Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date: 19980527

Dossier: 96-2148-GST-I

ENTRE :

920866 ONTARIO LIMITED,

s/n STEVENSON CONSTRUCTION,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Mogan, C.C.I.

[1] Dans le présent appel, il s'agit de savoir si l'appelante peut être soustraite à l'obligation de payer une pénalité qui lui avait été imposée en vertu de l'article 280 de la Loi sur la taxe d'accise, article qui fait partie du texte législatif qui prévoit la taxe sur les produits et services ( « TPS » ). L'appelante a opté pour la procédure informelle.

[2] Les actions de l'appelante sont détenues par Delores Stevenson. Les actions de la Huron Forest Inc. ( « Huron Forest » ) sont détenues par l'époux de Delores. La Huron Forest oeuvre dans le domaine de l'exploitation forestière. Les droits ou cotisations payables en vertu du régime d'indemnisation des accidents du travail de l'Ontario sont élevés dans le cas d'une exploitation forestière, en raison du risque élevé de blessures pour les employés qui travaillent dans cette exploitation. La société appelante a été créée à seule fin d'employer les personnes qui ne travaillent pas directement dans l'exploitation forestière et qui, par ailleurs, auraient pu être employées par la Huron Forest. Par exemple, l'appelante employait le cuisinier, le mécanicien, le conducteur de bulldozer, la teneuse de livres (Delores) et la personne préposée à l'entretien. Les services de ces personnes employées par l'appelante étaient fournis à la Huron Forest à la condition que cette dernière rembourse l'appelante pour ses services de paye. Pour reprendre les termes de Delores, l'appelante « est une compagnie de services de paye pour la Huron Forest » .

[3] Le but premier de la constitution de l'appelante avait été atteint : la Huron Forest payait des droits ou cotisations élevés en vertu du régime d'indemnisation des accidents du travail seulement pour les employés oeuvrant dans l'exploitation forestière, tandis que l'appelante payait des droits ou cotisations moins élevés pour les autres employés.

[4] Chaque mois, la Huron Forest versait à l'appelante (en sa qualité de « compagnie de services de paye » ) une somme suffisante pour rembourser l'appelante des frais de ses services de paye. L'appelante n'avait jamais pensé à s'inscrire aux fins de la TPS, car elle n'avait aucun matériel ou autre actif, aucune exploitation commerciale et aucun client public. Si l'appelante s'était inscrite aux fins de la TPS et avait demandé la TPS à la Huron Forest pour ses services de paye, la TPS payée par la Huron Forest à l'appelante aurait été recouvrée par la Huron Forest comme crédit de taxe sur les intrants.

[5] Toutefois, le fait est que l'appelante était obligée de s'inscrire aux fins de la TPS et qu'elle aurait dû demander la TPS à la Huron Forest relativement à ses services de paye. Au printemps 1995, Revenu Canada a effectué une vérification concernant l'appelante et a établi à l'égard de celle-ci une cotisation de TPS de 28 062,59 $, plus des intérêts de 3 085,39 $ et une pénalité de 3 414,98 $, pour la période allant du 1er avril 1992 au 31 décembre 1994. L'appelante a accepté son obligation de payer la somme de 28 062,59 $ au titre de la TPS, du fait que la compagnie affiliée (Huron Forest) obtiendrait un crédit de taxe sur les intrants correspondant à ce montant. En d'autres mots, ce serait une « opération sans effet fiscal » . L'appelante s’est cependant opposée aux intérêts et aux pénalités fixés dans la cotisation.

[6] En réponse à l'opposition de l'appelante, la ministre du Revenu national a annulé les intérêts de 3 085,39 $ et a annulé la pénalité de 3 414,98 $, qu'elle a toutefois remplacée par une pénalité réduite représentant 4 p. 100 de la taxe seulement. Cette pénalité réduite était de 1 122,50 $ (soit précisément 4 p. 100 de 28 062,59 $). Dans le présent appel, le seul point en litige tient à l'obligation de l'appelante de payer cette pénalité réduite.

[7] Les dispositions pertinentes de la loi relative à la TPS sont les suivantes :

280(1) Sous réserve du présent article et de l'article 281, la personne qui ne verse pas ou ne paie pas un montant au receveur général dans le délai prévu par la présente partie est passible de la pénalité et des intérêts suivants, calculés sur ce montant pour la période commençant le lendemain de l'expiration du délai et se terminant le jour du versement ou du paiement :

a) une pénalité de 6 % par année;

b) des intérêts au taux réglementaire.

281.1(1) Le ministre peut annuler les intérêts payables par une personne en application de l'article 280, ou y renoncer.

   (2) Le ministre peut annuler la pénalité payable par une personne en application de l'article 280, ou y renoncer.

Comme l'indique le paragraphe 280(1), la pénalité de « 6 % par année » et les intérêts au « taux réglementaire » sont calculés pour une période définie. Autrement dit, la pénalité et les intérêts augmentent jusqu'au « jour du versement ou du paiement » . Conformément au pouvoir discrétionnaire que lui confère l'article 281.1, la ministre a renoncé à tous les intérêts, mais à une partie seulement de la pénalité. Voir la pièce R-3. La pénalité restante est un montant fixe représentant 4 p. 100 de la taxe et n'est pas calculée par rapport à une période donnée.

[8] L'avocat de l'intimée a fourni à la Cour un bulletin de Revenu Canada (B-074 — 28 novembre 1994) intitulé Lignes directrices visant la réduction des pénalités et des intérêts dans les cas d' « opérations sans effet fiscal » . Les passages pertinents de ce bulletin se lisent comme suit :

S'il y a opération sans effet fiscal, le ministre envisagera une renonciation ou une annulation à l'égard de la partie des pénalités et des intérêts, payables au moment où on établit la cotisation, qui excède 4 % de la taxe que le fournisseur n'a pas dûment perçue.

S'il est établi que le montant des pénalités et des intérêts qui excède 4 % de la taxe non perçue fera l'objet d'une renonciation ou d'une annulation, le ministre annulera d'abord la totalité ou une partie des intérêts, ou y renoncera. Dans la plupart des cas, le solde correspondant à 4 % constitue la pénalité payable en plus du montant établi pour tenir compte de la TPS qui n'était pas dûment facturée.

[...]

Dans tous les cas où le ministre envisage d'annuler les pénalités et les intérêts, ou d'y renoncer, il se réserve toujours le droit de n'annuler qu'une partie des pénalités et des intérêts, ou de ne renoncer qu'à une partie de ceux-ci. Il peut également limiter la renonciation ou l'annulation, totale ou partielle, à un seul des éléments.

[...]

Normalement, le ministre examinera automatiquement, lors du processus de vérification, la possibilité de renoncer aux pénalités et aux intérêts qui dépassent 4 % de la taxe qui n'a pas été dûment facturée dans le cadre d'une opération sans effet fiscal. Il pourra aussi étudier les demandes présentées après qu'un avis de cotisation a été émis.

[9] À mon avis, la ministre a un pouvoir discrétionnaire en vertu de l'article 281.1 lorsqu'elle examine la question de savoir s'il convient de renoncer à l'ensemble ou à une partie d'intérêts ou de pénalités qui ont été fixés dans la cotisation. Aucun élément de preuve ou autre indication ne m'amène à penser que la ministre n'a pas exercé son pouvoir discrétionnaire d'une manière appropriée. La décision de la ministre de ramener la pénalité à une somme fixe représentant 4 p. 100 de la taxe ne semble pas excéder le pouvoir discrétionnaire que lui accorde l'article 281.1. En conséquence, je maintiens la cotisation, j’ordonne à l'appelante de payer la pénalité de 1 122,50 $ et je rejette l'appel.

Signé à Ottawa, Canada, ce 27e jour de mai 1998.

« M. A. Mogan »

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 8e jour de janvier 1999.

Isabelle Chénard, réviseure

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.