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Date: 19980129

Dossier: 97-1212-UI

ENTRE :

MARIE-CLAUDE BIRON,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifs du jugement

Le juge G. Tremblay, C.C.I.

Point en litige

[1] Il s’agit de savoir si durant la période du 26 octobre 1995 au 26 octobre 1996, la somme reçue de la Commission de la santé et de la sécurité au travail (ci-après « la CSST » ) est une rémunération assurable.

[2] L’appelante travaillait comme audiologiste auprès du Centre de réadaptation Le Bouclier. Devenue enceinte, elle a demandé un retrait partiel préventif à compter du 3 mars 1996, ce qui a été accordé jusqu’au 26 octobre 1996. Elle travaillait une journée par semaine et était payée aux deux semaines 395,96 $. Pour les autres jours, elle était payée par la CSST. L’appelante aurait reçu de la CSST la somme de 10 860 $ non assurable, selon l’intimé. De plus, elle aurait reçu 6 005 $ de salaire de son employeur, et donc assurable, durant les 20 dernières semaines de son emploi. L’appelante soutient que les sommes reçues de la CSST qui totalisent 10 860 $ doivent être incluses dans la rémunération assurable au même titre que la somme de 6 005 $ reçue de son employeur.

Fardeau de la preuve

[3] L'appelante a le fardeau de démontrer que les cotisations de l'intimé sont mal fondées. Ce fardeau de la preuve découle de plusieurs décisions judiciaires dont un jugement de la Cour suprême du Canada rendu dans l'affaire Johnston c. Le ministre du Revenu national [1].

[4] Dans le même jugement, la Cour a décidé que les faits assumés par l'intimé pour appuyer les cotisations ou nouvelles cotisations sont également présumés vrais jusqu'à preuve du contraire. Dans la présente cause, les faits présumés par l'intimé sont décrits aux alinéas a) à k) du paragraphe 5 de la Réponse à l'avis d'appel. Ce paragraphe se lit comme suit :

5. En rendant sa décision, l’intimé, le ministre du Revenu national, s’est basé, inter alia, sur les faits suivants :

a) Le payeur exploite un centre d’accueil en réadaptation dans la région de Joliette. [admis]

b) Durant la période en litige, l’appelante travaillait comme audiologiste pour le payeur. [admis]

c) L’emploi de l’appelante auprès du payeur était un emploi assurable. [admis]

d) L’appelante était enceinte et a demandé un retrait partiel (retrait préventif) à compter du 3 mars 1996. [admis]

e) L’appelante a été en retrait préventif partiel du 3 mars 1996 au 26 octobre 1996. [admis]

f) Du 3 mars 1996 au 26 octobre 1996, l’appelante travaillait à raison d’une journée par semaine et recevait une rémunération de 395,96 $, aux 2 semaines, pour sa journée de travail. [admis, sauf qu’à l’été, elle prenait des vacances (2 jours)]

g) Pour les autres jours de la semaine, l’appelante était en retrait préventif et recevait une compensation directement de la CSST. [admis]

h) Durant la période du 14 juillet au 3 août 1996, l’appelante n’a reçu aucune somme de la CSST car le payeur lui a versé la rémunération de ses vacances annuelles. [admis]

i) Durant les 20 dernières semaines de la période en litige, soit du 12 mai au 26 octobre 1996, l’appelante a reçu une rémunération totalisant 6 005 $ du payeur. [admis]

j) Entre le 3 mars et le 26 octobre 1996, l’appelante a reçu un total de 10 860,39 $, non assurable, de la CSST. [admis quant au montant de 10 860,39 $, nié pour le reste]

k) Le relevé d’emploi émis par le payeur indique bien le total de la rémunération assurable de l’appelante au cours des 20 dernières semaines de son emploi, soit 6 005 $. [admis]

Faits mis en preuve

[5] Suite aux admissions ci-dessus, la preuve a été complétée par le témoignage de l’appelante, par celui de madame Édith Boucher pour l’intimé et par la production des pièces A-1, A-2, I-1 et I-2.

Témoignage de l'appelante

[6] L’appelante a produit, sous la pièce A-1, vingt-cinq (25) feuilles en liasse démontrant le résumé des faits relatifs à son travail et surtout aux divers montants impliqués.

Au sujet des montants qui apparaissent dans la réponse à l’avis d’appel, il n’y a pas de contestation en litige, si ce n’est que l’appelante ne comprend pas que l’intimé n’admette pas comme rémunération assurable la somme de 10 860 $ versée par la CSST.

[7] Son opinion est fondée en bonne partie sur le fait que des agents ou personnes travaillant pour l’intimé lui ont dit que si la CSST avait adressé le montant à son employeur et que ce dernier le lui aurait versé, ledit montant aurait été assurable. En effet, selon eux, il aurait été alors considéré sur le formulaire T4 de l’employeur comme rémunération.

[8] Madame Édith Boucher, témoin de l’intimé, est agent d’assurabilité. Elle est la personne dont le travail a consisté à déterminer si les sommes reçues de la CSST étaient un revenu assurable ou non. Pour prendre sa décision, elle s’est appuyée sur le paragraphe 3(1) du Règlement sur l’assurance-chômage (perception des cotisations).

[9] Dans son témoignage, l’appelante a aussi expliqué qu’en plus de recevoir des montants de la CSST, elle a profité de 20 semaines de congé maternité. Elle recevait 93 p. cent de son salaire, plus l’allocation d’assurance-chômage maternité, soit 180 $ par semaine. Elle recevait en tout 628 $ net par semaine.

En plus, elle avait droit à un congé parental de dix (10) semaines. Ce congé devait être pris après la naissance de l’enfant et avant que ce dernier ait atteint l’âge d’un (1) an. L’appelante aurait pris cinq (5) semaines de congé au cours de l’été 1997. Toutefois, elle ne recevait alors que 180 $ par semaine. Si on avait considéré les montants reçus de la CSST comme assurables, elle aurait alors reçu 378 $ par semaine.

L’appelante soutient qu’elle a droit de recevoir un montant pour les cinq (5) autres semaines qu’elle n’a pas prises en congé. Elle soutient que la décision de l’intimé a trop retardé avant d’être rendue, sinon elle l’aurait prises durant la période permise.

LOI, JURISPRUDENCE, ANALYSE

[10] La disposition du Règlement sur l’assurance-chômage (perception des cotisations) ( « le Règlement » ) qui régit la présente affaire est le paragraphe 3.(1) qui se lit comme suit :

Rémunération provenant d’un emploi assurable.

3. (1) Aux fins de la présente partie, la rémunération d’une personne provenant d’un emploi assurable correspond à toute rétribution, entièrement ou partiellement en espèces, qu’elle reçoit ou dont elle bénéficie et qui lui est versée par son employeur relativement à cet emploi, à l’exception :

...

[11] La jurisprudence à laquelle l’intimé s’est référé est la suivante :

1- Le ministre du Revenu national c. Alexander Visan,

[1983] 1 C.F. 820 (C.A.F.);

2- Davy Wong et Le ministre du Revenu national,

A-612-94 (C.F.), décision rendue le 20/06/95.

[12] Dans l’affaire Alexander Visan, l’employé avait reçu d’une compagnie d’assurance des prestations d’assurance-invalidité de longue durée en vertu d’un régime d’assurance prévu dans son contrat de travail. Après avoir soulevé l’argument du requérant, la Cour émet les commentaires suivants :

Pour évaluer la validité de cet argument, il convient de ne pas oublier les mots « par son employeur » ni de les séparer de l’alinéa, comme le demande l’avocat du requérant. Même si on pouvait le faire à bon droit, ce ne serait pas nécessaire à mon avis. Il est en revanche indispensable de définir le sens du mot « rémunéré » dans le contexte du règlement. The Shorter Oxford English Dictionary, 3e édition, définit « remunerate » et « remuneration » de la manière suivante :

[TRADUCTION] ... 1. trans. Rembourser, récompenser, offrir en retour (services, etc.). 2. Récompenser (une personne); payer (une personne) pour des services rendus ou des travaux effectués .... D’où Rémunération, récompense, remboursement; paiement, paye.

À mon avis, il ressort de cette définition que le caractère du paiement est déterminé par sa nature. Si on applique ce critère aux sommes versées à l’intimé, il est évident qu’elles ne correspondaient pas à des services rendus mais, dans un sens, se situaient à l’opposé des paiements de ce genre, car elles visaient à dédommager l’intimé, en partie, de la perte des paiements qui auraient été faits pour des services qu’il aurait rendus s’il n’en avait été empêché par son invalidité. Comme le disait l’arrêt The Queen v. The Postmaster General1 [TRADUCTION] « rémunération ... signifie une compensation. Si une personne rend des services, toute contrepartie reçue pour les services qu’il a rendus constitue à mon avis une rémunération de ceux-ci. » En l’espèce, les sommes versées à l’intimé au titre de son invalidité ne peuvent être définies, à mon avis, comme une rémunération au sens du règlement.

1 (1876), 1 Q.B.D. 658 à la p. 663.

[13] Le Petit Robert, édition 1993, définit « rémunération » comme suit : 2 ° Mod. Argent reçu pour prix d’un service, d’un travail. V. Rétribution, salaire.

[14] Dans l’affaire Davy Wong, la Cour d’appel fédérale s’exprime encore sur cette définition de « remuneration » après avoir référé au paragraphe 3.(1) du Règlement sur l’assurance-chômage (perception des cotisations) et au paragraphe 57(2) :

Est considéré comme une rémunération au sens du paragraphe 57(2) le revenu provenant « de tout emploi » . La définition d’ « emploi » qui figure dans la même disposition exige la présence d’un contrat. Par conséquent, pour que le revenu provenant d’un employeur constitue une rémunération, il doit avoir été payé dans le cadre d’un contrat de travail. En l’espèce, les sommes versées n’étaient pas prévues par le contrat de travail du requérant. Nous estimons que les versements effectués par erreur ne « proviennent pas » d’un emploi et ne constituent pas une rémunération, puisqu’ils n’ont pas été effectués en vertu d’un contrat de travail. Les paiements qu’a reçus le requérant découlent du fait qu’il était employé mais ils n’ont pas été effectués à titre d’indemnité versée à un employé, ou à titre de rémunération pour des services rendus dans le cadre du contrat de travail. ...

[15] Dans la présente affaire, les sommes reçues de la CSST ne sont pas des sommes résultant d’un travail ou d’un service rendu. Si la CSST, au lieu d’adresser les sommes directement à l’employée, les avait adressées à l’employeur, cela n’aurait pas changé la nature de la somme remise en « rémunération » . Il n’y avait pas eu de travail ou de service rendu à l’employeur.

[16] Quant à la prétention de l’appelante qu’elle devrait recevoir en argent les cinq (5) semaines qu’elle n’a pas prises à cause du retard de l’intimé à prendre une décision, la Cour n’a pas juridiction à cet effet. Toutefois, dans les documents produits sous la pièce A-1 par l’appelante, on y trouve la lettre du 7 mai 1997 émanant du chef de la division des Appels, informant l’appelante que les gains assurables étaient de 6 005 $ et il réfère au paragraphe 3.(1) du Règlement sur l’assurance-chômage (perception des cotisations). Il informe aussi l’appelante que si elle n’est pas d’accord avec cette décision, elle peut en appeler à la Cour canadienne de l’impôt.

L’appelante aurait dû déduire qu’il était plus certain de prendre les cinq (5) autres semaines avant le premier anniversaire de son enfant le 27 octobre 1997.

Conclusion

[17] L’appel est rejeté.

« Guy Tremblay »

J.C.C.I.

Québec, Canada, ce 29e jour de janvier 1998.



[1] [1948] R.C.S. 486, 3 DTC 1182, [1948] C.T.C. 195.

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