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Date: 19981015

Dossiers: 96-4107-IT-G; 96-3026-IT-G

ENTRE :

BRIAN A. DONOVAN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Lamarre Proulx, C.C.I.

[1] Ces appels se rapportent aux années 1986, 1987 et 1988. L'appelant a fait l'objet d'une nouvelle cotisation à l'égard des années en question parce qu'il n'avait pas déclaré un revenu d'environ 10 000 $, 40 000 $ et 100 000 $ respectivement. Des pénalités ont également été imposées conformément au paragraphe 163(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ).

[2] Il s'agit principalement de savoir si les cotisations de l'appelant doivent être annulées compte tenu des décisions rendues par cette cour et par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire O'Neill Motors Limited v. The Queen, 96 DTC 1486 et 98 DTC 6424. Ces décisions sont essentiellement fondées sur le jugement rendu le 21 janvier 1993 par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Baron c. Canada [1993] 1 R.C.S. 416, dans lequel il a été statué que l'article 231.3 de la Loi était inconstitutionnel.

[3]M. Daniel Nicholson, CA, qui était le comptable de l'appelant depuis 1990, la soeur de l'appelant, Mme Maria Donovan, et l'appelant lui-même ont témoigné à la demande de l'avocat de l'appelant. M. G.A. MacDonald, vérificateur à Revenu Canada, maintenant à la retraite, M. M.H. Allen, CA, qui était le comptable de l'appelant au moment où les événements en litige se sont produits, et Mme Claudette Miller, autrefois Mme Richard, enquêteure de l'Unité des enquêtes spéciales au moment où les événements se sont produits, maintenant chef d'une division similaire à Revenu Canada, ont témoigné à la demande de l'avocat de l'intimée.

[4] L'appelant exerce ses activités dans l'industrie forestière depuis 1976. Cette année-là, après avoir travaillé pendant quelques années pour une compagnie de fabrication de pâte à papier, l'appelant a acheté un camion et a commencé à s'occuper d'opérations forestières. La saison de coupe s'étend du début du mois de juin jusqu'à la fin de l'automne.

[5] En 1978 et en 1979, l'appelant avait à son service 30 employés saisonniers, des bûcherons et des camionneurs. L'appelant avait aménagé un petit bureau à l'arrière de son garage pour les trois camions qu'il possédait alors. En 1980 et en 1981, l'appelant avait 45 employés à son service. L'année 1982 a été difficile pour l'appelant. En effet, cette année-là, les concessions forestières ont été réparties entre 11 grosses scieries. Par suite de cette réattribution, l'appelant semble ne pas avoir obtenu de contrats.

[6] En 1983, l'appelant a obtenu un contrat important de Miramichi Pulp and Paper Ltd., ci-après appelée Miramichi. En 1984, l'appelant avait 50 employés à son service. Cette année-là, il a embauché M. Bud Simpson, un ancien employé du ministère de la Défense nationale qui était à la retraite. Il a également acheté un nouveau camion.

[7] Même si l'appelant avait embauché M. Simpson, c'était sa belle-soeur, Betty Donovan, qui s'occupait de la paye. Habituellement, l'appelant travaillait sur le terrain presque toute la semaine, mais le vendredi il se rendait au bureau pour signer les chèques de paie ainsi que les autres chèques qu'il fallait signer pour l'entreprise. Seul l'appelant était autorisé à signer les chèques. L'appelant effectuait tous les dépôts à la banque. C'était également le vendredi que l'appelant recevait son chèque de Miramichi ou qu'il allait chercher son chèque. La soeur de l'appelant, Mary Donovan, envoyait ensuite une photocopie du chèque aux autorités gouvernementales en vue d'obtenir les subventions accordées dans le cadre d'un programme gouvernemental.

[8] On ne sait pas trop si cela s'est produit en 1985, en 1986 ou en 1987, mais l'appelant a alors obtenu un contrat additionnel de Miramichi. Il avait alors à son service 60 employés, qui effectuaient chaque année environ 40 semaines de travail. Selon l'appelant, le contrat était différent des contrats antérieurs en ce sens qu'il touchait des avances. Il était difficile de comprendre sur quelle base les avances étaient consenties et pourquoi ce système aurait mêlé l'appelant lorsqu'il s'est agi de déclarer son revenu. Miramichi fournissait à l'appelant tous les montants touchés au cours d'une année donnée.

[9] L'explication fournie par l'appelant ressemblait fort à celle que son comptable, M. Nicholson, avait donnée par écrit. Je cite la pièce A-10 :

[TRADUCTION]

Position de Brian Donovan :

Il convient que les montants susmentionnés n'ont pas été inclus dans le revenu, mais il affirme que l'omission n'était pas intentionnelle. Les contrats obtenus de Miramichi Pulp and Paper Ltd. s'appliquent du 1er avril au 31 mars et sont renouvelés chaque année. Le teneur de livres de Brian classait les talons de chèque et les factures par contrat. L'exercice de Brian couvrait donc trois mois d'un contrat et neuf mois du nouveau contrat.

Brian a affirmé ne pas avoir déclaré le revenu reçu pendant la première partie de l'année à l'égard du contrat antérieur parce que MPP lui avait versé des avances avant le 31 décembre 1987 pour le bois qui avait été coupé en vertu d'un contrat qu'il avait acquis d'Elwood Sturgeon, mais qui n'était pas livré à la scierie. Brian croyait que ces avances étaient incluses dans le revenu de l'année au cours de laquelle elles étaient reçues. Lorsque le bois était livré à la scierie, la compagnie remettait à Brian une facture au montant net (soit le prix de vente du bois moins les avances). Brian croyait que ces factures couvraient le plein montant avant la déduction des avances; c'est pourquoi il n'a pas inclus les avances dans son revenu.

[10] L'appelant a affirmé que pendant l'été, soit la période pendant laquelle l'entreprise était en pleine activité, il n'avait pas le temps d'examiner minutieusement les documents. En mars, la situation était différente, étant donné qu'il avait le temps de préparer ces documents pour M. Murray Allen, qui a été son comptable jusqu'en 1989.

[11] Le 25 septembre 1989, M. MacDonald, de Revenu Canada, s'est présenté au bureau de l'appelant et au bureau de son comptable pour vérifier les livres de l'appelant pour les années 1986, 1987 et 1988. M. MacDonald avait effectué le premier de quelques appels téléphoniques le 14 septembre 1989 en vue d'obtenir un rendez-vous avec le contribuable et son comptable (onglet 18 de la pièce R-1). M. MacDonald avait reçu une demande de vérification (pièce R-4) d'un sélectionneur ainsi que le dossier de ce dernier. Il a déclaré que c'était la pratique normale lorsqu'une vérification était entreprise.

[12] En ce qui concerne la déclaration de revenu de 1988 de l'appelant, elle n'a pas été produite au moment de la vérification, en septembre 1989. L'appelant avait signé un formulaire de déclaration incomplet, en demandant à son comptable de produire la déclaration lorsqu'elle serait prête. Les notes que le vérificateur a prises (onglet 18, pièce R-1) montrent que, le 15 septembre 1989, l'appelant savait que sa déclaration de revenu pour l'année 1988 n'avait pas encore été produite. Un document daté du 25 septembre 1989 que l'appelant a signé autorisait M. MacDonald à discuter avec son comptable des déclarations de revenu de l'appelant pour l'année 1988 et les années antérieures (onglet 16, pièce R-1).

[13] Le jour où il s'est rendu chez le comptable de l'appelant, le vérificateur a apporté la déclaration à Revenu Canada avec la permission du comptable. M. Allen a confirmé la chose. La déclaration a été produite telle qu'elle avait été préparée par le comptable de l'appelant. Toutefois, l'appelant a déclaré dans son témoignage qu'il n'avait pas autorisé la production de la déclaration. Pour l'année 1988, le vérificateur a conclu un peu plus tard qu'un montant de 103 178 $ versé par Miramichi n'avait pas été inclus dans la déclaration de revenu de l'appelant.

[14] Après avoir discuté de l'affaire avec ses supérieurs, M. MacDonald a transféré le dossier à l'Unité des enquêtes spéciales le 6 octobre 1989 (pièce A-19). Cette note se lit comme suit :

[TRADUCTION]

Le contribuable a omis de déclarer un montant de 103 178 $ qu'il avait reçu de Miramichi Pulp and Paper entre le 28 janvier et le 24 mars 1988. Lorsque nous lui avons demandé pourquoi il n'y avait pas de revenu au cours de cette période, il a initialement répondu que les routes étaient fermées et qu'il n'avait pas été payé. Lorsqu'on lui a montré les copies de chèques, il a convenu que ces montants auraient dû être inclus dans le sommaire des résultats, mais qu'ils avaient été déposés dans son compte d'épargne plutôt que dans son compte d'affaires.

Le contribuable a omis de déclarer un montant de 57 536 $ en 1987 et de 12 746 $ en 1986.

Brian Donovan exploite cette entreprise et prend toutes les décisions sans qu'un contrôle soit exercé. Il exerce cette activité depuis 15 ans et il sait que le revenu aurait dû être déclaré.

Le contribuable a fait l'objet d'une nouvelle cotisation à l'égard d'un revenu non déclaré de 17 600 $ se rapportant à l'année d'imposition 1985.

[15] Le 21 novembre 1989, une autre rencontre a eu lieu entre l'appelant et M. MacDonald. Cette fois-ci, un enquêteur de l'Unité des enquêtes spéciales, M. Terry Le Blanc, était également présent. Il n'a pas informé l'appelant qu'il travaillait pour cette unité.

[16] Le 22 novembre 1989, M. MacDonald a rencontré le comptable de l'appelant, M. Allen, avec M. Leblanc et a pris des notes qui ont été produites sous la cote R-5. Ces notes sont ainsi libellées :

[TRADUCTION]

22 novembre 9 h M. Allen dit qu'il obtient les documents de Brian Donovan et qu'il prépare la déclaration. Nous l'avons informé du revenu qui n'avait pas été déclaré pendant les années 1986, 1987 et 1988. Il n'essaie pas d'effectuer un rapprochement entre les chiffres et le grand livre préparé par le contribuable. Il se fonde sur les dossiers qui renferment les talons de chèque et les pièces justificatives relatives aux dépenses. S'il a besoin de renseignements, par exemple au sujet des frais d'intérêts, c'est le contribuable qui les lui fournit. Il ne vérifie pas le revenu ou les dépenses et il ne saurait pas s'il manque des talons de chèque.

M. Allen rencontre le contribuable pendant l'année et ils estiment les bénéfices et l'équipement que le contribuable peut acheter afin de réduire son revenu imposable au moyen de déductions pour amortissement. M. Allen dit que le contribuable comprend les modalités d'application de la DPA.

M. Allen a soutenu que le contribuable tient des dossiers qui lui permettraient de préparer un bilan, mais que cela n'intéresse pas le contribuable.

« G.A. MacDonald »

[17] M. Murray Allen a de fait déclaré dans son témoignage que, lorsqu'il préparait les déclarations de revenu de l'appelant, il n'examinait pas les documents justificatifs. Il se fondait sur le montant que l'appelant lui avait donnés à l'égard du revenu et des dépenses.

[18] Par la suite, M. MacDonald a envoyé à l'appelant une lettre datée du 6 décembre 1989. Cette lettre a été produite sous la cote A-5 et figure également à l'onglet 13 de la pièce R-1. Il y est énoncé que le revenu de l'appelant avait été déclaré en moins et que Revenu Canada envisageait d'imposer des pénalités. On accordait du temps à l'appelant pour fournir des explications ou des commentaires s'il le voulait. Le sommaire du rajustement proposé était joint à cette lettre. Le revenu non déclaré montrait que, pour les années 1986 à 1988, les montants respectifs étaient de 12 746,43 $, de 57 536,01 $ et de 93 779,49 $.

[19] Le 12 décembre 1989, l'appelant a envoyé une lettre en vue de demander un délai (pièce A-6) qui lui a été accordé par une lettre datée du 21 décembre 1989 (pièce A-7). Le comptable de l'appelant a envoyé une lettre à M. MacDonald le 12 février 1990 (pièce A-8). Le comptable ne contestait pas l'inclusion du revenu non déclaré, mais faisait des remarques pertinentes au point de vue comptable sur quelques autres points. À ce moment-là, aucune observation n'a été faite au sujet de l'imposition des pénalités.

[20] Dans sa lettre du 5 mars 1990 (pièce R-6), M. MacDonald a confirmé que les rajustements demandés par le comptable de l'appelant devaient être pris en considération dans les nouvelles cotisations qui seraient établies.

[21] Mme Claudette Miller, autrefois Mme Richard, a expliqué à la Cour qu'en janvier 1990, elle avait joint la Division des enquêtes spéciales de Revenu Canada. À ce moment-là, on avait l'habitude de ne pas informer le contribuable qu'il faisait l'objet d'une enquête spéciale tant que le mandat de perquisition n'était pas décerné. Mme Miller estimait que l'affaire justifiait l'introduction de poursuites. En 1990, il a été décidé de délivrer la nouvelle cotisation et, en ce qui concerne l'année 1988, de délivrer une cotisation.

[22] Mme Miller a déclaré qu'elle avait préparé les copies des feuillets T7WC ainsi que la lettre du 5 mars 1990 (pièce R-6) mentionnée ci-dessus au paragraphe 14 des présents motifs. Ces documents étaient conformes aux conclusions tirées par M. MacDonald.

[23] Mme Miller a déclaré qu'elle avait rédigé la lettre du 5 mars 1990 et que M. MacDonald l'avait signée. La lettre visait à laisser le contribuable dans l'ignorance au sujet de l'enquête spéciale dont il faisait l'objet. Cependant, lorsque M. MacDonald a été interrogé, il a mentionné que c'était lui qui avait rédigé la lettre. Il s'agit d'une lettre anodine qui dit que tous les rajustements demandés par le comptable de l'appelant seront incorporés dans les nouvelles cotisations qui doivent être établies.

[24] Mme Miller a expliqué qu'une pénalité fondée sur le paragraphe 163(2) de la Loi a été imposée parce que la différence de revenu était très importante. Il était impossible que le contribuable ne sache pas combien d'argent il avait reçu de Miramichi étant donné que chaque talon de chèque indiquait le revenu total reçu jusqu'au jour en question. Il était facile de vérifier les totaux cumulatifs. Ces talons auraient pu être obtenus de Miramichi et de l'Office national des transports (l' « ONT » ). L'appelant avait demandé toutes les subventions auxquelles il avait droit et avait fourni à l'ONT des copies de tous les talons de chèques. Ces demandes figurent à l'onglet 15 de la pièce R-1.

[25] Mme Miller, qui s'appelait alors Mme Richard, a obtenu ces documents de l'ONT le 21 février 1991. Elle a déclaré qu'il était alors reconnu que les personnes qui s'occupaient de transport routier obtenaient des subventions de l'ONT. On avait demandé des renseignements à l'ONT pour voir si M. Donovan avait demandé des subventions à l'égard du revenu non déclaré qu'il avait reçu de Miramichi; or, il en avait demandé.

[26] La cotisation et les nouvelles cotisations ont été établies aux dates suivantes :

Année d'imposition 1986 : une nouvelle cotisation a été établie le 5 juillet 1990 à l'égard d'un revenu imposable révisé de 35 615 $ et une nouvelle cotisation a été établie le 21 novembre 1991 à l'égard dudit revenu.

Année d'imposition 1987 : une nouvelle cotisation a été établie le 5 juillet 1990 à l'égard d'un revenu imposable révisé de 69 219 $ et le 21 novembre 1990 à l'égard d'un revenu imposable révisé de 90 965 $.

Année d'imposition 1988 : une cotisation a été établie le 5 juillet 1990 à l'égard d'un revenu imposable de 12 545 $; une nouvelle cotisation a été établie le 5 octobre 1990 à l'égard d'un revenu imposable révisé de 69 491 $ et une nouvelle cotisation a été établie le 21 novembre 1991 à l'égard d'un revenu imposable révisé de 103 194 $.

[27] Une inspection a été effectuée le 25 septembre 1989 conformément au paragraphe 231.1(1) de la Loi. Cette inspection a amené le ministre du Revenu national (le « ministre » ) à croire que l'affaire justifiait une enquête criminelle. Le 10 juillet 1990, la Section de première instance de la Cour du Banc de la Reine a décerné trois mandats de perquisition conformément à l'article 231.3 de la Loi, permettant de pénétrer dans l'établissement et dans la résidence de l'appelant ainsi que dans le cabinet du comptable de l'appelant aux fins d'une perquisition et de la saisie des articles désignés dans lesdits mandats. Les mandats de perquisition ont été exécutés le 17 juillet 1990.

[28] Le 24 mai 1991, l'appelant a intenté une action devant la Section de première instance de la Cour du Banc de la Reine et a contesté la validité de l'article 231.3 de la Loi.

[29] Le 28 mai 1991, Revenu Canada a présenté une demande devant un juge de la Cour provinciale en vue d'obtenir en vertu de l'article 487 du Code criminel un mandat de perquisition lui permettant de fouiller le Bureau des enquêtes spéciales et de saisir les documents de l'appelant qui avaient été saisis conformément aux mandats de perquisition qui avaient été exécutés le 17 juillet 1990. Cette requête a été contestée et elle a été rejetée.

[30] Le 6 décembre 1991, Revenu Canada a déposé une dénonciation contre l'appelant devant la Cour provinciale. Toutefois, les parties se sont entendues pour que les procédures criminelles soient suspendues et pour que les documents soient scellés en attendant que l'issue de l'appel Baron (précité) soit connue.

[31] Le 21 janvier 1993, la Cour suprême du Canada a rendu sa décision dans l'affaire Baron (précitée) et a statué que l'article 231.3 de la Loi n'était pas valide.

[32] Apparemment, les documents saisis devaient être retournés au cabinet de l'avocat de l'appelant. Ils ont été en fait retournés à l'établissement de l'appelant et au cabinet du comptable le 26 janvier 1993. Toutefois, au début de la journée, sans informer la Cour des problèmes que la saisie de ces documents avait posés, Revenu Canada a obtenu des mandats de perquisition de la Cour provinciale. Les documents qui avaient été retournés ont ensuite été saisis de nouveau.

[33] Le 29 novembre 1993, la Section de première instance de la Cour du Banc de la Reine a annulé les mandats de perquisition qui avaient été décernés le 10 juillet 1991 et ceux qui avaient été décernés le 26 janvier 1993.

[34] L'audience relative à la dénonciation qui avait été déposée contre l'appelant a commencé le 7 novembre 1994. Des objections préliminaires ont été soulevées et, en janvier 1995, les accusations ont été rejetées.

[35] L'appelant avait préparé des notes écrites au sujet de la perquisition. Il était émouvant et fort triste d'entendre la description des événements, entre autres, l'intrusion tôt le matin dans la résidence familiale et dans la vie paisible de la famille. Ce jour-là, l'appelant était parti travailler tôt le matin. Il est arrivé au moment où la perquisition était presque terminée dans les locaux de son bureau. Il a parlé de la publicité que l'affaire avait connue et de son effet sur ses amis et sur ses affaires. Le long débat judiciaire a eu des répercussions sur la santé physique et mentale de l'appelant ainsi que sur les relations qu'il avait avec sa famille.

[36] La suite des événements concernant les avis d'opposition et les ratifications est décrite comme suit aux paragraphes 6 à 9 de la réponse modifiée à l'avis d'appel modifié :

[TRADUCTION]

6. L'appelant a déposé des avis d'opposition que le ministre a reçus le 30 janvier 1992.

7.                     Par une lettre qui a été mise à la poste le 18 février 1992, le ministre informait l'avocat de l'appelant que l'examen des avis d'opposition serait suspendu en attendant la fin de procédures connexes engagées contre l'appelant conformément à l'article 239 de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ).

8. Le 28 septembre 1995, l'appelant a donné un avis selon lequel des observations écrites devaient être présentées au sujet du bien-fondé des avis de nouvelles cotisations contestés. Aucune observation n'a été présentée et ce n'est qu'au moyen d'une lettre datée du 2 février 1996 que le ministre a été informé que l'appelant ne présenterait pas d'observations.

9. Un avis de ratification a été délivré le 13 mai 1996.

Arguments de l'appelant

[37] L'avocat de l'appelant a soutenu que les nouvelles cotisations n'avaient pas été validement établies parce qu'elles étaient fondées sur des renseignements et sur des documents obtenus grâce à une perquisition et à une saisie illégales qui portaient atteinte aux droits reconnus au contribuable par l'article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés (la « Charte » ), qu'en vertu de l'article 24 de la Charte, ces éléments de preuve devaient être écartés parce que leur utilisation était susceptible de déconsidérer l'administration de la justice et que les nouvelles cotisations devaient donc être annulées comme elles l'avaient été dans la décision O'Neill (précitée).

[38] L'avocat de l'appelant a soutenu que l'affaire O'Neill et la présente espèce ont en commun les points suivants :

(1) Les deux affaires se rapportent à des perquisitions et à des saisies effectuées par Revenu Canada en vertu de l'article 231.3 de la Loi de l'impôt sur le revenu.

(2) Dans les deux affaires, Revenu Canada a utilisé des documents obtenus lors des perquisitions et saisies pour établir les nouvelles cotisations.

(3) Dans les deux affaires, les perquisitions et les saisies qui avaient été faites en vertu de l'article 231.3 étaient illégales et contraires à la Charte par suite de la décision Baron v. R., 91 DTC 5055, conf. [1993] 1 R.C.S. 416.

(4) Dans les deux affaires, Revenu Canada a tenté de se soustraire à la décision Baron en obtenant de nouveaux mandats afin de garder les documents saisis en sa possession.

[39] L'avocat de l'appelant a également soutenu qu'en omettant de répondre à l'avis d'opposition de l'appelant en temps opportun, le ministre avait porté atteinte aux droits reconnus à ce dernier par l'article 7 de la Charte. Je cite les notes écrites de l'avocat :

[TRADUCTION]

En violation du paragraphe 165(3) de la Loi de l'impôt sur le revenu, le ministre n'a pas répondu à l'avis d'opposition du contribuable avec toute la diligence possible et l'omission de le faire, eu égard aux circonstances de l'affaire, a porté préjudice au contribuable en ce sens qu'un témoin important dans son appel, Bud Simpson, qui avait travaillé à titre de commis de bureau du contribuable, est décédé.

Bud Simpson est décédé le 19 juillet 1994. Il travaillait à titre de commis de bureau au bureau du contribuable pendant la période pertinente et il s'occupait activement de la tenue des dossiers et documents se rapportant à l'entreprise du contribuable et en particulier des chèques et du revenu reçus au cours d'une année donnée. Pour chaque année en cause, M. Simpson a préparé des documents montrant le revenu qu'il avait calculé à l'aide des feuilles de pointage ou des feuilles explicatives jointes aux chèques.

Par suite du décès de M. Simpson, le contribuable ne peut l'interroger en vue d'avoir des explications au sujet des documents et dossiers qu'il a rassemblés et qui sont fort importants en ce qui concerne l'issue de cet appel [...]

[40] L'avocat de l'appelant soutient également qu'il est très important de noter que le 6 octobre 1989, sans informer l'appelant ou son comptable, le vérificateur a renvoyé le dossier à l'Unité des enquêtes spéciales et que le 22 novembre 1989, le vérificateur, avec un autre fonctionnaire des Enquêtes spéciales, a rencontré le comptable de l'appelant sans l'informer qu'il travaillait aux Enquêtes spéciales. L'avocat de l'appelant a dit qu'au cours de cette rencontre, des renseignements préjudiciables à son client ont été obtenus du comptable, comme le montre la pièce R-5. Le contenu de cette pièce est énoncé ci-dessus au paragraphe [16] de ces motifs.

[41] Sur ce point particulier, l'avocat de l'appelant ajoute que pendant le contre-interrogatoire, le comptable, M. Allen, a déclaré que, s'il avait su que l'affaire avait été renvoyée aux Enquêtes spéciales, il aurait demandé conseil à un avocat avant de parler aux fonctionnaires, que le comptable et l'appelant n'ont jamais été informés qu'ils avaient le droit de consulter un avocat avant de fournir des renseignements et que le comptable aurait dû être informé de la présence du fonctionnaire des Enquêtes spéciales de façon à pouvoir exercer son droit de garder le silence, prévu à l'article 7 de la Charte.

[42] L'avocat de l'appelant soutient qu'il est maintenant clairement établi en droit que la fonction de vérification fiscale de Revenu Canada doit être séparée des pouvoirs d'enquête en matière criminelle de Revenu Canada. La principale raison de cette séparation importante est que le pouvoir de vérification est fort intrusif et qu'on emploie des méthodes qui, si elles étaient utilisées dans une enquête criminelle, porteraient atteinte aux droits reconnus au contribuable par la Charte. Pour garantir les droits du contribuable, les résultats d'une vérification ne peuvent pas être divulgués dans le cadre d'une enquête criminelle. L'avocat de l'appelant cite l'arrêt Del Zotto et al. v. The Queen, (C.A.F.), 97 DTC 5328.

[43] L'appelant soutient que, même si des pénalités doivent être imposées en l'espèce, la Couronne ne s'est pas acquittée de l'obligation qui lui incombait de prouver le montant des pénalités qui seraient censément dues. Les pénalités en l'espèce sont imposées en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi.

Arguments de l'intimée

[44] L'avocat de l'intimée a soutenu que le fait que ni l'appelant ni son comptable n'avaient été informés que l'affaire avait été transmise aux Enquêtes spéciales n'était pas pertinent dans cette affaire civile. Les autorités judiciaires ont établi que si les deux genres de procédures sont entremêlées, les procédures criminelles peuvent être contaminées, mais rien n'étaye la thèse de l'appelant selon laquelle cette présumée confusion aurait pour effet de contaminer l'appel relatif à une cotisation d'impôt interjeté au civil et cela n'est pas logique. L'exercice de la fonction de vérification fiscale n'exige pas qu'un avertissement soit donné par l'enquêteur ou par la police à l'égard de l'auto-incrimination, etc., comme c'est le cas au criminel. Il n'est pas non plus nécessaire qu'un avis soit donné au sujet de la tenue d'une enquête simultanée au criminel.

[45] Quant au fondement des cotisations, l'avocat de l'intimée a soutenu que de nombreux éléments de preuve avaient été présentés à l'audience par M. MacDonald et par Mme Miller et que ces éléments montraient que les nouvelles cotisations correspondaient à peu près au revenu non déclaré tel que M. MacDonald l'avait déterminé plusieurs mois avant que la perquisition et la saisie aient été effectuées le 17 juillet 1990. Il a été admis que les seules nouvelles cotisations fondées sur les documents saisis le 17 juillet 1990 étaient les deux nouvelles cotisations du 21 novembre 1991 qui correspondaient à un autre revenu non déclaré de l'appelant pour les années d'imposition 1987 et 1988, dont le montant était respectivement de 22 024 $ et de 28 258 $. Elles se rapportaient également à certains rajustements en faveur de l'appelant. La nouvelle cotisation datée du 21 novembre 1991 relative à l'année d'imposition 1986 de l'appelant se rapporte simplement à un rajustement des intérêts.

[46] En ce qui concerne l'annulation de la cotisation telle que celle qui a été accordée dans la décision O'Neill, l'avocat de l'intimée a cité la décision de la Cour d'appel fédérale (98 DTC 6424), dans laquelle il a été dit ce qui suit à la page 6428 : « [...] ce genre de mesure de redressement extrême ne doit pas être accordé automatiquement, mais être réservé aux cas de graves atteintes aux droits pour lesquels les autres réparations s'avèrent insuffisantes. » Il a soutenu qu'en l'espèce, il n'y avait pas eu de graves atteintes aux droits pour lesquels les autres réparations se seraient avérées insuffisantes.

[47] L'avocat de l'intimée a souligné qu'il existe une différence fondamentale entre les faits de l'affaire O'Neill et ceux de la présente espèce, à savoir que dans l'affaire O'Neill, la nouvelle cotisation qui avait été annulée avait été établie en dehors de la période normale de nouvelle cotisation et qu'il incombait donc à la Couronne de démontrer qu'il y avait eu fraude ou faux énoncé. La Couronne aurait uniquement pu le faire au moyen des documents qui avaient été illégalement saisis. Cela était clairement un facteur important tant dans la décision de la Cour de l'impôt que dans celle de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire O'Neill. Dans cette affaire-là, les deux cours s'étaient fondées sur l'aveu de la Couronne à cause du renversement de la charge de la preuve; écarter la preuve en vertu du paragraphe 24(2) de la Charte « équivaudrait à annuler la cotisation » d'O'Neill.

[48] L'avocat de l'intimée a soutenu que les décisions récemment rendues par la Cour suprême du Canada, et plus particulièrement la décision R. c. Stillman, [1997] 1 R.C.S. 607, montrent qu'il n'est pas approprié d'écarter un élément de preuve si la preuve, obtenue illégalement bien qu'à la suite d'une saisie effectuée en toute bonne foi à l'époque, était une preuve « matérielle » c'est-à-dire une preuve qui existait indépendamment de la violation particulière de la Charte et que cette preuve matérielle ne mobilisait pas l'accusé contre lui-même. C'est certainement le cas en l'espèce puisque la preuve sur laquelle sont fondées les deux nouvelles cotisations du 21 novembre 1991 qui ont été contestées est tirée de documents et non des déclarations de l'appelant et que ces documents par leur nature existaient indépendamment de la perquisition et de la saisie du 17 juillet 1990.

[49] L'avocat de l'intimée a ajouté que, dans la même décision, la Cour suprême avait fait remarquer aux paragraphes [72] à [74] qu'en examinant le paragraphe 24(2), « l'équité du procès revêt une importance fondamentale » . Les facteurs comprennent « la nature de la preuve obtenue » et « la nature du droit violé » , « plutôt que la façon dont ce droit a été violé. Une preuve matérielle obtenue d'une manière contraire à la Charte sera rarement de ce seul fait une cause d'injustice. La preuve matérielle existe indépendamment de la violation de la Charte et son utilisation ne rend pas le procès inéquitable » .

[50] En ce qui concerne la présumée omission de répondre avec toute la diligence possible aux avis d'appel de l'appelant, conformément au paragraphe 165(3) de la Loi, l'avocat de l'intimée a soutenu que le ministre n'avait pas omis d'agir « avec toute la diligence possible » à la suite du dépôt des avis d'opposition de l'appelant au début de 1992 avec les avis de ratification et de nouvelle cotisation additionnelle ayant été reçus en mai 1996. Ce délai visait simplement à assurer que l'instruction simultanée de procédures civiles n'entacherait pas les procédures criminelles en instance dans l'intervalle.

[51] En outre et de toute façon, le paragraphe 169(1) de la Loi prévoit que le contribuable peut interjeter appel devant la Cour de l'impôt si le ministre n'a pas répondu à un avis d'appel dans les 90 jours qui ont suivi la réception de l'avis. L'appelant ne s'est pas prévalu de cette possibilité. Comme l'a dit la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Bolton v. The Queen, 96 DTC 6413 (C.A.F.), l'omission du ministre d'agir avec toute la diligence possible conformément au paragraphe 165(3) n'a pas pour effet d'annuler la cotisation puisque le contribuable aurait simplement pu interjeter appel conformément à l'alinéa 169(1)b) de la Loi.

[52] Quant à la question de savoir si l'appelant est passible de pénalités en vertu du paragraphe 163(2), l'avocat de l'intimée a dit que cette disposition prévoit que toute personne qui « a fait sciemment ou dans des circonstances qui justifient l'imputation d'une faute lourde, un faux énoncé ou une omission dans une déclaration » est passible d'une pénalité au civil. Il a soutenu qu'en l'espèce, l'appelant avait sciemment ou dans des circonstances qui justifient l'imputation d'une faute lourde omis de déclarer des revenus importants, et dans le cas de l'année 1988, des montants bien supérieurs à 100 000 $. En l'espèce, les facteurs qui justifient l'imposition de pénalités contre l'appelant conformément au paragraphe 163(2) comprennent les facteurs suivants et je cite les notes écrites :

[TRADUCTION]

- Le fait qu'il était facilement possible de déterminer le montant exact du revenu que l'appelant avait reçu de MP & P pour chacune des années 1987 et 1988 à l'aide des états de revenu cumulatifs joints à chaque chèque émis par MP & P ou en communiquant simplement avec MP & P.

- Le fait que le montant du revenu non déclaré en 1987 et en 1988 était élevé. Le fait que la non-déclaration n'était pas simplement un événement isolé, mais que cela s'était produit à l'égard de plusieurs chèques au cours de chacune de deux années consécutives, alors que pendant la même période, les chèques étaient scrupuleusement comptabilisés aux fins de l'obtention des subventions maximales de transport accordées par le gouvernement fédéral.

- Le fait que, pendant la période allant de la fin du mois de mars jusqu'au mois de mai, l'entreprise de l'appelante fonctionnait au ralenti parce que les poids lourds ne pouvaient pas utiliser les routes, de sorte que l'appelant disposait de plus de temps pour examiner la documentation qui était préparée pour son comptable, M. Allen, aux fins de la préparation et de la production de sa déclaration de revenu personnelle avant la date limite de production, soit le 30 avril.

- Le fait que l'appelant était la seule personne autorisée à signer pour son entreprise et qu'il s'occupait de la plupart des opérations bancaires y afférentes. Par conséquent, malgré ses dénégations, l'appelant conservait en fait un contrôle personnel strict en ce qui concerne la situation financière de l'entreprise sur une base régulière et continue et s'intéressait à cette situation.

- Le fait que l'appelant a retenu les services de M. Allen pour effectuer un minimum de travail comptable aux fins de la production d'une déclaration de revenu. L'appelant a uniquement eu recours à M. Allen en vue de préparer un état annuel des résultats en se fondant non sur une vérification indépendante, mais sur les documents qu'il lui fournissait lui-même.

- Le fait que rien ne montre que l'appelant se soit montré surpris lorsque M. MacDonald lui a dit, à la fin du mois de septembre 1989, qu'il avait constaté que certains montants élevés n'avaient pas été déclarés pour chacune de ces deux années.

- Le fait que l'appelant n'a même pas présenté d'observations écrites au ministre, même s'il avait eu la possibilité de le faire, en vue de s'opposer aux pénalités civiles qui lui avaient été imposées en vertu de la Loi à cause du revenu non déclaré.

- Le fait que rien ne montre que l'appelant ait même initialement contesté la conclusion que M. MacDonald avait tirée à la suite de la vérification au sujet du revenu non déclaré. Ce qui est surprenant, c'est que l'appelant semble toujours avoir accepté cette conclusion. Bien sûr, le fait que les montants n'ont pas été déclarés, et ce, à tort, est clairement admis dans la présente instance et n'a jamais été contesté.

[53] En ce qui concerne le fait que l'appelant ne nie pas que les montants n'ont pas été déclarés, mais qu'il affirme que ce n'était pas sa faute, mais celle de son commis, l'avocat de l'intimée a cité la décision Frenette v. M.N.R., 58 DTC 579 (Commission d'appel de l'impôt) : « De toute façon, les erreurs alléguées des employés ne pouvaient pas être invoquées pour justifier une déclaration de revenu que l'appelant avait signée, dont il avait attesté l'exactitude et dans laquelle les erreurs commises ne se rapportaient pas à quelques centaines de dollars, mais à plusieurs milliers de dollars. »

Analyse et conclusion

[54]L'article 24 de la Charte se lit comme suit :

24(1) Toute personne, victime de violation ou de négation des droits ou libertés qui lui sont garantis par la présente charte, peut s'adresser à un tribunal compétent pour obtenir la réparation que le tribunal estime convenable et juste eu égard aux circonstances.

24(2) Lorsque, dans une instance visée au paragraphe (1), le tribunal a conclu que des éléments de preuve ont été obtenus dans des conditions qui portent atteinte aux droits ou libertés garantis par la présente charte, ces éléments de preuve sont écartés s'il est établi, eu égard aux circonstances, que leur utilisation est susceptible de déconsidérer l'administration de la justice.

[55] Les éléments de preuve recueillis à la suite de la perquisition et de la saisie qui ont été effectuées en vertu de l'article 231.3 de la Loi, tel qu'il était alors en vigueur, ont été recueillis d'une façon qui portait atteinte à un droit garanti par la Charte, étant donné que dans l'arrêt Baron (précité), il a été statué que cette disposition de la Loi violait l'article 8 de la Charte.

[56] Les paragraphes 231.3(1), (2) et (3) de la Loi se lisent maintenant comme suit :

(1) Sur requête ex parte du ministre, un juge peut décerner un mandat écrit qui autorise toute personne qui y est nommée à pénétrer dans tout bâtiment, contenant ou endroit et y perquisitionner pour y chercher des documents ou choses qui peuvent constituer des éléments de preuve de la perpétration d'une infraction à la présente loi, à saisir ces documents ou choses et, dès que matériellement possible, soit à les apporter au juge ou, en cas d'incapacité de celui-ci, à un autre juge du même tribunal, soit à lui en faire rapport, pour que le juge en dispose conformément au présent article.

(2) La requête visée au paragraphe (1) doit être appuyée par une dénonciation sous serment qui expose les faits au soutien de la requête.

(3) Le juge saisi de la requête peut décerner le mandat mentionné au paragraphe (1) s'il est convaincu qu'il existe des motifs raisonnables de croire ce qui suit :

a) une infraction prévue par la présente loi a été commise;

b) des documents ou choses qui peuvent constituer des éléments de preuve de la perpétration de l'infraction seront vraisemblablement trouvés;

c) le bâtiment, contenant ou endroit précisé dans la requête contient vraisemblablement de tels documents ou choses.

(Je souligne.)

[57] Par suite de l'arrêt Baron (précité), on a remplacé par le verbe « peut décerner » le verbe « décerne » figurant au paragraphe 231.3(3) de la Loi. Cette disposition se lisait auparavant comme suit :

(3) Le juge saisi de la requête décerne le mandat mentionné au paragraphe (1) s'il est convaincu qu'il existe des motifs raisonnables de croire ce qui suit:

a) une infraction prévue par la présente loi a été commise;

b) il est vraisemblable de trouver des documents ou choses qui peuvent constituer des éléments de preuve de la perpétration de l'infraction;

c) le bâtiment, contenant ou endroit précisé dans la requête contient vraisemblablement de tels documents ou choses.

(Je souligne.)

[58] Conformément au paragraphe 24(2) de la Charte, les éléments de preuve recueillis au moment de la perquisition et de la saisie qui n'avaient pas validement été autorisées sont écartés si, eu égard aux circonstances, leur utilisation est susceptible de déconsidérer l'administration de la justice.

[59] La Cour suprême du Canada a souvent examiné le paragraphe 24(2) de la Charte, et ce, surtout sinon toujours, dans des affaires de nature pénale. La norme d'exclusion de la preuve serait plus stricte que dans les affaires civiles. Dans l'arrêt R. c. McKinlay Transport Ltd., [1990] 1 R.C.S. 627, le juge Wilson a effectué une analyse approfondie des normes à appliquer dans une affaire civile et dans une affaire pénale. Je reparlerai de cette analyse ci-dessous aux paragraphes [66] à [69]. Pour l'instant, j'examinerai les conclusions que la Cour suprême du Canada a tirées au sujet des principes qui s'appliquent à l'exclusion de la preuve.

[60] La première décision importante sur ce point est la décision R. c. Collins, [1987] 1 R.C.S. 265. Je citerai un passage de cet arrêt aux pages 283 à 285 :

Le paragraphe 24(2) enjoint au juge qui détermine si l'utilisation de la preuve est susceptible de déconsidérer l'administration de la justice, de tenir compte de « toutes les circonstances » . [...] Les facteurs les plus souvent retenus par les tribunaux sont les suivants:

— quel genre d'éléments de preuve a été obtenu?

—           quel droit conféré par la Charte a été violé?

—           la violation de la Charte était-elle grave ou s'agissait-il d'une simple irrégularité?

— la violation était-elle intentionnelle, volontaire ou flagrante, ou a-t-elle été commise par inadvertance ou de bonne foi?

— la violation a-t-elle eu lieu dans une situation d'urgence ou de nécessité?

— aurait-on pu avoir recours à d'autres méthodes d'enquête?

— les éléments de preuve auraient-ils été obtenus en tout état de cause?

— s'agit-il d'une infraction grave?

—           les éléments de preuve recueillis sont-ils essentiels pour fonder l'accusation?

— existe-t-il d'autres recours?

[...]

Selon moi, il est clair que les facteurs pertinents à l'égard de cette détermination comprennent la nature de la preuve obtenue par suite de la violation et la nature du droit violé, plutôt que la façon dont ce droit a été violé. Une preuve matérielle obtenue d'une manière contraire à la Charte sera rarement de ce seul fait une cause d'injustice. La preuve matérielle existe indépendamment de la violation de la Charte et son utilisation ne rend pas le procès inéquitable. Il en est toutefois bien autrement des cas où, à la suite d'une violation de la Charte, l'accusé est conscrit contre lui-même au moyen d'une confession ou d'autres preuves émanant de lui. Puisque ces éléments de preuve n'existaient pas avant la violation, leur utilisation rendrait le procès inéquitable et constituerait une attaque contre l'un des principes fondamentaux d'un procès équitable, savoir le droit de ne pas avoir à témoigner contre soi-même. [...] Dans certaines circonstances, il peut également être pertinent de savoir que les éléments de preuve auraient été obtenus de toute façon sans violation de la Charte.

[61] En 1997, la Cour suprême du Canada a de nouveau examiné les principes se rapportant à l'exclusion de la preuve dans l'arrêt Stillman (précité), où le juge Cory a dit ceci, aux pages 651 à 653 :

[71] Il ne fait aucun doute que l'arrêt Collins a été le premier à tracer la voie que les tribunaux devraient suivre en examinant l'application du par. 24(2). Toutefois, des arrêts ultérieurs de notre Cour et l'interprétation que les tribunaux d'instance inférieure leur ont donnée indiquent qu'il est nécessaire de préciser davantage la voie qui doit être suivie par les tribunaux, tout en maintenant les principes de base énoncés dans l'arrêt Collins. Par exemple, il y a confusion quant à savoir ce qui constitue une preuve « matérielle » et dans quelles circonstances son exclusion ou son utilisation rendrait le procès inéquitable. [...]

[73] Il ressort de ce passage que le but premier de l'examen du facteur de l'équité du procès dans l'analyse fondée sur le par. 24(2) est d'empêcher qu'un accusé, dont les droits garantis par la Charte ont été violés, soit mobilisé contre lui-même ou forcé de fournir, au profit de l'État, des éléments de preuve sous forme de déclarations ou de substances corporelles. C'est parce que l'accusé est forcé, à la suite d'une violation de la Charte,de participer à la constitution ou à la découverte d'une preuve auto-incriminante sous forme de confessions, de déclarations ou d'échantillons de substances corporelles, que l'utilisation de cette preuve a généralement tendance à rendre le procès inéquitable. Cette règle générale, comme toutes les règles, peut souffrir de rares exceptions.

[74] Ainsi, comme première étape de l'analyse de l'équité du procès, il est nécessaire de qualifier le genre d'éléments de preuve en question. Les éléments de preuve qui doivent être examinés au chapitre de l' « équité » tombent généralement dans l'une des deux catégories suivantes: la preuve non obtenue en mobilisant l'accusé contre lui-même ou la preuve obtenue en mobilisant l'accusé contre lui-même. Comme on l'a affirmé dans l'arrêt Collins, l'utilisation de la preuve qui relève de la catégorie des éléments de preuve non obtenus en mobilisant l'accusé contre lui-même a rarement pour effet de rendre le procès inéquitable. Lorsque la preuve est qualifiée de preuve non obtenue en mobilisant l'accusé contre lui-même, la cour devrait alors examiner les deuxième et troisième facteurs énoncés dans l'arrêt Collins, soit la gravité de la violation de la Charte et l'incidence de l'exclusion sur la considération dont jouit l'administration de la justice. Il est donc essentiel de savoir faire la distinction entre une preuve non obtenue en mobilisant l'accusé contre lui-même et une preuve obtenue en mobilisant l'accusé contre lui-même.

[...]

La preuve obtenue en mobilisant l'accusé contre lui-même

[80] La preuve est obtenue en mobilisant l'accusé contre lui-même lorsque l'accusé, en violation de ses droits garantis par la Charte, est forcé de s'incriminer sur l'ordre de l'État au moyen d'une déclaration, de l'utilisation de son corps ou de la production de substances corporelles. L'exemple classique le plus courant de ce genre de preuve est la déclaration auto-incriminante faite par l'accusé à la suite d'une violation du droit à l'assistance d'un avocat, que lui garantit l'al. 10b) de la Charte. Un autre exemple est l'utilisation forcée du corps de l'accusé ou le prélèvement forcé de ses substances corporelles telles que le sang, qui mènent à l'auto-incrimination. Ce sont les déclarations forcées ou l'utilisation des substances corporelles d'un accusé obtenues en le mobilisant contre lui-même, en violation de ses droits garantis par la Charte, qui peuvent rendre un procès inéquitable.

[...]

Résumé concernant l'équité du procès

[112] Une façon simple pour les juges du procès d'aborder le facteur de l'équité du procès consiste à procéder à une analyse en deux étapes. Premièrement, la preuve doit être qualifiée soit de « preuve obtenue en mobilisant l'accusé contre lui-même » , soit de « preuve non obtenue en mobilisant l'accusé contre lui-même » . La qualification de la preuve dépendra de la façon dont elle a été obtenue.

La qualification

[113] Si la preuve a été obtenue dans des conditions qui violent la Charte, en forçant l'accusé à s'incriminer lui-même par une déclaration ou par l'utilisation en preuve de son corps ou de ses substances corporelles, elle sera qualifiée de preuve obtenue en mobilisant l'accusé contre lui-même. Voir les arrêts Manninen, Ross et Bartle, précités. Par contre, si la preuve a été obtenue dans des conditions qui violent la Charte, en ne forçant pas l'accusé à s'incriminer lui-même par une déclaration ou par l'utilisation en preuve de son corps ou de ses substances corporelles, elle sera qualifiée de preuve non obtenue en mobilisant l'accusé contre lui-même. Voir les arrêts R. c. Silveira, [1995] 2 R.C.S. 297, et Evans, précité.

[62] À mon avis, les éléments de preuve recueillis par suite de la perquisition et de la saisie semblent être de la nature d'une preuve ne mobilisant pas l'appelant contre lui-même. Il s'agissait d'éléments de preuve figurant dans les documents qui ont été trouvés dans les locaux où la perquisition a été effectuée, lesquels n'étaient pas tirés de déclarations faites par l'appelant. En fait, presque toute la saisie a été effectuée en l'absence de l'appelant.

[63] Si j'examine les facteurs décrits dans l'arrêt Collins (précité) (paragraphe 60 de ces motifs) pour déterminer si l'utilisation de la preuve serait susceptible de déconsidérer l'administration de la justice, je dois déterminer si l'on a fait preuve de mauvaise foi en violant la Charte. Je ne puis conclure que les représentants du ministre aient été de mauvaise foi en obtenant les mandats de perquisition et en procédant à la perquisition. À ce moment-là, la disposition de la Loi était valide et rien ne montre que des renseignements erronés aient été fournis au juge de la Section de première instance de la Cour du Banc de la Reine qui a décerné les mandats. Il faut sans doute faire preuve d'énormément de vigilance lorsqu'on décide de procéder à une perquisition et à une saisie. Toutefois, la plupart des actes réglementaires sinon tous autorisent les perquisitions et les saisies. Ces mesures sont légales.

[64] Si, au moment où ils ont essayé d'obtenir de nouveaux mandats de perquisition de la Cour provinciale du Nouveau-Brunswick aux fins des poursuites criminelles, le 26 janvier 1993, les représentants du ministre n'ont pas pleinement informé cette cour des événements, il appartient aux tribunaux qui ont compétence au criminel d'examiner la question. Or, ces tribunaux ont de fait examiné la question comme le montre le sommaire des faits figurant aux paragraphes [28] à [34] des présents motifs.

[65] Si nous examinons les autres facteurs décrits dans la décision que la Cour suprême du Canada a rendue dans l'affaire Collins (précitée), je ne puis constater l'existence d'aucun facteur nous empêchant d'utiliser la preuve afin d'assurer un procès équitable au civil. Par conséquent, les éléments de preuve qui ont été recueillis lors de la perquisition et de la saisie conformément au paragraphe 231.3(1) de la Loi, qui a été jugé inconstitutionnel parce qu'il violait l'article 8 de la Charte, sont admissibles et les cotisations établies le 21 novembre 1991 sont donc valides.

[66] J'examinerai maintenant la validité des éléments de preuve recueillis conformément au pouvoir d'inspection prévu au paragraphe 231.1(1) de la Loi. Si l'on a recours à une perquisition et à une saisie lorsqu'il existe des motifs raisonnables de croire qu'une infraction a été commise, et ce, aux fins de poursuites au criminel, les pouvoirs d'inspection sont, de leur côté, utilisés aux fins de l'application civile de la Loi. En ce qui concerne la distinction entre une inspection administrative et une enquête criminelle et les normes qui s'appliquent à chacune, j'estime qu'il est utile de citer la décision que la Cour suprême du Canada a rendue dans l'affaire McKinlay Transport Ltd. (précitée), aux pages 647 à 649 :

[...] J'estime qu'il est conforme à cette interprétation de faire une distinction entre, d'une part, les saisies en matière criminelle ou quasi criminelle auxquelles s'appliquent dans toute leur rigueur les critères énoncés dans l'arrêt Hunter et, d'autre part, les saisies en matière administrative et de réglementation, auxquelles peuvent s'appliquer des normes moins strictes selon le texte législatif examiné. Je ne crois pas que lorsque le Juge en chef a affirmé, à la p. 527 de l'arrêt Simmons, que les dérogations aux critères énoncés dans l'arrêt Hunter seraient rares, il songeait aux fouilles, aux perquisitions ou aux saisies effectuées en application d'un texte de réglementation. Je crois plutôt qu'il visait, comme c'était le cas dans les affaires Hunter et Simmons, les fouilles, les perquisitions ou les saisies en matière criminelle ou quasi criminelle. C'est donc dans cette optique que je vais examiner le caractère raisonnable du par. 231(3) de la Loi de l'impôt sur le revenu.

Au début de mon analyse, j'ai souligné que la Loi de l'impôt sur le revenu se fondait sur le principe de l'auto-déclaration et de l'auto-cotisation. La Loi aurait pu prévoir que chaque contribuable doit remettre tous ses documents au Ministre et à ses fonctionnaires pour qu'ils puissent faire les calculs nécessaires pour déterminer le revenu imposable de chacun. La Loi n'exige pas cela, sûrement parce qu'un tel système serait extrêmement coûteux et peu commode. Cependant, un régime d'auto-déclaration a ses désavantages, dont le principal est que son succès dépend de l'honnêteté et de l'intégrité du contribuable dans la préparation de sa déclaration. Bien qu'il ne fasse pas de doute que la plupart des contribuables respectent le régime et s'y conforment, c'est un fait que certaines personnes tentent d'en tirer profit et d'échapper en partie au fisc.

Conséquemment, le ministre du Revenu national doit disposer, dans la surveillance de ce régime de réglementation, de larges pouvoirs de vérification des déclarations des contribuables et d'examen de tous les documents qui peuvent être utiles pour préparer ces déclarations. Le Ministre doit être capable d'exercer ces pouvoirs, qu'il ait ou non des motifs raisonnables de croire qu'un certain contribuable a violé la Loi. Il est souvent impossible de dire, à première vue, si une déclaration a été préparée de façon irrégulière. Les contrôles ponctuels ou un système de vérification au hasard peuvent constituer le seul moyen de préserver l'intégrité du régime fiscal. Si tel est le cas, et je crois qu'il en est ainsi, il est évident que les critères de l'arrêt Hunter ne conviennent pas pour déterminer le caractère raisonnable d'une saisie effectuée en vertu du par. 231(3) de la Loi de l'impôt sur le revenu. La nature réglementaire du texte législatif et son intention générale ne s'y prêtent pas. La nécessité d'un contrôle au hasard est incompatible avec l'exigence, énoncée dans l'arrêt Hunter, que la personne qui demande l'autorisation ait des motifs raisonnables et probables, établis sous serment, de croire qu'une infraction a été commise. Si ce critère énoncé dans l'arrêt Hunter est inapplicable, il doit en être de même pour les autres critères établis dans cet arrêt puisque leur validité repose sur la nécessité d'établir l'existence de motifs raisonnables et probables de croire qu'une infraction a été commise. Par exemple, il n'est pas nécessaire d'avoir un arbitre impartial en mesure d'agir de façon judiciaire puisque son rôle principal, selon l'arrêt Hunter, consiste à s'assurer que la personne qui demande l'autorisation a des motifs raisonnables et probables de croire qu'une infraction précise a été commise, qu'il existe des motifs raisonnables et probables de croire que l'autorisation permettra de découvrir quelque chose ayant trait à cette infraction précise, et que l'autorisation ne vise qu'à permettre la saisie de documents se rapportant à l'infraction précise.

Il ne faut pas conclure que toutes les formes de perquisitions et de saisies effectuées sous le régime de la Loi de l'impôt sur le revenu sont valides. L'intérêt qu'a l'État à contrôler le respect de la Loi doit être soupesé en fonction du droit des particuliers à la protection de leur vie privée. Plus grande est l'atteinte aux droits à la vie privée des particuliers, plus il est probable que des garanties semblables à celles que l'on trouve dans l'arrêt Hunter seront nécessaires. Ainsi, le fait pour des agents du fisc de pénétrer dans la propriété d'un particulier pour y faire une perquisition et une saisie constitue une immixtion beaucoup plus grande que la simple demande de production de documents. La raison en est que même s'il est possible que le contribuable s'attende peu à ce que son droit à la protection de sa vie privée soit respecté relativement à ses documents commerciaux utiles pour établir son assujettissement à l'impôt, il n'en attache pas moins d'importance au respect de l'inviolabilité de son domicile.

[67] L'article 8 de la Charte, qui prévoit que chacun a droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions et les saisies abusives, s'applique aux inspections administratives. Ces inspections ne doivent pas être abusives. Les normes à appliquer sont différentes de celles qui s'appliquent en matière pénale, comme le montre l'arrêt McKinlay (précité). Dans le contexte réglementaire et administratif, la norme est fixée par rapport à l'attente relative au respect du droit à la protection de la vie privée et au but législatif visé. Il faut inspecter les documents commerciaux pour assurer l'observation des dispositions réglementaires de la Loi dans le but de protéger l'intérêt public. Ainsi, l'attente du contribuable en ce qui concerne le respect du droit à la protection de la vie privée, à l'égard de ces documents, est minime sauf lorsque ces documents se trouvent dans sa résidence personnelle. Le paragraphe 231.1(3) de la Loi prévoit qu'une autorisation judiciaire ex parte est accordée dans ce dernier cas.

[68] Par conséquent, lorsque M. MacDonald a effectué la vérification le 25 septembre 1989, il agissait dans un contexte administratif ou réglementaire en vertu du paragraphe 231.1(1) de la Loi. Avant de se présenter à l'établissement de l'appelant, M. MacDonald a communiqué avec celui-ci en vue d'organiser un rendez-vous; le vérificateur qui, en effectuant une inspection, constate qu'une infraction criminelle a peut-être été commise et qui renvoie l'affaire à l'unité chargée des enquêtes criminelles ne commet certes aucun acte répréhensible.

[69] Le fait que le vérificateur s'est présenté une seconde fois avec un fonctionnaire de l'Unité des enquêtes spéciales sans informer l'appelant de la chose devrait-il influer sur la validité des cotisations en résultant, lesquelles sont de nature civile? On peut se demander s'il convenait que le vérificateur se fasse accompagner par un fonctionnaire de l'Unité des enquêtes spéciales sans informer l'appelant de la chose et utilise ainsi le prétexte d'une inspection civile aux fins de poursuites criminelles. Toutefois, je ne crois pas que l'état du droit est tel que cela influe sur la validité de cette affaire civile et que je doive annuler les cotisations. Je ne connais aucune décision judiciaire en ce sens. Cela peut influer sur les poursuites criminelles compte tenu des garanties constitutionnelles reconnues à l'accusé, mais je ne puis voir comment cela peut influer sur une affaire civile, en particulier lorsqu'il s'agit de vérifier l'exactitude de l'auto-déclaration et de l'auto-cotisation. Par conséquent, en ce qui concerne les nouvelles cotisations qui ont été établies avant le 21 novembre 1991, la preuve a clairement démontré qu'elles étaient fondées sur les conclusions que M. MacDonald avait tirées avant la saisie et conformément à un pouvoir d'inspection légitimement exercé et ces nouvelles cotisations sont donc jugées valides.

[70] Je suis d'avis que, pour les années d'imposition 1986 et 1987, il était légitime d'imposer des pénalités en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi, et ce, pour les raisons soumises par l'avocat de l'intimée, telles qu'elles sont énoncées ci-dessus aux paragraphes [52] et [53]. Toutefois, j'ai certaines réserves au sujet de l'année d'imposition 1988. Lorsque le vérificateur s'est présenté chez le comptable de l'appelant, la déclaration de revenu relative à cette année-là n'avait pas encore été produite. Le vérificateur a pris des dispositions pour que la déclaration soit produite ce jour-là étant donné que le comptable l'avait déjà préparée. Toutefois, le vérificateur savait fort probablement à ce moment-là qu'un revenu n'avait pas été déclaré. Il semble que si la production de la déclaration de revenu avait été retardée d'un jour ou deux, le revenu non déclaré aurait été inclus. Comme l'avocat de l'intimée l'a mentionné, l'appelant n'a jamais contesté que le revenu non déclaré, une fois découvert, devait être inclus. Ce revenu non déclaré a été découvert par le vérificateur et l'on peut douter qu'il aurait été déclaré s'il n'avait pas été découvert. Toutefois, la déclaration n'avait pas encore été produite, et ce, pour des raisons qui n'ont pas été fournies, et il y aurait lieu de croire que c'était peut-être parce que le contribuable hésitait à ne pas déclarer une partie importante de son revenu. Dans ces conditions, j'estime que le vérificateur n'aurait pas dû faire en sorte que la déclaration de revenu soit produite puisqu'il savait que le revenu n'avait pas entièrement été déclaré ou qu'il avait du moins des doutes sérieux à cet égard. On aurait pu attendre un jour pour produire la déclaration et pour que le calcul du revenu soit effectué de la façon appropriée. Les pénalités imposées en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi pour l'année d'imposition 1988 sont donc annulées.

[71] Quant à l'argument selon lequel le ministre n'a pas agi avec toute la diligence raisonnable conformément au paragraphe 165(3) de la Loi, je souscris aux arguments que l'avocat de l'intimée a présentés tels qu'ils sont énoncés aux paragraphes [50] et [51] ci-dessus.

[72] Les appels relatifs aux années 1986 et 1987 sont rejetés. Quant à l'année d'imposition 1988, l'appel est admis en ce qui concerne l'imposition des pénalités. La cotisation est par ailleurs maintenue. L'intimée aura droit à un mémoire de frais.

Signé à Ottawa, Canada, ce 15e jour d'octobre 1998.

« Louise Lamarre Proulx »

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

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