Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 20000110

Dossiers: 1999-2511-IT-I; 1999-2512-EI; 1999-2513-CPP

ENTRE :

THE GRAPHIC EDGE INC.,

appelante,

et SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

ET

ENTRE :

THE GRAPHIC EDGE INC.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

intimé.

motifs du jugement

Le juge suppléant Weisman, C.C.I.

[1] En août 1997, Barry Benjamin et Chris Embree, les actionnaires de l'appelante, dont le siège est en Alberta, ont accepté de vendre 50 p. 100 de leurs intérêts dans la société à Jim Veldhuis, un employé de confiance, et à un certain Kurt Olsen, un ami de M. Veldhuis jusqu'alors inconnu de MM. Benjamin et Embree. Un bref accord fut rédigé sans l'assistance d'un avocat parce que M. Benjamin était dans l'empressement de se joindre à M. Embree dans une nouvelle entreprise commerciale en Ontario.

[2] L'accord conclu par les quatre parties stipule ce qui suit :

[TRADUCTION]

Chris Embree et Barry Benjamin acceptent de vendre 50 p. 100 des actions et des capitaux propres de Graphic Edge Inc. à J. Velhuis et Kurt Olsen. En contrepartie, J. Veldhuis et Kurt Olsen acceptent d'acheter 50 p. 100 des actions et des capitaux propres pour la somme de 180 000 $ devant être payée au taux de 10 000 $ par mois pendant 36 mois. Cette somme inclut le prêt bancaire. Entrée en vigueur le 1er septembre 1997.

[3] M. Benjamin a témoigné qu'il existait un second accord verbal selon lequel MM. Veldhuis et Olsen fourniraient les 10 000 $ par mois prévus par l'accord écrit au moyen de retraits mensuels de 3 000 $ prélevés sur le compte bancaire de la société pour chacun des quatre actionnaires. De ce montant, 6 800 $ étaient destinés à rembourser le prêt bancaire non remboursé de l'appelante et 3200 $ devaient être payés à MM. Benjamin et Embree. Les retraits mensuels ne devaient pas être l'objet de retenues à la source au titre des cotisations au régime de pensions du Canada, des cotisations d'assurance-chômage ou de l'impôt sur le revenu. À la fin de l'année, les parties devaient s'entendre sur la façon de qualifier ces sommes, soit à titre de dividendes, de bonus, de prêts à des actionnaires, ou autrement.

[4] Il est bien établi qu'aucun certificat d'action n'a jamais été délivré et que le registre des actionnaires de la société et le registre des administrateurs n'ont pas été modifiés afin de faire état du changement de propriété. MM. Veldhuis et Olsen acquirent le pouvoir de signature sur le compte bancaire de l'appelante.

[5] Le prêt bancaire fut dûment remboursé par des prélèvements pré-autorisés mensuels sur le compte susmentionné. Toutefois, aucun paiement ne fut jamais reçu par MM. Benjamin et Embree. Lorsque M. Benjamin se renseignait environ toutes les six semaines, on lui assurait que tout allait bien, et que l'absence de paiements était due à des problèmes temporaires de flux de trésorerie. Il ne s'inquiétait pas trop puisque M. Embree et lui se sentaient pleinement protégés du fait que toutes les actions de la société étaient encore inscrites à leurs noms.

[6] La situation changea de façon radicale en mars 1998, lorsque M. Benjamin fut informé que Revenu Canada avait saisi le compte bancaire de la société et les comptes débiteurs de cette dernière au motif que celle-ci avait omis de remettre des cotisations au régime de pensions du Canada, des cotisations d'assurance-chômage et des impôts sur le revenu retenus à la source. M. Benjamin retourna à Edmonton où il découvrit que l'entreprise était fermée et que tous les registres financiers de la société, y compris ses ordinateurs et ses programmes, avaient disparu. Ce fut seulement par la menace de poursuites devant les tribunaux qu'il obtint finalement la restitution de certains registres. Ces registres, ainsi que d'autres obtenus au moyen de la procédure d'accès à l'information, constituent la documentation dont est saisie la Cour. Les registres montrent que MM. Veldhuis et Olsen ont chacun retiré 3 300 $ plus 500 $ d'allocation au titre des frais de voiture ou “ d'avance ” chacun des mois d'octobre, de novembre et de décembre 1997 et de janvier 1998. En février 1998, M. Veldhuis a retiré ses 3 300 $ habituels tandis que M. Olsen s'est attribué une “ indemnité finale ” de 2 475 $, soit 75 p. 100 de 3 300 $, plus 4% d'indemnité de vacances, soit un montant de 938,20 $.

[7] La société interjette présentement appel des évaluations établies par Revenu Canada concernant les cotisations au régime de pensions du Canada et les cotisations d'assurance-chômage et de la cotisation établie par celui-ci pour les impôts sur le revenu retenus à la source mais non remis, ainsi que des pénalités et des intérêts applicables pour l'année 1997.

[8] L'appelante soutient que depuis que MM. Veldhuis et Olsen étaient devenus actionnaires, les sommes qu'ils avaient prélevées étaient, en conformité avec l'accord verbal, des prêts à des actionnaires. Le ministre du Revenu national répond que puisque aucune action ne fut jamais émise, MM. Veldhuis et Olsen ne furent jamais actionnaires mais seulement employés. Les sommes qu'ils reçurent constituaient donc une rémunération, sur laquelle des retenues à la source auraient dû être prélevées et dûment remises.

[9] Je conclus que l'accord passé par les quatre parties en vue du transfert d'actions était un contrat valide et ayant force exécutoire et que MM. Veldhuis et Olsen étaient donc à la fois employés et actionnaires. La question est de savoir comment qualifier les sommes qu'ils ont prélevées sur l'appelante.

[10] Les registres des retenues salariales de la société pour les années 1997 et 1998 sont quelque peu inhabituels. Les noms des employés qui n'étaient pas des actionnaires de la société y sont inscrits et leurs salaires mensuels ainsi que les retenues à la source y sont enregistrés et correctement totalisés. Les noms de Veldhuis et Olsen y sont inscrits sous une écriture différente et alors que leurs retraits mensuels de 3 300 $ sont présentés à titre de rémunération et les diverses retenues dûment enregistrées, ceux-ci ne sont pas inclus dans les totaux par ailleurs obtenus. Ces écritures ont été manifestement effectuées après que les totaux avaient été effectués pour toutes les colonnes, rendant ainsi nécessaire la rectification de ces dernières.

[11] L'appelante soutient que MM. Veldhuis et Olsen ont conspiré pour mener l'entreprise à la faillite afin de s'approprier, sans avoir à payer, son fonds de commerce et la liste des comptes de ses clients. Ils ont donc enregistré ex post facto à titre de rémunération les prêts à des actionnaires contractés par eux en vertu de l'accord verbal dans les registres des salaires de la société, sans remettre les retenues à la source requises. Revenu Canada fut notifié, le compte bancaire et les comptes débiteurs saisis, et la société mise en faillite. MM. Veldhuis et Olsen sont ensuite allés travailler pour une autre société, emportant le fonds de commerce et la clientèle de l'appelante avec eux.

[12] M. Benjamin soutient que les sommes prélevées devaient être nécessairement des prêts à des actionnaires parce que l'accord verbal entre les parties précisait que les retraits ne devaient pas être l'objet de retenues à la source. Il n'y a cependant pas de raison de supposer que MM. Veldhuis et Olsen ont choisi de respecter leurs engagements sur ce point en particulier alors qu'ils ont trahi la plupart des autres. La détermination de la manière dont les sommes prélevées sur la société allaient être qualifiées n'est qu'une pure conjecture de la part de M. Benjamin.

[13] À cet égard, les registres de paie de l'appelante, même s'ils sont inhabituels, constituent le seul élément de preuve dont je dispose. Ils indiquent les sommes prélevées par MM. Veldhuis et Olsen à titre de rémunération et d'indemnité de vacances, ce qui appelle nécessairement des cotisations au régime de pensions du Canada, des cotisations de l'assurance-chômage et des retenues d'impôts sur le revenu. Par conséquent, l'appelante ne s'est pas déchargée du fardeau de la preuve qui lui incombait dans cette affaire.

[14] Les appels sont rejetés.

Signé à Toronto (Ontario), ce 10e jour de janvier 2000.

“ N. Weisman ”

J.S.C.C.I.

[traduction française officielle]

Traduction certifiée conforme ce 23e jour d'août 2000.

Benoît Charron, réviseur

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