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Date: 20000502

Dossier: 98-2859-IT-G

ENTRE :

DANIEL FOISY,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

La juge Lamarre Proulx, C.C.I.

[1] Il s'agit d'un appel concernant l'année d'imposition 1995.

[2] La question en litige est de savoir si l'appelant a, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, omis de déclarer un gain en capital lors de la disposition d'actions admissibles de petite entreprise dans sa déclaration de revenu pour l'année 1995, au sujet duquel est prévue dans le calcul du revenu imposable une exonération au montant de 375 000 $ au paragraphe 110.6(2.1) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la “ Loi ”). Si tel est le cas il faudrait déterminer l'application du paragraphe 110.6(6) de la Loi qui prévoit la privation de cette exonération pour omission de déclarer le gain en capital sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde et l'application du paragraphe 163(2) de la Loi qui prévoit l'imposition d'une pénalité pour tromperie et omission volontaire ou dans des circonstances équivalant à faute lourde.

[3] Au début de l'audience, l'avocate de l'intimée a informé la Cour que l'appelant avait fait, le 5 mars 1997, un choix en vertu du paragraphe 110.6(19). En vertu du paragraphe 110.6(24), il pouvait exercer ce choix sans pénalité de choix tardif jusqu'au 30 avril 1995. Toutefois, ce délai est prolongé de deux ans par le paragraphe 110.6(26) mais sujet au paiement de la pénalité prévue au paragraphe 110.6(29) de la Loi. Donc, il lui était possible de faire ce choix. Ce choix qui a permis la disposition présumée de 5 000 actions de Technilab Pharma Inc. (“ Technilab ”), le 22 février 1994, a augmenté le prix de base rajusté des actions dont la disposition réelle a eu lieu le 4 octobre 1995. L'avocate de l'intimée a produit un tableau du calcul du gain en capital révisé comme suit :

DISPOSITION DE 5 000 ACTIONS DE TECHNILAB PHARMA INC., 4 OCTOBRE 1995

Choix (T664)

Juste valeur marchande, 22 février 1994 $ 130 000

Prix de base rajusté, 22 février 1994 $ 22 500

Produit de disposition selon le choix à 110.6(19) $ 102 000

Prix de base rajusté $ 102 000

Disposition 4 octobre 1995

Produit de disposition, 4 octobre 1995 $ 207 910

Moins : prix de base rajusté 102 000

Gain en capital $ 105 910

Gain en capital révisé (75%) $ 79 433

Gain en capital cotisé, 13 août 1997 139 421

Réduction du gain en capital en 1995 $ 59 988

[4] Donc l'appel devra tout au moins être accordé pour permettre au ministre du Revenu national (le “ Ministre ”) de cotiser sur la base du nouveau prix de base rajusté.

[5] L'appelant a témoigné pour sa partie. Il a comme occupation actuelle d'être contrôleur dans une compagnie pharmaceutique. Il est diplômé à titre de comptable agréé et de comptable en management accrédité c'est-à-dire CA et CMA. Depuis la fin de ses études, il a travaillé dans les services comptables d'entreprises importantes. Il a été employé chez Technilab de janvier 1987 à 1995. À la fin de son emploi, il gérait une équipe de 20 personnes. Pendant ses années d'emploi jusqu'en 1994, il se rapportait directement au président. En 1994, est arrivé un nouveau vice-président finance et administration. C'est ce changement de situation hiérarchique qui explique le départ de l'appelant à la fin juin 1995.

[6] Le salaire de l'appelant au moment de son départ en juin 1995 était de 71 000 $. Par la suite il a travaillé chez Vidéotron neuf mois pour un salaire de 85 000 $. Le 16 juin 1996, il commence un nouvel emploi à nouveau dans une compagnie pharmaceutique où il travaille encore maintenant.

[7] Au cours de ses années chez Technilab, il a participé à un programme d'acquisition des actions de son employeur. Cette entreprise est passée d'un chiffre d'affaires de $3 millions à $45 millions. Quand l'appelant a quitté l'entreprise, il a dû disposer de ses actions par leur rachat par Technilab. Il y avait une clause du contrat d'achat des actions qui prévoyait qu'au cas de départ des employées ces derniers devaient revendre leurs actions à Technilab. Ce fut l'avocat de Technilab qui s'est occupé de finaliser les transactions. Avec le prix de disposition des actions, l'appelant a acheté des actions de sociétés publiques.

[8] L'appelant dit qu'il ne se considère pas ni ne se présente comme fiscaliste. Il explique que c'était une société de comptables externes qui préparait les déclarations de revenu de Technilab. Il est tout de même celui qui remplit son rapport d'impôt depuis 1986 ainsi que celui des membres de sa famille proche.

[9] Il est difficile à l'appelant d'expliquer pourquoi il n'a pas déclaré le gain en capital au montant approximatif de 185 410 $. Il l'explique par un manque d'organisation. Il ne trouvait pas essentiel de rapporter ce gain vu qu'il avait droit à une exemption de 375 000 $ sur le gain en capital approximatif de 139 057 $. Il ne cachait pas du revenu sur lequel il avait à payer de l'impôt. Il a pensé qu'il ferait le rapport de ce gain l'année suivante par une déclaration amendée pour l'année 1995 quand il aurait eu le temps d'évaluer le montant de la perte nette cumulative de placement, (le “ PNCP ”). Il ignorait cette possibilité de perdre l'exonération dans le cas de non déclaration et par conséquent l'importance de cette déclaration. Il explique aussi qu'il était dans une période d'adaptation à un nouvel emploi. Il avait perdu sa femme en 1993 et avait certaines difficultés avec ses enfants. Il avait pourtant déjà déclaré ses gains en capital, en 1983, sur la vente d'un immeuble à revenu. La même chose en 1985. En 1987, il y avait eu la vente d'un chalet.

[10] Selon l'appelant il lui était difficile de calculer le PNCP qui s'accumulait depuis 1985. Ceci semble la raison qui ajoutée aux autres a amené l'appelant à retarder la déclaration du gain en capital. Ce calcul a été fait par un fiscaliste dont il a requis les services en octobre 1996 dans le but de minimiser l'effet de l'omission de déclaration. Ce PNCP a été établi au montant de 19 540 $. Ce montant a été inclus dans le calcul relatif au gain en capital au 22 février 1994 dont il a été mention au paragraphe 3 de ces Motifs.

[11] À la fin juin ou début juillet 1996 il a été su par un ancien collègue chez Technilab qu'il y avait une vérification qui se faisait dans leurs livres par Revenu Canada. L'appelant n'a pas décrit d'inquiétude à ce sujet.

[12] Monsieur Serge Diotte a agi comme le vérificateur du Ministre dans le dossier de Technilab de juin 1996 à novembre 1996. Il a communiqué avec l'appelant par téléphone en septembre 1996. Il lui a dit qu'il avait constaté des rachats d'actions par Technilab dont la disposition n'avait pas été déclarée par l'actionnaire. L'appelant lui aurait dit qu'il désirait faire une déclaration amendée à ce sujet. Monsieur Diotte lui a dit qu'il était trop tard pour une telle déclaration modifiée et qu'il lui faisait parvenir un projet de cotisation. L'appelant pourrait faire valoir ses arguments.

[13] Le vérificateur du Ministre a recommandé l'application du paragraphe 110.6(6) de la Loi et l'imposition d'une pénalité en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi à cause de la formation en comptabilité de l'appelant et de son expérience de travail. Dans le cadre de ses fonctions comme directeur des finances chez Technilab, c'est lui qui recevait les vérificateurs de Revenu Canada. Il savait qu'il fallait déclarer les gains en capital puisqu'il en avait déjà déclarés. De plus, le quantum était important. Monsieur Diotte dit qu'il est facile de calculer le PNCP. Les logiciels que l'on utilise pour faire le rapport d'impôt rendent le calcul fort simple. L'appelant a au moins depuis 1993 utilisé un tel logiciel pour faire sa déclaration ainsi que l'on peut le voir à ses déclarations de 1993 à 1997 paraissant aux onglets 1 à 3 de la pièce I-1. De plus, une personne pourrait téléphoner à Revenu Canada et obtenir rapidement le montant. Ces commentaires ont été faits lors de l'interrogatoire. Il ne s'agit donc pas d'un fait constaté dans un rapport après une analyse pertinente.

Arguments

[14] L'avocate de l'appelant fait valoir que la Loi est une loi complexe. C'est sa difficulté, qui s'ajoutant à un état d'épuisement intellectuel de l'appelant dans la période en question, qui explique le comportement de l'appelant et non pas une intention coupable d'évasion fiscale. Quel intérêt aurait-il pu avoir à ne pas faire cette déclaration? Il était loin d'être arrivé à la limite du plafond de l'exonération. Acquérerait-il jamais d'autres actions admissibles d'une petite entreprise? Il ne l'avait pas fait avec le produit de disposition qui a donné lieu au gain en capital. Ses expériences antérieures de déclaration de ses gains de capital démontrent qu'il est un contribuable qui a le souci de présenter l'image véritable de son revenu. Il est difficile de comprendre pourquoi Revenu Canada donne une mauvaise note à celui qui a toujours déclaré ses gains en capital et une bonne à ceux qui n'en n'ont jamais déclaré. Revenu Canada interpréterait cela comme démontrant que le contribuable sait qu'il faut déclarer les gains en capital alors que dans l'autre cas, il ne le sait pas. Ne peut-on pas plutôt interpréter cela comme démontrant que la conduite habituelle d'un particulier est de se conformer à la Loi. S'il ne l'a pas fait dans une année particulière, sa conduite antérieure démontre que son intention n'était pas l'évasion fiscale mais que le résultat d'une négligence attribuable à la fatigue psychique. L'appelant savait qu'il avait droit à une exemption de 500 000 $ en gain en capital. Donc pour lui, il n'y avait pas urgence à indiquer cette transaction au gouvernement. Il le ferait quand il aurait pris le temps de calculer correctement le PNCP. Il y a une certaine négligence mais pas une négligence telle qu'elle permette l'application des paragraphes 110.6(6) et 163(2) de la Loi.

[15] L'avocate de l'intimée fait valoir que l'appelant avait un intérêt au sens que le gain en capital diminue le plafond de l'exonération. Elle fait aussi valoir l'expérience comptable de l'appelant. Il savait que le gain en capital devait être déclaré. L'excuse relative à la difficulté de calculer le PNCP n'est pas valable. De plus, avant l'intervention du vérificateur du Ministre, il n'y a aucun indice de l'intention de la part de l'appelant de déclarer le gain en capital.

Analyse et conclusion

[16] Un rappel sommaire de l'historique de la taxation des gains en capital me paraît utile à faire dans le présent litige. J'ai tiré l'information plus particulièrement des ouvrages suivants : Les principes de l'imposition au Canada, Lord Sasseville et Bruneau, 1993, 10e éd.; chapitres II et VII; et Principles of Canadian Income Tax Law, Hogg et Magee, 1995, chapitres 3 et 15.

[17] Avant 1972, les gains en capital n'étaient pas sujets à l'impôt sur le revenu. En 1967, le rapport de la Commission royale d'enquête sur la fiscalité, connue sous le nom de Commission Carter, a recommandé l'assujettissement de ces gains au même titre que les gains d'entreprise. En 1969, le Livre blanc sur la fiscalité a recommandé l'imposition entière du gain en capital, à l'exception de celui sur les actions des sociétés canadiennes publiques qui devrait l'être à 50 p. 100. La Loi de l'impôt sur le revenu, entrée en vigueur le 1er janvier 1972, prévoyait l'imposition à 50 p. 100 des gains en capital.

[18] En 1985, la Loi a été modifiée pour prévoir en faveur des particuliers une exonération cumulative qui pouvait atteindre progressivement le montant de 500 000 $ pour les gains en capital. Cette exonération augmentait progressivement : ainsi en 1985, le plafond était de 20 000 $, en 1986 de 50 000 $, et en 1987 de 100 000 $. Par la suite d'année en année l'augmentation devait être de 100 000 $ pour atteindre un plafond final de 500 000 $ en 1990.

[19] L'exonération est dite cumulative à cause du fait qu'il est nécessaire de cumuler les exonérations prises tout au long de la vie d'un particulier. Tout montant d'exonération utilisé dans une année antérieure réduit le plafond d'exonération disponible.

[20] L'augmentation du plafond de l'exonération s'est arrêtée à 100 000 $ en 1987, lors de la réforme fiscale de 1987. Cette même réforme fiscale prévoyait qu'en 1988, la portion du gain en capital imposable serait augmentée à 66 2/3 p. 100 et à 75 p. 100 à compter de 1990. L'exonération de 100 000 $ a pris fin en 1994. (Au budget fédéral du 28 février 2000, il y a une proposition de ramener à 2/3 le taux d'inclusion des gains en capital réalisés après le 27 février 2000.)

[21] L'arrêt de l'accroissement du plafond de l'exonération fiscale qui a eu lieu en 1988 ne s'est pas appliqué aux biens agricoles admissibles ni aux actions admissibles d'une petite entreprise. À leur égard, l'exonération a atteint son plafond final en 1990 et n'a pas pris fin en 1994.

[22] Lors de l'abrogation de l'exonération de 100 000 $ en 1994, le paragraphe 110.6(19) de la Loi a permis aux particuliers de faire un choix qui avait pour objet une disposition présumée du bien en capital le 22 février 1994 et un rachat à sa juste valeur marchande ou à une valeur inférieure. La valeur choisie devient le coût de base rajusté de la propriété. Ce choix devait être fait dans le délai prévu au paragraphe 110.6(24) de la Loi.

[23] La réforme fiscale de 1988 a également introduit le concept de la perte nette cumulative sur placements ou PNCP. Elle est définie au paragraphe 110.6(1) de la Loi. Les dispositions à cet égard ont pour but de retarder l'accès à l'exonération pour les particuliers ayant réalisé des pertes nettes cumulatives sur placements en diminuant le plafond de l'exonération du PNCP. Cette perte correspondrait à l'excédent des frais de placement pour les années suivant 1987 sur le revenu de placement pour cette même période. Les frais de placement et le revenu de placement sont définis au paragraphe 110.6(1) de la Loi. Les frais de placement incluraient les dépenses engagées pour gagner du revenu de biens et les pertes réalisées sur les biens locatifs. Le revenu de placement serait constitué principalement du revenu tiré de biens, intérêts, dividendes imposables et loyers.

[24] J'en viens maintenant au coeur même du litige. Le paragraphe 110.6(6) de la Loi se lit, soit en 1995, comme suit :

110.6(6) Gain en capital non déclaré. Malgré les paragraphes (2),(2.1) et (3), aucun montant n'est déductible en vertu du présent article au titre d'un gain en capital réalisé par un particulier pour une année d'imposition sur la disposition d'une immobilisation, dans le calcul du revenu imposable de ce particulier pour cette année ou pour une année d'imposition ultérieure, si, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, ce particulier:

a) soit ne produit pas une déclaration de son revenu pour l'année dans un délai de un an suivant le jour où il est tenu d'en produire une pour l'année conformément à l'article 150;

b) soit ne déclare pas ce gain en capital dans la déclaration de revenu pour l'année qu'il est tenu de produire conformément à l'article 150.

Le ministre a la charge d'établir les faits qui justifient le rejet d'une déduction faite malgréle présent paragraphe.

[25] Comme on vient de le lire, la sanction de ne pas avoir déclaré un gain en capital est terrible. Non seulement le particulier perd-il l'exonération pour le gain en capital non déclaré et doit-il inclure dans son revenu la partie taxable du gain en capital pour l'année en question, mais il perd à tout jamais une exonération à laquelle il est censé avoir droit au cours de sa vie entière. Dans les circonstances de l'article 110.6, il faut, à mon avis, que les termes sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde signifient plus que l'intention de ne pas déclarer le gain en capital. S'il n'y avait l'exonération prévue au paragraphe 110.6(2) de la Loi, la preuve de l'intention de ne pas déclarer le gain en capital suffirait pour déterminer qu'il y a faute lourde puisque cette non déclaration aurait pour but l'évasion fiscale. Mais dans le cas particulier où une exonération est accordée à un gain en capital, la non déclaration du gain en capital doit être faite dans des circonstances où il y a une intention d'évasion fiscale, une intention malicieuse de ne pas se conformer aux exigences de la Loi ou une intention de tromper le Ministre.

[26] Les termes sont les mêmes que pour le paragraphe 163(2) de la Loi. C'est à une décision concernant cette disposition à laquelle je désire me référer, soit la décision maintenant classique du juge Strayer dans Venne c. M.R.N., [1984] A.C.F. No 314 :

Quant à la possibilité d'une faute lourde, j'ai conclu, après hésitation, qu'elle n'a pas non plus été établie ici. La “ faute lourde ” doit être interprétée comme un cas de négligence plus grave qu'un simple défaut de prudence raisonnable. Il doit y avoir un degré important de négligence qui corresponde à une action délibérée, une indifférence au respect de la Loi. ...

[27] Il est vrai que l'appelant a une formation de comptable. Le particulier qui est comptable n'agit pas nécessairement avec une intention coupable s'il n'agit pas en conformité avec la Loi. Il a droit à l'erreur. Il peut avoir droit à l'excuse. Sa conduite doit être interprétée selon sa connaissance, il est vrai, mais aussi selon les circonstances du geste posé ou omis.

[28] Les versions de l'appelant n'ont jamais changé. Il avait l'intention de déclarer ce gain en capital ultérieurement par une déclaration amendée. Il n'y avait pas d'urgence puisqu'il était bien loin de dépasser le plafond de l'exonération permise. Cela lui permettrait de calculer correctement le PNCP. C'est un cas de procrastination ainsi que l'appelant l'a lui-même admis. Mais il n'avait aucune intention d'évasion fiscale ou de tromper le Ministre. Il explique son retard par le fait qu'il devait calculer le PNCP, calcul qu'il trouvait difficile de bien faire à cette époque. C'est une époque où selon l'avocate de l'appelant son énergie intellectuelle était sapée pour les raisons mentionnées à son argument. L'appelant ne pouvait qu'accorder son attention qu'à l'essentiel comme calculer et payer l'impôt dû. Il a cru que le calcul du solde de l'exonération pouvait attendre puisque d'une part il fallait calculer le PNCP et que d'autre part cela ne mettait en jeu aucun impôt à payer.

[29] Le calcul du PNCP est-il facile comme le prétend le vérificateur du Ministre ou difficile comme le prétend l'appelant? Je crois que je peux dans ce cas accepter les deux versions. Ce qui est devenu facile pour une personne qui est dans le domaine peut être ardu et laborieux pour une autre qui n'en fait que fort sporadiquement. En fait, l'intimée n'a pas présenté de preuve que le calcul du PNCP était une activité aisée. Ce n'est pas parce qu'une disposition de la Loi est difficile à comprendre que l'on ne doive pas s'y conformer mais il s'agit quand même d'un élément dans les circonstances du geste omis par l'appelant. J'accepte que pour l'appelant, cela exigeait du temps et de la concentration. J'accepte aussi que pour l'appelant il s'agissait d'une difficulté qui, ajoutée à son état d'épuisement moral, a fait qu'il a retardé la déclaration du gain en capital. L'état d'épuisement a été décrit par l'avocate de l'intimée plus que par l'appelant lui-même qui en parlait parcimonieusement. Cet état a été causé par le décès de son épouse en 1993, ses difficultés parentales auprès de ses deux fils, un emploi d'une longue période auprès d'un employeur qu'il a fallu quitter, une adaptation à un autre emploi plus court et à celui qui a suivi.

[30] L'agent du Ministre a donné comme une des raisons de la décision d'appliquer le paragraphe 110.6(6) de la Loi ainsi que le paragraphe 163(2) de la Loi que l'appelant savait qu'il devait déclarer des gains en capital puisqu'il en avait déjà déclaré. Il m'est difficile de voir le lien entre ce fait et l'intention malicieuse de tromper le Ministre. J'y vois plutôt, ainsi que l'a fait valoir l'avocate de l'appelant, une preuve du comportement correct de l'appelant en regard de la Loi.

[31] Pour que je sois convaincue de l'intention malicieuse ou de la faute lourde de l'appelant, il aurait fallu me démontrer l'intérêt de l'appelant à cacher le gain en capital ou me faire la preuve d'une conduite habituellement négligente ou fautive. Par exemple, si l'on m'avait fait la démonstration que l'appelant était sur le point de franchir le plafond de l'exemption de 500 000 $ ou que les actions admissibles de petite entreprise s'acquéraient couramment, je pourrais comprendre que l'appelant avait un intérêt coupable à cacher l'information au Ministre. (Au contraire, la preuve a révélé que l'appelant avait acquis des actions de sociétés publiques avec le produit de disposition des actions qui ont donné lieu au gain en capital et non des actions admissibles de petite entreprise.) Si l'on m'avait fait la preuve que d'habitude l'appelant essayait de tromper le Ministre dans ses déclarations de revenu, je pourrais voir dans la conduite du contribuable l'intention malicieuse de tromper.

[32] Je suis d'avis que la preuve n'a pas révélé de la part de l'appelant, lors de la commission de l'acte fautif soit la non déclaration du gain en capital, une intention de tromper le Ministre ni celle de s'esquiver de quelque obligation à l'égard de l'impôt à payer ni non plus de circonstances équivalant à faute lourde. Il y a eu une certaine négligence de la part de l'appelant, négligence qui, en considération des motifs pour lesquels et des circonstances dans lesquelles elle a eu lieu, n'a pas la gravité requise par le paragraphe 110.6(6) de la Loi. En conséquence, il n'y a pas non plus d'application du paragraphe 163(2) de la Loi.

[33] L'appel est accordé avec dépens.

Signé à Ottawa, Canada, le 2e jour de mai, 2000.

“ Louise Lamarre Proulx ”

J.C.C.I.

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