans une large mesure :

des circonstances de l'affaire;

de la réceptivité du témoin interrogé et de la mesure dans laquelle il se donne la peine de s'informer;

de la nature et du caractère substantiel de la preuve que l'on souhaite examiner avec le deuxième représentant;

de ce qui paraît être la solution de rechange la plus pratique, commode et rapide.

Dans une certaine mesure, la question est discrétionnaire.

[14] La transcription de l'interrogatoire préalable révèle des situations telle la réponse de l'avocate de l'intimée, qui a dit :

[TRADUCTION]

[...] je conviens que les dispositions sur lesquelles ils se sont fondés à l'étape de la vérification sont l'article 9 et l'alinéa 12(1)x).

[15] L'avocat de l'appelant n'a pas tenté de déterminer ce que l'étape de la « vérification » signifiait ni si, en fait, il s'agissait de l'étape de l'établissement de la nouvelle cotisation. Une telle tentative aurait pu donner lieu à un engagement, qui aurait entraîné une réponse différente et instructive.

[16] L'avocat de l'appelante a également mentionné la décision de la Cour dans l'affaire Backman c. Sa Majesté la Reine, datée du 3 septembre 1996. Dans cette affaire, l'appelant a présenté une demande à la Cour avant l'interrogatoire préalable pour qu'un officier autre que celui nommé par la Couronne soit interrogé. La Cour a rejeté la demande. Après l'interrogatoire préalable, l'appelant a présenté une autre requête afin que l'officier soit remplacé aux fins d'un interrogatoire, et cette requête a été accueillie par la Cour. Dans ses motifs de l'ordonnance, le juge Beaubier a dit :

Puisque, dans le cadre d’une requête présentée antérieurement à la Cour, l'appelant a dit craindre que ne se produise ce qui s'est en fait passé lors de l'interrogatoire préalable, la présente requête est parfaitement justifiée. En outre, M. Turner s'est présenté à l'interrogatoire préalable sans s'être préparé ou sans connaître les faits. Dans l'un ou l'autre cas, l'avocat de l'intimée et M. Turner avaient de bonnes raisons de faire en sorte que ce dernier soit bien préparé. Ils auraient dû être bien préparés et ils ne l'étaient pas.

L'interrogatoire préalable a été une perte de temps [...]

[17] Je ne crois pas ce soit le cas ici. Dans cette affaire, les circonstances étaient fort différentes. En l'espèce, Mme Miyazaki a fait le nécessaire pour s'informer en consultant d'autres employés de Revenu Canada, dont ceux que la requérante cherche maintenant à interroger. Puisque l'article 245 de la Loi n'a pas été appliqué, le fait que Mme Miyazaki n'était pas au courant de la note de service du Comité des RGAÉ ne devrait pas être interprété comme signifiant qu'elle était mal informée. MM. Coker et Frattaroli, les employés de Revenu Canada que l'appelante souhaite interroger, pouvaient et peuvent encore apparemment fournir à Mme Miyazaki les réponses aux questions relativement auxquelles des engagements ont été pris. Ils pourraient également informer Mme Miyazaki sur des engagements qui n'ont pas été pris parce que les questions qui auraient peut-être permis d'obtenir les renseignements recherchés par l'appelante n'ont pas été posées.

[18] L'intimée avait l'obligation de nommer un « officier bien informé » et, à mon avis, c'est ce qu'elle a fait. Il n'est pas étonnant que, dans une affaire aussi complexe, les questions posées aient entraîné un certain nombre d'engagements.


[19]La requête est rejetée, avec frais à l'intimée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour de janvier 1999.

« R. D. Bell »

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 23e jour d’août 1999.

Mario Lagacé, réviseur



[1]           Mme Miyazaki a parlé à l'un de ces employés avant de se préparer pour l'interrogatoire préalable.

[2]           Comité des Règles générales anti-évitement.

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