Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date: 19980424

Dossier: 95-3222-IT-G

ENTRE :

BRIAN J. STEWART,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge McArthur, C.C.I.

[1] Cet appel se rapporte à des cotisations relatives aux années d'imposition 1990, 1991 et 1992. Il s'agit de savoir si l'appelant peut déduire les pertes qu'il a subies à l'égard de quatre unités condominiales locatives achetées en 1986. Deux unités étaient situées à London (Ontario) et les deux autres à Surrey (Colombie-Britannique).

[2] L'appelant Brian J. Stewart, qui travaillait comme cadre supérieur pour la Commission de transport de Toronto et s'occupait notamment de gestion d'immeubles, a récemment pris sa retraite. Son revenu annuel était de 65 000 $ en 1986 et de plus de 90 000 $ pendant les années ici en cause.

[3] L'appelant est une personne fort intelligente ayant de l'expérience dans le placement immobilier. Il a acquis son premier bien locatif vers 1963. Il en a acquis un deuxième à la fin des années 1960. Il a par la suite aliéné ces biens. Au moment où les propriétés ici en cause ont été achetées, l'appelant possédait, seul ou avec des associés, six autres logements locatifs similaires à London; il a acquis une propriété locative en 1982, deux autres propriétés en 1986, et trois autres en 1987. À l'heure actuelle, il possède encore trois des quatre propriétés en question.

[4] Les propriétés ici en cause ont été achetées après que des recherches approfondies eurent été effectuées. L'appelant habite à Toronto, mais connaissait néanmoins fort bien la région de London et il s'est renseigné au sujet du marché à Surrey. Il avait une fille qui habitait près de Surrey et les possibilités qu'offrait la région l'attiraient. L'appelant a minutieusement étudié un circulaire pro forma de Reemark, renfermant des projections au sujet du revenu, des bénéfices et des pertes sur une période de dix ans. L'appelant comprenait exceptionnellement bien les points complexes. Ses antécédents en matière immobilière montrent qu'il avait l'habitude d'acquérir des propriétés en versant un acompte représentant environ 25 p. 100 du prix d'achat, mais il a décidé d'acheter les propriétés ici en cause en finançant chacune d'elles presque entièrement au moyen d'une hypothèque de premier rang et d'une hypothèque de deuxième rang ainsi que de billets et en versant un acompte de 1 000 $ seulement. C'était la première fois qu'il achetait des propriétés en s'endettant aussi fortement.

[5] L'appelant a acquis deux unités condominiales locatives dans l'ensemble d'habitations connu sous le nom de Meadows of White Oaks Phase II (“ White Oaks ”) situé à London (Ontario), au moyen de conventions d'achat datées du 11 décembre 1986, et a également acquis deux unités condominiales locatives dans un ensemble d'habitations connu sous le nom de Park Woods, situé à Surrey (Colombie-Britannique), au moyen de conventions d'achat datées du 18 décembre 1986. Chacun de ces ensembles était un projet immobilier en consortium dont le groupe Reemark assurait la promotion. Chacune des propriétés était vendue sur la base suivante : les acheteurs obtiendraient des unités clés en main, la gestion serait assurée et un accord de mise en commun des locations serait conclu. Le promoteur s'occupait du financement des ensembles d’habitation.

[6] Chacune des unités White Oaks est un logement de deux chambres coûtant 72 990 $. L'appelant a versé un acompte de 1 000 $, a pris en charge l'hypothèque de premier rang d'un montant de 52 553 $ représentant 72 p. 100 du prix d'achat, et a émis des billets d'un montant total de 19 437 $ pour chaque unité.

[7] L'unité no 102, au Park Woods, est un logement de deux chambres à coucher coûtant 74 990 $. L'unité no 318, au Park Woods, est un logement d'une chambre à coucher coûtant 58 990 $. L'appelant a versé un acompte de 1 000 $ pour chaque logement, a pris en charge une hypothèque de premier rang d'un montant de 44 243 $ pour le logement d'une chambre et de 56 243 $ pour le logement de deux chambres, ce qui représentait 75 p. 100 du prix d'achat. Il a fourni au vendeur un billet de 14 747 $ à l'égard du logement d'une chambre et de 18 747 $ à l'égard du logement de deux chambres.

[8] On a fourni à l'appelant des projections du revenu de location ainsi que des dépenses locatives à l'égard de chacun de ces ensembles. Selon les projections initiales, les billets devaient être remboursés sur un certain nombre d'années, la dernière étant l'année 1994. Les projections indiquaient les frais d'intérêt associés au billet et à l'hypothèque de premier rang ainsi qu'une augmentation de la dette relative à l'hypothèque de premier rang sur une période de trois ans, représentant un financement croissant. Les documents relatifs à l'offre prévoyaient également des mouvements de trésorerie négatifs et des déductions d'impôt sur le revenu pour une période d'environ dix ans dans tous les cas. Le taux marginal d'impôt mentionné dans les projections était celui qui s'appliquait aux résidents de l'Ontario dont le taux marginal d'impôt était de 55,47 p. 100 en 1986 et de 52,53 p. 100 en 1987 et par la suite. En 1986, le niveau de revenu de M. Stewart n'était pas élevé aux fins de l'impôt sur le revenu et il y avait tout au plus une faible fraction de son revenu aux fins de l'impôt qui était assujettie au taux marginal d'impôt maximum.

[9] La situation réelle, en ce qui concerne la location des logements, était pire que ce qui avait été prévu. La récession qui a sévi dans le domaine immobilier au début des années 1990 a influé d'une façon défavorable sur le taux de location et sur le taux d'occupation. Les revenus de location étaient en général plus bas et les dépenses plus élevées que ce qui avait été prévu. Il y a eu un changement de compagnie de gestion immobilière vers 1991, et la protection qu'offrait le pool locatif a été perdue au fur et à mesure que les propriétaires individuels ont retiré leurs unités du pool. L'appelant a subi des pertes locatives chaque année.

[10] M. Stewart et sa conjointe se sont séparés en mars 1987 après de nombreuses années de mariage. M. Stewart a déclaré que la séparation n'était pas prévue au moment de l'achat des quatre logements. Ses obligations financières sont devenues fort lourdes en raison d'une ordonnance alimentaire provisoire que sa conjointe avait obtenue en mai 1987. En vertu d'une transaction définitive concernant les biens qui a été signée en 1990, M. Stewart était tenu de payer le principal, les intérêts et les impôts sur le foyer conjugal qu'il a transféré à sa femme. Cette dette s'élevait à plus de 100 000 $.

Position de l'appelant

[11] L'appelant a soutenu qu'au moment où il avait acheté les quatre propriétés, il avait la même attente de profit qu'une personne raisonnable se trouvant dans la même situation que lui. Toutefois, à cause de circonstances imprévisibles, soit le divorce et la récession économique qui a influé sur le taux d'occupation et sur la valeur sous-jacente des propriétés, le bénéfice prévu ne s'est jamais concrétisé. Si les propriétés locatives avaient été pleinement occupées et si, par suite du divorce, il n'avait pas fait face à des obligations de plus de 100 000 $ en tout, il aurait réalisé un profit. M. Stewart a déclaré qu'il avait initialement l'intention de rembourser au complet les hypothèques de deuxième rang au plus tard en 1990 et que les efforts qu'ils avaient faits à cet égard, malgré les problèmes imprévus, montraient qu'il avait l'intention d'en arriver à des mouvements de trésorerie positifs le plus tôt possible. M. Stewart a en outre soutenu que le fait que l'achat des propriétés était financé à près de 100 p. 100 ne permet pas à lui seul de déterminer s'il avait une attente raisonnable de profit. Il a également soutenu qu'il a le droit de déduire les frais financiers à l'égard des sommes empruntées pour financer les pertes locatives.

Position de l'intimée

[12] L'intimée a soutenu que l'appelant avait acheté les propriétés dans le cadre d'un abri fiscal, et que l’espoir (1) d’obtenir des déductions d'impôt et (2) de réaliser des gains en capital prévus au bout d'une période de dix années, l'avaient attiré. L'avocat a mis l'accent sur le fait que, dans l'ensemble, l'appelant avait simplement suivi le plan recommandé par Reemark. Ainsi, il avait participé à une régime de revenu garanti, il avait participé à une pool locatif et il avait laissé s'accumuler les intérêts qui étaient dus sur les billets. L'avocat a soutenu que l'appelant avait dérogé aux règles pratiques qu'il suivait normalement en matière d'investissement, lesquelles visaient à générer des mouvements de trésorerie positifs, et qu'il avait plutôt adopté le plan Reemark, selon lequel des pertes étaient prévues pour une période de dix ans. Il a fait remarquer que ces pertes étaient prévues en 1986, à un moment où le marché immobilier montait en flèche.

[13] L'avocat a fait remarquer que l'appelant exerçait du moins un contrôle sur les frais d'intérêt et que s'il avait envisagé de faire baisser le montant des prêts, il n'aurait pas remis à plus tard le paiement des intérêts sur les billets, qui s'accumulaient sur la base d'intérêts composés. Il a concédé que l'appelant avait vendu l'un des logements au Parkwood en 1990 et qu'à l'aide du produit, il avait remboursé une partie de la dette qui grevait la seconde propriété, au Parkwood, mais il a fait remarquer que la décision que l'appelant avait prise d'acheter une unité condominiale à des fins personnelles en 1988 en versant un acompte de 40 000 $ et de placer une somme de 66 000 $ dans des REER en 1990 allait à l'encontre de son témoignage, dans lequel il avait affirmé ne pas avoir l'argent nécessaire pendant les années en question pour réaliser l'intention qu'il avait exprimée de réduire le montant de la dette qui grevait les propriétés. Si M. Stewart avait eu l'intention de rembourser le principal, a soutenu l'intimée, il avait la possibilité de le faire et il avait décidé de ne pas le faire.

[14] L'avocat de l'intimée a également soutenu que le fait de pouvoir réduire son impôt sur le revenu personnel au moyen de pareils mécanismes crée un “ élément personnel ” dont il faut tenir compte en appliquant le critère relatif à l'attente raisonnable de profit.

Analyse

[15] Il s'agit ici de savoir si l'appelant avait une source de revenu de laquelle il pouvait déduire les dépenses relatives aux pertes locatives subies pendant les années ici en cause. En particulier, il s'agit de savoir s'il existait une attente raisonnable de tirer profit des propriétés locatives en question.

[16] Dans le cadre de l'argumentation, les avocats des deux parties ont cité un certain nombre de jugements à l'appui de leurs positions respectives, et notamment les décisions rendues par la Cour d'appel fédérale dans les affaires Tonn et al v. The Queen, 96 DTC 6001, Mohammad v. The Queen, 97 DTC 5503, et Attorney General of Canada v. Mastri, 97 DTC 5420.

[17] Dans l'arrêt Mastri, à la page 5423, le juge Robertson (les juges MacGuigan et McDonald souscrivant à son avis) a fait la remarque suivante à l'égard du critère relatif à l'attente raisonnable de profit énoncé dans l'arrêt Moldowan c. La Reine, [1978] 1 R.C.S. 480 :

Premièrement, il a été décidé dans l'arrêt Moldowan que pour avoir une source de revenu, un contribuable doit avoir une attente raisonnable de profit. Deuxièmement, “ on doit s'appuyer sur tous les faits pour déterminer objectivement si un contribuable a une expectative raisonnable de profit ” (supra à la p. 486). Si, comme conclusion de fait un contribuable est jugé ne pas avoir d'attente raisonnable de profit alors il n'y a aucune source de revenu et, par conséquent, aucun fondement à l'égard duquel le contribuable est en mesure de calculer une perte locative.

Après s'être demandé si l'arrêt Tonn avait pour but de modifier le droit établi dans l'arrêt Moldowan, le juge Robertson a ajouté ceci, à la page 5423 :

L'arrêt Tonn confirme simplement l'interprétation fondée sur le bon sens selon laquelle ce n'est pas aux tribunaux de faire une appréciation rétrospective de la perspicacité commerciale d'un contribuable dont l'entreprise se révèle moins rentable que prévue.

[18] Dans l'arrêt Mohammad, la Cour d'appel était saisie de la question de savoir si le juge de la Cour canadienne de l'impôt avait commis une erreur en appliquant l'article 67 de la Loi de l'impôt sur le revenu (la “ Loi ”). Afin de situer l'analyse effectuée par la Cour à l'égard de la question se rapportant à l'article 67, le juge Robertson (les juges MacGuigan et McDonald souscrivant à son avis) a fait la remarque suivante, aux pages 5505 et 5506, à l'égard des paramètres qu'il convient d'appliquer à la doctrine de l'attente raisonnable de profit :

Il arrive souvent que des contribuables achètent un immeuble résidentiel à des fins de location en finançant la totalité du coût d'acquisition. La situation type est celle d'un contribuable qui occupe à plein temps un emploi tout à fait indépendant. Trop fréquemment, le montant des intérêts annuels payables sur le prêt dépasse de beaucoup les revenus de location auxquels on pouvait raisonnablement s'attendre. Cela est vrai, même en faisant abstraction des baisses imprévues du marché locatif ou de la survenance d'autres événements qui ont des répercussions négatives sur la rentabilité de l'activité locative, par exemple, les frais d'entretien et de réparation et des dépenses autres qu'en capital. Dans bon nombre de cas, la composante intérêts est si importante qu'une perte locative est enregistrée avant même que d'autres dépenses locatives autorisées soient prises en compte dans l'état des résultats. Les faits sont tels qu'il n'est pas nécessaire d'avoir l'expérience d'un analyste du marché immobilier pour comprendre qu'un bénéfice ne peut être réalisé tant que les frais d'intérêts ne sont pas réduits en remboursant le principal du prêt. Autrement dit, il y a des cas où le contribuable n'est pas en mesure de respecter à première vue la doctrine de l'expectative raisonnable de profit. Il n'agit [sic] pas de cas où l'on demande à la Cour de l'impôt de faire des conjectures sur le sens des affaires d'un contribuable dont l'entreprise commerciale ou l'investissement se révèle moins rentable que prévu. Ce sont plutôt des cas où, dès le départ, les contribuables savent qu'ils subiront une perte et qu'ils devront compter sur d'autres sources de revenu pour payer la dette relative à l'immeuble en location.

[...]

L'analyse précitée a pour but de démontrer qu'il ne peut y avoir d'expectative raisonnable de profit tant et aussi longtemps que des paiements importants ne sont pas faits sur le principal de la dette. Cela mène inévitablement à la question de savoir si une perte locative peut être réclamée même si aucun paiement de ce genre n'a été fait au cours des années d'imposition en question. Je répondrais par l'affirmative, mais en ajoutant cependant quelques réserves. Le contribuable doit établir à la satisfaction de la Cour de l'impôt qu'il ou elle avait un plan réaliste en vue de réduire le principal de l'emprunt. Comme tout propriétaire l'apprend tôt ou tard, presque toutes les mensualités hypothécaires sont imputées au paiement des intérêts pendant les cinq premières années d'un prêt hypothécaire amorti sur vingt à vingt-cinq ans. Il est tout simplement irréaliste de s'attendre à ce que le système fiscal canadien subventionne l'acquisition d'un immeuble de rapport pour des périodes indéfinies. Les contribuables qui ont l'intention de financer l'acquisition d'un immeuble à usage locatif de façon qu'aucun bénéfice ne soit déclaré, malgré qu'ils aient touché la totalité des revenus locatifs prévus, ne doivent pas s'attendre à bénéficier d'un traitement fiscal favorable en l'absence d'une preuve objective et convaincante de leur intention et de leur capacité financière de rembourser une part importante de l'emprunt ayant servi à l'achat dans les quelques années qui suivent l'acquisition du bien. Si, en raison du niveau de financement, l'immeuble ne peut générer suffisamment de bénéfices pouvant servir à réduire l'emprunt en cours, alors le contribuable doit trouver d'autres sources de revenu pour parvenir à ce résultat. Si les autres sources de revenu d'un contribuable, par exemple, le revenu tiré d'un emploi, sont insuffisantes pour lui permettre de réduire le montant de l'emprunt qui a servi à l'acquisition, alors il se peut que le contribuable ait à supporter le plein coût de la perte locative. Certainement, de vagues attentes indiquant qu'un apport de capital était attendu de tante Béatrice ou d'oncle Bernard ne sera pas suffisant pour conclure que le contribuable s'est acquitté du fardeau de la preuve qui lui incombait. En pratique, le contribuable s'acquittera de ce fardeau en démontrant que des paiements importants ont été faits sur le principal dans les années d'imposition suivant de près l'année de l'acquisition.

Les deux parties ici en cause se sont fondées sur des parties de cette analyse à l'appui de leurs positions respectives. L'analyse a été faite en tant que remarque incidente et elle ne me lie donc pas, mais j'estime qu'elle est utile et intéressante aux fins qui nous occupent.

[19] Il s'agit ici fondamentalement de savoir si l'appelant avait l'intention de rembourser peu à peu le principal, indépendamment de la question de savoir si cela s'est de fait produit. Compte tenu de la preuve, en l'absence de l'intention de réduire le montant du principal qui est dû à l'égard de chaque logement, il ne pourrait pas y avoir d'attente raisonnable de profit. L'appelant a témoigné qu'il avait l'intention de réduire le montant de la dette plus rapidement que ce qui était prévu dans le plan de Reemark afin de produire des mouvements de trésorerie positifs. L'intimée a contesté la crédibilité du témoignage de l'appelant et a soutenu qu'il avait l'intention de suivre le plan Reemark.

[20] Le plan Reemark, qui avait été remis à l'appelant avant que celui-ci achète les quatre logements, comprenait une annexe pro forma et des projections, comme il en a ci-dessus été fait mention. Selon le plan, les pertes locatives étaient déduites d'autres revenus et un gain était en fin de compte réalisé par suite de l'augmentation prévue de la valeur de la propriété. Le plan Reemark ne prévoyait pas qu'on devait s'attendre à tirer un profit du revenu de location.

[21] L'appelant était un investisseur qui s'y connaissait fort bien en matière immobilière et qui, par le passé, s'en était tenu à la “ règle pratique ” qu'il avait adoptée, à savoir qu'il fallait verser 25 p. 100 du prix d'achat afin de réduire le risque que le montant du revenu de location soit inférieur aux frais d'intérêt et aux autres dépenses d'exploitation et que les loyers mensuels demandés devaient correspondre à 1 p. 100 de la valeur de la propriété — de façon à assurer des mouvements de trésorerie positifs.

[22] En ce qui concerne les quatre propriétés ici en cause, l'appelant a renoncé à sa méthode qui avait fait ses preuves. Lorsqu'on lui a demandé pourquoi il avait dérogé à la règle qu'il suivait normalement en matière d'investissement, l'appelant n'a pas pu donner d'explication vraisemblable. L'appelant connaissait à fond les ententes qu'il avait conclues avec Reemark et, de toute évidence, il avait passé beaucoup de temps à analyser l'investissement. L'appelant n'était pas un profane et il comprenait clairement les projections.

[23] Il est vrai que l'appelant a fait face à des problèmes inattendus par suite de la rupture de son mariage et de la récession économique après avoir acheté les propriétés en question. Ces facteurs peuvent expliquer l'incapacité de l'appelant de rembourser le principal qui était dû suffisamment rapidement pour obtenir des mouvements de trésorerie positifs pendant les années ici en cause. Il est également vrai que l'appelant a essayé de s'adapter au changement de circonstances, en vendant par exemple l'une des quatre propriétés ici en cause et en utilisant le produit pour rembourser une partie de la dette dont une autre propriété était grevée. Toutefois, je remarque qu'en 1988, l'appelant a décidé d'avancer une somme de 40 000 $ au titre du principal en vue de l'achat d'un condominium destiné à son usage personnel. En 1990, l'appelant a reçu plus de 50 000 $ au moment de la retraite, montant qu'il a investi dans un REER au lieu de continuer à rembourser sa dette. Après avoir fini de s'acquitter des obligations qu'il avait envers son ancienne conjointe en 1992, l'appelant ne s'est pas efforcé de réduire de beaucoup le montant du principal impayé à l'égard de chaque propriété. Il a eu à plusieurs reprises la possibilité de réduire la dette impayée et il a décidé de ne pas le faire.

[24] J'ai tenu compte de la preuve dans son ensemble et je ne suis pas convaincu que le plan que l'appelant a suivi ait été réaliste en ce qui concerne la possibilité de réaliser un bénéfice à l'égard des propriétés ici en cause. L'appelant a déclaré dans son témoignage qu'il avait l'intention de rembourser une partie de la dette impayée, mais son témoignage à lui seul ne suffit pas. Comme le juge Sarchuk, de cette cour, l'a fait remarquer dans le jugement Frank Foldy and Linda Jarian v. M.N.R., 91 DTC 361, à la page 363 (C.C.I.) :

[...] La preuve de l'existence d'un espoir raisonnable de tirer un profit d'une entreprise est bien plus que l'intention déclarée du contribuable, même exprimée sous serment. Une telle déclaration ne peut naturellement pas être ignorée, mais tous les faits relatifs à l'acquisition et à l'exploitation du bien, à son potentiel de rentabilité et aux frais financiers, doivent être à même de convaincre l'observateur objectif qu'il y a un espoir raisonnable de profit provenant de la location seule (Scott c. M.R.N., 85 DTC 1).

Dans ce cas-ci, il n'y a pas de preuve objective convaincante tendant à montrer l'existence d'un plan réaliste visant à permettre de rembourser une partie suffisante de la dette de façon à générer des mouvements de trésorerie positifs. L'appelant ne s'est pas acquitté de l'obligation qui lui incombait de montrer que la doctrine de l'attente raisonnable s'applique.

Conclusion

[25] Étant donné que les circonstances se rapportant à chacune des quatre propriétés ici en cause sont similaires, je ne crois pas qu'il soit nécessaire d'analyser chaque cas individuellement en déterminant s'il existait une attente raisonnable de profit. Je conclus qu'il n'y avait pas suffisamment d'éléments de preuve pour qu'il soit possible de conclure que l'appelant avait une attente raisonnable de tirer profit de ces propriétés.

[26] Les parties ont débattu la question de savoir si la déduction pour amortissement (la “ DPA ”) doit être incluse lorsqu'on détermine s'il existait une attente raisonnable de profit. Même si la DPA était incluse dans le calcul des pertes, je conclus néanmoins qu'il n'y avait pas d'attente raisonnable de profit.

[27] Quant aux frais financiers, ils ne sont pas déductibles en vertu des dispositions de l'alinéa 20(1)c) étant donné que les dépenses engagées ne se rapportent à aucune source de revenu.

[28] L'appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour d'avril 1998.

“ C. H. McArthur ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 20e jour de juillet 1998.

Mario Lagacé, réviseur

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.