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Date: 20000616

Dossier: 1999-2518-IT-I

ENTRE :

SADAQ AHMED,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

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Représentant de l'appelant : Gerald Grupp

Représentant de l'intimée : Brent Cuddy (stagiaire en droit)

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Motifs du jugement

(Rendus oralement à l'audience à Toronto (Ontario) le 8 mars 2000 et révisés ultérieurement à Ottawa (Ontario) le 16 juin 2000)

Le juge Mogan, C.C.I.

[1] Il s'agit d'un appel portant sur les années d'imposition 1996 et 1997. Pour chacune de ces années, l'appelant a déduit dans le calcul de son revenu le montant de 4 950 $ qui a été désigné dans sa déclaration de revenus comme une pension alimentaire ou des allocations d'entretien. Un montant identique a été déduit pour chacune de ces années. L'appelant soutient que les montants déduits ont été versés à son épouse et à sa mère (résidant dans la République du Kenya) pour subvenir à leurs besoins. L'appelant a également demandé pour chaque année un crédit d'impôt non remboursable de 5 380 $ à titre de montant pour conjoint.

[2] Au moyen d'avis de nouvelles cotisations délivrés en août et en novembre 1998, le ministre du Revenu national a rejeté la déduction des montants de 4 950 $ dans le calcul du revenu et a également refusé les crédits d'impôt non remboursables pour conjoint. L'appelant a interjeté appel devant cette cour à l'encontre de ces nouvelles cotisations, demandant à la Cour d'autoriser la déduction des montants et d'accorder les crédits d'impôt non remboursables. L'appelant a choisi la procédure informelle.

[3] Les principales questions consistent à savoir si l'appelant était marié en 1996 et en 1997 et, le cas échéant, s'il a envoyé un montant d'argent à son épouse et à sa mère au cours de ces années. Au moment où la présente affaire a été entendue à Toronto, soit le 8 mars 2000, j'ai prononcé de brefs motifs à l'audience exprimant des préoccupations au sujet de la crédibilité de l'appelant, rejetant l'appel pour 1997, mais accordant une mesure de redressement partielle pour 1996. Après mûre réflexion et pour les motifs exposés ci-dessous, j'ai décidé de n'accorder aucune mesure de redressement pour 1996 et de rejeter les appels pour les deux années. Je suis autorisé à m'éloigner de ma décision précédente rendue oralement à l'audience conformément à la décision de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Shairp c. La Reine, C.F., 1re inst., no T-26-81-84, 30 mars 1987 (87 DTC 5206).

[4] Le moins qu'on puisse dire, c'est que les faits de la présente affaire sont inhabituels. L'appelant était un citoyen de la Somalie. Il a quitté ce pays en 1989 à l'âge de 19 ans et est arrivé au Canada en 1990 en tant que réfugié au sens de la Convention. Il réside au Canada depuis son arrivée en 1990 et il n'a jamais quitté le pays à aucun moment pour aucune raison.

[5] L'appelant a décrit le mariage qu'il a contracté en vertu de la loi islamique. Comme ce mariage est très différent de ce qui correspond à un mariage traditionnel au Canada, je décrirai comment ce mariage a été contracté et je ferai également référence à certains éléments de preuve portant sur la loi islamique. Selon l'appelant, il a épousé une femme (Maryan Hussein Yusuf que j'appellerai “ Maryan ”) originaire de la Somalie en février 1995, époque à laquelle il se trouvait au Canada et elle, au Kenya. Une liaison téléphonique avait été établie entre l'appelant et Maryan pour la circonstance, deux témoins étant présents pour l'appelant au Canada et deux autres présents pour Maryan au Kenya.

[6] Avant le témoignage de l'appelant, un témoin a été produit, M. Aslam Nakhuda, qui a été présenté comme un imam de la religion islamique. Un imam est un chef de prière dans une mosquée, qui, je crois, peut être comparé à un ecclésiastique de la religion chrétienne. Il a été présenté à la Cour en tant que témoin expert afin de donner un témoignage d'expert sur la manière dont un mariage peut être contracté en vertu de la loi islamique.

[7] Le rapport d'un témoin expert proposé n'a pas été déposé ni signifié en vertu de l'article 7 des règles de la procédure informelle, et l'admissibilité de sa preuve a été contestée par l'avocat de l'intimée au motif qu'il n'avait pas reçu un avis suffisant de l'opinion à être exprimée. L'avocat a soutenu qu'il n'avait pas eu l'occasion de consulter un expert indépendant relativement à la preuve de l'expert proposé de l'appelant ou de préparer un contre-interrogatoire. Malgré les objections de l'intimée, j'ai permis à M. Aslam Nakhuda de témoigner, mais j'ai averti le représentant de l'appelant que j'accorderais un poids limité à l'opinion de son témoin.

[8] En un mot, l'imam a affirmé que la présence d'un membre du clergé n'était pas nécessaire à la célébration d'un mariage en vertu de la loi islamique. La seule chose qui était nécessaire pour l'homme et la femme (s'ils étaient tous les deux de foi islamique) était qu'ils devaient être ensemble en présence de deux témoins islamiques. Subsidiairement, il a affirmé qu'un mariage pouvait être contracté si l'homme et la femme se trouvaient sur deux continents distincts (comme l'Amérique du Nord et l'Afrique en l'espèce), mais étaient en liaison téléphonique et si chacun d'eux était accompagné de deux témoins islamiques. Si les témoins étaient présents et pouvaient témoigner du fait que l'une des parties, l'homme ou la femme, avait offert d'épouser l'autre et que le statut du mariage était accepté par l'autre partie, le mariage était contracté et les parties étaient considérées comme mariées. Il s'agit là de l'essentiel du témoignage de l'expert.

[9] L'intimée n'a de toute évidence pas reçu d'avis adéquat quant à la preuve offerte par l'expert proposé ni n'a eu une occasion suffisante pour consulter son propre expert ou pour préparer un contre-interrogatoire. Je vais par conséquent reconnaître l'opinion comme celle qui serait probablement donnée par un expert, mais je n'y accorderai que peu de poids. Même si un tel arrangement est accepté comme un mariage en vertu de la loi islamique, il existe une question de fait distincte quant à savoir si un tel mariage a réellement eu lieu. De plus, il faut également s'interroger sur la question de savoir si un tel mariage serait reconnu par les lois de l'Ontario lorsque l'une des deux parties se trouvait en Ontario à l'époque pertinente.

[10] J'éprouve de sérieuses réserves au sujet de la crédibilité de l'appelant. De nombreux éléments de la présente affaire sonnent faux; je vais en résumer certains.

[11] L'appelant a affirmé qu'il s'agissait d'un mariage arrangé. Il a été arrangé par son père et celui de Maryan. Conformément à cet arrangement, il était au téléphone en février 1995 en présence de deux témoins, l'un nommé Abdullahi (un parent de la femme) et l'autre nommé Ali Enow Ali, qui était un ami de l'appelant. Aucun de ces témoins n'a pu se présenter en cour selon l'appelant parce que ce dernier ne savait pas où se trouvait Ali Enow Ali et l'autre témoin (le parent de la femme) était retourné en Somalie, mais l'appelant a affirmé avoir entendu dire qu'il (l'autre témoin) se trouvait maintenant aux États-Unis. Par conséquent, les principales sources indépendantes de la preuve de ce mariage n'étaient pas à la disposition de la Cour.

[12] L'appelant a déclaré que les mots appropriés ont été prononcés en présence de ses deux témoins et que les mots appropriés ont été prononcés par Maryan à l'autre bout du fil en présence de ses deux témoins (son père et celui de l'appelant) et que par conséquent, ils ont été mariés en février 1995. L'appelant n'est jamais retourné en Somalie, il n'est jamais allé au Kenya et n'a jamais quitté le Canada depuis son soi-disant mariage en février 1995. Maryan n'est jamais venue au Canada, à aucun moment. L'appelant soutient qu'il a divorcé d'elle en janvier 1998, soit un mois après les deux années d'imposition en litige.

[13] Selon l'imam qui a témoigné au début du procès, il est possible d'obtenir la séparation ou le divorce si le mari dit à la femme “ Je te divorce ” trois fois. Le divorce devient alors en vigueur. Le mari peut dire ces paroles à la femme, mais cette dernière ne peut les dire au mari. L'imam a également déclaré que si le mariage devait être enregistré ou certifié, s'il avait lieu entre deux parties qui ne se trouvaient pas au même endroit (comme dans la situation en l'espèce), il serait certifié comme ayant eu lieu seulement à l'endroit où se trouvait l'homme au moment de la cérémonie. Les faits de la présente affaire feraient en sorte que le mariage ait eu lieu en Ontario puisque l'appelant se trouvait à Toronto lorsque cet arrangement téléphonique a eu lieu.

[14] La preuve n'indique pas que l'appelant a entrepris des démarches afin de faire certifier ou enregistrer son mariage grâce à des documents appropriés qu'auraient fournis les deux témoins qui étaient disponibles à l'époque. La preuve n'indique pas qu'une recherche dans le registre des mariages faits en vertu des lois de l'Ontario (où les naissances, les décès et les mariages sont enregistrés) montrerait que l'appelant était marié. La seule preuve de l'existence du mariage de l'appelant devant cette Cour provient de son propre témoignage relativement à ce qui s'est passé au cours de la conversation téléphonique en février 1995 et de l'opinion de l'imam (à laquelle j'accorde peu d'importance) selon laquelle un tel arrangement téléphonique (s'il a eu lieu) serait reconnu en tant que mariage en vertu de la loi islamique.

[15] La présumée épouse n'est jamais venue au Canada, et l'appelant n'est jamais retourné dans son pays d'origine la Somalie ni n'est allé au Kenya. Lui et sa présumée épouse ne se sont jamais trouvés ensemble. Selon la norme de n'importe quelle culture, le mariage est ordinairement contracté, béni et célébré afin de permettre à un homme et à une femme de s'unir et de vivre ensemble. Il existe bien entendu des circonstances extraordinaires comme la guerre qui amènent les gens à s'éloigner de la norme (et il y avait une guerre civile en Somalie), mais Maryan qui était soi-disant l'épouse de l'appelant ne se trouvait pas en Somalie. Elle vivait dans un camp de réfugiés au Kenya. Par conséquent, la guerre civile en Somalie n'est pas ce qui a tenu éloignés l'appelant et sa présumée épouse.

[16] Si le mariage était arrangé, pourquoi l'était-il si les parties devaient ne jamais vivre ensemble? L'appelant a déclaré avoir divorcé de Maryan et que le divorce a eu lieu en janvier 1998 parce qu'il avait entrepris une liaison avec une autre femme au Canada et que sa présumée épouse au Kenya l'avait appris. Quoi qu'il en soit, il est difficile de conclure qu'il y a eu mariage en février 1995 en l'absence de document contemporain. Le représentant de l'appelant a déposé un affidavit qui semble avoir été signé par Maryan. L'avocat de l'intimée s'est fortement opposé à la production de cet affidavit parce qu'il concerne le coeur même de l'affaire et qu'il n'y avait aucune chance d'interroger Maryan au sujet de ses déclarations. Malgré cette objection, dans le but d'obtenir une histoire plus complète, j'ai permis que l'affidavit soit déposé sous la cote A-1, mais j'ai averti le représentant de l'appelant qu'il se pourrait que je ne lui accorde que peu de poids. Après réflexion, j'accorderai plus de poids à l'affidavit que ce que j'avais d'abord pensé. Il est court, alors je vais le reproduire en entier.

[TRADUCTION]

A F F I D A V I T

Je soussignée MARYAN HUSSIEN YUSUF, boîte postale 68837, Nairobi dans la République du Kenya, prête serment et déclare :

1. Que je suis une femme adulte.

2. Que je suis une réfugiée somalienne au Kenya.

3. Que j'ai reçu de mon mari SADAQ MOHAMED AHMED qui est au Canada, les envois d'argent suivants :

Année Dollars canadiens

1996 4 950 $

1997 4 950 $

Total 9 900 $

4. Que je suis par conséquent une personne à charge dudit SADAQ MOHAMED AHMED qui m'a parrainée afin de le rejoindre au Canada.

5. Que je fais le présent affidavit pour que les autorités de l'immigration canadienne m'accordent un visa d'entrée canadien.

6. Que ce qui est mentionné ci-dessus est vrai à ma connaissance.

DÉCLARÉ SOUS SERMENT à Nairobi ce 24e jour )

de mai 1999. )

)

DEVANT MOI :- ) “ Maryan Hussein ”

)

“ Vishnu Sharma ” )

NOTAIRE PUBLIC )

[17] Des déclarations contenues à l'affidavit desservent les intérêts de l'appelant. D'abord, l'affidavit a été signé le 24e jour de mai 1999, environ un mois après le début du présent appel. Si le divorce a eu lieu en janvier 1998, seize mois avant la signature de cet affidavit, pourquoi Maryan appelle-t-elle l'appelant “ mon mari ”? Pourquoi affirme-t-elle au temps présent “ je suis par conséquent une personne à charge ” de l'appelant? Pourquoi affirme-t-elle que cela est fait “ pour que les autorités de l'immigration canadienne m'accordent un visa d'entrée canadien ”? Les termes employés dans l'affidavit ne sont pas compatibles avec le propre témoignage de l'appelant.

[18] Si je devais supposer qu'il y a eu mariage, une autre question se pose quant à savoir si l'appelant a versé des paiements afin de subvenir aux besoins de sa présumée conjointe. Sept documents (pièces A-2 à A-8) ont été décrits par le représentant de l'appelant comme des reçus. Le fait qu'ils constituent des reçus est discutable. Le nom de Maryan n'apparaît que sur deux des sept présumés reçus. La pièce A-2, d'un montant de 1 000 $US, prévoit [TRADUCTION] “ 1 000 $ pour Maryan Hussien Yusuf ”. Il est signé par Omar Sheikh qui a témoigné dans la présente affaire. Il a indiqué être un employé d'une banque à charte canadienne et connaître l'appelant depuis 1991. Il est originaire de la Somalie, mais ne connaissait pas l'appelant quand il était en Somalie. M. Sheikh a affirmé qu'il est allé au Kenya en 1996 à la recherche de ses propres parents à la suite de la guerre civile en Somalie. Il a déclaré avoir pris les 1 000 $ de l'appelant en tant qu'ami, avoir localisé la femme (Maryan) qui est soi-disant la femme de l'appelant et avoir remis à celle-ci les 1 000 $ en mai 1996.

[19] M. Sheikh a semblé être un témoin crédible. Il n'a pas été contre-interrogé de façon exhaustive. On lui a simplement demandé de décliner son identité. Il a produit un passeport canadien démontrant qu'il était entré au Kenya en mai 1996, ce qui est compatible avec son témoignage oral et avec le reçu qui a été déposé sous la cote A-2.

[20] Le nom de Maryan figure également sur la pièce A-7 qui est un document jaune de type bancaire provenant d'un organisme situé sur la rue Bloor (Toronto) qui envoie de l'argent dans le monde entier. À la suite du mot “ bénéficiaire ” se trouve le surnom de l'appelant et en dessous : [TRADUCTION] “ aux soins de Maryan H. Yusuf ” qui est le nom de la présumée conjointe.

[21] Les cinq autres documents (pièces A-3, A-4, A-5, A-6 et A-8) indiquent simplement que l'appelant remettait de l'argent à quelqu'un. Dans deux de ces documents, les montants sont en espèces; les autres ont été envoyés par “ Bico Toronto ”, un organisme situé sur la rue Bloor à Toronto. L'appelant a déclaré qu'il s'assurait que l'argent irait à sa présumée conjointe à chaque occasion en lui téléphonant afin de vérifier si elle l'avait reçu, mais apparemment, au cours de cette période, elle vivait dans un camp de réfugiés, alors il ne pouvait la rejoindre directement. Il téléphonait aux habitants d'une maison située à Nairobi ou dans une collectivité à proximité et ces derniers retrouvaient Maryan qui vivait avec la mère de l'appelant. Il a affirmé que Maryan et sa mère étaient de bonnes amies. En fait, il était allé à l'école secondaire avec Maryan.

[22] Ces documents sonnent faux, car ils sont tous faits en devises américaines et en chiffres ronds. Il n'y a pas de taux de conversion et rien n'indique que les montants d'argent pour lesquels ils sont établis ont été retirés d'une institution financière au Canada. L'appelant est un employé à plein temps d'une entreprise industrielle à Mississauga. Lorsque je lui ai demandé de quelle manière il était payé, il m'a répondu qu'il était payé par chèque toutes les semaines. Je lui ai demandé s'il déposait ses chèques à la banque et il a déclaré qu'au cours des années en cause dans l'appel, il ne le faisait pas. Il apportait ses chèques à une agence d'encaissement de chèque et convertissait ses chèques en espèces. Ce n'est qu'après les deux années en cause dans l'appel qu'il a ouvert un compte bancaire dans lequel il dépose maintenant ses chèques. Il est arrivé au Canada en 1990 à l'âge de 19 ans. Il s'agit encore d'un âge où l'on est influençable même si une personne de 19 ans est un adulte. En 1995, époque à laquelle il a vécu la cérémonie qu'il a décrite, il était au Canada depuis cinq ans. Une personne vivant dans un nouveau pays entre l'âge de 19 et 24 ans s'adapterait, je crois, aux coutumes de ce pays. Dans la culture nord-américaine, les montants importants d'argent sont habituellement payés par chèque. Pourtant, l'appelant a déclaré que pendant ces années, il achetait des dollars américains avec de l'argent canadien et remettait les dollars américains à un tiers en lui disant : “ Vous allez au Kenya. Voudriez-vous prendre cet argent et le remettre à cette femme? ” Ce sont ces montants qui, selon l'appelant, représentent une pension alimentaire payable à sa conjointe.

[23] Les éléments de preuve qui desservent le plus l'appelant sont ses propres déclarations de revenus pour les deux années en cause dans l'appel. Elles ont été préparées par un comptable. Dans chacune des déclarations, se trouve un formulaire de Revenu Canada appelé “ Déclaration de soutien de parents non résidents ”. Tous les espaces blancs sont remplis à la main, et l'appelant a identifié l'écriture comme étant celle du comptable qui avait préparé ses déclarations de revenus. Toutefois c'est l'appelant qui a signé sur la ligne du bas. Chaque formulaire fait état d'un montant de 4 950 $ qui est destiné à la mère de l'appelant et à Maryan. Les formulaires indiquent que Halimo Ali est la mère de l'appelant née en 1946. Sur la ligne suivante, Maryan Hussein est décrite comme la “ conjointe ” née en 1968. Des guillemets de répétition se trouvent sous le montant de 4 950 $ pour indiquer qu'il a été payé aux deux femmes. Leur adresse est celle du camp de réfugiés Utanga au Kenya. Je suis disposé à considérer ces deux déclarations comme étant vraies en partie. Je crois que l'appelant, en tant que fils dévoué, a envoyé de l'argent de temps à autre à sa mère et peut-être à d'autres membres de la famille. Il peut également avoir envoyé de l'argent à Maryan et à sa famille, mais selon la preuve présentée devant moi, je ne peux conclure que l'appelant a versé un montant à Maryan à titre de conjointe. L'appelant est loin d'avoir prouvé qu'il a vraiment contracté mariage avec Maryan ou qu'il lui a versé un montant à titre de pension alimentaire.

[24] La déduction est demandée en vertu de l'article 60. L'appelant a été contre-interrogé sur la question de savoir (s'il était marié) s'il y avait eu rupture du mariage en 1996 ou en 1997 et il a répondu “ non ”. On lui a demandé s'il existait un quelconque accord de séparation écrit et il a répondu “ non ”. On lui a demandé s'il existait la moindre ordonnance ou le moindre jugement d'un tribunal lui imposant de faire ces paiements et il a répondu “ non ”. Il a affirmé qu'il était tenu de le faire en vertu de la loi islamique qui oblige un homme à subvenir aux besoins de sa femme. Le représentant de l'appelant a soutenu que la loi islamique constituait un tribunal compétent et que je devrais la considérer dans ce sens, soit en tant que tribunal lui imposant de faire les paiements. Je ne peux la considérer de cette manière. L'alinéa 60b) tel qu'il était formulé jusqu'à la fin de 1996 utilisait les mots suivants dans sa conclusion :

[...] en vertu d'une ordonnance ou d'un jugement rendus par un tribunal compétent ou en vertu d'un accord écrit [...] au moment où le paiement a été effectué et durant le reste de l'année;

Ces mots ont été interprétés dans un nombre incalculable d'affaires pendant plus de 40 ans. Pour qu'un paiement puisse être déductible en vertu de l'alinéa 60b), ce montant doit avoir été fait selon un accord de séparation écrit ou conformément à une ordonnance ou à un jugement d'un tribunal compétent. Les cours de l'impôt ont considéré comme un tribunal compétent celui qui pouvait rendre une ordonnance ou un jugement qui aurait une incidence sur le mariage. Le représentant de l'appelant a soutenu que le seul tribunal qui pouvait influer sur ce mariage était la loi islamique. Il peut s'agir là de la croyance de l'appelant, mais en vertu du droit de l'Ontario, il devait y avoir une personne compétente (ecclésiastiques, rabbin, juge de paix, juge, etc.) habilitée ou autrement autorisée à unir un homme et une femme dans le mariage.

[25] L'appelant n'a entrepris aucune démarche en vertu des lois de l'Ontario afin d'enregistrer son mariage ou de faire certifier qu'il s'était marié. Il n'y avait rien dans les lois de l'Ontario qui pouvait amener une cour de la province à penser qu'un tribunal pouvait rendre une ordonnance ou un jugement ayant une incidence sur le mariage de l'appelant. En l'absence d'une telle ordonnance ou d'un tel jugement ou encore d'un accord de séparation, le droit de déduire ces montants en vertu de l'article 60 n'existe pas. Ils n'ont pas été faits en vertu d'une ordonnance, d'un jugement ou d'un accord de séparation écrit faisant suite à la rupture d'un mariage. Selon le propre témoignage de l'appelant, si un mariage a existé, il n'y a pas eu rupture.

[26] L'alinéa 118(1)a) autorise un crédit d'impôt lorsqu'un particulier est marié et subvient aux besoins de son conjoint dont il ne vit pas séparé pour cause d'échec du mariage. En d'autres termes, si un homme marié subvient aux besoins de sa conjointe parce qu'ils vivent séparés, mais qu'il n'y a pas échec du mariage, alors un crédit d'impôt peut être accordé. Bien que je sois disposé à croire que le témoin, M. Omar Sheikh, a remis de l'argent à Maryan ou à la mère de l'appelant en 1996, je ne suis pas convaincu que l'appelant était marié à un moment quelconque en 1996. Les appels pour 1996 et 1997 sont rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 16e jour de juin 2000.

“ M. A. Mogan ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 19e jour de décembre 2000.

Benoît Charron, réviseur

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