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Date: 19980423

Dossiers: 97-1046-IT-I; 97-769-IT-I; 97-1047-IT-I; 97-1048-IT-I

ENTRE :

JEAN-CLAUDE OUZILLEAU, ROLAND SÉNÉCHAL, FERNAND DELISLE, ARTHUR ROUSSEAU,

appelants,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Lamarre Proulx, C.C.I.

[1] Ces appels ont été entendus sur preuve commune par voie de la procédure informelle. Ils concernent l’application de l’alinéa 8(1)f) et du sous-alinéa 8(1)i)(iii) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la “Loi”) pour l’année d’imposition 1994.

[2] La question en litige est de savoir si les appelants peuvent déduire dans le calcul de leur revenu d’emploi, le coût d’achat d’un ordinateur acquis aux termes de leur contrat de travail.

[3] Pour établir les nouvelles cotisations, le ministre du Revenu national (le “Ministre”) s’est fondé sur les faits décrits aux paragraphes 4 des Réponses à l’avis d’appel (la “Réponse”). Comme ces Réponses sont identiques il ne faut reproduire qu’un seul paragraphe 4. Il se lit comme suit :

a) au cours de l'année en litige, l'appelant était vendeur à commissions pour la Société du Vallon Chrysler Plymouth Ltd. (ci-après, “l'employeur”);

b) au cours de l'année d'imposition 1994, l'appelant a acheté un ordinateur pour un montant de 1 918,30 $ (ci-après “l'ordinateur”);

c) l'appelant était tenu d'acheter l'ordinateur pour fins de son emploi;

d) l'appelant n'a pas reçu ni allocation ni remboursement de son employeur pour l'ordinateur;

e) cet ordinateur est un débours de nature capital;

f) par conséquent, le ministre a refusé à l'appelant la déduction pour fins d'emploi de 1 968 $ réclamée dans sa déclaration de revenus pour l'année d'imposition 1994;

g) de plus, aucune déduction pour amortissement n'est admissible en vertu de l'alinéa 8(1)f) de la Loi de l'impôt sur le revenu (ci-après, la “Loi).

[4] Monsieur Jean-Claude Ouzilleau a servi de représentant aux autres appelants. Lui seul a témoigné. Les autres appelants ont accepté que son témoignage représentait leur position. Il a admis les paragraphes 4 a) à 4 d) de la Réponse. Il a nié le paragraphe 4 e) de celle-ci.

[5] Monsieur Ouzilleau a expliqué qu’il y avait eu une entente entre l’employeur et les employés par laquelle ces derniers acquéraient à leurs frais un ordinateur et que l’employeur s’engageait à fournir les logiciels et l’entretien. Cette entente a été produite comme pièce A-1. Les employés utilisaient ces ordinateurs à leur poste de travail situé chez l’employeur. Au moment de l’audition, les appelants avaient encore ces ordinateurs à leur disposition. Un des appelants a aussi fait part à la Cour qu’à l’égard de deux de leurs collègues qui avaient acheté leur ordinateur en 1993, la déduction du coût d’achat de leur ordinateur n’a pas été rejetée par le Ministre. Sur ce dernier point, il me faut dire immédiatement que le traitement fiscal d'un autre contribuable n'a pas de portée juridique.

Arguments

[6] Monsieur Ouzilleau s’est référé au Guide d’impôt de l’année 1994, pour faire valoir que certaines dépenses peuvent être déduites du revenu d’emploi. Il s’est aussi référé au Recueil fiscal, de l’auteur René Huot, pour faire valoir que les ordinateurs pouvaient être sujets à un taux d’amortissement élevé.

[7] L’avocate de l’intimée s’est référée aux alinéas 8(1)f), 8(1)i) et 8(1)j) de la Loi. Elle a fait valoir que les ordinateurs étaient utilisés sur les lieux du travail, que leur coût d’acquisition était une dépense en capital dont la déduction était exclue par l’alinéa 8(1)f) de la Loi et qui n’était pas sujette à l’exception prévue à l’alinéa 8(1)j) et qu’il ne s’agissait pas non plus d’achat de fournitures qui se consomment lors de l’usage, au sens du sous-alinéa 8(1)i)iii) de la Loi.

Analyse

[8] Les alinéas 8(1)f), 8(1)i), 8(i)j) et le paragraphe 8(2) de la Loi se lisent comme suit :

(1) Sont déductibles dans le calcul du revenu d’un contribuable tiré, pour une année d’imposition, d’une charge ou d’un emploi ceux des éléments suivants qui se rapportent entièrement à cette source de revenus, ou la partie des éléments suivants qu’il est raisonnable de considérer comme s’y rapportant:

...

f) lorsque le contribuable a été, au cours de l’année, employé pour remplir des fonctions liées à la vente de biens ou à la négociation de contrats pour son employeur, et lorsque, à la fois :

(i) il était tenu, en vertu de son contrat, d’acquitter ses propres dépenses,

(ii) il était habituellement tenu d’exercer les fonctions de son emploi ailleurs qu’au lieu d’affaires de son employeur,

(iii) sa rémunération consistait en tout ou en partie en commissions ou autres rétributions semblables fixées par rapport au volume des ventes effectuées ou aux contrats négociés,

(iv) il ne recevait pas, relativement à l’année d’imposition, une allocation pour frais de déplacement qui, en vertu du sous-alinéa 6(1)b)(v), n’était pas incluse dans le calcul de son revenu,

les sommes qu’il a dépensées au cours de l’année pour gagner le revenu provenant de son emploi (jusqu’à concurrence des commissions ou autres rétributions semblables fixées de la manière prévue au sous-alinéa (iii) et reçues par lui au cours de l’année) dans la mesure où ces sommes n’étaient pas :

(v) des dépenses, des pertes ou des remplacements de capital ou des paiements au titre du capital, exception faite du cas prévu à l’alinéa j),

(vi) les dépenses qui ne seraient pas, en vertu de l’alinéa 18(1)l), déductibles dans le calcul du revenu du contribuable pour l’année, si son emploi relevait d’une entreprise exploitée par lui;

(vii) des montants dont le paiement a entraîné la réduction du montant qui serait inclus par ailleurs dans le calcul du revenu du contribuable pour l’année en application de l’alinéa 6(1)e);

...

8(1)i) dans la mesure où il n’a pas été remboursé et n’a pas le droit d’être remboursé à cet égard, les sommes payées par le contribuable au cours de l’année au titre :

...

(iii) du coût des fournitures qui ont été consommées directement dans l’accomplissement des fonctions de la charge ou de l’emploi et que le contrat d’emploi du cadre ou de l’employé l’obligeait à fournir et à payer,

...

8(1)j) lorsqu’un montant est déductible en application des alinéas f), h) ou h.1) dans le calcul du revenu que le contribuable tire d’une charge ou d’un emploi pour une année d’imposition :

(i) les intérêts payés par le contribuable au cours de l’année soit sur de l’argent emprunté et utilisé pour acquérir un véhicule à moteur utilisé dans l’exercice des fonctions de sa charge ou de son emploi ou un aéronef nécessaire à cet exercice, soit sur un montant payable pour l’acquisition d’un tel véhicule ou aéronef,

(ii) la déduction pour amortissement pour le contribuable, autorisée par règlement, applicable, selon le cas :

(A) à un véhicule à moteur utilisé dans l’exercice des fonctions de sa charge ou de son emploi,

(B) à un aéronef qui est nécessaire à l’exercice de ces fonctions;

8(2) Seuls les montants prévus au présent article sont déductibles dans le calcul du revenu d’un contribuable tiré, pour une année d’imposition, d’une charge ou d’un emploi.

[9] Les appelants sont des employés et l’achat de l’ordinateur s’est fait dans le cadre de leur emploi, dans le but de gagner un revenu d’emploi. Le paragraphe 8(2) de la Loi stipule expressément qu’aucune autre déduction que celles prévues à l’article 8 de la Loi ne sont permises pour le calcul du revenu d’emploi. Les déductions auxquelles s’est référé monsieur Ouzilleau sont des déductions concernant les amortissements du coût en capital. Au début de sa preuve, monsieur Ouzilleau avait nié l'énoncé du sous-paragraphe 4 e) de la Réponse, qui dit que l'achat de l'ordinateur est une dépense de nature capitale. Il demande toutefois la déduction de cette dépense par le jeu de l'amortissement du coût en capital, ce qui est contradictoire. Les déductions pour amortissement du coût en capital sont prévues à l’alinéa 20(1)a) de la Loi et sont prises en compte dans le calcul du revenu tiré d’une entreprise ou d’un bien.

[10] En ce qui concerne le revenu d’emploi, il faut s’en tenir à l’article 8 de la Loi. Dans cet article les seules dispositions qui peuvent être d’application dans la présente instance sont bien celles citées par l’avocate de l’intimée tel que mentionné au paragraphe 7 des présents motifs de jugement.

[11] En ce qui concerne les dépenses de vendeurs employés, prévues à l’alinéa 8(1)f) de la Loi, cet alinéa ne s’applique entre autres conditions que si l’employé était habituellement tenu d’exercer les fonctions de son emploi ailleurs qu’au lieu d’affaires de son employeur. Cet élément n’ayant pas été soulevé dans la Réponse, l’absence de preuve à cet égard n’influencera pas ma décision. Toutefois, cette condition explique la nature des dépenses qui sont permises sous cet alinéa. Ainsi le sous-alinéa 8(1)f)(v) de la Loi stipule qu’aucune déduction de dépense n’est permise si elle au titre du capital sauf si elle est relative à un véhicule à moteur ou à un aéronef. L’allocation du coût en capital relative à un ordinateur ne peut donc pas être déduite en vertu de l’alinéa 8(1)f) de la Loi. Elle est en effet exclue par le sous-alinéa 8(1)f)(v) de la Loi et elle ne se retrouve pas dans les exceptions décrites à l’alinéa 8(1)j) de la Loi.

[12] Tournons-nous maintenant vers le sous-alinéa 8(1)i)(iii) de la Loi. Ce sous-alinéa prévoit la déduction du coût des fournitures qui ont été consommées directement dans l’accomplissement des fonctions de l’emploi. Dans l’affaire Luks [No 2] c. M.R.N., 58 DTC 1194, le juge Thurlow de la Cour de l’échiquier a analysé le sens à donner à ces mots. Il y dit aux pages 1198 et 1199 qu’un équipement est différent d’une fourniture, mais, que même si l’on acceptait qu’en vertu de cette disposition législative l’on puisse assimiler une pièce d’équipement à une fourniture, il faudrait faire la preuve que la pièce d’équipement est devenue hors d’usage par son usage au cours de l’année. Cette preuve n’a pas été faite. Au contraire, les employés ont toujours à leur usage l’ordinateur en question. L’ordinateur n’a donc pas été consommé au cours de l’année 1994.

[13] Les appels sont en conséquence rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour d'avril 1998.

“Louise Lamarre Proulx”

J.C.C.I.

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