Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date: 19980616

Dossier: 97-52-UI; 97-78-CPP

ENTRE :

RAYMOND STERN,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifs du jugement

Le juge Lamarre, C.C.I.

[1] Il s'agit d'appels contre des règlements d'une question par le ministre du Revenu national (le “ ministre ”) en vertu de l'article 61 de la Loi sur l'assurance-chômage (la “ Loi ”) et de l'article 27 du Régime de pensions du Canada (le “ Régime ”). Selon ces règlements, pendant qu'il travaillait pour l'appelant du 15 novembre 1992 au 20 novembre 1995, M. George Inniss exerçait un emploi assurable au sens de l'alinéa 3(1)a) de la Loi et un emploi ouvrant droit à pension au sens de l'alinéa 6(1)a) du Régime.

[2] Le ministre a fondé ses règlements d'une question sur les hypothèses de fait énoncées au paragraphe 4 de la réponse à l'avis d'appel, qui se lit comme suit :

[TRADUCTION]

a) l'appelant possède des immeubles à usage locatif;

b) les immeubles à usage locatif en question sont situés au 91, rue James et au 519, rue Gilmour, à Ottawa;

c) l'employé a été embauché par l'appelant en vue de fournir des services de conciergerie et d'entretien aux endroits désignés à l'alinéa b) ci-dessus;

d) l'employé était notamment chargé de percevoir les loyers des locataires, de distribuer le courrier et de montrer les lieux aux locataires éventuels;

e) l'employé habitait dans un des immeubles et effectuait son travail pour l'appelant dans ces immeubles;

f) sur la porte du logement de l'employé était apposé un écriteau indiquant que le bureau était ouvert de 9 à 18 h;

g) en 1993, l'appelant versait 100 $ par mois en espèces à l'employé et lui fournissait également un logement gratuit, dont la valeur locative était de 450 $ par mois;

h) juste avant de cesser de travailler pour l'appelant, l'employé gagnait 600 $ par mois en espèces et, de plus, il avait droit à un logement gratuit, dont la valeur locative était de 550 $ par mois;

i) l'employé ne versait pas d'argent à l'appelant pour son logement, mais l'appelant exigeait que l'employé lui remette un reçu à l'égard du loyer qu'il lui avait censément versé;

j) le taux de rémunération de l'employé était fixé par l'appelant;

k) en plus de s'acquitter des tâches mentionnées aux alinéas c) et d) ci-dessus, l'employé effectuait des réparations ou exécutait des travaux dans d'autres immeubles appartenant à l'appelant;

l) l'appelant versait une rétribution supplémentaire à l'employé pour les travaux additionnels exécutés par celui-ci, dont est fait mention à l'alinéa k) ci-dessus;

m) l'employé devait exécuter les travaux lui-même et tout remplaçant devait être approuvé par l'appelant;

n) c'était l'appelant qui décidait des heures de travail de l'employé;

o) l'employé était supervisé par l'appelant, qui se rendait fréquemment sur les lieux;

p) l'employé devait régulièrement rendre compte à l'appelant;

q) l'appelant fournissait le matériel et les fournitures nécessaires pour permettre à l'employé d'effectuer son travail;

r) l'employé n'engageait pas de dépenses dans l'exercice de ses fonctions pour l'appelant;

s) l'appelant avait la préférence en ce qui concerne la prestation des services de l'employé certains jours et pendant certaines heures;

t) l'employé ne pouvait pas réaliser de bénéfices ou subir de pertes en fournissant ses services à l'appelant;

u) l'employé fournissait ses services à l'appelant sur une base régulière et continuelle;

v) l'employé faisait partie intégrante de l'entreprise de l'appelant étant donné que ce dernier faisait la location de chambres et de logements, et que l'employé assurait des services de conciergerie, d'entretien et de réparation dans les immeubles de l'appelant;

w) l'employé ne se présentait d'aucune façon comme travailleur autonome;

x) l'employé travaillait pour l'appelant en vertu d'un contrat de louage de services.

[3] Le représentant de l'appelant a uniquement admis les faits énoncés aux alinéas 4a), b) et f) ci-dessus. Il a nié toutes les autres allégations. Il a appelé l'appelant à témoigner et l'avocat de l'intimé a appelé M. George Inniss à témoigner. Les dépositions des deux témoins divergeaient sur presque tous les aspects de l'entente qu'ils avaient conclue entre eux.

[4] L'appelant a témoigné que M. Inniss avait été embauché à titre d'agent de location chargé de recouvrer les loyers et de rencontrer les nouveaux locataires éventuels de façon que les 23 logements de l'immeuble soient tous loués tous les mois. M. Inniss a déclaré avoir été embauché comme gérant d'immeuble à la suite d'une offre d'emploi que l'appelant avait fait paraître dans le journal en novembre 1992.

[5] Selon l'appelant, M. Inniss s'est présenté comme étant un concierge travaillant pour son propre compte. M. Inniss a témoigné qu'il n'avait jamais travaillé comme gérant d'immeuble auparavant. Il avait déjà travaillé pour le centre communautaire juif comme homme à tout faire, effectuant des travaux d'entretien de 15 h à 23 h, six jours par semaine.

[6] Selon l'appelant, M. Inniss devait organiser des entrevues et décider si les gens qu'il interviewait devaient être acceptés comme locataires. L'appelant était simplement informé après coup de la location d'un logement. M. Inniss a affirmé que c'était l'appelant qui faisait paraître les annonces dans les journaux afin de trouver de nouveaux locataires et que l'appelant avait toujours le dernier mot en ce qui concerne le choix des locataires.

[7] L'appelant a décidé que M. Inniss devait être présent les deux derniers jours de chaque mois pour percevoir les loyers, mais que sauf pour les travaux courants de nettoyage qu'il devait exécuter pendant le mois, il n'avait pas à être toujours présent. L'appelant s'attendait à ce que M. Inniss nettoie les couloirs et les salles de bains que les locataires partageaient, pour qu'ils soient propres, mais il ne s'attendait pas à ce que M. Inniss les nettoie tous les jours. Quant au courrier des locataires, l'appelant avait dit à M. Inniss soit de le laisser dans le vestibule pour que les locataires aillent le chercher, soit de le glisser sous leur porte.

[8] M. Inniss a témoigné qu'il était principalement chargé de s'occuper de l'immeuble (nettoyage, réparations mineures, arrosage des plantes, livraison du courrier, pelletage de la neige en hiver), de percevoir les loyers et de trouver de nouveaux locataires. Il s'occupait également des problèmes mineurs qui pouvaient se poser entre les locataires ou entre les locataires et le propriétaire. Il a dit que les locataires s'adressaient à lui en moyenne deux ou trois fois par semaine et que, s'il s'agissait d'une question importante, il les dirigeait vers l'appelant. Les locataires s'attendaient à ce qu'il soit présent de 9 à 18 h (soit aux heures indiquées sur l'écriteau sur la porte de son logement), mais qu'il les encourageait à venir le voir le matin car c'était à ce moment-là qu'il effectuait les travaux courants. M. Inniss a déclaré que, dans le cadre de cet emploi, il travaillait généralement entre 7 h et midi tous les jours, soit en tout environ 60 heures par mois. Si l'appelant voulait le rencontrer l'après-midi, M. Inniss s'arrangeait pour être disponible.

[9] Quant aux modalités de paiement, l'appelant a affirmé qu'il avait conclu une entente ad hoc avec M. Inniss. Il a déclaré que si l'immeuble était loué au complet, il remettait à M. Inniss le plein montant de sa commission d'agent de location. Lorsque M. Inniss a commencé à travailler pour lui, il gagnait 200 $ par mois et la commission d'agent de location est allée en augmentant pour atteindre 600 $ par mois. L'appelant a témoigné que si l'immeuble n'était pas complètement loué, il ne remettait pas à M. Inniss la totalité de la commission d'agent de location. Par contre, il pouvait arriver qu'un logement soit loué à deux locataires. En pareil cas, M. Inniss touchait une prime. Toutefois, l'appelant a concédé que l'immeuble était loué au complet presque tout le temps et que, M. Inniss touchait en fait la totalité de sa commission. Ce montant était versé en espèces, à la demande de M. Inniss, deux fois par mois. L'appelant a déclaré qu'il n'avait pas sur lui les reçus se rapportant à la commission supplémentaire qui avait censément été versée à M. Inniss.

[10] Si l'appelant demandait à M. Inniss d'exécuter des travaux divers additionnels, il lui versait 10 $ l'heure ou, le plus souvent, ils s'entendaient sur un prix fixe. L'appelant a apporté quelques reçus se rapportant à divers travaux que M. Inniss avait ainsi exécutés (nettoyage des fenêtres, peinture et réparations). L'un de ces reçus se rapportait à un montant versé à M. Inniss parce qu'il avait envoyé un locataire à un autre immeuble appartenant à l'appelant.

[11] L'appelant fournissait également à M. Inniss un logement gratuit. L'appelant a déclaré qu'il ne payait pas les frais de téléphone ni les frais des travaux d'écritures. Il a déclaré que M. Inniss n'était pas obligé d'habiter dans l'immeuble, mais a reconnu que cela présentait l'avantage de la commodité. Il a reconnu que les gérants des trois immeubles à usage locatif qu'il possédait habitaient sur les lieux. M. Inniss a déclaré qu'il était entendu au départ qu'il devait habiter sur les lieux. M. Inniss gagnait 600 $ par mois, plus un montant mensuel de 525 $ correspondant à la valeur locative de son appartement meublé. Il a déclaré que l'appelant devait payer les frais de téléphone et de télédistribution. M. Inniss a corroboré le fait que l'appelant lui avait versé des commissions d'aiguillage, mais il a dit que cela n'était arrivé qu'une dizaine de fois en l'espace de trois ans.

[12] En ce qui concerne les outils, l'appelant a témoigné qu'il fournissait les produits de nettoyage ainsi que quelques appareils qu'il gardait dans un garage dans l'un de ses immeubles et que M. Inniss pouvait utiliser. Il a également dit que M. Inniss possédait beaucoup d'outils et qu'il possédait son propre équipement de déneigement et ses propres outils de jardinage. De fait, l'appelant a déclaré que M. Inniss travaillait pour d'autres gens, faisant du jardinage pendant l'été ou du déneigement en hiver, ou obtenant des contrats pour effectuer des travaux en électricité.

[13] M. Inniss a nié posséder du matériel. Il utilisait le matériel de l'appelant. Il a affirmé qu'il n'avait jamais fait de la publicité annonçant ses services pour le déneigement ou pour d'autres genres de travaux. Il a affirmé que pendant la période en question, il travaillait également pour la Ottawa School of Ballet comme homme à tout faire, et qu'il s'y était occupé de l'entretien jusqu'en 1994. Par la suite, il a travaillé le soir dans un restaurant. Il a dit que ces autres emplois ne nuisaient pas au travail qu'il effectuait pour l'appelant. Il a également déclaré qu'il était arrivé une fois qu'un voisin lui demande d'enlever la neige de sa voie d'accès. Toutefois, il a refusé en disant qu'il ne voulait pas le faire pendant les heures où il travaillait pour l'appelant.

[14] M. Inniss avait droit à 10 jours de congé annuel. L'appelant a déclaré que M. Inniss devait trouver quelqu'un pour le remplacer pendant qu'il était en congé. M. Inniss a affirmé que c'était l'appelant qui avait proposé qu'il demande à un locataire de le remplacer et qu'il obtenait au préalable l'autorisation de l'appelant.

[15] Une lettre non datée signée par l'appelant a été produite en preuve sous la cote R-1. L'appelant a déclaré avoir préparé cette lettre en 1994 à la demande de M. Inniss, à qui on avait offert la possibilité de fournir des services de conciergerie dans un autre immeuble. Cette lettre se lit comme suit :

[TRADUCTION]

À qui de droit

George Inniss travaille pour moi, Raymond Stern, depuis le mois de novembre 1992 comme gérant d'un immeuble d'habitation.

George a toujours été très fiable, honnête et responsable dans l'exercice de ses fonctions, qui consistent notamment à percevoir les loyers, à surveiller les locataires et à s'occuper des travaux et de l'entretien généraux.

[16] En novembre 1995, la relation entre l'appelant et M. Inniss a commencé à se détériorer. Selon l'appelant, il est devenu de plus en plus difficile de communiquer avec M. Inniss, qui, prétendait l'appelant, avait cessé de faire du travail pour lui. M. Inniss avait expulsé l'appelant de son appartement et, le 11 novembre 1995, avait obtenu à l'égard de l'appelant une assignation en vertu de la Loi sur les infractions provinciales, l'accusant d'entrée non autorisée contrairement à la Loi sur la location immobilière (pièce A-2). L'appelant a déclaré avoir été acquitté de cette accusation.

[17] L'appelant a répondu en envoyant à M. Inniss une lettre datée du 15 novembre 1995 (pièce R-2), qui se lit comme suit :

[TRADUCTION]

OBJET : Votre emploi de gérant

Monsieur,

La présente vise à confirmer les dispositions qui ont été prises pour que vous cessiez d'exercer votre emploi le vendredi 24 novembre, date à laquelle vous aurez quitté les lieux paisiblement avec vos effets personnels.

Vous toucherez votre rémunération au complet jusqu'à la fin du mois.

Veuillez apposer votre signature au bas de cette lettre pour confirmer que vous acceptez ces dispositions.

Veuillez agréer, Monsieur, mes meilleurs salutations.

[18] L'appelant a ensuite envoyé un avis aux locataires les informant que George Inniss n'était plus gérant de l'immeuble (91, rue James) et leur demandant de cesser de lui verser leur loyer (pièce R-3).

[19] L'appelant a témoigné qu'il avait offert à M. Inniss la somme de 300 $ pour qu'il parte, étant donné que celui-ci refusait de quitter. Il a ensuite intenté une action en justice pour l'obliger à quitter les lieux.

[20] Par la suite, l'appelant a appris qu'un feuillet T-4 avait été établi au nom de M. Inniss pour l'année 1995, lequel indiquait un revenu d'emploi de 10 377 $ que M. Inniss avait gagné pendant qu'il travaillait pour l'appelant, ainsi que des retenues à la source au titre des cotisations au RPC et des cotisations d'assurance-chômage. L'appelant, qui n'avait pas établi de feuillet T-4, était fort surpris. Le ministère du Travail de l'Ontario lui a fait savoir que le feuillet T-4 avait été fait pour que M. Inniss puisse toucher des prestations d'assurance-chômage.

[21] M. Inniss a témoigné qu'il avait demandé à l'appelant à plusieurs reprises si des sommes avaient été retenues à la source sur son revenu et que l'appelant avait répondu que cela n'avait pas d'importance étant donné que personne ne le saurait. M. Inniss a déclaré qu'il déposait chaque mois 200 $ dans un compte bancaire distinct afin de payer ses cotisations lorsqu'il cesserait de travailler pour l'appelant. De fait, après avoir été congédié, M. Inniss a mis Revenu Canada au courant de tout. Il a affirmé ne pas avoir présenté de demande de prestations d'assurance-chômage après avoir cessé de travailler pour l'appelant.

Analyse

[22] Je dois déterminer si, pendant la période en cause, M. Inniss travaillait pour l'appelant en vertu d'un contrat de louage de services conformément à l'alinéa 3(1)a) de la Loi ainsi qu'au paragraphe 2(1) et à l'alinéa 6(1)a) du Régime. Pour ce faire, il faut analyser les critères adoptés dans l'arrêt Wiebe Door Services Ltd. v. M.N.R.[1], soit le contrôle, la propriété des instruments de travail, les chances de bénéfice et les risques de perte ainsi que le critère d'intégration ou d'organisation — c.-à-d. le critère consistant à déterminer si l'appelant travaillait pour sa propre entreprise ou pour le payeur —, afin de définir dans son ensemble la relation qui existait entre les parties au contrat.

[23] Étant donné les divergences qui existaient entre les dépositions des témoins, c'est en fait la crédibilité qui est ici en cause. Étant donné que la preuve indiquait l'existence de certains éléments propres à un contrat de louage de services et de certains éléments propres à un contrat d'entreprise, je dois statuer sur l'affaire en tenant compte de la preuve dans son ensemble et accorder plus d'importance au témoignage qui, selon moi, est le plus vraisemblable.

[24] En ce qui concerne le contrôle que l'appelant exerçait sur le travail effectué par M. Inniss, même s'il ne l'exerçait pas régulièrement, il me semble que l'appelant avait dans une certaine mesure le droit de contrôler le travail de M. Inniss[2]. L'appelant a témoigné qu'il ne rencontrait pas M. Inniss régulièrement, mais il a admis qu'il se rendait sur les lieux au moins deux fois par mois pour payer M. Inniss : une fois à la fin du mois lorsqu'il recevait les loyers et de nouveau au milieu du mois lorsqu'il profitait de l'occasion pour vérifier si l'immeuble était propre et si tout allait bien. L'appelant a également dit, en parlant des modalités de location, que c'était bien lui qui supervisait la location. Il s'attendait à ce que M. Inniss lui fasse un rapport au sujet de la location des chambres ou il communiquait lui-même avec M. Inniss pour se renseigner à ce sujet. Quant au témoignage de M. Inniss, il laissait clairement entendre que l'appelant exerçait un contrôle sur son travail. S'il y avait des problèmes avec les locataires, M. Inniss les signalait certainement à l'appelant. M. Inniss obtenait l'autorisation de l'appelant avant de louer un logement. De même, lorsqu'il s'agissait de se faire remplacer, M. Inniss choisissait quelques personnes et il ne pouvait pas confier ses tâches à qui que ce soit sans obtenir au préalable l'approbation de l'appelant. Dans cette mesure, si la version des faits donnée par M. Inniss est exacte, l'exigence voulant qu'il ait été embauché en vertu d'un contrat de louage de services a été remplie (voir Dr. William H. Alexander v. Minister of National Revenue, 70 DTC 6006 (C. de l'É.).

[25] Quant à l'horaire de travail, l'appelant a témoigné que les heures de M. Inniss n'étaient pas fixes, mais il a néanmoins reconnu que M. Inniss devait s'acquitter chaque jour de certaines tâches (nettoyage, courrier, réparations, etc.). M. Inniss a déclaré que même si les locataires s'attendaient à ce qu'il soit disponible de 9 à 18 h, il effectuait son travail entre 7 h et midi. Il a également dit qu'il n'acceptait pas de faire d'autres travaux qui auraient nui au travail qu'il effectuait pour l'appelant. Par ailleurs, M. Inniss avait une certaine latitude et il n'avait pas réellement à rendre compte du nombre d'heures qu'il travaillait et de ce qu'il faisait pendant ces heures. Toutefois, si l'appelant lui demandait d'être présent, M. Inniss devait être disponible.

[26] Quant à la rétribution, l'appelant a dit que M. Inniss était rémunéré en fonction du nombre de logements loués, mais il a admis que M. Inniss avait régulièrement touché un montant fixe (deux fois par mois) pendant toute la période où il avait travaillé pour lui, lequel montant était en sus du logement gratuit. Il semble qu'il ne soit arrivé qu'à quelques reprises que M. Inniss eût touché une rétribution supplémentaire pour avoir envoyé des locataires à d'autres immeubles de l'appelant. Par ailleurs, M. Inniss et l'appelant ont tous les deux témoigné que s'il fallait effectuer du travail supplémentaire, ils s'entendaient sur un prix. En outre, M. Inniss n'était pas payé lorsqu'il était en congé étant donné qu'il devait se faire remplacer par une autre personne qui était payée à sa place.

[27] En ce qui concerne le matériel, l'appelant fournissait tout ce qu'il fallait pour effectuer le travail. Il existait certaines contradictions au sujet du matériel appartenant à M. Inniss, mais je suis convaincue que M. Inniss n'était pas obligé d'utiliser ses propres outils lorsqu'il effectuait son travail pour l'appelant.

[28] Quant aux chances de bénéfice et aux risques de perte, je n'estime pas devoir accorder beaucoup d'importance à la question des chances de bénéfice. M. Inniss touchait un salaire fixe et avait un logement gratuit. Je ne crois pas que le travail supplémentaire qu'il a effectué et les commissions d'aiguillage minimes qu'il a touchées pendant la période en cause soient si importants qu'il est possible de le considérer sur cette base comme un entrepreneur indépendant. De plus, j'estime que la preuve n'a pas révélé qu'il y avait des risques de perte pour M. Inniss. Lorsque l'appelant a voulu congédier M. Inniss, il a dû lui verser la totalité de ses commissions jusqu'à la fin du mois et il a été obligé de s'adresser aux tribunaux pour contraindre M. Inniss à quitter les lieux.

[29] Quant à la question de l'intégration des activités de M. Inniss dans l'entreprise de l'appelant, on peut constater à première vue l'existence d'éléments propres à un contrat de louage de services et d'éléments propres à un contrat d'entreprise, surtout si on tient compte des diverses contradictions entre les dépositions des témoins. Toutefois, je conclus que l'appelant a eu recours aux services de M. Inniss non pas pour l'exécution d'un contrat bien précis mais plutôt pour l'accomplissement de tâches générales. Comme l'appelant l'a dit, et comme il en est fait mention dans la lettre qui a été produite sous la cote R-1, M. Inniss agissait à titre de gérant d'un immeuble d'habitation. Dans la même lettre, l'appelant a dit que les fonctions de M. Inniss consistaient “ à percevoir les loyers, à surveiller les locataires et à s'occuper des travaux et de l'entretien généraux ”. En ce sens, M. Inniss n'agissait pas comme une personne qui exploitait sa propre entreprise, mais à titre d'employé de l'appelant. Un gérant d'immeuble d'habitation doit généralement être toujours présent. Le fait que M. Inniss travaillait également ailleurs pendant la période en question ne change rien, à mon avis, à la nature de la relation contractuelle qu'il avait avec l'appelant. De fait, M. Inniss travaillait ailleurs le soir alors qu'il devait être au service de l'appelant de 9 h à 18 h.

[30] Compte tenu de tous ces divers éléments, je suis d'avis que l'appelant n'a pas établi selon la prépondérance des probabilités que M. Inniss n'était pas employé en vertu d'un contrat de louage de services pendant la période en question et, par conséquent, l'emploi de M. Inniss était assurable en vertu de la Loi et ouvrait droit à pension en vertu du Régime.

[31] Par conséquent, les appels sont rejetés et le règlement de la question par le ministre est confirmé.

Signé à Ottawa, Canada, ce 16e jour de juin 1998.

“ Lucie Lamarre ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 15e jour de décembre 1998.

Erich Klein, réviseur



[1]               87 DTC 5025.

[2]               C'est le droit d'exercer un contrôle plutôt que l'exercice effectif de ce contrôle qui détermine la nature de la relation entre les parties au contrat. Voir Attorney General of Canada v. Gayle Hennick and Royal Conservatory of Music (1995), 179 N.R. 315 (C.A.F.).

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.